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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 045 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 13 décembre 2022

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

    Chers collègues, je suis désolé pour la réorganisation, mais ces deux heures ont été très difficiles à coordonner.
    Je tiens à féliciter tout particulièrement notre greffier et les personnes qui ont travaillé dur pour assurer la tenue de cette réunion. Ce n'est peut-être pas l'ordre idéal que nous aurions souhaité, mais les choses sont ce qu'elles sont, et nous remercions tout le monde de leur souplesse.
    Je vois que Mme Arbour est en ligne et qu'elle dispose du bon casque d'écoute, qui, disons, est la source d'une blague d'initiés.
    Avant que je vous prie de faire votre déclaration liminaire, madame Arbour, je tiens, en tant qu'ancien juriste praticien, à vous témoigner mon admiration pour votre travail. Au fil des ans, vous avez fait honneur à votre profession non seulement à titre de juge, mais aussi à titre d'avocate. Je tiens à le dire parce que je suis un grand admirateur de Mme Arbour. Merci une fois de plus pour les services que vous avez rendus à notre pays.
    Sur ce, madame Arbour, comme je l'ai dit, l'ordre n'est pas optimal, mais c'est ainsi. J'ai hâte de vous entendre durant les quelques minutes à venir. Nous passerons ensuite aux questions.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

     Monsieur le président, chers membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invitée à répondre à vos questions concernant le rapport que j'ai soumis à la ministre de la Défense nationale, en mai dernier, et qui porte sur l'inconduite sexuelle et le leadership au sein des Forces armées canadiennes.
    Je souligne ces deux volets parce qu'ils sont d'égale importance. Ces deux questions sont aussi interreliées.
    L'ampleur de l'inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes, y compris au sein des grades supérieurs, était déjà très bien documentée, notamment dans le rapport de mon ancienne collègue la juge Deschamps, les nombreux sondages menés par Statistique Canada, des rapports du vérificateur général, les recours collectifs Heyder et Beattie et de nombreux rapports dans les médias. Mes efforts de mise à jour de cette question, y compris par l'écoute de nombreux témoignages des membres de la Force régulière et de la Force de réserve, des membres actifs et retraités, ont confirmé sans ambiguïté l'état des choses et, malheureusement, le peu de progrès réalisé à ce jour pour y remédier.
    La deuxième partie de mon rapport portait sur le développement du leadership en lien avec la persistance des agressions, des abus et de toutes sortes de formes de harcèlement et de discrimination d'ordre sexuel dans l'organisation. Cet aspect, qui n'avait pas encore fait l'objet d'un examen externe approfondi, s'est avéré une tâche extrêmement laborieuse consistant à étudier des procédures et des pratiques détaillées et complexes touchant à la fois le recrutement, la formation, la gestion des ressources humaines et, en particulier, les processus d'évaluation de la performance et les promotions.
    Finalement, vu les recommandations antérieures à ce sujet, je me suis penchée en particulier sur la question de la surveillance externe et de la responsabilité des membres de la chaîne de commandement envers le pouvoir civil.
    Permettez-moi de souligner le constat qui me paraît le plus significatif à la suite de mon examen.
    Sur tous les plans, les Forces armées canadiennes gagneraient à s'ouvrir davantage sur le monde extérieur. Il s'agit là d'un changement de culture nécessaire, qui semble faire face à vraiment beaucoup de résistance.
    Les Forces ont en effet besoin d'un apport extérieur dans plusieurs des fonctions qui ne sont [difficultés techniques] pas propres aux exigences [inaudible] efficaces. Je parle par exemple de l'éducation, de la justice et de certains aspects de la gestion des ressources humaines.
    L'intégration des femmes dans le monde militaire au Canada démontre la difficulté pour les Forces d'évoluer au rythme de la société sur des questions fondamentales qui relèvent, en fait, de l'ordre constitutionnel au Canada. L'histoire se répète malheureusement pour les autres groupes qui y sont sous-représentés.
    Les forces culturelles qui façonnent l'évolution de la société canadienne sont très lentes à se manifester dans une organisation enracinée dans l'homogénéité, l'uniformité, la tradition et l'autonomie. La culture hypermasculine et hypersexualisée, dont la prévalence au sein des Forces a été exposée par bien d'autres, est le produit de cet environnement. En fait, dans les domaines où leur performance peut être comparée à celle des acteurs civils équivalents, les Forces ne se distinguent pas de façon particulièrement élogieuse.
    J'ai recommandé à cet égard que les infractions sexuelles de nature criminelle soient poursuivies devant les instances civiles. J'y reviendrai dans quelques minutes. J'ai aussi recommandé que les Forces armées facilitent le recours de leurs membres devant la Commission canadienne des droits de la personne et qu'elles renforcent l'indépendance et l'efficacité des services qui sont offerts aux victimes.
    Finalement, je vous fais part de ma recommandation au sujet de l'avenir des collèges militaires. Je n'avais pas la capacité d'étudier cette question en profondeur, mais mon examen soulève de sérieuses inquiétudes quant à la viabilité de ce modèle de formation du leadership militaire dans le monde moderne, en particulier.
     En comparant ces collèges avec les universités civiles, où, d'ailleurs, plus de la moitié des officiers sont formés, on constate un manque de diversité et une orthodoxie peu compatibles avec l'évolution de la société, ce qui sert mal, à mon avis, la formation de base des officiers de demain.

  (1105)  

[Traduction]

    Monsieur le président, on m'a avisée que la ministre a déposé sa réponse à mon rapport à la Chambre ce matin. On m'a remis une copie de ce rapport hier, alors que j'étais à New York pour des réunions aux Nations unies, y compris avec le secrétaire général, mais vous serez heureux d'apprendre qu’elles portaient sur de tout autres questions que celle qui nous occupe aujourd'hui.
    J'ai eu brièvement l'occasion de consulter la réponse de la ministre à mon rapport et j'ai plusieurs préoccupations.
    J'aimerais d'abord souligner que l'une de mes recommandations précise que la ministre devrait informer le Parlement d'ici la fin de l'année des recommandations qu'elle n'a pas l'intention de mettre en application. C'était peut-être une façon un peu étrange de formuler la chose. J'aurais pu simplement recommander qu'elle présente un rapport sur toutes mes recommandations. Pour être bien franche, je craignais que mes recommandations soient enterrées comme tant d'autres aux Forces armées canadiennes et au ministère de la Défense nationale, d'où la formule que j'ai employée ici. Au fil des ans, des présentations et des graphiques sur nombre de recommandations ont été faits à l'interne comme à l'externe. Aucune ne semble faire l'objet d'un refus catégorique; elles végètent plutôt entre les mains de divers groupes de travail, équipes spéciales et autres types de comités.
    En réponse à mon rapport, la ministre affirme qu'elle a l'intention de recommander toutes mes recommandations. Je suis plutôt préoccupée quand j'aborde un peu plus en détail certaines d'entre elles. Permettez-moi de vous transmettre une ou deux de ces préoccupations plus précises. Je serai bien sûr très heureuse de répondre à vos questions si j'ai...
    Veuillez m'excuser un instant, madame Arbour.
    Habituellement, nous prévoyons cinq minutes pour la déclaration liminaire, mais dans ce cas précis, puisque nous avons dû jouer avec l'ordre, je vais me prévaloir du pouvoir discrétionnaire de la présidence et accorder davantage de temps au témoin. Soyez bien à l'aise. Je vois des collègues opiner pour confirmer que c'est exactement ce qu'ils souhaitent.
    Veuillez poursuivre, madame Arbour.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous suis très reconnaissante de la possibilité que vous m'offrez. En fait, c'est en grande partie en réaction à un document qui m'a été remis hier seulement, donc il y a très peu de temps, et j'espère que ces brèves remarques supplémentaires répondront à certaines préoccupations que les membres du Comité et vous pourriez déjà avoir.
    Ma première préoccupation porte sur la réponse de la ministre à ma recommandation que toutes les infractions sexuelles visées par le Code criminel, par rapport auxquelles les tribunaux civils et le système de justice militaire ont une compétence partagée, fassent l'objet de poursuites exclusivement devant les tribunaux civils, comme c'était le cas avant 1998.
    La justice militaire est une forme de justice exceptionnelle et elle repose sur l'hypothèse qu'elle est nécessaire à l'amélioration de l'efficacité, de la discipline et du moral au sein des forces armées. En 1998, aucune justification n'a été donnée pour accorder une compétence partagée au système de justice militaire, soit la cour martiale et les procès sommaires, en matière d'infraction sexuelle, qui étaient jusqu'à ce moment du ressort exclusif des tribunaux civils, au même titre que le meurtre, qui l'est toujours.
    Cette décision était supposément nécessaire pour améliorer l'efficacité, la discipline et le moral. Sincèrement, les 20 dernières années ont, selon moi, montré que non seulement cet objectif n'a pas été atteint, mais que le traitement des l'inconduite sexuelle par la justice militaire a érodé l'efficacité, la discipline et le moral. Je ne vois donc aucune raison pour que les Forces armées canadiennes gardent cette compétence en matière d'infraction sexuelle. Selon moi, elle devrait être strictement l'apanage des tribunaux civils.
    Jusqu'à maintenant, les preuves indiquent que, tant qu'il y aura une compétence partagée à cet égard, les Forces armées canadiennes continueront à se voir comme la compétence principale et, étonnamment, les autorités civiles semblent tout à fait heureuses de ne pas exercer leur pouvoir.
    Le Parlement doit adopter une loi pour retirer cette compétence aux tribunaux militaires, ce qui n'est toutefois pas nécessaire si l'on cède simplement la compétence partagée aux tribunaux civils. Dans ce cas, cela se résume essentiellement à une décision de politique opérationnelle. Il me paraît on ne peut plus évident que les personnes qui participent à ce processus se traînent les pieds.
    Du côté de l'armée, ne pas entendre les poursuites pour infraction sexuelle réduirait considérablement la charge de travail, tant du point de vue des enquêtes du Service national des enquêtes des Forces canadiennes, ou SNEFC, et de la police militaire, que de celui de la poursuite dans ce qui était alors des procès sommaires et de cours martiales.
    En moyenne, le système de justice militaire traite quelque 30 cas d'infraction sexuelle par an. Si ces cas étaient transférés au système de justice civile, qui en traite environ 2 300 par an à l'échelle du pays, cela se traduirait par un ajout minimal au fardeau du système de justice civile, si l'on peut s'exprimer ainsi.
    L'administration de la justice pénale au Canada est en fait de compétence provinciale. Je trouve donc très surprenant que certaines autorités provinciales semblent réticentes à exercer leur pouvoir constitutionnel. Franchement, sauf de possibles jeux politiques en matière de ressources, je ne comprends pas la nécessité du genre de négociations approfondies que prévoit la ministre dans sa réponse à mon rapport, dont une série de consultations des sous-ministres fédéral, provinciaux et territoriaux. Il n'y a rien de compliqué là‑dedans. La compétence civile existe déjà. Il suffit de l'appliquer.

  (1110)  

    L'autre source de mes préoccupations vient de l'abolition du devoir de signaler, un point qui fait l'objet de consultations et de discussions poussées. Il y a un groupe de travail au sein des FAC et du ministère de la Défense qui se penche sur le problème dû à ce « devoir de signaler », qui impose un fardeau injuste non seulement à la victime, mais aussi à ses amis et à ceux auxquels elle souhaite se confier. Il n'est pas appliqué. Le défaut de signaler ne fait jamais l'objet de poursuites. Il n'y a donc aucune raison pour maintenir le devoir de signaler.
    La réponse de la ministre fait référence à une initiative qui avait déjà eu lieu avant que je termine mon rapport, soit une mise à jour des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, ou ORFC, ce qui montre qu'il n'est pas bien difficile de faire quelque chose quand la décision d'aller de l'avant a été prise. Toutefois, cela ne remédie qu'à une très petite partie du problème, dans un contexte de justice réparatrice. Pour la majorité des membres des FAC aujourd'hui, ce devoir existe toujours et, selon moi, il devrait être éliminé.
    Mon dernier commentaire, monsieur le président, porte sur la réponse de la ministre à ma recommandation que les collèges militaires devraient faire l'objet d'un examen très détaillé mené par des experts dans le domaine de l'éducation. J'ai déposé mon rapport il y a maintenant sept mois, probablement neuf, en fait, si on se fonde sur le moment où j'ai remis la version provisoire aux dirigeants des FAC et du ministère de la Défense, soit en mars; pourtant, nous en sommes encore à étudier les paramètres, les modalités et ainsi de suite. Tout cela se déroule dans un contexte où on laisse entendre que les collèges militaires, tels qu'ils sont aujourd'hui, sont des établissements de qualité supérieure. Cela ne laisse pas présager le type d'ouverture d'esprit qui, selon moi, est nécessaire pour entreprendre ce genre d'exercice.
    La bonne nouvelle, monsieur le président, c'est que la ministre a nommé une contrôleuse externe pour superviser la mise en œuvre de mes recommandations. J'ai l'impression que le processus sera long. Quand je regarde la réponse de la ministre, qui crée un grand nombre d'examens internes, de même que d'autres groupes de travail et équipes spéciales, j'espère que la contrôleuse externe dispose d'une décennie complète pour superviser ces efforts.
    Globalement, je constate que les examens proposés dans la réponse de la ministre sont pour la plupart internes. Donc, ils passent complètement à côté du point central de mon rapport, soit la nécessité pour les FAC de s'ouvrir beaucoup plus au monde extérieur et sa contribution.

[Français]

     Monsieur le président, je vous remercie beaucoup de votre patience.

  (1115)  

[Traduction]

    Merci, madame Arbour.
    Il est maintenant 11 h 20. Je crois que nous allons réduire le temps d'intervention du premier tour à cinq minutes, puisque je sens que nous voudrons à tout le moins un deuxième tour de questions.
    Sur ce, vous avez cinq minutes, madame Kramp-Neuman.
    Merci d'être parmi nous aujourd'hui, madame Arbour.
    Vu l'enquête solide que vous avez menée et le travail très détaillé que vous avez fait, que pouvez-vous dire aux survivantes, qui attendent depuis si longtemps de voir des changements? Vous avez reconnu, ces derniers jours, qu'elles doivent être patientes. Nous sommes conscients que les changements ne vont pas se faire du jour au lendemain.
    Pourriez-vous vous adresser aux survivantes sur leur longue attente là‑dessus et sur ce qui se produira ensuite?
    D'abord, comme je l'ai dit dans mon rapport, je crois que le mérite pour les progrès qui se feront, à un moment donné et lentement, sur ces questions et d'autres connexes au sein des Forces armées canadiennes revient en grande partie aux victimes et aux survivantes qui se sont manifestées.
    Franchement, s'il y a une leçon à tirer de tout cela, c'est que les progrès les plus importants découlent des gestes posés par les survivantes. Le recours collectif Heyder Beattie, qui, vous vous en souviendrez, a mené à quelque 20 000 réclamations, est plus éloquent qu'aurait pu l'être tout examen extérieur sur ces questions, s'il y en avait eu un. J'admire la patience de beaucoup d'entre elles et suis quelque peu surprise par celle‑ci. Il y a encore des femmes qui m'écrivent, après la publication de mon rapport, pour me raconter ce qui leur est arrivé, dans certains cas, il y a des décennies de cela et durant leur carrière.
    C'est, selon moi, à leur initiative, surtout au recours collectif et à leur engagement actuellement au sein des FAC, que revient tout le mérite des progrès qui n'ont pas encore pleinement pris forme.
    Merci.
    Maintenant, avez-vous été consultée sur le rapport pendant que la ministre de la Défense le préparait? Y a‑t‑il eu la moindre consultation pendant ce processus?
    Pardon? Quand la ministre préparait sa réponse à mon rapport...
    Vous a‑t‑on consultée pendant ce processus?
    Pendant mon examen, mon évaluation, j'ai fait des demandes de documents exhaustives. J'ai reçu environ 4 000 documents. J'ai reçu à la fois des témoignages et des commentaires de gens qui ont communiqué avec moi et, bien sûr, j'ai aussi consulté des gens. Au cours de mon examen, j'ai parlé au chef d'état-major de la défense, au vice-chef d'état-major de la défense et au sous-ministre. J'ai pris contact avec eux. J'ai visité certaines bases et escadres.
    Je ne suis pas certaine si vous vouliez dire après la publication de mon rapport, pendant que la ministre préparait sa réponse. Non, je n'ai parlé à personne.
    D'accord. Merci.
    Ensuite, en ce qui a trait à vos remarques sur le passage aux tribunaux civils, vous avez fait allusion à une ou deux choses relativement à l'efficacité, à la discipline et au moral.
    Ma question est la suivante: croyez-vous que de référer tous les cas d'agression sexuelle au système de justice civile est faisable ou que nous devrons possiblement attendre des années pour éventuellement constater que ce ne l'était pas? Je crains les retards. Pourriez-vous nous parler du système civil, s'il vous plaît?
    Merci.
    Oui. Merci.
    J'ai tous les chiffres dans mon rapport quant au nombre d'enquêtes et de poursuites, et je fais la distinction entre les deux, que les différentes provinces peuvent s'attendre à gérer si elles exercent dans les faits la compétence qu'elles ont déjà pour intenter des poursuites pour infractions sexuelles contre des membres des FAC ou dans les bases et escadres des FAC, y compris à l'extérieur du pays. C'est infime par rapport à l'ampleur générale des poursuites pour infractions sexuelles devant les tribunaux civils.
    Nous parlons de... Regardez les cas les plus graves, ceux qui exigent le plus de ressources et regardez les FAC. En 20 ans, de 1999 à 2001, puisque les FAC ont obtenu cette compétence en 1998, il y a eu 134 cas en cour martiale. Répartissez-les à l'échelle du pays. Il s'agit des cas les plus graves. Sans entrer dans les menus détails — il y aurait par exemple quelques cas de plus en Ontario, évidemment —, on obtient en moyenne quelque 34 poursuites pour infraction sexuelle par an au Canada, donc l'idée que...

  (1120)  

    D'accord. Nous allons devoir limiter cette réponse à cela.
    Je suis désolé. Nous respectons rigoureusement le temps ici, madame Arbour, c'est ainsi.
    Sur ce, Mme Lambropoulos a cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Arbour, d'être ici pour aborder quelques détails supplémentaires et répondre à certaines de nos questions sur ce rapport très important.
    Ma première question porte sur certaines des remarques que vous avez faites dans votre déclaration liminaire. Quand vous avez traité du fait que les infractions sexuelles devraient être l'apanage des tribunaux civils, vous êtes entrée dans les détails. Vous avez dit qu'il y a deux gestes précis qui permettraient de rendre cela possible. Vous avez mentionné une décision de politique opérationnelle et une loi du Parlement.
    Je me demande si vous pourriez fournir des précisions et un peu plus de détails, afin que nous puissions être les plus précis possible au moment de rédiger ces recommandations, qui, espérons‑le, ne finiront pas enterrées, comme vous l'avez dit.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de clarifier ce point.
    À l'heure actuelle, aux termes des dispositions législatives en vigueur, le système de justice militaire et les tribunaux civils ont une compétence égale sur ces questions, sans qu'il soit nécessaire de changer quoi que ce soit. Par conséquent, tout ce qu'il faut aujourd'hui, c'est que le système militaire cesse d'intervenir et que le système de justice civile prenne en charge les enquêtes sur les agressions sexuelles et les autres formes de délits sexuels commis par des membres des Forces armées canadiennes, sur les bases militaires ou ailleurs. Cela ne nécessite aucune modification. Il suffit que le système militaire cède le pas au système civil.
    Puisque cette éventualité n'intéresse ni l'un ni l'autre — le système militaire ne veut pas renoncer à cette fonction et le système civil ne veut pas s'en occuper —, j'ai donc recommandé que le Parlement adopte une loi pour retirer cette compétence aux tribunaux militaires et ramener la loi à ce qu'elle était avant 1998. Modifiez le Code criminel et la Loi sur la défense nationale pour que les infractions sexuelles criminelles relèvent de la compétence exclusive des tribunaux civils.
    D'accord. Je vous remercie.
    Vous avez également dit que vous aviez demandé à la ministre de vous informer, d'ici la fin de l'année, des recommandations qu'elle n'avait pas l'intention de mettre en application. Elle a répondu qu'elle les suivrait toutes. Cependant, vous avez exprimé des préoccupations à l'égard de trois recommandations en particulier, comme vous l'avez mentionné par la suite.
    Selon vous, il y a moyen d'aller de l'avant avec ces trois recommandations — sinon, vous ne les auriez sans doute pas formulées. Si la ministre affirme qu'elle accepte d'appliquer la totalité des recommandations et qu'elle n'en rejette aucune d'entre elles, ne pensez-vous pas qu'elle s'y engage pour les bonnes raisons, qu'elle a la volonté politique de le faire et qu'elle veut mettre en œuvre ces recommandations à tout prix?
    Je ne peux prêter aucune intention à la ministre ou à qui que ce soit d'autre. En réalité, la réponse qui consiste à dire qu'on va mettre en œuvre chacune des recommandations correspond à la même méthode que d'habitude: on va entreprendre un autre examen ou une autre étude, on va renvoyer le tout à un autre comité ou à un autre groupe de travail, alors que, dans les faits, bon nombre de ces recommandations...
    Le devoir de signaler est un exemple clair et net. Il suffit de l'abolir. Cette question a déjà été étudiée. Un groupe de travail s'est penché là‑dessus avant que je commence cet examen. Maintenant, la recommandation est de renvoyer la question à ce groupe de travail pour qu'il définisse le cadre stratégique dans lequel ces efforts seront déployés. Lorsqu'il est nécessaire de faire quelque chose sur le plan opérationnel, curieusement, la capacité réelle de mettre en œuvre...
     C'est une organisation qui, à bien des égards, se réglemente elle-même. Une grande partie de ce que je recommande, à l'exception de quelques éléments qui nécessitent une loi du Parlement, exige la prise de décisions internes, et non la tenue d'un autre examen et d'une autre analyse. Voilà ce qui me préoccupe.

  (1125)  

    Je vous remercie.
    Il ne me reste qu'une minute, alors vous ne pourrez pas donner une réponse complète à la question, mais peut-être que l'un de mes collègues prendra le relais.
    En ce qui concerne la formation militaire et les collèges militaires, vous avez dit que les spécialistes en éducation devraient participer aux efforts en vue de changer la façon dont ces collèges sont gérés. Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails? Vous avez également mentionné, à la recommandation 28, que les responsabilités de l'escadre des élèves-officiers devraient être abolies. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Oui. En ce qui concerne les collèges militaires, je pense qu'il est vraiment important de se rappeler que les élèves-officiers et les aspirants de marine ne sont pas tous formés dans des collèges militaires. En fait, probablement la moitié d'entre eux fréquentent des universités civiles et reçoivent leur formation militaire, leur entraînement physique et tout le reste en cours de route, et ils deviennent des officiers très performants dans les Forces armées canadiennes.
    Le problème avec les collèges militaires, c'est qu'il s'agit de petites sous-cultures. Je vais vous donner un exemple: la présence des femmes. Je suis consciente qu'il y a des incidents d'inconduite sexuelle sur les campus des universités civiles. Je ne le nie pas. Cependant, lorsque vous faites vos études dans un milieu où au moins 50 % de vos collègues sont des femmes, c'est très différent de ce qui se passe lorsque vous faites vos études dans un milieu où, comme c'est le cas actuellement dans les collèges, les femmes représentent à peine 25 % des étudiants, c'est‑à‑dire dans une culture fortement masculine. C'est tout à fait différent de...
     Je ne peux pas juger de la qualité de l'éducation dans les établissements qui décernent des diplômes universitaires. Je pense qu'il faut tout examiner ensemble. Je suis très préoccupée par la responsabilité qui est imposée aux élèves-officiers par rapport aux officiers subalternes. Certaines personnes ont...
    Nous allons devoir nous en rester là.
     Merci, madame Lambropoulos.
    Madame Normandin, vous avez cinq minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la juge Arbour. C'est un plaisir et un honneur de vous avoir avec nous.
    J'aimerais continuer à parler de votre recommandation, à savoir abolir carrément la compétence des cours martiales en matière d'agressions sexuelles.
    Il y a un an, au moment où vous avez fait la recommandation provisoire de transférer les dossiers aux autorités civiles, parmi les arguments qui ont été soulevés, deux ressortaient. Selon le premier argument, le transfert des dossiers entamés depuis déjà longtemps pourrait causer des problèmes relativement à l'arrêt Jordan. Deuxièmement, on a fait valoir que les victimes pourraient ne pas vouloir revivre le processus complet, avoir à témoigner à nouveau devant des policiers civils et recommencer à zéro l'enquête de leur dossier.
    Selon votre suggestion d'abolir la compétence des cours martiales en la matière, il y aurait un transfert automatique des dossiers aux autorités civiles. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces arguments, qui étaient peut-être infondés.
     Je vous remercie de cette question.
    Il est très important de faire la distinction entre le fait de transférer des dossiers existants, qu'ils en soient au stade de l'enquête ou de la poursuite, et le fait de lancer de nouvelles enquêtes ou de nouvelles poursuites, que ce soit pour des infractions commises présentement ou pour des infractions commises il y a longtemps et pour lesquelles des accusations sont maintenant portées. Lorsqu'on parle de transférer des dossiers, on parle de dossiers actuels.
    Pour ce qui est de l'arrêt Jordan, j'ai dit très clairement qu'on ne devrait transférer aucune cause qui est déjà devant une cour martiale, par exemple, car des délais additionnels risqueraient de mettre la poursuite en péril. Par contre, pour les dossiers existants, dans les Forces armées canadiennes, qui en sont à l'étape de l'enquête, un jugement doit être exercé. Si on vient tout juste de commencer l'enquête, on devrait probablement transférer le dossier dans le domaine civil. Si, par contre, l'enquête est presque complétée et que la victime a été interrogée à plusieurs reprises, il pourrait être approprié de laisser le dossier poursuivre son chemin devant les instances militaires, pour les raisons que vous avez mentionnées.
    Cela dit, pour ce qui est de tous les nouveaux cas, on ne parle pas de transferts; il faut composer immédiatement le 911 pour que les autorités civiles entreprennent les enquêtes.
    Le fait de laisser le choix aux plaignantes ou aux victimes est extrêmement problématique, à mon avis. Si leur commandant ou leur chaîne de commandement leur demande si elles préfèrent que leur cause soit entendue par les instances militaires ou par les instances civiles, cela exerce une pression indue sur elles afin qu'elles choisissent les instances militaires, ce qui n'est pas dans leur intérêt, à mon avis. Même un avocat aurait beaucoup de difficulté à vous démontrer les tenants et aboutissants de chacune des deux options.

  (1130)  

    Je vous remercie infiniment.
    Ma prochaine question va peut-être sortir un peu du cadre de votre rapport, mais elle fait suite à votre recommandation d'abolir la compétence des cours martiales.
    On sait que l'on doit prouver la culpabilité de l'accusé hors de tout doute raisonnable. Alors, un juge peut bien dire à une victime qu'il la croit, mais devoir acquitter l'accusé malgré tout. Advenant que des causes soient entendues devant les cours civiles, que ferait-on des gens qui pourraient se faire acquitter d'accusations d'inconduite sexuelle et qui souhaiteraient une réintégration? C'est quelque chose qu'on commence déjà à voir, et j'aimerais connaître les grandes lignes de ce que vous pourriez recommander à ce sujet.
    D'abord, le fardeau de la preuve est exactement le même devant les instances militaires, c'est-à-dire que les faits doivent être démontrés hors de tout doute raisonnable. D'ailleurs, certaines études ont démontré qu'il y avait plus de condamnations, de façon générale, devant les instances civiles que devant les cours martiales. La différence n'est pas énorme, mais cela signifie que, si le juge croit la plaignante, mais qu'il a un doute raisonnable, il va acquitter l'accusé de toute façon, que la poursuite ait lieu dans les instances civiles ou devant les cours martiales.
    Par ailleurs, dans le système de justice militaire, il n'y a pas que des sanctions pénales. Les Forces armées canadiennes ont des pouvoirs de discipline qu'elles peuvent exercer pour des conduites auxquelles les citoyens civils ne sont pas astreints. Ainsi, il est très possible, même à la suite d'un acquittement causé par un doute raisonnable, par exemple, que l'accusé fasse l'objet de procédures disciplinaires de quelque nature que ce soit au sein des forces armées. Il y a des codes de conduite et des prohibitions relatives à la conduite de leurs membres auxquels les civils ne sont pas soumis.
    Toutefois, quand on parle d'actes criminels, à mon avis, la même norme devrait s'appliquer à tout le monde.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Nous passons à Mme Mathyssen, qui dispose de cinq minutes.
     Merci, madame Arbour.
    Je vous suis vraiment reconnaissante des précisions que vous apportez non seulement aux recommandations, mais aussi, en fin de compte, au problème général que nous avons invariablement observé dans le cadre de ce dossier. C'est un message que j'ai également entendu au moment d'étudier ces questions, depuis le peu de temps que je suis au Parlement.
    Bon nombre de vos recommandations font référence au rapport Deschamps et évoquent l'incapacité du gouvernement ou l'inaction des Forces armées canadiennes et du gouvernement quand vient le temps de mettre en œuvre ces recommandations. Beaucoup d'entre elles font également référence aux recommandations du juge Fish.
    Ce qui nous inquiète, bien entendu, c'est que maintenant — et vous y avez fait allusion en parlant de recommandations enterrées —, le gouvernement est passé complètement à côté de l'essentiel. Les 19 recommandations ou réponses que nous avons pu voir parlent de groupes de travail et d'examens de politiques supplémentaires, et une bonne partie de ce travail est interne.
    C'est peut-être lié aux fonctions de la contrôleuse externe. Voilà qui représente énormément de travail pour un seul bureau. Si je me souviens bien, il n'y avait pas de date limite pour la création de ce poste ni pour le dépôt d'une réponse par la contrôleuse externe.
    Pourriez-vous peut-être formuler une recommandation à cet égard? Autrement dit, que devons-nous voir de la part de la contrôleuse externe relativement à certaines des mesures qui s'imposent, sachant que le gouvernement a maintenant décidé de faire le travail à l'interne, alors que cela n'aurait jamais dû être le cas?
    Oui, je crois que dans mon rapport, j'ai recommandé que la contrôleuse externe... Je ne sais plus si j'ai donné un délai, mais j'ai certainement recommandé que la contrôleuse externe produise des rapports publics de façon périodique.
    Je suis extrêmement préoccupée, je le répète, par la lenteur avec laquelle on semble procéder pour faire quelque chose, au lieu de dire carrément qu'on n'a pas l'intention de le faire — donc, l'idée de simplement mener un autre examen et... Il s'agit de petites divergences. Je pourrais donner l'exemple du rapport produit par le juge Fish. Son rapport, bien sûr, est un exercice prévu par la loi qui doit avoir lieu périodiquement pour examiner la justice militaire — pas spécifiquement les infractions sexuelles, mais la justice militaire, le rendement du système des griefs, etc. Le juge Fish en a fait un examen très approfondi. J'y fais largement référence dans mon propre rapport.
     En ce qui a trait aux infractions sexuelles, il a recommandé, dans son rapport, que ces infractions fassent l'objet de poursuites dans le système civil, du début à la fin, jusqu'à ce que la Déclaration des droits des victimes entre en vigueur dans le système militaire. La Charte canadienne des droits des victimes a été mise en œuvre en 2015 pour l'ensemble des Canadiens. Il a fallu attendre jusqu'en 2022 pour qu'elle s'applique au système militaire. Dans son rapport, le juge Fish a également souligné que les victimes devraient avoir leur mot à dire dans le choix entre les deux systèmes.
     Il y a une divergence d'opinions. Je pense que la compétence devrait incomber exclusivement au système civil. Comme je l'ai dit, la ministre n'est pas obligée d'être d'accord avec moi. Cependant, je pense que si elle n'est pas d'accord, elle devrait le dire. Je suis inquiète de voir que cette question fait maintenant l'objet d'autres discussions et analyses. Cela donne l'impression qu'il s'agit d'une affaire très compliquée.
    Ce n'est pas compliqué. Si vous voulez abolir cette compétence, faites adopter une loi au Parlement. Ce n'est pas difficile. Il s'agit de prendre une décision, au lieu de procéder à d'autres examens.

  (1135)  

    Je vous remercie.
    Je n'ai malheureusement pas beaucoup de temps.
    Nous avons certainement pu constater le problème, dans le passé, pour ce qui est de permettre au grand prévôt d'enquêter sur ceux qui occupent les échelons supérieurs et qui sont donc chargés de faire avancer sa carrière. Cette faille se manifeste constamment. Une bonne partie de ce que vous recommandez relève, au bout du compte, de la ministre.
    Une de mes réserves, c'est... Vous estimez que la ministre elle-même — ou le ministre lui-même — se trouve à l'extérieur de ce système et que cela favorise grandement la reddition de comptes. Toutefois, nous avons vu très clairement, dans l'affaire du général Vance, que cela pose parfois problème et que la surveillance politique n'est pas parfaite non plus.
    Pourriez-vous expliquer plus en détail pourquoi vous êtes arrivée à cette conclusion? Il y a beaucoup de gens qui préfèrent que les rapports de l'ombudsman, d'un inspecteur général, soient directement présentés au Parlement.
     Malheureusement, madame Arbour, Mme Mathyssen a épuisé son temps de parole. Si nous voulons avoir une deuxième série de questions, je dois déjà réduire la durée des interventions. Par conséquent, si vous pouviez aborder le sujet dans votre réponse à une autre question, nous vous en serions reconnaissants.
    Sur ce, nous allons entamer la deuxième série de questions. Il nous reste environ 20 minutes, même si l'horloge n'indique pas la bonne heure. Je vais accorder quatre minutes à chaque intervenant. Plus précisément, il y aura deux interventions de quatre minutes, deux interventions d'une minute, puis deux autres de quatre minutes. La ministre se joindra à nous d'ici là, et je suis sûr que les députés auront hâte de lui poser des questions.
    Monsieur Bezan, vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier Mme Arbour de son travail acharné, de son rapport et de son franc-parler, comme on peut le constater aujourd'hui.
    Madame la juge, lorsque nous examinons les questions entourant le transfert de tous ces cas aux tribunaux civils, pour que les choses soient bien claires, vous parlez bien des cas à venir, et non des cas antérieurs dont les Forces armées canadiennes sont déjà saisies. Est‑ce bien cela?
    Je parle de deux choses. Je parle des cas pour lesquels des plaintes ont déjà été déposées auprès de la police militaire et du grand prévôt. Ce sont des cas qui font actuellement l'objet d'une enquête. Si l'on en est aux premières étapes du processus, il faut y mettre un terme et transférer ces cas au système civil. Il peut s'agir d'infractions commises il y a quelques mois, comme il peut s'agir d'infractions présumées avoir été commises il y a 20 ans. Si le processus est amorcé, nous envisagerons un transfert.
    Je parle également de tout nouveau cas — toute plainte déposée aujourd'hui —, qu'il s'agisse d'un incident qui a eu lieu hier ou il y a 30 ans. Il n'est alors plus question de transfert, car les nouveaux cas devraient être traités dès le début dans le système civil.

  (1140)  

    Merci, madame la juge.
    Lorsque nous envisageons le transfert des cas du ministère de la Défense nationale et du système de justice militaire des Forces armées canadiennes aux tribunaux civils, ainsi qu'aux services de police civils, les provinces et les municipalités se demandent, en partie, qui va payer la facture.
    Les frais sont-ils couverts par les ressources actuelles, ou est‑ce que le gouvernement fédéral devrait augmenter les transferts aux provinces pour les aider à payer les coûts liés au traitement des cas qui proviennent des Forces armées canadiennes?
    Pour être très franche, je trouve cet argument un peu trompeur, surtout lorsqu'il s'agit des services de police provinciaux qui ne peuvent s'attendre qu'à une poignée de cas par année, si ce n'est moins. S'il n'y a pas de base de l'armée, des forces aériennes ou de la marine dans leur région, ils ne recevront probablement pas beaucoup de cas.
    Fait intéressant, là encore, en raison de la compétence concurrente, vous serez peut-être surpris d'apprendre — bien que je le mentionne dans mon rapport — que le système militaire ne s'occupe pas des infractions relatives à la conduite d'un véhicule. Ces poursuites sont laissées aux tribunaux civils. Si c'est une question de ressources, pourquoi ne pas simplement faire un échange? Les tribunaux militaires peuvent dire: « Nous allons nous occuper de toutes les infractions de conduite avec facultés affaiblies et de toutes sortes d'autres infractions connexes commises par des membres des Forces armées canadiennes sur les routes des provinces. Nous vous permettrons ainsi de libérer des ressources, et vous prendrez en charge les quelque 30 cas d'agression sexuelle qui pourraient se produire à l'échelle du pays au cours d'une année. »
    Si c'est vraiment une question de ressources, et si les provinces ont besoin de plus d'argent de la part... L'administration du droit criminel relève des provinces. C'est ce que dit la Constitution. Il faut payer pour la responsabilité.
    D'accord. Je vous remercie.
    Avant que mon temps de parole ne se termine... Nous sommes tous des législateurs ici. Vous parlez des changements que nous devons apporter à la législation. Il est question de la Loi sur la défense nationale et du Code criminel, qui auraient probablement besoin de quelques modifications pour permettre le transfert de toutes les accusations d'infractions sexuelles portées par des membres des Forces armées canadiennes.
    Quels sont au juste les articles que nous devons abolir ou modifier pour que nous puissions agir rapidement? Je crois comprendre que la recommandation 5 est celle où nous devons faire bouger les choses, et c'est ce qui semble donner du fil à retordre au gouvernement.
    Veuillez répondre très brièvement.
    Malheureusement, je n'ai pas les dispositions exactes à portée de main, mais, essentiellement, il n'est peut-être même pas nécessaire de modifier le Code criminel. Je n'en suis pas sûre pour l'instant.
    Il faut retirer la compétence, et cela ne concerne probablement que la Loi sur la défense nationale. Il faut rétablir les dispositions législatives qui étaient en vigueur avant 1998. C'est exactement la même chose pour les cas de meurtre. Le système de cour martiale n'a pas compétence sur les affaires de meurtre ou certaines infractions contre des enfants. Ces questions relèvent de la compétence exclusive des tribunaux civils en vertu du Code criminel du Canada.
    Pour ce qui est de savoir s'il faut modifier à la fois le Code criminel et la Loi sur la défense nationale, bien franchement, le ministère de la Justice pourrait sans doute vous donner la réponse en quelques minutes et préciser les dispositions dont vous avez besoin.
    D'accord.
    Nous allons devoir en rester là.
    Madame Arbour, si, après réflexion, vous avez une réponse différente de celle que vous venez de nous donner, à savoir que le ministère de la Justice peut très bien s'en occuper dans l'immédiat s'il le souhaite, nous vous saurions gré de nous communiquer tout ajout ou toute rectification que vous aimeriez apporter, puisque vous n'avez pas le Code criminel sous les yeux en ce moment. Je vous en remercie.
    Madame Vandenbeld, soyez la bienvenue au Comité. Vous disposez de quatre minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Il est bon d'être de retour au sein du Comité de la défense nationale après la conduite d'une étude approfondie à ce sujet en 2021.
    Juge Arbour, je suis très heureuse de vous voir ici, surtout en raison du fait que vous vous êtes faite la porte-parole des survivants. Je sais qu'au début, on s'est demandé, même au sein du Comité, si votre rapport était nécessaire. Je crois que nous avons prouvé que non seulement il était nécessaire, mais aussi qu'il avait une valeur ajoutée incroyable. Je vous remercie infiniment de votre travail.
    Je constate que la principale conclusion de votre rapport, c'est que les Forces armées canadiennes ne sont pas en mesure d'effectuer ces changements et de modifier leur culture par elles-mêmes. Il faut qu'une aide et une responsabilisation extérieures soient apportées. On a beaucoup supposé que cela nécessiterait un mécanisme de surveillance et de responsabilisation externe, comme un inspecteur général.
    Ma première question est la suivante: pourquoi avez-vous choisi de ne pas suivre cette voie dans votre rapport?

  (1145)  

    Merci.
    Je pense que mon rapport traite de cette question assez en détail.
    Je suis tout à fait consciente que cette suggestion remonte à l'enquête sur la Somalie et qu'elle a été largement discutée dans la documentation. Lorsqu'il s'agit de la formuler, si vous examinez, par exemple, le modèle australien, vous constaterez que la fonction de l'inspecteur général consistait essentiellement à superviser, entre autres, les poursuites pénales pour les infractions sexuelles. J'ai recommandé de retirer complètement cette fonction des FAC.
    Que resterait‑il alors de la compétence d'un inspecteur général opérant au sein du système canadien qui est déjà doté d'un ombudsman ou d'un vérificateur général? Depuis que ces recommandations ont été formulées il y a 20 ans, nous bénéficions de plusieurs mécanismes de surveillance civile. Je craignais de tenter de créer un rôle de surveillance civile supplémentaire pour des fonctions qui sont actuellement exercées par la vérificatrice générale. Le Bureau du vérificateur général a produit plusieurs excellents rapports portant sur un grand nombre de ces questions.
    J'étais très préoccupée à l'idée que certaines fonctions se chevauchent, et je n'en voyais pas la nécessité. Je pense que la supervision exercée actuellement par le Parlement par l'intermédiaire de ces mécanismes, et des comités de votre genre, possède toute la capacité nécessaire.
    Le problème concernant les FAC n'est pas seulement lié à la surveillance, qui est exercée après coup, mais aussi à la rétroaction des civils dans le processus — dans le système judiciaire, dans le système d'éducation et dans la gestion des ressources humaines. Le fait d'exercer une surveillance après que des erreurs ont été commises n'est utile que jusqu'à un certain point, mais, selon moi, il serait beaucoup plus utile d'oxygéner le système tout au long du processus.
    Merci.
    Comme vous l'avez mentionné, bon nombre de ces changements doivent être apportés à l'interne. Nous savons qu'il existe au sein des FAC des agents de changement, dont certains se battent depuis des dizaines d'années. Ils savent quelles sont les solutions aux problèmes; ils les proposent, mais elles sont toujours entravées. À bien des égards, ces agents s'essoufflent.
    Comment pouvons-nous nous assurer que ces agents de changement, ceux qui sont déterminés à les apporter, sont ceux qui ont le pouvoir de les apporter et qui dirigent les FAC?
    C'est une question à laquelle il est difficile de répondre, en particulier quand il ne reste que six secondes.
    Là encore, je vais devoir vous inviter à répondre à la question dans le cadre de vos réponses à d'autres questions.
    Cela dit, madame Normandin, vous avez la parole pendant une minute.

[Français]

     Je vais faire ce que je peux de la minute qu'il me reste.
    Madame la juge Arbour, vous avez parlé d'inclure davantage la société civile dans les services offerts aux forces armées, que ce soit pour le recrutement ou l'éducation.
    J'aimerais vous entendre sur la question des services de santé et des services sociaux. On sait qu'il y a des problèmes de santé mentale. On entend des histoires où un travailleur social, un médecin ou un autre professionnel refuse de donner un diagnostic, parce que cela semble être juste une raison pour obtenir une libération.
    Devrait-on ouvrir la porte à plus de services venant du civil en ce qui concerne la santé mentale et le soutien psychologique aux forces armées?
     Je dois vous dire que j'étais très préoccupée par tout ce qui touche au domaine de la santé, mais cela ne s'inscrivait pas tout à fait dans mon mandat. De plus, je ne possédais carrément pas la capacité pour m'occuper de cet aspect. C'est d'ailleurs pour la même raison que je n'ai pas pu aller très loin dans le dossier des collèges militaires. Par contre, la formation du leadership, elle, s'inscrivait dans mon mandat.
    La question de la santé, y compris celle de la santé mentale, touche à la question de l'obligation de dénoncer. C'est un petit volet, mais j'ai entendu des gens me dire qu'ils ne savaient pas à qui s'adresser, parce qu'ils avaient peur qu'on ne soit obligé de rapporter leurs propos à la chaîne de commandement. C'est un volet distinct de la qualité des services de santé physique et mentale qui sont offerts aux femmes.
    Honnêtement, je pense donc que cela devrait donner lieu à un examen externe ou, à tout le moins, à une étude beaucoup plus approfondie.

  (1150)  

[Traduction]

     Merci, madame Normandin.
    Madame Mathyssen, je vous ai interrompue la dernière fois, alors je suis curieux de savoir comment vous allez utiliser la minute que je vous accorde.
    Merci, monsieur le président.
    En ce qui concerne votre rapport, vous avez mis beaucoup plus l'accent sur les forces armées elles-mêmes, et un peu moins sur le MDN.
    L'une des recommandations du rapport concernait l'externalisation des processus. Un nombre beaucoup plus important de membres des FAC pourraient être intégrés au ministère même. Cependant, la plupart des problèmes que nous avons observés sont liés à la façon dont ils perçoivent l'autorité et la chaîne de commandement, et aux conséquences que cela a pour les travailleurs du ministère.
    Pouvez-vous parler de cette question?
    Oui. En fait, lorsque je parle de l'apport d'oxygène externe au système, je pense qu'il est important de reconnaître l'importance du travail que réalise le ministère de la Défense nationale, et du fait que le sous-ministre dirige cette partie de l'opération. Certains m'ont dit être préoccupés par le fait que même là, il n'y a parfois pas assez de sources externes. Par exemple, un grand nombre de membres retraités des FAC finissent par travailler au MDN. Les ressources humaines restent parfois trop internes. Il n'y a pas assez d'apport d'autres branches de la fonction publique ou, comme je l'ai recommandé, de détachements, y compris en provenance du secteur privé.
    Je comprends que c'est très difficile à accomplir dans une force qui manque actuellement de personnel. Le recrutement est un énorme défi. J'ai formulé de nombreuses recommandations concernant la lenteur du recrutement.
    Je pense que tout ce qui peut être fait par l'intermédiaire du MDN et d'autres acteurs civils externes pour orienter le travail des FAC serait le bienvenu.
    Merci, madame Mathyssen.
    Madame Gallant, vous avez la parole pendant quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Si le Canada devait cesser de s'occuper des affaires d'agression sexuelle et les transférer à des tribunaux civils, quelles mesures devraient être prises pour préserver l'intégrité des preuves fournies par la victime, dont des entrevues enregistrées?
    Eh bien, je pense que la marche à suivre serait essentiellement la même que pour toutes les poursuites du système civil. Dans certains cas, il est possible que la police militaire soit ce que j'appellerais le premier défendeur. Si des infractions sont commises à l'étranger, il se pourrait que des membres des polices militaires soient les tout premiers à intervenir, avant qu'on puisse envoyer des autorités d'enquête civiles.
    C'est le cas pour toute infraction criminelle commise n'importe où dans le pays. Si elle est commise sur un lieu de travail, l'employeur peut avoir été la première personne à parler à la victime. Les mêmes règles s'appliquent aux méthodes d'enquête appropriées, y compris une interrogation des victimes et des témoins adaptée aux traumatismes.
    Le système civil n'est pas parfait. Je ne veux pas exagérer, mais c'est le système auquel tous les Canadiens sont soumis, mais qui les protège en même temps. Je pense qu'il devrait s'appliquer aux FAC.
    Merci.
    Dans le système militaire, nous constatons que les preuves disparaissent avant le procès.
    Nous avons entendu le témoignage de l'ancien ombudsman de la défense nationale et des Forces armées canadiennes. Parce qu'il n'est pas indépendant de la chaîne de commandement et parce qu'en fin de compte, il est redevable au cabinet du ministre, il a subi des représailles de la part du ministère et n'a pas pu s'acquitter efficacement de ses fonctions. Il s'agissait de M. Gary Walbourne.
    Seriez-vous d'accord pour dire qu'il y a un déséquilibre malsain en matière de pouvoirs entre l'ombudsman et le MDN, et que ce déséquilibre est préjudiciable à tous les membres des FAC qui comptent sur l'ombudsman pour les aider?
     Je pense que cela dépasse le cadre de ce que la juge Arbour a été invitée à discuter ici...
    M. James Bezan: J'invoque le Règlement.
    Le président: ... donc je vais déclarer la question irrecevable.
    Vous devriez entendre un rappel au Règlement, monsieur le président. J'ai déclaré que j'invoquais le Règlement avant que vous...
    Je finissais d'exprimer mon idée. Si vous souhaitez contester la décision de la présidence...
    M. James Bezan: Monsieur le président...
    Le président: Ce rapport est très important. Par conséquent, nous n'allons pas nous écarter du sujet. Si vous souhaitez faire un rappel au Règlement, allez‑y.

  (1155)  

    Je vais poser une autre question, monsieur le président.
    Attendez. Votre collègue souhaite faire valoir son droit d'invoquer le Règlement.
    Monsieur le président, il ne s'agit pas d'une affirmation. Dans le rapport, Mme Arbour parle en fait de la question de savoir si un inspecteur général devrait être nommé pour remplacer l'ombudsman, ce qui est pertinent dans le cas présent.
    L'ombudsman traite actuellement un grand nombre de plaintes relatives à l'inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes. Cela fait partie de la discussion, et j'aimerais entendre la réponse à la question que Mme Gallant vient de poser.
    Eh bien, j'ai déjà décidé que la question dépasse la portée du rapport.
     Il se peut que vous n'approuviez pas cette décision, alors je vous invite à contester la présidence. Toutefois, je ne crois pas que vous allez le faire. Je pense que Mme Gallant souhaite continuer à poser des questions.
    Juge Arbour, croyez-vous que le fait que, lorsque les FAC demandent à un service de police civil d'accepter une affaire, il accepte dans certains cas et refuse dans d'autres, cela pourrait avoir une incidence directe sur la capacité d'un accusé à obtenir que les FAC prennent en charge sa défense? Cette disparité pourrait-elle provoquer un problème de contestation juridique qui risquerait de faire dérailler certaines affaires?
    Tout d'abord, lorsque je dis dans ma recommandation que l'autorité civile devrait bénéficier de la compétence exclusive en matière d'infractions sexuelles criminelles, il ne s'agit pas d'une question de négociation entre la police militaire et les victimes. Il s'agit d'un cas à confier aux services d'urgence 911. Tous ces cas le sont, comme pour tous les citoyens du pays. Voilà le point de départ.
    Cependant, comme vous l'avez souligné très précisément, cela a des conséquences parce qu'à l'heure actuelle, si les infractions donnent lieu à des poursuites dans le système militaire, l'accusé est représenté gratuitement par l'avocat de la défense qui fait partie du JAG. J'en parle dans mon rapport, car c'est un problème.
    Si quelqu'un est poursuivi dans le système civil, un militaire... ce qui est possible. En fait, il y a des cas qui font l'objet de poursuites civiles — des cas où l'infraction a eu lieu avant 1998, comme cela s'est produit récemment, ou elle a eu lieu en dehors de la base, dans un bar quelque part, et ne touche pas une victime militaire, et le système militaire refuse d'aller de l'avant pour une raison quelconque —, et dans ces cas-là, l'accusé doit assumer les coûts de sa propre défense. En ce sens, l'accusé est privé de certains avantages.
    J'ai abordé dans mon rapport la question de savoir comment l'aide juridique pourrait être fournie pour compenser la perte de ces avantages, ou comment elle pourrait être offerte de la même façon qu'elle l'est pour tout le monde. À mon avis, le problème, c'est que, même si les membres des FAC ne touchent pas des salaires extraordinaires, la plupart d'entre eux gagnent suffisamment d'argent pour ne pas être admissibles à l'aide juridique, dans le cadre des systèmes d'aide juridique pas très charitables qui sont mis en oeuvre partout au pays.
    Merci, madame Gallant.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Vandenbeld pendant les quatre dernières minutes.
    Merci beaucoup, juge Arbour.
    Je me demande si vous aimeriez répondre à ma question précédente concernant les agents de changement et la nécessité de faire en sorte que ces réformateurs de l'intérieur aient le pouvoir d'agir. Avez-vous des idées à ce sujet?
    Oui. Je vous avais signalé qu'il s'agissait d'une question à laquelle il est très difficile de répondre. Il faut parler d'un changement de culture et ainsi de suite.
    Dans mon rapport, il y a une référence aux groupes — j'oublie les détails parce que je n'ai pas examiné le rapport récemment — qui représentent actuellement les membres de la communauté LGBT. Je pense qu'il existe aussi des groupes autochtones et plusieurs groupes de femmes. Ces groupes devraient être autonomisés, et pas seulement par décret. Chaque fois que des personnes de haut rang visitent un site, le commandant devrait être vu avec les membres de ces groupes. Ce sont de véritables agents de changement de l'intérieur — pour le moment, je ne parle pas d'oxygène provenant de l'extérieur. Les forces motrices ou positives à l'intérieur des FAC peuvent être renforcées en leur donnant la parole et en favorisant leur visibilité, leur crédibilité, etc., puis en modernisant le système d'éducation et le système de formation pour parler réellement de la diversité — et non se contenter de dire que « la diversité et l'inclusion sont de bonnes choses ».
    Dans une organisation fondée sur l'uniformité, il est difficile de faire de la place à ceux qui parlent d'une façon différente. C'est un véritable défi.
     J'ose dire que votre rapport a grandement contribué à donner de l'oxygène à certains de ces agents de changement et de ces réformateurs de l'intérieur.
    Nous savons que l'accent a été mis en grande partie sur la violence sexuelle, les agressions sexuelles et l'inconduite sexuelle. C'est, bien sûr, une barre incroyablement basse à atteindre lorsque nous examinons les processus qui rendent les choses plus inclusives. Il ne s'agit pas seulement de changer la masculinité toxique; il s'agit aussi de nous assurer que nous créons un environnement accueillant où chacun peut s'épanouir. Nous savons que ce n'est pas vraiment une question de sexe, mais plutôt de pouvoir, et que cela ne touche pas seulement les femmes, mais aussi les hommes.
    Dans vos recommandations, quels sont les éléments qui dépassent le traitement des infractions mêmes en vue d'examiner les processus et les changements institutionnels nécessaires? Je fais remarquer que cela comprend certains des propos que vous avez tenus au sujet des ressources humaines, des promotions et de leurs justifications. Quelle serait la plus importante de vos recommandations visant la fin des mauvais comportements et la transition vers de bons comportements?

  (1200)  

    J'aurais du mal à désigner une seule recommandation. L'un des arguments que j'ai fait valoir dans le rapport, c'est que les recommandations sont toutes interdépendantes. Si je n'ai pas recommandé, par exemple, la création d'un poste d'inspecteur général, c'est en partant du principe que les infractions sexuelles criminelles seront éliminées du système.
    Si certaines mesures ne sont pas mises en œuvre, d'autres recommandations peuvent ou non avoir la même incidence. J'aurais du mal à désigner une seule recommandation qui serait cruciale.
    Cependant, il ne fait aucun doute que la solution commence par le recrutement: quel genre de personnes recherchons-nous? À l'heure actuelle, si l'on examine la population des collèges militaires, on constate qu'elle compte une grande majorité de garçons blancs de l'Ontario et du Québec. Ce sont eux qui forment la majorité de la population. Pour autonomiser les groupes sous-représentés, tout dépend dès le début des personnes que l'on recrute et de l'environnement dans lequel elles sont formées. Cela imprègne... Je veux dire que nous choisissons des personnes qui nous ressemblent. Ce phénomène est tellement bien documenté qu'il est banal de le mentionner.
    En ce qui concerne les évaluations du rendement, qu'est‑ce qui est valorisé? Quel type d'entraînement physique et quelles qualités fait‑on valoir? Cela passe par l'ensemble du processus de promotion pour aboutir à des généraux ou des amiraux. Il y en a aujourd'hui environ 140 — dont 15 femmes et un Noir? Comment parvient‑on à ce stade? Il n'y a pas de recommandation unique, car cela passe par l'ensemble d'une organisation.
    Je pense que cet aspect est peut-être évident, mais il faut garder à l'esprit que c'est une organisation qui ne peut pas recruter des membres à l'extérieur de ses rangs. S'il lui manque 20 colonels, elle ne peut pas les recruter dans l'armée allemande ou dans l'entreprise Amazon. Toutes les ressources sont développées à l'interne. Si une partie du système — allant du recrutement à la formation en passant par l'évaluation du rendement et la promotion — n'est pas constamment mise à niveau par des influences extérieures, elle va prendre du retard.
    Merci, madame Vandenbeld.
    Madame Arbour, cela met fin au temps que nous pouvions passer avec vous. Au nom du Comité, je tiens à vous remercier de cette infusion d'oxygène bien nécessaire dans les délibérations des FAC. Nous vous en sommes particulièrement reconnaissants.
    Je vous remercie encore une fois de votre sagesse, de vos idées et de votre oxygène.
    Cela dit, nous allons suspendre la séance et attendre la ministre.
    Merci.

  (1200)  


  (1205)  

    Je vois des gens à leur place avec des visages radieux. Nous reprenons la séance.
    Nous souhaitons la bienvenue au Comité à la ministre Anand, au chef d'état-major de la défense et à tous leurs collègues présents.
    Madame la ministre, je sais que vous souhaitez présenter des observations liminaires et je vous invite à le faire maintenant.
    Monsieur le président, membres du Comité permanent de la défense nationale, bonjour.
    J’aimerais souligner que je me trouve sur le territoire traditionnel non cédé du people algonquin Anishnaabeg.
    Le 20 mai 2021, l’ancienne juge de la Cour suprême, l’honorable Louise Arbour, a été chargée de mener un examen des politiques, des procédures, des programmes, des pratiques et de la culture au sein des Forces armées canadiennes et du ministère de la Défense nationale, intitulé Examen externe indépendant et complet.
    Le 20 mai 2022, Mme Arbour m’a remis son rapport final ainsi que les recommandations de l’Examen externe indépendant et complet. Puis, le 30 mai, j’ai accueilli les 48 recommandations de l’Examen externe indépendant et complet et j'ai annoncé que l’on entamerait immédiatement la mise en œuvre de 17 de ces recommandations. Ce matin, j’ai présenté au Parlement la voie à suivre pour l’ensemble des 48 recommandations formulées par Mme Arbour plus tôt cette année.
    Je sais que Mme Arbour a déjà comparu devant vous ce matin. Nous nous sommes entretenues et je l'ai remerciée sincèrement pour les mois de travail inlassable qu'elle a consacrés à la production de ce rapport. Madame Arbour a apporté une contribution majeure à notre pays. Nous lui en sommes reconnaissants. Comme le souligne mon rapport, aucune des recommandations de madame Arbour ne sera rejetée, et j’ai demandé aux fonctionnaires d’établir une feuille de route en vue de la réalisation de chacune d’entre elles.
    Il s’agit d’une feuille de route ambitieuse pour la réforme, élaborée après des mois de travail et de consultation. Voici quelques‑uns des principes de base qui contribueront à la concrétisation d’un changement de culture significatif, transformateur et axé sur les survivants:
    Je m’attends à ce que le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes mettent en œuvre la recommandation no 5, selon laquelle les infractions sexuelles visées par le Code criminel doivent être retirées de la compétence des Forces armées canadiennes et faire l’objet de poursuites exclusivement devant les tribunaux criminels civils. J’ai demandé aux fonctionnaires de suggérer des façons d'effectuer ce changement de compétence, en consultation avec des partenaires fédéraux, provinciaux et territoriaux, tout en tenant compte des défis tels que la capacité des policiers civils à faire enquête sur des dossiers historiques ou sur des cas survenus à l’extérieur du Canada, y compris dans les zones de conflit.

  (1210)  

[Français]

     Comme Mme Arbour le reconnaît elle-même, la mise en œuvre prendra un certain temps, probablement des années, et sa recommandation provisoire restera en vigueur pendant l'intervalle, comme elle le demande.

[Traduction]

    Conformément aux recommandations no 7 et 9, j’ai aussi demandé aux Forces armées canadiennes de cesser de déposer des objections fondées sur l’alinéa 41(1)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne et de permettre ainsi à la Commission canadienne des droits de la personne d’évaluer toute plainte pour harcèlement sexuel ou discrimination fondée sur le sexe.
    Plus tôt aujourd’hui, j’ai aussi annoncé notre intention de créer un comité d’examen du Collège militaire canadien, pour donner suite à la recommandation no 29. Le ministère de la Défense et les Forces armées canadiennes élaborent actuellement l’ébauche du mandat et des idées pour la composition du comité, qui se penchera sur la qualité de l’éducation, de la socialisation et de l’instruction militaire dans les collèges militaires. Ces collèges attirent certains des meilleurs candidats de la société canadienne. Mais soyons clairs: la culture de nos collèges militaires doit changer de façon significative.
    Nous veillerons à ce que cela se produise.
    Enfin, je tiens à souligner que, pour donner suite à la recommandation no 36, j’ai demandé aux forces armées d’établir un système de cibles progressives pour la promotion des femmes. Ce système permettra d’augmenter le nombre de femmes dans chaque grade, en vue d’accroître leur proportion parmi les officiers généraux pour qu'il soit supérieur à leur niveau de représentation dans l’ensemble des forces armées.
    Ce ne sont là que quelques-unes des mesures que j’ai annoncées aujourd’hui. Les autres sont décrites en détail dans le rapport que j’ai déposé plus tôt au Parlement.
    Pour conclure, j'aimerais dire que nous sommes fermement déterminés à faire progresser les choses en faisant preuve d’honnêteté, de transparence et de responsabilité.

[Français]

    Comme je l'ai annoncé en octobre, j'ai nommé Mme Jocelyne Therrien au poste de contrôleuse externe, afin de surveiller la mise en œuvre des recommandations de Mme Arbour.

[Traduction]

    J’ai rencontré madame Therrien régulièrement, et elle continuera à me fournir, ainsi qu’au public, des mises à jour de manière ouverte, transparente et responsable.
    Les initiatives de changement de culture que j’ai soulignées aujourd’hui, ainsi que les autres qui sont décrites dans le rapport, constituent des étapes importantes pour faire des Forces armées canadiennes un organisme inclusif et diversifié. Nous avons fait des progrès, mais il reste beaucoup de travail à faire. Un certain nombre de recommandations ont déjà été mises en oeuvre, ou sont en voie de l’être, tandis que d’autres seront mises en oeuvre à court terme et au cours des années à venir.
    Et le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes continueront d’offrir régulièrement des séances d’information aux journalistes et aux intervenants sur nos progrès, afin que la population canadienne puisse être bien informée de notre travail.
    Nous devons aussi reconnaître que le changement de culture ne peut se produire de façon descendante. Nous y parviendrons seulement si nous avançons ensemble. Ce travail d’équipe continuera de nécessiter la participation et l’engagement de tous les employés du ministère de la Défense nationale et de tous les membres des Forces armées canadiennes. Je les invite à répondre à cet appel aux armes et à poursuivre cette mission avec le même dévouement et la même détermination qui font leur renommée dans le monde entier. Le progrès est nécessaire, possible et réalisable. Et tous ensemble — parlementaires, membres de l’Équipe de la Défense et Canadiens — continuons de travailler dans cette voie.
    Merci. Meegwetch.
    Merci, madame la ministre.
    Madame Kramp-Neuman, vous avez six minutes.

  (1215)  

    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame la ministre.
    Tout d'abord, j'aimerais vous remercier d'avoir commencé à faire ce travail. Ces dernières années, nous avons constaté une certaine inaction. La juge Arbour nous a dit qu'il y avait un cimetière de recommandations. J'ai bon espoir que ces recommandations ne resteront pas sans suite.
    Comme nous le savons tous, nous sommes confrontés à une crise en matière de recrutement et de maintien en poste. Pensez-vous qu'il s'agit d'une feuille de route permettant d'inciter davantage de personnes à servir?
    Merci, monsieur le président, et merci beaucoup pour votre question.
    Je pense que ce que nous devons faire, et c'est l'objet de ce rapport, n'est pas seulement donner suite à la recommandation de Mme Arbour, mais aussi jeter les bases de la création d'une institution au sein de laquelle tous les membres qui servent peuvent être respectés et protégés. Pourquoi est‑ce important? Pour répondre directement à votre question, parce que nous devons montrer aux Canadiens qu'il s'agit d'une institution au sein de laquelle, s'ils s'engagent et choisissent de porter l'uniforme, ils seront traités avec le respect qu'ils méritent. Il s'agit d'une question de reconstitution, ainsi que d'une question morale.
    En d'autres termes, d'un point de vue opérationnel, nous avons besoin que l'effectif des Forces armées canadiennes croisse. Nous avons entendu le chef d'état-major de la défense en parler régulièrement. Pour que les Forces armées canadiennes croissent, nous devons entreprendre ces initiatives de changement de culture, et nous devons nous assurer qu'elles soient couronnées de succès.
    Dans une large mesure, la réponse à votre question est oui. Il s'agit d'une question de croissance pour les Forces armées canadiennes, et de la nécessité de faire ce qui est juste sur le plan moral.
    Merci.
    Nous regardons vers l'avenir. La juge Arbour nous a dit que le processus était long. Nous avons un grand nombre d'examens internes et potentiellement une décennie complète de travail devant nous.
    En ce qui concerne le système civil, craignez-vous qu'il ne soit pas en mesure d'assumer cette charge supplémentaire?
    Mme Arbour — et vous venez de l'entendre le dire — était sceptique quant à la capacité du choix à fonctionner. En d'autres termes, elle pensait que si le système civil avait le choix de rejeter le cas, il le ferait parce qu'il sait que le système militaire est disponible. Afin de nous assurer que nous allons mettre en place des réformes significatives qui protégeront les survivants au sein du système de justice militaire, nous devons choisir une option.
    Dans l'intervalle, la recommandation provisoire de Mme Arbour continuera de s'appliquer, mais je suis tout à fait d'accord avec elle sur la nécessité de mettre en œuvre la recommandation no 5, afin de garantir un changement systémique complet au profit des victimes et des survivants.
    Ma dernière question est la suivante: pour mettre en œuvre quoi que ce soit — les paroles ne coûtent pas cher — nous devons mettre en œuvre des mesures concrètes. Pouvez-vous suggérer au Comité une façon dont vous pourriez rendre compte des progrès accomplis dans trois mois, deux mois ou quatre mois? Quelle est la date magique à laquelle vous pourrez nous faire part des progrès que vous avez accomplis?
    Je suis très sensible à cette question, car c'est exactement l'approche que je compte adopter. D'abord et avant tout, je tiens à dire que la réponse que nous avons déposée au Parlement et la feuille de route que nous avons établie pour chacune des recommandations du rapport constituent une approche différente de celles qui ont été adoptées par le passé. Maintenant, tout le monde peut voir — les Canadiens peuvent voir et vous pouvez tous voir — quels sont nos plans.
    En outre, j'ai demandé à mes fonctionnaires de veiller à ce que l'on présente chaque trimestre un rapport technique sur nos progrès, comme nous le faisons depuis l'année dernière. En outre, la contrôleuse externe présentera un rapport en avril, puis régulièrement par la suite, pour veiller à ce qu'elle fasse preuve de transparence envers le public. Enfin, je suis toujours disposée à revenir devant le Comité, lorsqu'on m'y invite, pour faire le point sur nos progrès.
    Voilà notre approche. Pour instaurer la confiance, les Canadiens doivent voir les progrès accomplis et nous devons être tenus de rendre des comptes, et c'est exactement mon intention.

  (1220)  

    Merci.
    Changeons un peu de sujet. Un article a été publié hier dans la presse contenant des renseignements choquants et outrageants sur l'indicatif d'appel attribué à un pilote de chasse des Forces armées canadiennes. Les officiers auraient fait l'objet de sanctions administratives.
    Savez-vous quelles étaient ces mesures administratives?
    Tout d'abord, je tiens à dire que j'ai été consternée et profondément préoccupée lorsque j'ai entendu parler de cet incident tout simplement inacceptable. Cette affaire illustre parfaitement la nécessité d'amorcer un changement de culture de cette ampleur, et c'est pourquoi je m'emploierai chaque jour à faire en sorte qu'il se concrétise.
    Je sais que l'Aviation royale canadienne prend des mesures pour actualiser son approche dans la tradition des commissions d'examen des indicatifs d'appel. Le processus sera formalisé afin d'assurer une surveillance adéquate. On s'assurera que le processus est mené de façon appropriée et respectueuse.
    J'aimerais demander au chef d'état-major de la défense s'il souhaite ajouter quelque chose.
    Désolé, il a probablement quelque chose à ajouter, mais il n'aura pas le temps de le faire.
    Sur ce, je vais donner la parole à Mme Lambropoulos, qui dispose de six minutes. Allez‑y.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie la ministre d'être présente aujourd'hui, ainsi que tous nos témoins, pour répondre à certaines de nos questions ce matin.
    Nous venons d'entendre la juge Arbour, qui a parlé de l'importance de passer des tribunaux militaires aux tribunaux civils pour ce qui est des agressions sexuelles. Vous avez dit être sur la même longueur d'onde qu'elle quant au fait qu'il s'agit de la seule solution, mais vous avez également mentionné que vous envisagiez différentes voies possibles. Elle en a décrit quelques-unes, que nous recommanderons, je l'espère, dans notre rapport.
    J'aimerais savoir quels sont, selon vous, les obstacles potentiels à ce changement et pourquoi vous pensez qu'il pourrait prendre tant d'années, alors qu'il semble qu'une politique ou une décision du Parlement pourrait nous faire avancer rapidement dans la bonne direction.
    Dans les petits caractères du rapport, Mme Arbour reconnaît elle-même que la mise en œuvre de cette recommandation prendra plusieurs années. Elle nous recommande de donner suite à la recommandation provisoire pendant que nous nous attaquons à certaines difficultés liées à la mise en œuvre de la recommandation no 5.
    Je pense que votre question est essentiellement la suivante: quelles sont certaines de ces difficultés? Elles concernent notamment les enquêtes sur des cas survenus à l'extérieur de notre pays, la capacité du système civil et de la force civile à traiter ces cas, ainsi que la nécessité de coopérer et de collaborer avec les administrations provinciales et territoriales.
    Voilà quelques-unes de ces difficultés. J'aimerais demander à mon sous-ministre s'il souhaite ajouter quelque chose à ce sujet.
    Oui, bien sûr. Merci, madame la ministre.
    J'aimerais soulever deux points, monsieur le président. Premièrement, au cours de nos conversations avec nos homologues provinciaux, territoriaux et fédéraux, nous avons constaté que les enquêtes constituaient une difficulté. Je pense que beaucoup de gens passent directement aux poursuites, mais le volet des enquêtes est important. Si vous pensez à nos militaires et aux infractions ou aux infractions présumées qui ont pu se produire à l'étranger, ces dernières pourraient s'être dissipées au moment de l'enquête. Les provinces pourraient devoir assumer des coûts, comme elles l'ont signalé.
    Elles ont également souligné la nécessité de mettre l'accent sur les victimes... ainsi que les retards et la nécessité de déterminer si le système civil serait réellement plus efficace.
    Il y a beaucoup de travail à faire. Nous avons tenu quelques discussions initiales, mais d'autres suivront.
    Je sais que le changement de culture est très important pour vous. Il s'agit du thème principal du rapport Arbour: l'existence de difficultés liées à la culture.
    Pourriez-vous nous indiquer les changements qui ont été mis en œuvre jusqu'à présent et la direction que nous allons prendre afin de donner suite à certaines des recommandations relatives au recrutement? Comme nous le savons, les difficultés liées au recrutement sont également étroitement liées à la culture moins positive que les forces armées ont entretenue ces dernières années.
    Pourriez-vous nous dire ce que vous avez fait pour améliorer la situation?

  (1225)  

    Permettez-moi de dire tout d'abord que nous sommes à un moment charnière dans les Forces armées canadiennes. Nous devons nous assurer que la mise en œuvre des initiatives de changement de culture se poursuit. Nous devons également veiller à faire croître les Forces armées canadiennes dans l'intérêt du Canada, de la société canadienne. Nous faisons souvent appel aux Forces armées canadiennes lorsque des événements se produisent: ouragans, inondations, COVID‑19. Pour que nous puissions continuer à compter sur les Forces armées canadiennes, nous devons les faire croître.
    Ce n'est pas nouveau. C'est pourquoi nous sommes très déterminés à prendre des initiatives de changement de culture depuis des années. Quelles sont certaines des mesures qui sont déjà en place et en cours? Nous élargissons la prestation des programmes et des services du CIIS — le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle — partout au pays. Nous sommes en train d'élaborer un programme d'aide juridique indépendant pour les survivantes et les survivants d'inconduite sexuelle. Nous améliorons l'accès aux services du CIIS pour inclure tous les membres de l'équipe de la défense et les familles des militaires. Nous lançons des initiatives pour améliorer les processus de grief, y compris le renvoi de tous les griefs d'inconduite sexuelle au Comité externe d'examen des griefs militaires.
    Dans les budgets de 2021 et de 2022, notre gouvernement a mobilisé des ressources financières supplémentaires pour que ces programmes puissent continuer de se développer. Dans l'annonce d'aujourd'hui, bien sûr, vous verrez maintenant qu'il y a une feuille de route pour chacune des 48 recommandations que Mme Arbour a proposées.
     Votre question portait également sur la reconstitution. Bien entendu, la reconstitution est l'élément essentiel lorsqu'il s'agit de faire croître les Forces armées canadiennes. Nous avons une directive pour la reconstitution des FAC pour veiller à ce que les FAC aient les ressources et le personnel qu'il faut pour accomplir leurs missions. Nous nous réjouissons du fait que des résidents permanents peuvent faire une demande d'enrôlement dans les Forces armées canadiennes. Cela permettra d'accroître l'inclusivité et la diversité au sein de l'organisation. Nous ajoutons du personnel dans les centres de recrutement. De plus, nous simplifions le processus. Nous travaillons avec les groupes sous-représentés. Nous donnons la priorité aux candidatures féminines. Nous mettons également en œuvre une nouvelle stratégie de maintien en poste.
    Je vois que le chef hoche la tête. Voulez-vous ajouter quelque chose, chef?
     Il a en effet hoché la tête. Ce doit être une bonne journée lorsque le président doit interrompre une juge de la Cour suprême, une ministre et un chef d'état-major de la défense.
    Si vous souhaitez que le général intervienne, il faudrait qu'il le fasse un peu plus tôt dans le processus.

[Français]

     Madame Normandin, vous avez la parole pendant six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également la ministre de sa présence et de sa disponibilité. Nous lui en sommes toujours reconnaissants.
    J'aimerais revenir sur l'obligation de dénoncer l'inconduite sexuelle, puisque Mme la juge Arbour en a fait état aujourd'hui. Cette discussion sur l'opportunité d'abolir l'obligation de dénoncer l'inconduite sexuelle est en cours depuis longtemps. Mme Arbour l'a mentionné dans son rapport. Cet outil n'est pas mis en œuvre ou est très peu utilisé par les hauts gradés.
    En outre, il n'y a pas de poursuites lorsque quelqu'un ne respecte pas l'obligation de dénoncer l'inconduite sexuelle. Dans votre rapport, vous mentionnez qu'on retournera la question au groupe de travail en vue de l'élaboration de mesures de transition. Je me demande ce que sont ces mesures de transition, dans la mesure où c'est un outil qui n'est pas utilisé.
    Ne serait-il pas plus rapide d'abolir l'obligation de dénoncer l'inconduite sexuelle?
    Quels sont les grains de sable dans l'engrenage, actuellement?
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, également, chère collègue.
    Conformément à la Recommandation no 11 du rapport de Mme Arbour, nous avons chargé un groupe de travail d'élaborer un plan visant à abolir l'obligation de signaler des infractions liées à l'inconduite sexuelle. Cependant, il est important de comprendre qu'il y a des éléments de la vie privée d'un individu qui entrent en cause.
    Nous devons nous assurer d'avoir le choix — c'est l'approche que nous allons adopter —, si nous voulons divulguer les informations privées des individus.
    Mon sous-ministre a peut-être quelque chose à ajouter à ce sujet.

  (1230)  

    Je n'ai rien à ajouter, madame la ministre.
    Monsieur le président, il est possible que le général Eyre ou même mon homologue à ma droite veuille ajouter quelque chose.
    Je suis entièrement d'accord sur le fait qu'il faut changer le système rapidement. La lieutenante-générale Carignan a déployé des efforts pour mettre au point des options visant à changer ce système, ce règlement, et j'aimerais que ces changements soient apportés aussitôt que possible.
    Je vous remercie.
    Ma prochaine question est en quelque sorte le prolongement de la question que j'avais posée à Mme la juge Arbour sur la réintégration des gens qui ont été accusés et acquittés, tant par la cour martiale que par les autorités civiles. Il faudra discuter de la réintégration de ces personnes, dans un contexte où l'on veut aussi garantir que les Forces armées canadiennes soient un milieu sécuritaire pour les victimes.
    À cette fin, quelles seraient les lignes directrices à mettre en œuvre pour veiller à ce que l'on ne réintègre pas un loup dans la bergerie, d'une certaine façon?
    C'est une question très importante, parce que maintenant nous devons augmenter l'effectif des Forces armées canadiennes tout en nous assurant que des mesures seront en place pour punir les gens qui dérogeront à notre code de discipline.
    Votre question est importante, car comment peut-on s'assurer qu'ils resteront membres des forces armées?
    Nous avons un cadre de la réintégration, une politique qui nous permettra de suivre les progrès et ainsi nous assurer qu'il y aura un processus de réintégration.
    Voulez-vous ajouter quelque chose, général Eyre?
    Je voudrais ajouter que c'est une méthodologie, et non un processus. Il y a une liste de facteurs à considérer. Chaque cas est différent, et c'est la raison pour laquelle nous avons mis au point un cadre pour aider nos dirigeants à prendre des décisions, qui sont très difficiles à prendre dans ces cas-là. Il est difficile de savoir quelle est la bonne réponse.
    La lieutenante-générale Carignan a peut-être quelque chose à ajouter, parce que c'est elle qui a élaboré ce cadre.
     Monsieur le président, le cadre de la réintégration sert à offrir des considérations, mais aussi créer un groupe-conseil qui peut consulter la chaîne de commandement pour prendre des décisions difficiles, à savoir réintégrer un membre ayant fait l'objet d'accusations.
    Chaque cas est examiné en profondeur; on prend en compte toutes les décisions de la cour. Ensuite, on détermine si la personne sera réintégrée dans les Forces ou sera libérée. Si elle est réintégrée dans les Forces, il y aura un processus de recertification. Il faut suivre certaines procédures avant de réintégrer un membre. De plus, au cours des mois suivant sa réintégration, son rendement et son comportement seront constamment évalués.

[Traduction]

     Merci, madame Normandin.
    Madame Mathyssen, vous disposez de six minutes.
    Je remercie la ministre et toutes les personnes qui sont présentes aujourd'hui.
     En ce qui concerne la recommandation no 5, la juge Arbour a dit aujourd'hui qu'il y a un risque qu'elle avait prévu, soit que les tribunaux militaires ne veuillent pas laisser aller ces dossiers et que les tribunaux civils hésitent à les prendre. En fin de compte, elle a demandé qu'on légifère pour que cela se concrétise.
    Quand allez-vous présenter une mesure législative?
    Dans son rapport, Mme Arbour a elle-même indiqué que la mise en œuvre des modifications à la Loi sur la défense nationale peut prendre des années, et elle a pleinement reconnu l'ampleur des changements qu'elle demandait dans la recommandation no 5. Par conséquent, nous devons nous assurer que nous soutenons les survivants et les victimes d'inconduite sexuelle. C'est pourquoi la recommandation provisoire de Mme Arbour, que j'ai acceptée dans les jours qui ont suivi ma nomination au poste de ministre de la Défense nationale, demeurera en place pendant que les fonctionnaires élaborent les options pour la mise en œuvre de la recommandation no 5.
    Par exemple, un comité spécial fédéral-provincial-territorial composé de sous-ministres sera mis sur pied pour orienter les options de mise en œuvre, ainsi que pour systématiser le processus de transfert des dossiers du système de justice militaire au système de justice civile...

  (1235)  

    D'accord. Merci. C'est que mon temps est si limité. Je suis désolée.
    On n'a pas vraiment fourni de date lorsqu'il s'agit de présenter une mesure législative ou de régler la question. Cela m'inquiète, étant donné que vous avez dit à quel point vous acceptiez toutes les recommandations.
    En ce qui concerne les recommandations, je pense aux recommandations no 4 et no 11 sur l'obligation de signaler, dont a parlé ma collègue; aux recommandations no 24 et no 28 sur la chaîne de responsabilité pour les élèves-officiers; et à la recommandation no 37 portant sur le principe de l'universalité du service. Pour toutes ces recommandations, dans le cadre de votre réponse, il a été question de comités internes et d'audits de procédure, au lieu d'abolition de l'obligation de signaler, par exemple.
     En ce qui concerne la reconstitution, les comités internes et les groupes de discussion, on ne fait que continuer ce que nous voyons constamment depuis le rapport de la juge Deschamps, à savoir qu'on ne fait pas en sorte que la lumière se fasse d'un point de vue externe.
     Bien sûr, une contrôleuse externe a été nommée, mais elle relève de vous, qui êtes la ministre. Comme nous l'avons constaté à l'époque de votre prédécesseur, c'était un grave problème. Nous avons vu les carrières de femmes, leur sens du devoir et tout ce qu'elles avaient donné à ce pays être cachés, parce qu'il n'y avait pas d'ouverture.
    Pouvez-vous expliquer précisément en quoi, lorsqu'il s'agit de cette contrôleuse externe, nous ne verrons pas se répéter les mêmes problèmes que nous avons observés dans le cas de l'ombudsman, qui ne faisait pas rapport au Parlement?
     Eh bien, je suis en désaccord avec vous pour la plupart des choses que vous avez dites.
    Je dirais en premier lieu que 48 recommandations ont été présentées et que c'est la première fois qu'un gouvernement réagit à un rapport en donnant une réponse complète et détaillée à chacune des recommandations quant à la voie à suivre.
    Il me semble prudent de ne pas fournir d'échéancier pour une recommandation de l'ampleur de la recommandation no 5. Voulez-vous vraiment que je dise aujourd'hui que je mettrai en œuvre la recommandation no 5 d'ici le 1er janvier 2024 sans consulter mon ministère au sujet du processus, des options et de la façon dont nous allons nous assurer que le tout se concrétise? Ce ne serait pas prudent, et ce serait peut-être inexact. Je dois donc m'assurer que l'information que je donne à ce comité et à la population du Canada est exacte.
    Ce que je dis, c'est que nous allons mettre en œuvre la recommandation no 5. J'ai demandé à mes collaborateurs de me présenter des options, et tout comme j'ai agi à l'égard des 17 recommandations immédiatement après avoir accepté le rapport de Mme Arbour le 30 mai 2022, je vais agir au sujet des options dès que possible.
     Vous avez parlé de la contrôleuse externe. Elle a été nommée quelques mois après que nous avons reçu le rapport final de Mme Arbour. Je l'ai déjà rencontrée à maintes reprises, et elle travaille avec le ministère. Elle fait également un travail de surveillance, comme Mme Arbour l'avait recommandé dans son rapport.
     Je ne pense pas qu'il se passe la même chose. Je suis convaincue que cette fois‑ci, les choses sont différentes, qu'avec cette équipe de leaders et nos approches respectives visant à répondre au besoin de réaliser un changement de culture à une période charnière de l'histoire des Forces armées canadiennes, vous continuerez non seulement à avoir des mises à jour de notre part, mais aussi à voir des changements significatifs qui auront des répercussions positives sur la vie des personnes au sein des Forces armées canadiennes et qui, espérons‑le, inciteront des gens à se joindre aux Forces armées canadiennes.

  (1240)  

    Merci, madame Mathyssen. Il vous reste environ 30 secondes. Je vais essayer d'ajouter 30 secondes à un autre moment.
    Il nous reste 20 minutes. Peut-être que nous serons en mesure d'aller jusqu'à 25 minutes. Si nous faisons des interventions de quatre minutes... Nous allons commencer.
    Monsieur Bezan, vous disposez de quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens tout d'abord à remercier la ministre Anand et tous les représentants du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes de leur réponse au rapport. C'est la première fois que nous voyons une telle chose. Pendant sept ans, votre prédécesseur a laissé le rapport Deschamps s'empoussiérer sur son bureau. C'est donc un pas dans la bonne direction.
    Pour enchaîner sur les commentaires de ma collègue, Mme Mathyssen, nous venons d'entendre le témoignage de la juge Arbour, qui a été critique quant à la réponse à la recommandation no 5. Nous savons que, dans cet endroit, nous pouvons adopter des mesures législatives rapidement, même s'il a fallu attendre sept ans avant que le projet de loi C‑77, la Charte des droits des victimes dans les forces armées, entre enfin en vigueur.
     Quel est votre échéancier pour qu'un projet de loi nous soit présenté rapidement? Tous les parlementaires veulent que le transfert du système de justice militaire au système de justice civile se concrétise. J'aimerais que vous nous informiez sur votre échéancier concernant les modifications à la Loi sur la défense nationale et la question de savoir si nous devons apporter des changements au Code criminel.
    Merci beaucoup.
    Comme je l'ai dit, j'ai demandé au ministère de la Défense nationale et aux Forces armées canadiennes de présenter des options sur la façon dont le changement de compétence peut être effectué et de le faire en consultation avec les provinces, les territoires et d'autres acteurs. Comme je l'ai mentionné en réponse à la question précédente, cela ne se fera tout simplement pas du jour au lendemain, car nous avons des défis importants à relever, par exemple en ce qui a trait au travail de collaboration avec les provinces et les territoires et à la capacité des forces policières civiles. Nous sommes déterminés à régler ces questions, et je suis ravie de demander à mon sous-ministre d'ajouter quelque chose.
    Permettez-moi d'intervenir d'abord, car la juge Arbour s'est montrée assez critique. Elle dit qu'il ne devrait pas y avoir de problèmes ici, qu'une responsabilité constitutionnelle existe déjà. Avant 1998, cela ne relevait déjà pas de la justice militaire. Elle dit qu'il faut abroger la loi actuelle qui a habilité le système de justice militaire à s'occuper des infractions sexuelles qui relèveraient du Code criminel et redonner cette responsabilité aux tribunaux civils, comme c'était le cas avant 1998.
    Je me demande quelque chose. Pourquoi ne pas aller de l'avant en présentant une simple mesure législative visant à abroger ces articles de la Loi sur la défense nationale pour que la responsabilité et la compétence constitutionnelles reviennent aux tribunaux civils, ainsi qu'aux services de police, d'ailleurs?
     Monsieur le président, je comprends qu'il est urgent d'agir le plus rapidement possible. J'ai moi aussi ce sentiment d'urgence. Je peux vous assurer que c'est ma priorité au ministère de la Défense nationale.
    Dans le rapport, Mme Arbour a dit elle-même que la mise en œuvre de ce projet prendrait plusieurs années. Elle connaît l'ampleur de ce qui nous attend. Je crois que nous sommes sur la bonne voie.
     Nous continuons à mettre en œuvre la recommandation provisoire. Nous voyons le travail qui se poursuit concernant le transfert de dossiers à la GRC et au Québec. Du travail formidable est accompli là‑bas. Entretemps, mes fonctionnaires viendront présenter des options.
     Comme je l'ai dit, il serait imprudent de ma part de simplement fournir une date à ce comité et aux Canadiens sans m'assurer que cette date peut être respectée...
    Je n'ai pas beaucoup de temps, madame la ministre.
    Il vous reste environ 30 secondes.
    Vous parlez du renvoi de dossiers au système de justice civile, ce que nous faisons actuellement à titre provisoire. Jusqu'à présent, si j'ai bien compris, 97 dossiers d'agression sexuelle dans l'armée ont été renvoyés au système civil. Le ministère de la Défense nationale a refusé 40 d'entre eux. Pourquoi?
    Vous dites que le ministère en a refusé 40...
     C'est ce qu'on m'a dit. Dans le cas de 40 dossiers dont on avait demandé le transfert vers des tribunaux civils, la demande a été refusée et ils sont toujours au ministère de la Défense nationale.
    Je pense que vous voulez dire que ce sont les autorités civiles qui les ont refusés, plutôt que le ministère de la Défense nationale.

  (1245)  

    Si les autorités civiles les ont refusés, alors pourquoi?
    Il est important de se rappeler qu'au ministère, nous agissons aussi rapidement que possible pour mettre en œuvre la recommandation provisoire. Nous avons mis sur pied un comité fédéral-provincial-territorial afin de répondre à certaines des préoccupations des provinces.
     De plus, nous continuerons d'aller de l'avant avec la mise en œuvre du projet de loi C‑77, de la Déclaration des droits des victimes, dont l'entrée en vigueur a eu lieu plus tôt cette année, pour donner des droits aux victimes d'infractions d'ordre militaire.
    Malheureusement, nous allons devoir nous arrêter là.
    Sur ce, madame Vandenbeld, vous disposez de quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame la ministre, je vous remercie beaucoup de votre présence aujourd'hui et de votre détermination à changer véritablement les choses en profondeur. Il ne s'agit pas uniquement de mettre fin à la culture toxique et aux mauvais comportements, mais aussi, comme vous l'avez dit, et je reprends vos propres termes, de vraiment faire de cette institution un lieu « au sein [du]quel tous les membres [...] peuvent être respectés et protégés ».
    Je pense que c'est la clé. Cela va bien au‑delà de l'inconduite sexuelle. Pour vraiment changer la donne, il faut que ce soit un endroit où les femmes et les autres groupes en quête d'équité ne sont pas seulement pris en considération, mais inclus. Pour changer les choses, il faut transformer tous les processus et l'institution dans son ensemble pour offrir un milieu accueillant où tout le monde peut s'épanouir, ce qui, je le sais, vous tient très à cœur. Cela n'inclut pas seulement la justice, mais aussi l'analyse comparative fondée sur le sexe et le genre en ce qui a trait à la santé des femmes. Cela inclut les trajectoires de carrière, les familles militaires, les soins aux enfants, le recrutement et tout ce qui précède.
    Ma question s'adresse à vous, mais j'aimerais entendre le général Eyre, la générale Allen et la générale Carignan à ce sujet également, alors j'espère que tout le monde sera très bref.
     Comment pouvons-nous aller au‑delà du changement de la culture de la masculinité toxique et passer à un changement institutionnel complet, afin que chaque personne puisse trouver sa place au sein des FAC?
    Merci de la question, monsieur le président.
    J'aimerais dire tout d'abord que réformer la culture des Forces armées canadiennes ne consiste pas à cocher des cases. Nous devons nous assurer de jeter les bases pour que les choses changent de façon significative et durable. C'est ce qui me motive chaque jour.
     Nous ne savons pas pendant combien de temps nous demeurerons à nos postes respectifs, mais nous savons que les Forces armées canadiennes devront continuer à servir ce pays, à le protéger et à le défendre pendant des années. C'est en mettant en place les réformes institutionnelles, et nous avons discuté de certaines d'entre elles ici aujourd'hui, que nous nous assurons que le changement peut se produire.
    Monsieur le président, je pense que cela montre ce qui est différent cette fois‑ci. La différence, cette fois‑ci, c'est qu'une autre approche a été adoptée. Il s'agit davantage d'une approche fondée sur les valeurs, plutôt que sur les règles. Nous pouvons nous élever au niveau de nos valeurs, ou nous pouvons nous abaisser au niveau des règles. Nous avons besoin des deux, mais nous mettons beaucoup plus l'accent sur les valeurs.
    L'inclusion fait partie de ces valeurs. Plus tôt cette année, nous avons publié le nouvel éthos militaire des FAC: « Digne de servir ». L'inclusion figure parmi les valeurs militaires. L'accent est mis sur le caractère plutôt que sur la compétence. Si nous pensons aux échecs stratégiques que nous avons connus au cours des dernières générations, c'était lié au caractère et non aux compétences. C'est très important.
    Il est absolument essentiel de favoriser les comportements inclusifs à tous les niveaux afin que nous puissions attirer et retenir les meilleurs talents que le Canada et la société canadienne ont à offrir. D'autant plus que nous faisons face à un monde de plus en plus sombre et dangereux et que vous, au gouvernement du Canada, nous demandez de plus en plus d'intervenir. C'est absolument essentiel.
    Comment puis‑je intervenir après cela?
    Je pense que ce qui doit devenir endémique dans notre façon d'envisager les choses et de délibérer, à mesure que nous avançons, c'est l'engagement. Cet engagement, comme Mme Arbour l'a mentionné plus tôt dans son témoignage, ne se limite pas à nous-mêmes, à l'interne. Je pense aux communautés plus vastes qui ont des investissements, une équité, une éducation et des connaissances qu'elles peuvent apporter à notre prise de décision.
    Merci.

[Français]

     Monsieur le président, je vous remercie la députée de sa question.
    La création de mon organisation est aussi une preuve que nous avons l'intention de gérer la culture d'une façon constante pour nous assurer de toujours aligner les comportements sur nos valeurs.
    L'approche que nous préconisons quant au poste de chef de Conduite professionnelle et culture, consiste à gérer la culture du bas vers le haut, du haut vers le bas et de façon horizontale, tout en tenant régulièrement des consultations externes, comme en a parlé Mme Arbour plus tôt ce matin.
    Nous avons mis en place des processus qui nous amènent à consulter à l'externe régulièrement et à ainsi obtenir des avis qui insufflent constamment de nouvelles idées dans notre organisation.

  (1250)  

[Traduction]

    Merci, madame Vandenbeld.
    Vous avez une minute, madame Normandin.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Madame la ministre, vous mentionnez dans votre rapport que le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle risque de changer un peu de vocation pour offrir davantage de services d'aide juridique, ce que je salue.
    Je m'inquiète quand même de la prestation de services en français.
    Cet été, après que le recours a eu pris fin, nous avons appris que seulement 10 % des francophones ont présenté des demandes, même s'ils représentent 20 % des forces armées. Il semble y avoir eu des problèmes de publicisation des services offerts aux francophones.
    J'aimerais savoir ce que vous allez faire pour que les services soient offerts dans les deux langues officielles par le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle.
    Je vous remercie beaucoup de votre question.
    Comme vous le savez, j'aime la langue française et j'essaie de la parler très souvent.
    Nous nous engageons pleinement à fournir des services dans les deux langues officielles. À titre de ministre de la Défense nationale et à titre personnel, je trouve cela très important, parce que nous formons un pays bilingue.
    Je voudrais demander à Mme Rizzo‑Michelin si elle a quelque chose à ajouter.

[Traduction]

    J'ai l'impression de me répéter. Le temps est écoulé.
    Madame Mathyssen, vous disposez d'une minute.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai eu le privilège de siéger au Comité de la condition féminine. De nombreuses femmes ont comparu devant nous tout au long de l'étude, l'an dernier, sur ce qui s'est passé. Elles ont dit à maintes reprises qu'elles avaient vu une multitude de rapports.
    Je suis reconnaissante pour le changement et la volonté, pour ce qui est d'accepter le rapport et d'y répondre. Cependant, ce n'est pas tout à fait une mise en oeuvre complète. Il y a tous ces différents aspects. Je peux comprendre pourquoi, mais il y a là une préoccupation. Mme Arbour a dit aujourd'hui, à ce comité, qu'elle craignait que vous ayez manqué le bateau.
    Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
    Je dirai que c'est différent cette fois‑ci. Jamais auparavant notre gouvernement n'avait répondu à un rapport d'un juge de la Cour suprême en fournissant une explication complète et une feuille de route pour chacune des recommandations du rapport. Je présenterai à ce comité et au public canadien, au moins tous les trimestres, des mises à jour sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre. Une contrôleuse externe fournira également des mises à jour à la population canadienne.
    La façon dont nous nous assurons que le changement de culture se produit dans l'armée est en essayant, chaque jour, de faire les choses correctement. L'essentiel de mon mandat, en tant que ministre de la Défense nationale, est de veiller à ce que cela se produise.
    Monsieur Kelly, vous disposez de quatre minutes.
    Dans le même ordre d'idées, le bilan de votre gouvernement en la matière a été catastrophique. Les sept années qui se sont écoulées sans qu'on ait donné suite au rapport Deschamps ont suscité un certain scepticisme quant aux engagements que vous prenez. Mme Mathyssen a raison. Je remarque que la juge Arbour était sceptique quant à la volonté de votre gouvernement de mettre pleinement en œuvre toutes ces recommandations.
    C'est facile pour un ministre de dire, « J'accepte toutes les recommandations ». Toutes les quelques années, un ministre est transféré. Parfois, il y a un changement de gouvernement. Rien ne bouge et les problèmes demeurent. Vous allez devoir nous donner des garanties supplémentaires. Les consultations ne protègent pas les victimes. L'action le fera.
    Pouvez-vous aborder les lacunes que Mme Arbour a constatées dans le niveau d'engagement démontré dans vos remarques, en particulier sur la recommandation 5?
    La recommandation 5 de Mme Arbour — et les recommandations en général — reconnaît qu'un changement de culture systémique à part entière ne se fera pas du jour au lendemain. Elle a également reconnu certains des problèmes que vous avez soulevés dans votre question, notamment la possibilité que le ministre du jour soit écarté de son poste. C'est pour cette raison qu'elle a recommandé la nomination d'une contrôleuse externe. J'ai agi très rapidement pour qu'une contrôleuse externe soit nommée afin de superviser la mise en oeuvre des recommandations.
    Il y a une soupape de sécurité intégrée dans les recommandations du rapport Arbour, ce que nous avons déjà mis en oeuvre. La contrôleuse externe va s'assurer que nous sommes tenus de rendre des comptes.

  (1255)  

    Pourquoi ne pas s'engager aujourd'hui dans un processus législatif rapide pour le mettre en oeuvre? Vous avez dit plus tôt dans vos remarques qu'il faudra du temps pour mettre au point la bonne mesure législative. La juge Arbour ne semblait pas d'accord. Elle pensait que ça allait être relativement simple. Oui, un changement de culture prend beaucoup de temps, mais des changements mineurs à la mesure législative, ce qui est nécessaire ici, ne prennent pas beaucoup de temps s'il y a une volonté politique.
    Je vous encourage à lire le rapport Arbour et la recommandation 5, en particulier. Ce qu'elle dit dans ce rapport, c'est que la mise en oeuvre prendra des années.
    J'adhère à ce qu'elle écrit dans le rapport. Plus particulièrement, les fonctionnaires qui m'accompagnent aujourd'hui m'ont dit que les défis à relever pour transférer tous les cas d'un système de justice à un autre sont importants. Il s'agit notamment de s'assurer que les provinces et les territoires acceptent de prendre ces cas et de veiller à ce que les enjeux et les cas internationaux puissent être traités en fonction du droit international et des ressources nécessaires. Il y a des défis à relever.
    Je vais céder la parole à mon sous-ministre pour qu'il ajoute des remarques.
    J'ai une requête. Je vous encouragerais à écouter le témoignage que la juge Arbour a fait plus tôt aujourd'hui.
    J'aurais aimé l'entendre, mais je n'étais pas dans la salle à ce moment‑là.
    Eh bien, elle a clairement fait savoir qu'elle s'inquiète au sujet de la volonté politique.
    Tout est une question de volonté politique, et votre gouvernement a un bilan pitoyable en la matière, d'après le rapport Deschamps.
    Je vous encourage à examiner le rapport que j'ai déposé au Parlement aujourd'hui et à le comparer à la réponse des rapports précédents qui ont été déposés. Nous avons la volonté, et nous continuerons à faire le travail.
    Merci. C'est au fruit que l'on jugera l'arbre.
    Merci, monsieur Kelly. Vos quatre minutes sont écoulées.
    Les quatre dernières minutes seront accordées à M. Fisher, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame la ministre, merci à votre équipe et à vous d'être ici aujourd'hui. Je l'ai dit avant et je le dirai encore: vous êtes une force sur laquelle il faut compter. Je ne fais pas partie des sceptiques. Je vous connais depuis assez longtemps pour savoir que lorsque vous dites que vous allez faire quelque chose, vous allez le faire.
    Je voudrais également prendre un bref instant pour remercier les membres du Comité d'aujourd'hui, qui ont posé des questions vraiment bonnes, justes, sérieuses et difficiles. C'est une de ces fois où je suis très reconnaissant envers ce comité; il arrive bien préparé. La journée d'aujourd'hui a été très bonne et respectueuse.
    Une chose que les membres de ce comité ont faite est de prendre toutes les questions que j'allais vous poser et de les poser.
    Lorsque vous vous entreteniez avec Mme Lambropoulos, vous avez offert à ce comité et au Parlement une feuille de route pour l'avenir.
    Pour 17 des 48 recommandations que vous avez dit que vous commenceriez à mettre en oeuvre immédiatement, pouvez-vous nous fournir une mise à jour, une feuille de route, sur l'état d'avancement de ces recommandations? Il serait injuste de vous demander une feuille de route pour des choses que vous n'avez pas encore pu aborder. Cependant, j'ai pensé que je pourrais peut-être vous donner l'occasion, si possible, de nous dire où vous en êtes avec les 17 des 48 recommandations que vous avez dit vouloir commencer à mettre en oeuvre immédiatement.
    Tout à fait. Je tiens cependant à dire que l'importance des 17 recommandations était pour nous, en mai 2022, de montrer que nous continuerons à agir très rapidement sur un certain nombre de recommandations. Cela inclut, par exemple, d'entreprendre un examen du CIIS et de changer son nom, notamment de veiller à ce que nous examinions l'obligation de faire rapport et un certain nombre d'autres recommandations.
    Je ne pense pas qu'à ce stade‑ci, alors que nous avons dit que nous ne rejetons aucune des 48 recommandations, nous devions nous concentrer uniquement sur 17 d'entre elles. Pour l'instant, nous nous concentrons sur l'ensemble du rapport, afin de nous assurer que nous progressons très rapidement dans la mise en œuvre de chaque recommandation.
    Comme 47 des 48 recommandations ont déjà été mises en oeuvre, je demanderais à mon sous-ministre s'il peut faire le point sur ce qui reste à faire.

  (1300)  

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais soulever quelques points.
    Premièrement, l'examen des divers règlements et règles est en cours. Le chef en a évoqué quelques-uns aujourd'hui.
    Le point que je voudrais signaler au Comité concerne les 48 recommandations de Mme Arbour. Elles font partie d'un programme plus large de changement de culture. Nous n'avons pas beaucoup parlé de l'organisation du général Carignan aujourd'hui, mais c'est aussi ce qui est différent cette fois‑ci. Cette organisation est maintenant bien établie et a le mandat de se pencher sur la culture de l'organisation.
    Elle est encore assez nouvelle dans l'histoire des organisations, mais elle va être essentielle pour faire avancer ces recommandations et le travail plus large de changement de culture, y compris les mesures pour s'attaquer au racisme et à l'inclusivité. Cela fait partie d'un ensemble plus vaste, et je voudrais signaler au Comité que ce travail ne doit pas être ignoré.
    Nous parlons aujourd'hui du rapport de Mme Arbour. Il y a un programme de travail plus large qui est tout aussi important.
    Il vous reste environ une minute, monsieur Fisher.
    Merci.
    En ce qui concerne le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle, ou CIIS, pouvez-vous faire le point sur certains des changements qui ont déjà été apportés et d'autres qui sont peut-être en voie d'être apportés pour mieux soutenir les plaignants, les victimes et les survivants?
    Tout à fait. Nous sommes en train de réviser le mandat et la clientèle du CIIS, ce qui constitue la première étape de la mise en oeuvre de la recommandation de Mme Arbour visant à renforcer le CIIS en tant que centre de ressources principal destiné uniquement aux plaignants, victimes et survivants d'inconduite sexuelle.
    Je pense qu'il est vraiment important de se rappeler ce que le sous-ministre vient de mentionner, à savoir que nous ne partons pas de zéro avec le rapport Arbour. Un certain nombre d'initiatives sont en cours depuis des années dans les Forces armées canadiennes, y compris les programmes du CIIS, dont une aide juridique indépendante, et l'accès aux services du CIIS, dont des initiatives visant à améliorer le processus de règlement des griefs. Nous nous appuyons sur une base de changement transformateur.
    En ce qui concerne le CIIS, ce qui est l'essentiel de votre question, nous travaillons à transférer l'autorité du CIIS en matière de formation et d'éducation sur l'inconduite sexuelle au centre de Mme Carignan, le CCPC, et nous assurons également que cette structure relève directement du sous-ministre de la Défense nationale. Le CIIS est également en train de mettre en oeuvre un examen de sa propre structure administrative afin de renforcer son indépendance.
    Il y a un certain nombre de réformes en ce qui concerne le CIIS, mais je veux m'assurer que vous savez qu'il y a une base de changement transformateur qui est déjà en place.
    Merci, monsieur Fisher.
    Voilà qui met fin à notre discussion avec la ministre et ses fonctionnaires.
    J'ai pris note, madame la ministre, de votre volonté de comparaître à nouveau devant le Comité. En tant que président de ce comité, je dois dire que la période entre votre dernière comparution et celle d'aujourd'hui a été un peu trop longue, et nous espérons rectifier la situation en vous convoquant vos collègues et vous plus souvent. Il y a un certain nombre d'études auxquelles ce comité participe et pour lesquelles votre contribution serait nécessaire et bienvenue. J'encourage ceux qui organisent votre horaire à libérer un peu plus de temps pour le Comité afin que nous ne soyons pas dans le néant.
    Sur ce, je tiens à vous remercier. J'ai passé deux heures extraordinaires dans mon fauteuil de président à entendre parler de l'engagement en faveur d'un changement substantiel de la part de certaines des personnes les plus importantes et les plus influentes de ce pays, et nous n'avons pas droit à l'échec. Je prends à coeur les observations du général Eyre: il est tout simplement trop dangereux pour nous d'échouer. Je suis donc heureux de voir cet engagement.
    Sur ce, nous allons clore la séance.
    Chers collègues, je ne sais pas ce qui est prévu pour jeudi. Selon M. Bezan, nous ne serons pas ici. Si nous le sommes, j'ai l'intention de tenir une réunion et de donner des directives aux analystes sur l'étude de l'Arctique et aussi d'entendre vos réflexions concernant notre voyage dans les pays baltes et en Pologne. Nous devons commencer à y travailler dès maintenant afin de tirer le meilleur parti de ce voyage et d'apporter notre aide. Nous verrons ce que jeudi nous réserve.
    Sur ce, la séance est levée.
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