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TRAN Rapport du Comité

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ANNEXE D
La proposition Lynx

1. Introduction

Le Consortium Lynx a réalisé une étude de faisabilité sur la construction d'une ligne à grande vitesse de 854 km entre la ville de Québec et Toronto, en passant par Montréal et Ottawa. Avant qu'on puisse réunir le capital et entreprendre la construction, le consortium public-privé Lynx doit mener à terme la phase détaillée de développement du projet et de détermination des modalités financières, d'une durée de 41 mois. Les gouvernements et les partenaires privés partageraient à parts égales la propriété et le financement de cette deuxième phase obligatoire de 102 millions de dollars. Dans une large mesure, on utiliserait les emprises existantes, mais il s'agirait essentiellement de nouvelles voies consacrées exclusivement au transport des voyageurs. L'express Toronto-Montréal ne devrait prendre que 2 heures et 21 minutes. Il y aurait des trains à peu près à chaque heure durant le jour, avec un service aux demi-heures pendant les périodes de pointe.

On parle de différents avantages du projet, dont la protection de l'environnement, l'avancement de l'économie, l'amélioration du service aux voyageurs, la réduction des demandes faites aux autres infrastructures et la stimulation des industries d'exportation canadiennes.

D'après les études qu'il a menées jusqu'ici, le Consortium Lynx est convaincu que le secteur privé ne peut fournir à lui seul le capital nécessaire au projet. Il recommande donc un partenariat des secteurs public et privé. Les gouvernements et (ou) des organismes publics fourniraient les infrastructures, tandis que la partie privée apporterait le matériel roulant et les systèmes et veillerait aux opérations. Les organismes publics loueraient les infrastructures et les ouvrages de génie civil aux concessionnaires privés. En vertu de ce plan, les gouvernements verseraient 7,5 milliards de dollars, le consortium privé, 3,6 milliards.

Pour le secteur gouvernemental, on calcule à 12,4 p. 100 le taux de rendement pendant la durée de vie du projet, ce qui est plus élevé que le coût d'emprunt de l'argent pour les gouvernements, d'où possibilité de rentrées de fonds nettes.

Le Consortium Lynx n'a pas non plus fait d'hypothèses sur la façon dont le financement gouvernemental serait partagé entre les trois gouvernements susceptibles de participer, soit ceux du Canada, de l'Ontario et du Québec.

2. Impacts éventuels

L'impact le plus évident du plan est le niveau élevé d'investissement requis de l'État : 7,5 milliards de dollars. En outre, il y a d'autres impacts, notamment les suivants :

2.1. Priorité des flux de trésorerie

La proposition de financement du Consortium Lynx comporte un ordre de priorité pour la répartition des recettes d'exploitation. Il s'établit de la façon suivante :

  • impôts et taxes;
  • charges d'exploitation et dépenses de maintenance des immobilisations;
  • billets pour l'équipement et la technologie (emprunts du secteur privé);
  • service de la dette sur le crédit de soutien pour variations de trafic;
  • rendement minimum aux investisseurs privés (10 p. 100 de la participation);
  • loyers pour l'infrastructure et les ouvrages d'art (85,5 p. 100 des fonds résiduels) et dividendes à l'égard de la participation (14,5 p. 100 des fonds résiduels).

On constate que le paiement des loyers sur l'infrastructure appartenant au secteur privé constitue la dernière priorité quant à la distribution de tout surplus d'exploitation. Cela a pour effet de transférer la majeure partie du risque aux gouvernements. Le secteur privé obtient un rendement sur l'investissement de 10 p. 100 avant toute remise de fonds aux gouvernements.

2.2. Analyses de sensibilité

Le mémoire Lynx comprend une section sur diverses analyses de sensibilité. Le tableau 1 ci-joint est tiré de ce rapport et résume ces analyses. On constate que le taux de rendement interne pour les gouvernements est sensible à toute variation par rapport aux hypothèses parce que ceux-ci viennent au dernier rang. Par exemple, si le trafic est inférieur de 5 p. 100 aux prévisions, le taux de rendement interne est ramené de 12,39 p. 100 à 10, 25 p. 100, et s'il est inférieur de 25 p. 100, il tombe à 6,81 p. 100. (On semble avoir inclu les 110 millions de dollars d'économies annuelles résultant de l'abandon des opérations de VIA Rail dans le calcul des taux de rendement.)

Tableau 1
Analyses de sensibilité

Taux de rendement interne
Gouvernements1 Secteur privé2
SCÉNARIO DE RÉFÉRENCE 12,39 % 21,50 %
Coût des travaux de construction

+ 10 %

9,85 % 20,75 %
Retards dans le calendrier de construction

+ 1 an sur les ouvrages d'art


10,64 %

19,66 %
Taux d'intérêt

- 50 pb3

+ 100 pb

+ 150 pb


14,97 %

8,83 %

7,64 %


21,89 %

20,64 %

20,21 %

Inflation

+ 0,5 %

+ 1 %

- 1 %


12,72 %

12,99 %

12,00 %


22,09 %

22,62 %

20,42 %

Trafic

+ 5 %

- 5 %

- 25 %

Augmentation du trafic inférieure aux prévisions4


14,94 %

10,25 %

6,81 %


9,42 %


22,60 %

19,91 %

14,78 %


16,74 %

Charges d'exploitation

+ 10 %

- 10 %


11,23 %

13,69 %


20,81 %

22,10 %

Source : Proposition Lynx, Partie C, p. II-3-4.


    1 Niveau 1 - Le taux de rendement interne a été calculé en utilisant les liquidités nettes tirées directement du projet par les gouvernements (soit les paiements de loyer pour l'infrastructure et les ouvrages d'art, moins les paiements au titre du service de la dette garantis par l'État à l'égard des détenteurs de billets sur l'infrastructure et les ouvrages d'art, l'apport des gouvernements aux frais de Développement du projet et Clôture du financement, et l'apport des gouvernements à l'entité publique de financement).

    2 Les rendements de la participation du secteur privé sont calculés exclusivement à partir des paiements de dividendes projetés.

    3 Une réduction de 50 points de base des taux d'intérêts du scénario de référence entraîne leur harmonisation avec les taux d'intérêt courant (mars 1998). Le scénario de référence surestime donc par mesure de prudence les taux d'intérêt des diverses créances.

    4 Il demeure possible de couvrir le service de la dette par l'utilisation partielle de la réserve qui serait renflouée dans les années suivantes.


2.3. Demande

La demande estimée par le Consortium Lynx est de 11,1 millions de voyageurs en 2008. Cela correspond à l'estimation de la demande dans le corridor Québec-Toronto de 8,8 millions de voyageurs en 2005 dans l'étude tripartite. Il est difficile de dire si une prévision est supérieure aux autres, mais les comparaisons montrent qu'il faut faire preuve de prudence quand on utilise les prévisions de trafic et de recettes du Consortium Lynx.

2.4 Autres retombées

Le Consortium Lynx décrit d'autres retombées éventuelles du projet de train à grande vitesse, notamment les avantages pour l'environnement, une réduction des besoins d'autres types d'infrastructures (aéroports, autoroutes, etc.) et la stimulation des exportations canadiennes. L'étude tripartite s'est penchée sur ces retombées et a constaté qu'elles ont un certain poids, mais sans grande portée, et qu'elles sont sans doute bien inférieures à ce que produiraient des investissements dans d'autres types de projet. Par conséquent, ces retombées, bien que réelles, ne devraient probablement pas jouer un rôle décisif dans la décision en faveur ou contre le projet Lynx.

Le Conference Board du Canada, un organisme de recherche indépendant sans but lucratif, a effectué une analyse de l'incidence économique du projet Lynx. D'après son examen, la phase de développement et de construction du projet créera directement 69 206 années-personnes de travail à l'échelle du pays, et indirectement 56 921 années-personnes additionnelles, outre de l'emploi induit pour 49 031 années-personnes. Au total, 175 158 années-personnes de travail seront créées au cours de cette phase, principalement en Ontario et au Québec. On prévoit que la phase d'exploitation et d'entretien créera en moyenne, sur une base annuelle, 3 657 emplois directs, 712 emplois indirects et 2 008 emplois induits, ce sur la durée de vie de 60 ans du projet. Par conséquent, l'ensemble des emplois créés de façon permanente s'établira à 6 377 par année en moyenne. Toutefois, il importe de souligner que ces résultats ne prennent pas en compte la perte d'activité économique pouvant se produire dans d'autres secteurs de l'économie. On doit donc considérer qu'il s'agit là de retombées « brutes » du projet.

Dans la proposition Lynx, on soutient que le train à grande vitesse peut contribuer dans une large mesure aux efforts de protection de l'environnement du Canada, grâce à une variété de solutions :

  • fonctionnant à l'électricité et alimenté en énergie largement renouvelable, le Lynx réduirait de 20 p. 100 d'ici 2025 la consommation de combustible fossile dans le corridor;
  • par passager, le Lynx ne consommerait que 51 p. 100 de l'énergie absorbée par l'automobile;
  • l'incidence sur l'environnement physique est réduite au minimum, l'équipe du projet Lynx s'engageant à utiliser dans la mesure du possible les emprises ferroviaires existantes ainsi qu'à mener avant les travaux de construction des études d'impact environnemental sérieuses, conformément aux exigences gouvernementales; et
  • en 2025, on prévoit que le Lynx transportera 15,9 millions de voyageurs chaque année dans le corridor. En attirant ne serait-ce qu'un faible pourcentage des voyageurs qui utilisent actuellement l'avion et l'automobile, le Lynx réduira la congestion dans les aéroports et sur les autoroutes et rendra beaucoup moins nécessaire la construction d'infrastructures nouvelles ou élargies.

2.5 Dépassements de coûts

Le Consortium Lynx dit qu'il assumera tous les dépassements de coûts, sauf :

Les dépassements de coûts nécessaires pour compléter les livrables afférents aux questions d'ordre environnemental, d'acquisition des terrains et des emprises, législatif ou réglementaire, liés à l'obtention des permis ou à des changements importants dans la conjoncture économique, ou occasionnés par les dépassements nécessaires5.

Cela représente de toute évidence une échappatoire assez considérable pour le consortium.

2.6. Impacts sur VIA Rail dans le corridor

Il est fort possible que VIA Rail, tel que nous le connaissons aujourd'hui, ne puisse pas continuer d'exister si une autre entreprise exploite la ligne Québec-Toronto. Or, la disparition de VIA Rail causerait des bouleversements du transport ferroviaire de voyageurs dans les autres parties du pays et aurait par ailleurs des répercussions financières. En effet, les conventions collectives actuelles de VIA Rail comportent des dispositions sur la sécurité d'emploi. Si la totalité des parties importantes de VIA Rail devaient disparaître, ces dispositions s'appliqueraient. Transports Canada a estimé que ces obligations pourraient totaliser 135 millions de dollars par an pendant plusieurs années. Les répercussions financières de la disparition de la portion Québec-Toronto seraient manifestement moindres, mais seraient néanmoins assez importantes.

Ne tenant pas compte de ces répercussions, la proposition du Consortium Lynx pose en hypothèse que l'abandon du corridor Québec-Toronto fera faire des économies au gouvernement fédéral représentant les subventions que celui-ci verse actuellement à VIA Rail pour ce tronçon, à savoir une somme annuelle de 110 millions de dollars (dollars de 1996). Cette somme, augmentée de l'inflation, a été déduite des débours dans le calcul du rendement pour les gouvernements. Si cette somme n'est pas prise en compte, le taux de rendement pour les gouvernements est alors ramené de 12,39 p. 100 à 9,05 p. 100.

Si la totalité ou une bonne partie des opérations de VIA Rail sont abandonnées, il faudra alors déterminer ce qu'il convient de faire des actifs restants. On trouvera peut-être à vendre le matériel roulant neuf à des services régionaux des États-Unis, mais les autres éléments d'actif de VIA Rail n'ont pas d'autres utilisations évidentes.

Afin que le réseau Lynx permette la circulation des trains à grande vitesse, la plupart des arrêts intermédiaires sont éliminés. Entre Toronto et Québec, les arrêts qui pourraient demeurer sont : Toronto-Est, Kingston, Ottawa, Autoroute 13 (banlieue ouest de Montréal), gare centrale à Montréal, Laval, Trois-Rivières, Ancienne-Lorette, Québec.

Il est certain que les services de VIA Rail dans la section Québec-Toronto du corridor canadien seront touchés, les grands axes permettant d'assurer le service aux plus petites villes. Il se peut donc qu'un service soit fourni par un exploitant à des villes comme Oshawa, Cobourg, Belleville, Brockville, Cornwall, Saint-Hyacinthe et Drummondville, afin d'alimenter la ligne à grande vitesse en assurant à celle-ci un nombre supplémentaire de voyageurs provenant de villes plus petites.

3. Étapes suivantes

Élaboré à partir des trois études gouvernementales publiées en 1995 avec les ressources de l'État, le Consortium Lynx affirme que la prochaine étape devrait être une phase II, développement de projet et entente financière, qui doit aboutir à une entente de concession entre l'État et le consortium privé.

Cette phase II comprend les tâches suivantes :

  • prévisions fines de l'achalandage à des fins d'investissement;
  • évaluation environnementale;
  • conception permettant d'obtenir des coûts finaux en immobilisations, exploitation et entretien;
  • planification de la construction et gestion de projet;
  • essais et recherche;
  • lois et règlements;
  • confirmation de la disponibilité des emprises;
  • analyse et structure financières, modélisation et arrangement.

Le coût prévu de cette phase II serait de 102 millions de dollars, qu'on s'attend à voir partagé entre les gouvernements et les partenaires privés. L'évaluation environnementale et les analyses de disponibilité des terrains ne sont pas incluses dans la facture de 102 millions. Le consortium estime que les gouvernements devraient assumer ces études, évaluées à 16,5 millions de dollars supplémentaires.

Il ne s'agit pas ici d'une simple invitation à participer à de nouvelles études. Le consortium demande que les gouvernements s'engagent. En vertu des termes de l'engagement proposé par le consortium, si les projections de ce dernier se confirment par des études supplémentaires mais que les gouvernements décident néanmoins de se retirer de l'investissement, ces derniers seraient responsables de la part privée de la phase suivante, en plus de leur propre part. En d'autres mots, le consortium demande un engagement de l'État dès maintenant, au moins à hauteur de 118 millions de dollars, envers le projet, sous réserve seulement de ce que l'on peut appeler un processus de diligence raisonnable.

L'entente proposée précise que les gouvernements devront rembourser le consortium si les critères de réussite sont satisfaits et si les gouvernements décident de renoncer au projet ou si un plusieurs des critères de réussite ne sont pas satisfaits et si cet échec n'est pas attribuable à l'équipe Lynx. Autrement dit, les gouvernements sont tenus de payer la phase II à moins que le consortium ait fait des hypothèses et des estimations qui se révéleraient erronées.

De toute évidence, c'est là une décision très difficile pour le gouvernement du Canada. Celui-ci ne devrait s'engager qu'après une évaluation complète des avantages et des coûts du projet pour le Canada dans son ensemble.


5 Proposition Lynx, Partie D, Entente cadre, p. II-8.