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HERI Rapport du Comité

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CHAPITRE SIX : CONSIDÉRATIONS POUR L'AVENIR

À partir des renseignements présentés dans ce rapport sur la croissance et l'impact d'Internet, on peut déjà voir certains des changements apportés par les entrepreneurs qui veulent et peuvent exploiter les possibilités d'une nouvelle technologie. De tels changements, combinés à l'expansion des mégalibrairies, ont bouleversé la dynamique classique de l'édition et continueront sûrement de le faire au cours des prochaines décennies. En outre, ils créeront un climat commercial tel que de nombreuses petites librairies indépendantes devront livrer une lutte de plus en plus farouche à leurs concurrents.

Outre l'impact des changements qui se produisent dans la vente au détail et la distribution du livre, d'autres technologies auront des répercussions dont on ne peut que soupçonner l'étendue. Quatre de ces technologies méritent notre attention : les livres sur cédéroms ou sur vidéodisques numériques (DVD), les livres électroniques, l'impression sur demande et les agents électroniques s'occupant d'achats en ligne pour des particuliers (« cybermagasineurs »).

Dans ce chapitre, nous traitons de ces innovations et des répercussions qu'elles peuvent avoir pour l'avenir de la vente et de la distribution des livres. Nous envisageons ensuite la santé générale de l'industrie du livre au Canada, avant de jeter un coup d'œil sur les enjeux de l'évolution de la technologie. Pour finir, nous présentons quelques dernières réflexions au sujet des coûts que suppose l'application des recommandations formulées dans ce rapport.

A. INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES

1. Cédéroms et vidéodisques numériques

Tout texte préparé sur ordinateur peut être stocké dans un fichier numérique, qui peut ensuite servir à imprimer un livre ou être transféré sur disque et vendu pour utilisation par quiconque a accès à un ordinateur. Peu de romans sont actuellement diffusés sur cédéroms; par contre, beaucoup d'ouvrages de référence le sont. En fait, il est maintenant possible de se procurer sur cédérom ou vidéodisque numérique (DVD) chaque numéro de publications aussi variées que The National Geographic, The Canadian and World Encyclopedia et Mad Magazine. Les cédéroms sont intéressants parce qu'on peut y emmagasiner d'importantes quantités de renseignements et des sons et des images. Ils sont aussi très faciles à consulter. Autant de qualités qui en font des supports idéaux pour des ouvrages de référence. Ils peuvent aussi être mis à jour régulièrement et occupent moins d'espace sur les tablettes que la plupart des dictionnaires. De plus, leur fabrication est très peu coûteuse.

Les livres sur cédérom ou sur DVD existent depuis quelques années seulement. Les jeunes, dont ils ont la faveur, les trouvent intéressants et faciles à utiliser. La croissance du marché pour ce genre de produits pourrait bien entraîner des changements dans l'édition, la distribution et la vente au détail des ouvrages de référence. Par exemple, il n'y a plus d'édition papier reliée de l'Encyclopedia Britannica, l'encyclopédie étant plutôt offerte sous forme d'un abonnement annuel sur Internet. D'autres outils de référence, comme les dictionnaires, les encyclopédies, les index et les manuels connaîtront probablement le même sort. On peut facilement imaginer un site Web spécialisé qui offrirait un abonnement en ligne à une série de dictionnaires mis à jour régulièrement.

À mesure que le nombre de « livres » offerts sur Internet augmente, il se pourrait que la vente de livres traditionnels chez les détaillants traditionnels diminue. Récemment, le livre Bing, Bang, Boom de Carol Givner a été le premier ouvrage électronique à se retrouver sur les rayons de la librairie américaine Barnes & Noble. Et Stephen King vient de publier une nouvelle sur Internet uniquement, qui s'est vendue à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires dès la première semaine. Selon M. Jack Romanos, président-directeur général de Simon and Schuster, ces événements marquent un point tournant pour l'industrie, en plein essor, du cyberlivre : « Avant longtemps, nous verrons les livres électroniques simplement comme une autre forme de livre, au même titre que les livres sonores et les livres à couverture souple »149.

2. Livres électroniques

Le livre électronique idéal aurait à peu près le même format qu'un livre classique. Or, étant donné que la plupart des écrans d'ordinateur ne sont pas aussi nets ou aussi clairs que les pages « traditionnelles », la lecture est plus ardue à la longue. C'est là un problème qu'il faudra régler pour que le livre électronique gagne en popularité. Aux fins de la présente discussion, il n'est pas nécessaire de savoir quand exactement il s'implantera; il suffit de savoir que cela arrivera, et probablement plus rapidement que l'on pense.

L'adoption du livre électronique sera une autre source de changement dans la distribution des livres. En théorie, il peut être vendu sous forme de petites « puces » ou encore sous forme de disques à insérer ou à télécharger dans une sorte de tablette électronique personnelle. Dans les deux cas, il se peut que la vente ne se fasse pas dans des librairies traditionnelles. Il s'agira là d'une autre variation qui mettra en péril la survie de ce genre de librairie.

3. Impression sur demande

Lorsqu'un livre existe sous forme de document électronique, il est possible d'en imprimer un exemplaire pour un seul client, et les moyens de le faire à prix raisonnable existent déjà. L'impression sur demande pourrait s'implanter commercialement selon l'un ou l'autre des scénarios suivants. Dans le premier cas, le livre serait commandé (par ex., par Internet ou par téléphone), imprimé à un centre de distribution (par ex., dans un entrepôt) et envoyé par la poste à la personne qui l'a commandé. Dans le second, le livre serait imprimé sur demande et livré à une librairie à proximité.

L'impression sur demande aura probablement au moins deux grandes conséquences. Premièrement, elle rendra plus intéressante la liste des ouvrages disponibles chez les éditeurs, qui pourront vendre des exemplaires sans être obligés de faire un grand tirage150. Deuxièmement, elle aura probablement un impact positif sur les grandes librairies, qui pourront partager les coûts de l'équipement nécessaire à l'entrepôt ou dans une ou deux succursales d'une ville donnée. Si l'impression sur demande aide les éditeurs et les grandes librairies, elle nuira probablement aux petites librairies, à moins que celles-ci ne trouvent des façons de collaborer pour offrir la même qualité de service ou n'utilisent les services d'un gros distributeur151.

4. Cybermagasineurs

Même s'il a toujours été possible de comparer les prix, la capacité de chacun de négocier ceux-ci est souvent limitée par des considérations de distance, de temps et de coût. Ces restrictions ne s'appliquent guère aux cybermagasineurs. Ainsi, comme on recourt à un agent immobilier pour trouver une maison, on pourrait recourir à un agent électronique qui cherchera dans la Toile les produits désirés et qui repérera les meilleurs prix. Il existe déjà des sites Web qui offrent des comparaisons de prix (bookbot.com, DealPilot et mySimon).

Les cybermagasineurs sont désormais possibles; un essai en ce sens s'effectue actuellement en Angleterre152. Ils transformeront radicalement le commerce électronique. M. Steve Juretson, investisseur américain dans le capital de risque, va même jusqu'à déclarer que « amazon.com est un anachronisme »153. Il est donc tout à fait envisageable que l'arrivée des cybermagasineurs entraîne d'autres changements dans la distribution et la vente de livres, le plus important étant la diminution des marges bénéficiaires des détaillants.

B. SANTÉ DE L'INDUSTRIE DU LIVRE AU CANADA

Même s'il est difficile, voire impossible, de faire des prévisions détaillées concernant l'avenir des pratiques de vente au détail et de distribution des livres au Canada, il paraît évident que d'importants changements se produiront. Et ces changements obligeront les entreprises actuelles à s'adapter.

Le système complexe d'aide publique aux arts et à la culture dont le Canada dispose ne lui a pas été imposé. Le système est complexe parce qu'il concerne des besoins humains aussi fondamentaux que ceux visés par le système de santé ou le système juridique. Au-delà de la nécessité de se nourrir et de se loger, les êtres humains ont des besoins sociaux d'appartenance et d'affection et des besoins personnels de connaissance et de réalisation de soi. Ainsi, les arts et la culture connexe constituent probablement pour beaucoup d'entre nous une fusion profonde des besoins d'appartenance, d'affection et de réalisation de soi.

Les livres, objet de la présente étude, sont un merveilleux exemple de la diversité des besoins, des désirs et des intérêts humains. Il est absurde de dire que quelqu'un a besoin d'un livre pour réparer sa voiture, mais ne fait que désirer un livre de poésie. Fondamentalement, les deux achats répondent à un besoin humain154.

Le jeu de tous ces facteurs est étudié sous deux grands thèmes : l'économie et la commercialisation. Nous avons traité des facteurs économiques au chapitre trois (distribution). Dans la présente partie, nous nous intéressons à la commercialisation.

Dans son rapport Appartenance et identité de 1999, le Comité a fait valoir l'importance de la commercialisation dans l'écologie des arts et de la culture au Canada. Comme il l'a souligné, dans une société complexe composée de millions de personnes, des moyens modernes de commercialisation sont nécessaires. Le Canada de l'an 2000 n'est pas le Montréal ou le Toronto de 1850.

Il y a 150 ans, l'édition était relativement simple. De nombreux livres étaient vendus par abonnement, et le prix et le tirage étaient déterminés d'après les préventes. Comme l'a expliqué George L. Parker :

Depuis des siècles, on vendait les livres par abonnement, mais la pratique est devenue tellement à la mode et tellement vigoureuse dans les années 1870 et 1880 qu'elle a contribué à transformer l'édition et la vente traditionnelles du livre. [...] Les éditeurs qui y recourent limitent leurs frais généraux et augmentent leurs profits en court-circuitant les libraires, puisque ils distribuent les livres par courrier ou en utilisant des démarcheurs et des agents [...]155.

Ainsi, comme le marché était petit et la population beaucoup moins alphabétisée qu'aujourd'hui, la publicité consistait tout bonnement à faire parler l'auteur de son livre ou peut-être à imprimer des feuillets et à les distribuer.

Il y a plusieurs facettes à la commercialisation des livres. D'abord, la plupart des livres se vendent encore en librairie, et les librairies elles-mêmes font de la promotion pour attirer le client. Ensuite, les livres, sous leur couverture, ne sont pas tous égaux dans l'esprit du lecteur. L'admirateur de Leonard Cohen peut être pressé d'acheter les œuvres complètes du poète, mais n'avoir aucun intérêt ou presque pour la nouvelle traduction de Beowulf. Ainsi, la réputation de l'auteur peut jouer beaucoup, rendant plus facile pour l'éditeur de promouvoir un auteur bien établi comme Michael Ondaatje ou Roch Carrier qu'un inconnu qui publie son premier recueil de poésie.

La commercialisation des livres est en outre compliquée par les habitudes de ceux qui les achètent. Un peu plus de la moitié de la population achète des livres. Certains n'achètent que quelques livres par an et d'autres les achètent surtout pour les donner en cadeau (par ex., dans le temps des Fêtes). La période qui précède Noël (qui commence à l'automne) est cruciale pour la survie des éditeurs et des libraires. Sans les profits du quatrième trimestre, ils cesseraient leurs activités. En réponse à une question du Comité, M. Larry Stevenson a indiqué :

Sur quatre trimestres, il y en a trois où personne, sur le marché du livre au détail, ne réalise des profits; ces profits on les fait dans la période des Fêtes. Il faut prendre les chiffres de toute l'année. [...] Le volet détaillant de Chapters a été rentable chaque année156.

Une troisième complication provient de ce qu'une petite partie de la population achète le gros des livres. En outre, un pourcentage étonnant des achats se font de façon impulsive. Ainsi, le client qui entre dans une librairie juste pour feuilleter en ressort avec plusieurs livres sous le bras. Selon les sondages des clients au sortir des librairies, plus de 60 % des achats ne sont pas prémédités.

Dans le passé, le libraire pensait sa boutique en fonction de quelques considérations simples. il situait la librairie dans un lieu de grande circulation piétonne, pour attirer ceux qui viennent pour feuilleter. En plus, il y avait des attractions (par ex., des séances de dédicace), des collections et d'autres dispositifs pour attirer l'attention sur certains titres (par ex., une table ou un rayon des succès de l'heure).

Tous ces aspects ont encore leur importance, mais la progression de la technologie de l'information (voir le chapitre trois) a facilité l'apparition de deux grandes nouveautés æ le magasin-entrepôt (parfois surnommé « requin du commerce »), et la capacité d'acheter en ligne.

Les grosses librairies offrant jusqu'à 100 000 titres peuvent attirer des clients qui savent déjà qu'ils y trouveront beaucoup d'ouvrages qui les intéressent. Elles peuvent aussi offrir un coin lecture devant une cheminée, un café, des branchements Internet, des aires de travail, des articles cadeaux, des toilettes, une rangée de téléphones publics et le stationnement gratuit. Ainsi, la grande surface devient une destination. C'est un avantage important, étant donné que la majorité des livres sont achetés sous l'impulsion du moment.

La récente apparition des grandes surfaces et les ventes Internet ont transformé le problème de la commercialisation pour les petites librairies. L'une des plus grandes innovations de l'industrie du livre dans les années 90 a été la possibilité de commander des livres par Internet. Première à occuper le créneau, l'entreprise américaine Amazon a attiré une vaste clientèle canadienne, ce qui n'a pas échappé aux grands protagonistes du Canada, qui se sont empressés de mettre sur pied des cyberétablissements, dont chapters.ca, indigo.ca et renaud-bray.com.

Le commerce de détail classique se heurte de plus en plus à la concurrence des cyberlibrairies, à mesure que les consommateurs prennent l'habitude d'acheter sur Internet157. Comme le montre le graphique 6.1 ci-après, les trois articles qu'on achète en ligne le plus souvent sont les livres, la musique enregistrée et les logiciels158. Selon les observateurs de l'industrie, un cinquième des ventes de livres se fera par Internet dans l'avenir159.

 

La plupart des librairies qui vendent par Internet n'ont pas encore dégagé de profits, bien qu'Amazon déclare que sa division librairie a atteint la rentabilité au quatrième trimestre de 1999160. Pour sa part, Chapters Online s'attend à ce que ses rentrées de fonds excèdent ses sorties d'ici la fin de 2001161. La rentabilité des cyberlibrairies canadiennes dépendra de leur capacité de conquérir une part du marché d'Amazon et d'autres homologues étrangers. Elle dépendra aussi de l'utilisation accrue d'Internet par les Canadiens.

En ce qui concerne le dernier point, il est difficile de trouver des chiffres exacts et à jour. La croissance phénoménale d'Internet peut rendre l'information désuète en quelques mois seulement. Comme les gens ont accès à Internet à la maison, à l'école, dans les bibliothèques et au travail, ce ne sont pas seulement ceux qui ont payé pour être branchés chez eux qui s'en servent et qui sont des clients éventuels des cyberlibrairies.

Ainsi, les données de l'Enquête de 1998 sur l'utilisation d'Internet par les ménages révèle que 45,1 % des ménages canadiens possèdent un ordinateur personnel (la proportion n'était que de 39,8 % à la fin de 1997).

Dans l'enquête, Statistique Canada fait ressortir le lien étroit qui existe entre le revenu et l'utilisation d'Internet d'une part, et entre le niveau de scolarité et l'utilisation d'Internet d'autre part. Comme l'achat de livres affiche aussi un lien positif avec le revenu et le niveau d'instruction, on se rend compte que les libraires ont grand intérêt à mettre sur pied des divisions de vente Internet.

Le lieu, des attractions, une spécialité et des clients fidèles sont donc plus importants que jamais. Toutefois, l'histoire, la tradition et la loyauté n'assurent plus une grande protection. Par exemple, John Smith and Son de Glasgow (Écosse), plus vieille librairie du monde puisque fondée en 1751, a annoncé en avril 2000 qu'elle fermait ses portes. Comme l'a expliqué M. Willie Anderson, son directeur général : « La librairie ne pouvait soutenir la concurrence des mégalibrairies et des ventes à rabais sur Internet162 ».

Nombre des changements examinés dans ce rapport se produiront graduellement, à mesure que les jeunes Canadiens, plus proches de la technologie moderne que leurs parents, voudront avoir accès à des ouvrages canadiens. Les jeunes sont beaucoup plus susceptibles que leurs aînés de recourir à un cybermagasineur et beaucoup plus susceptibles aussi d'en venir à affirmer que « amazon.com est un anachronisme ». Et même s'ils ne sont pas d'accord avec Steve Juretson, il se pourrait qu'ils achètent proportionnellement beaucoup plus de livres (cédéroms, vidéodisques numériques, abonnements et recherches d'information) par voie électronique. En conséquence, l'utilisation de la Toile dans l'avenir pour les achats de « livres » pourrait être beaucoup plus élevée que les 15 à 20 % actuellement prévus par certains observateurs, et cela menacera la survie des petites librairies indépendantes. Reste à savoir si cette situation influera sur la disponibilité des ouvrages écrits par les Canadiens.

D'après les témoignages présentés au Comité et les documents d'archives mis à sa disposition par les organismes du gouvernement du Canada, il est possible de tirer quelques conclusions de la situation actuelle.

Jusqu'ici, la fusion de Smith Books avec Coles n'a pas diminué la disponibilité des livres en général ni de ceux écrits par des Canadiens en particulier. Il semble que le nombre d'ouvrages d'auteurs canadiens soit demeuré assez constant æ environ 5 000 par an æ et que les ventes de ces ouvrages aient légèrement augmenté depuis cinq ans (voir le chapitre deux)163.

Certaines des préoccupations exprimées au Comité concernent les grandes questions de l'évolution de la technologie, qui demeureraient même si Pegasus ou Chapters n'existaient pas. S'il n'y avait pas Chapters, il y aurait Indigo et s'il n'y avait pas Indigo, amazon.com serait toujours une force croissante avec laquelle il faudrait compter. Bien entendu, dans le marché de langue française, les forces du changement, représentées par Renaud-Bray, n'ont rien à voir avec Chapters.

Par ailleurs, tous les témoins ont laissé entendre au Comité que le gouvernement du Canada a un rôle important à jouer pour aider l'industrie à s'adapter.

Les membres du Comité ne peuvent prétendre être spécialistes du secteur, mais nous sommes frappés par plusieurs aspects :

1. Le secteur est fragmenté et n'a pas d'association qui représente tous ses acteurs, que ce soit du côté anglais ou français. Voilà qui est préoccupant, parce que nombre des problèmes soulevés par les témoins ne peuvent être réglés que par l'industrie toute entière. Le gouvernement peut aider, mais sans un esprit de collaboration, son soutien sera vraisemblablement beaucoup moins efficace qu'il pourrait l'être. L'importance de la collaboration dans l'ensemble du secteur déteint sur nombre des éléments qui suivent.

2. Conscient des défis qui se posent au gouvernement fédéral, le Comité demeure convaincu que le gouvernement et ses organismes doivent réagir avec plus de finesse et de rapidité aux problèmes qui surgissent. S'il y a une chose qui ressort des travaux sur le sujet, c'est que nous n'avons plus le luxe de passer des années à concevoir un programme qui demeurera essentiellement inchangé durant 30 ans. Cette façon de faire est révolue.

3. Face au raz-de-marée de changements, nous devons agir avec célérité, sinon la plupart des gains qu'a permis le soutien à la culture depuis 30 ans se perdront rapidement.

C. ENJEU DU CHANGEMENT TECHNOLOGIQUE

1. Principaux éléments

On ne s'entend pas sur le potentiel d'Internet et du cybercommerce. Selon M. Karl H. Siegler, président du Comité des politiques du Literary Press Group of Canada :

Au bout du compte, tous les sites livres.com échoueront en raison de leur nature hybride : ils sont tous fondés sur le vieux modèle de distribution concret inséré en porte-à-faux dans une technologie complètement virtuelle avec laquelle ils sont en conflit structurel profond. Les sites de commerce électronique inspirés du modèle amazon.com sont pareils à des centres d'achat en béton au milieu de l'autoroute électronique. Ils n'y ont pas leur place. Ce ne sont que des obstacles164.

Cela dit, le Comité prend note avec intérêt d'une récente étude du ministère du Commerce des États-Unis, selon laquelle au moins le tiers de la croissance économique du pays entre 1995 et 1998 est attribuable aux industries Internet et de haute technologie165. Il semble bien, par conséquent, que le Comité serait négligent s'il prétendait que la Toile ou le cybercommerce ne sont qu'une passade. La section qui suit présente quatre domaines où le gouvernement du Canada peut prêter main-forte.

i. Retour des livres

Dans le passé, le gouvernement a soutenu la production de livres en aidant modestement les associations et la commercialisation. Le Comité est d'avis qu'il faut apporter une aide concertée à d'autres segments de l'industrie.

Certains témoins jugent crucial de faire quelque chose au sujet des retours. Il est probablement impossible de l'éliminer dans l'immédiat. Toutefois, les retours sont une coûteuse épine au pied des éditeurs, des distributeurs et des détaillants166.

Après impression, le livre est envoyé à l'entrepôt de l'éditeur. Quand celui-ci reçoit une commande, il l'envoie au grossiste ou à la librairie de détail. Depuis la Crise des années 30, les maisons d'édition garantissent la vente de chaque livre imprimé. Le plus souvent, les grossistes et les détaillants leur retournent simplement les invendus et se les font entièrement créditer, ne payant que les frais de port et de manutention.

Les livres, contrairement à la plupart des articles sur le marché (par ex., les réfrigérateurs), peuvent être retournés s'il ne sont pas vendus au bout d'un an. Il y a deux grandes « saisons » du livre : le printemps et l'automne, qui comprend Noël. En général, les ouvrages livrés par l'éditeur à l'automne lui seront retournés au printemps suivant s'ils ne se sont pas vendus.

Les retours varient selon le type de livre et de détaillant. Un grand magasin qui fait partie d'une chaîne peut retourner en moyenne 30 % des livres, tandis qu'une petite boutique spécialisée peut en retourner 15 %. Les retours de ventes par Internet (de chapters.ca ou indigo.ca, par exemple) sont bien moindres et en théorie devraient être presque nuls. C'est que, dans le monde virtuel, tous les livres sont en montre, et la demande réelle commande le réseau de production et distribution. De fait, amazon.com ne retourne qu'environ 3 % de ses commandes -- soit environ le dixième des retours traditionnels167.

Les retours posent un sérieux problème à l'industrie du livre, car ils coûtent cher à tous ceux à qui ils passent entre les mains. Les éditeurs prévoient les retours -- souvent au taux de 30 % -- dans leur planification financière. L'incertitude du volume des retours, les coûts de manutention et l'inefficacité qu'ils supposent font augmenter le prix de tous les livres. Comme les consommateurs sont sensibles au prix des livres, cette pratique inefficace finit par réduire les ventes.

Il est presque impossible de prédire à combien d'exemplaires un livre se vendra. Il est donc aussi difficile de prévoir les retours. Pour ces raisons, réduire ou éliminer les retours demandera un travail considérable à l'industrie -- en particulier aux éditeurs, aux distributeurs, aux grossistes et aux détaillants -- pour qu'elle augmente en efficacité. Au printemps 2000, les retours de Chapters ont baissé, pour passer de 32 % en 1999 à 30 % globalement168. Ainsi, on est en droit d'imaginer que les retours diminueront encore au cours des cinq prochaines années pour atteindre une proportion variant entre 20 et 25 %, l'industrie élaborant des stratégies plus efficaces de suivi des ventes.

Nous présentons plus loin dans ce chapitre deux recommandations sur les retours.

ii. Actualité des renseignements

Pour réduire les retours, il est essentiel de disposer de données à jour sur les ventes, et il faut que les éditeurs, les grossistes et les détaillants partagent mieux l'information. Idéalement, les grands intervenants de l'industrie devraient savoir pour chaque titre combien il y a d'exemplaires en entrepôt, dans les camions et en magasin, et combien ont été vendus en date d'hier. Ces renseignements permettraient aux libraires de commander en fonction des prévisions de vente, les éditeurs pourraient déterminer plus précisément le volume des impressions ou réimpressions et l'industrie dans son ensemble en sortirait gagnante.

Au chapitre deux, nous avons parlé de l'importance des statistiques culturelles et des améliorations à leur apporter. Il y a une distinction appréciable à faire entre les données d'archives et l'information actuelle qui est nécessaire pour exploiter une entreprise. Malheureusement, les renseignements nécessaires pour exploiter un système moderne et concurrentiel de vente de livres au détail font tout bonnement défaut au Canada. À cet égard, le pays se traîne derrière l'Angleterre et les États-Unis.

Des suggestions ont été faites au Comité pour y remédier. Le ministère du Patrimoine canadien a signalé qu'il travaillait à un observatoire culturel; Statistique Canada a indiqué qu'il était prêt à collaborer avec d'autres; et l'Association of Canadian Publishers a fait valoir que le ministère du Patrimoine canadien pourrait consacrer plus d'efforts dans ce domaine169.

Le Comité est d'avis que ces initiatives et propositions ne répondent pas au besoin d'une information immédiate. L'industrie dans son ensemble est la seule à pouvoir y répondre. Seulement, comme nous l'avons indiqué précédemment, il n'existe pas d'association qui réunisse tous les acteurs principaux.

Pour qu'il y ait ce genre de partage, éditeurs, distributeurs et détaillants doivent avoir des renseignements à échanger. De façon générale, cela se fait par échange de données informatisé (EDI), mais cet échange exige que la chaîne d'approvisionnement investisse dans le matériel et le logiciel informatiques nécessaires.

Nous présentons plus loin dans ce chapitre une recommandation relative à l'actualité des renseignements.

iii. Commerce électronique

Dans Pour une progression rapide : Comment faire du Canada un leader dans l'économie sur Internet, la Table ronde sur les possibilités des affaires électroniques canadiennes rappelle à ses lecteurs qu'Internet est :

[...] plus qu'un simple outil d'achat et de vente. C'est un moyen qui permet de fournir une multitude de renseignements, souvent personnalisés, sur les organisations, leurs produits et leurs services. Il facilite l'échange de renseignements entre les entreprises et leurs partenaires commerciaux, comme dans le cas des systèmes de contrôle automatisé des stocks et des systèmes de conception collective. Qui plus est, il permet aux fournisseurs d'information, de biens et de services d'échapper aux limites traditionnelles de la réalité matérielle hors ligne. Avec le commerce électronique, toutes ces activités en ligne constituent ce qu'il convient d'appeler plus largement l'univers des affaires électroniques170.

Dans ce contexte, la Table ronde croit que le « Canada est bien placé pour être un leader de l'économie sur Internet en raison de son infrastructure évoluée, de sa population très branchée et de ses premières incursions dans le domaine de l'élaboration de politiques sur l'utilisation d'Internet ». En effet, comme le montre le tableau 6-1, le Canada, en 1998, avait la plus grosse part des recettes mondiales du commerce électronique après les États-Unis et l'Europe de l'Ouest171.

 

Ainsi, « malgré les avantages dont le Canada dispose sur le plan de l'infrastructure, malgré sa population très branchée, son solide cadre de politique en matière de conduite des affaires économiques et l'accueil relativement favorable que le Canadiens ont réservé à Internet, il s'est mis au commerce électronique avec une lenteur étonnante [et] il tire de l'arrière sur les États-Unis tant pour ce qui est des activités inter-entreprises que des activités entreprises-consommateurs ». Néanmoins, la Table ronde croit que le Canada est bien placé pour connaître une croissance constante des ventes et du commerce électroniques. Elle estime que la Net-économie du Canada représentera 156 milliards de dollars en 2003, ce qui pourrait se traduire par une croissance d'environ 0,6 % du PIB et par la création de plus de 180 000 emplois173.

L'Internet gagnant en importance pour les détaillants, y compris les libraires indépendants, les protagonistes de l'industrie devront s'adapter. Le Comité reconnaît que le coût lié à la participation au commerce électronique peut être considérable, mais il est convaincu que l'industrie canadienne du livre doit tenir compte des possibilités qu'offre la très récente apparition du cybercommerce. Le Comité présente plus loin dans ce chapitre deux recommandations portant sur celui-ci.

iv. Numérisation des listes d'ouvrages disponibles

Cette période d'évolution rapide donne à l'industrie canadienne du livre l'occasion d'offrir un nombre important d'ouvrages épuisés. Comme nous l'avons indiqué plus haut, il est maintenant possible d'imprimer un seul exemplaire d'un livre sur demande. Pour que l'impression sur demande soit économique, il faut une vaste bibliothèque de documents numérisés. Il coûte environ 100 $ pour numériser un titre épuisé, mais aucun éditeur canadien ne sera enclin à le faire, à moins que les autres ne le fassent.

Comme l'a indiqué Mme Jacqueline Hushion, directrice exécutive du Canadian Publishers' Council dans une lettre au Comité :

Tous les livres finiront par être produits en parallèle -- ils seront offerts simultanément sur papier et sur support électronique ou en ligne. En attendant, les éditeurs voudront numériser des portions de leurs listes d'ouvrages disponibles pour présenter des titres qui se vendent bien, bon an mal an. Aux fins de leurs archives d'entreprise, ils voudront peut-être numériser tout leur catalogue. Ils auront besoin d'aide174.

Pour ce faire, il faudra avancer sur plusieurs fronts en matière de protection de la propriété intellectuelle -- identificateur numérique d'objet, normes ouvertes d'édition des cyberlivres, gestion des droits électroniques175. Ces initiatives exigeront le soutien du gouvernement du Canada, en particulier pour les questions de droit d'auteur dont ce rapport a traité aux chapitres trois et quatre. L'élaboration des normes demandera en outre une aide financière pour que l'industrie du livre mette en œuvre les protocoles et les éléments de système.

2. Mesures stratégiques pour renforcer l'industrie du livre du Canada

Le Comité est d'avis, vu le nombre de questions complexes et interdépendantes que soulèvent la rationalisation des retours de livres, l'obtention de renseignements actuels sur les ventes, l'adaptation au cybercommerce et la numérisation des listes d'ouvrages disponibles des éditeurs, qu'un effort important et concerté est nécessaire. En conséquence :

Recommandation 6.1

Le Comité recommande que le ministère du Patrimoine canadien mette sur pied un programme quinquennal de transition technologique pour renforcer tous les segments de l'industrie canadienne du livre, et notamment les auteurs, éditeurs, distributeurs, grossistes, distributeurs et bibliothèques.

Au moins certains des éléments du programme doivent comprendre l'industrie dans son ensemble, sans égard à la propriété, à la taille ou à la langue. Par exemple, la mise au point d'un système pratique d'échange de données informatisé exigera qu'on s'entende sur une norme commune, acceptable par les maisons d'édition sans égard à la propriété et par les librairies sans égard à la taille. Pour cette raison, le ministère du Patrimoine canadien devrait concevoir ce programme de façon à englober le plus de représentants possible de l'industrie.

À la lumière de ce qui précède et de la recommandation 6.1, le Comité présente les recommandations complémentaires suivantes :

Recommandation 6.2

Le Comité recommande que le ministère du Patrimoine canadien contribue à la création d'un forum de l'ensemble de l'industrie canadienne du livre pour que les intervenants de celle-ci s'attaquent aux problèmes communs (par ex., l'élaboration d'une stratégie pour réduire les retours de livres). Ce forum se réunirait annuellement et serait coparrainé par le Ministère.

Recommandation 6.3

Le Comité recommande que le ministère du Patrimoine canadien offre de financer avec l'industrie une étude des marchés du livre en anglais et en français qui porte sur les moyens d'organiser la collecte efficace et rapide des renseignements sur les ventes de livres, y compris sur les ventes par des détaillants non traditionnels (par ex., des magasins à prix réduits) et par Internet.

Recommandation 6.4

Le Comité recommande que le ministère du Patrimoine canadien aide à établir une norme pour l'échange de données informatisé dans l'industrie du livre du Canada.

Recommandation 6.5

Le Comité recommande que le ministère du Patrimoine canadien cofinance une étude avec les principaux acteurs de l'industrie en vue d'élaborer des stratégies applicables pour réduire -- et éventuellement éliminer -- les retours de livres. L'étude devrait déboucher sur une initiative convenue pour réduire d'une quantité mesurable les retours, sur un nombre donné d'années.

Recommandation 6.6

Le Comité recommande que le ministère du Patrimoine canadien introduise un programme d'aide technique au démarrage pour aider les petits libraires indépendants de propriété canadienne et les petits éditeurs à se lancer dans le commerce électronique. (Il s'agirait d'un soutien modeste; par exemple, un programme qui pourrait doubler la première tranche de 10 000 $ que consacrerait l'entreprise à la création d'un site Web.)

Recommandation 6.7

Le Comité recommande que le ministère du Patrimoine canadien finance un programme pour numériser certains ouvrages d'auteurs canadiens ouvrages figurant au catalogue et ouvrages épuisés. L'aide devrait être offerte à tous les éditeurs canadiens, sans considération de propriété.

Recommandation 6.8

Le Comité recommande que le ministère du Patrimoine canadien collabore avec les principaux intervenants de l'industrie du livre pour que ces ouvrages numérisés puissent être imprimés sur demande ou offerts sous forme électronique, tout en veillant à ce que les droits d'auteur soient protégés.

Recommandation 6.9

Le Comité recommande que le ministère du Patrimoine canadien rende compte annuellement de la santé de l'industrie canadienne du livre, notamment par des rapports sur les mesures de rendement et les objectifs d'initiatives particulières (par ex., paiement de redevances de droit d'auteur, nombre de titres, ventes, retours).

D. LA QUESTION DE CHAPTERS ET DE PEGASUS

La Canadian Booksellers Association (CBA) a recommandé de modifier la Loi sur la concurrence pour que soit examiné tout élément structurel d'une industrie qui diminuerait les possibilités d'exploitation de petites et moyennes entreprises. La CBA a aussi recommandé que le gouvernement oblige Chapters à se défaire de la société Pegasus afin que cette dernière puisse fonctionner -- et soit perçue comme pouvant fonctionner -- comme grossiste pour tous les détaillants du pays. Interrogé à ce sujet, un haut fonctionnaire du ministère du Patrimoine canadien a répondu :

Je dirais que le besoin de démanteler Chapters ou Pegasus n'a pas été démontré. Selon moi, s'il y a des agissements anticoncurrentiels ou des pratiques qui nuisent au consommateur, l'actuelle Loi sur la concurrence permet d'y remédier176.

Le Comité constate toutefois qu'il n'a ni les moyens ni le pouvoir de déterminer si ces entreprises contreviennent à la Loi sur la concurrence. À ce sujet, un de ses membres a en effet indiqué :

Il n'appartient pas au Comité de dire ou de déclarer que quiconque dans l'industrie du livre opère de façon déloyale [...], car nous n'avons pas l'autorité pour le faire et nous n'avons pas l'autorité pour enquêter177.

Certains témoins étaient d'accord sur le fait que le Canada a besoin d'un réseau efficace de distribution. Ce qui préoccupe au sujet de Pegasus, ce n'est pas qu'elle soit inefficace, mais qu'elle appartienne à Chapters. Le Comité est d'avis que le président de Pegasus et le PDG de Chapters ont répliqué aux craintes exprimées, mais il est convaincu que l'ensemble de l'industrie canadienne s'en trouverait mieux si la propriété de Pegasus était élargie.

Chapters a eu plusieurs réponses face aux remarques sur sa participation majoritaire dans Pegasus. Lorsqu'il a paru devant le Comité, le PDG de Chapters a rétorqué, quand on lui a demandé s'il serait disposé à se défaire entièrement de Pegasus : « Si on m'en offre le prix que cela vaut, sans problème, mais nous avons investi 54 millions de dollars dans l'entreprise. J'aurais bien voulu n'y être qu'un investisseur minoritaire si quelqu'un avait été prêt à y mettre son argent »178.

Dans une lettre au président du Comité, M. Stevenson a répondu au sujet des craintes que Pegasus pourrait partager des renseignements concurrentiels avec Chapters ou traiter de façon inéquitable les clients autres que Chapters :

Nous serions heureux que tous les libraires ou les éditeurs membres du conseil participent au capital. Autrement, peut-être un conseil consultatif composé d'éditeurs, de détaillants non liés à Chapters et de fonctionnaires du ministère du Patrimoine pourrait-il se réunir tous les trois mois pour examiner le progrès et les procédures de Pegasus. Ce conseil consultatif pourrait rédiger des directives concernant la conduite des affaires avec Pegasus, qui feraient ensuite l'objet d'un examen officie179.

Le président de Chapters a affirmé qu'il accueillerait favorablement la création d'un conseil consultatif. Le Comité est favorable à cette idée. Cette mesure constituera un premier pas, mais le Comité trouve qu'une autre mesure s'impose. Il vaudrait mieux pour tous que la propriété de Pegasus représente mieux l'industrie du livre au Canada. Le Comité reconnaît que Pegasus commence à contribuer beaucoup à la force de cette industrie. Il croit néanmoins que diverses craintes qui ont été exprimées seraient apaisées si la propriété de Pegasus était élargie.

En fait, Pegasus pourrait constituer une source importante d'économies pour les librairies indépendantes et les aider à faire concurrence à Chapters, Indigo et Internet180. À l'heure actuelle, à moins de modifier les règles d'investissement du Canada (voir le chapitre trois), il n'y a pas de candidats évidents qui pourraient devenir actionnaires importants de Pegasus. La somme totale requise est probablement de l'ordre de 25 millions de dollars.

Le Comité prend donc acte de l'offre de M. Stevenson, mais reconnaît qu'il ne lui appartient pas d'imposer une solution.

E. DERNIÈRES RÉFLEXIONS

Le Comité a été frappé par deux points évoqués par de nombreux témoins. D'abord, le soutien du gouvernement du Canada à l'édition du livre a aidé le secteur à réaliser l'important objectif culturel de faire publier des auteurs canadiens et de les rendre célèbres au pays et dans le monde. Ces réussites culturelles ont été obtenues dans une période de rapide changement économique et technologique au pays et sur la scène internationale. Tous ceux qui y ont contribué ont de quoi être fiers.

Il est évident que l'on a eu moins de succès pour ce qui est de construire une industrie canadienne de l'édition financièrement stable. L'aide fédérale a contribué à améliorer énormément la situation par rapport aux années 50. Ainsi, le gouvernement du Canada a consacré plus de 100 millions de dollars à cette industrie dans les années 90, avec des gains culturels tangibles. Toutefois, les nombreux enjeux créés par l'évolution rapide de l'économie et de la technologie ont gêné la stabilité et la croissance de certains secteurs.

Ainsi, malgré des avancées considérables sur le plan culturel, la vulnérabilité financière persistante de certains participants de l'industrie du livre montre, semble-t-il, que des éléments de l'aide du gouvernement du Canada réclament une certaine attention.

Notre examen a porté sur les changements de la distribution. Nous n'avons pas évalué directement la santé et la viabilité de l'industrie dans son ensemble de façon assez approfondie pour formuler les recommandations de fond qui s'imposeraient. Pour cette raison, nous suggérons des mesures, dont la plupart sont à envisager comme faisant partie d'un système provisoire de soutien pour que l'industrie s'adapte à la vague de changements qui déferle sur elle.

Ces mesures visent des problèmes précis et systémiques de l'industrie dans son ensemble. Elles peuvent être appliquées rapidement et n'exigent pas le temps qu'il faudrait pour repenser tous les programmes d'aide.

Des témoins ont demandé des mesures générales comme l'élimination de la TPS et un crédit d'impôt pour stimuler l'investissement dans l'industrie. De l'avis du Comité, ce sont des changements majeurs et coûteux dont il faut débattre et auxquels il faut réfléchir dans le détail. Le Comité considère en outre qu'ils sont trop étendus pour régler les problèmes fondamentaux soulevés par les témoins.

Du point de vue du Comité, il faut s'atteler immédiatement aux questions touchant l'efficacité du réseau de distribution des livres et de l'industrie toute entière. Les retours de livres ont été cités par plusieurs témoins comme une question importante. Jusqu'à ce qu'on s'attaque systématiquement à ce problème, le gouvernement fédéral ne devrait pas affecter davantage de ressources dans des programmes généraux, puisque les ressources permettront simplement de retarder le moment où il faudra s'occuper des problèmes épineux.

Il faudrait considérer les mesures de soutien que nous recommandons comme provisoires et destinées à régler des problèmes précis (par ex., la gestion intégrée production-distribution).

Financement des changements

Les fonds pour les initiatives que nous proposons dans ce rapport pourraient provenir d'une combinaison quelconque des sources suivantes :

1. initiatives indiquées dans le discours du Trône de septembre 1999, qui a ouvert la deuxième session de la trente-sixième législature du Canada181;

2. fonds attribués dans le budget fédéral de 2000 pour brancher les Canadiens et aider les organisations culturelles à se mettre à l'heure du commerce électronique182.

3. ressources existantes du Programme d'aide au développement de l'industrie de l'édition, à condition de ne pas mettre en péril les programmes actuels.

Les mesures que nous suggérons coûteraient au total environ 25 millions de dollars sur cinq ans. Le Comité considère que cette dépense relativement modeste aiderait beaucoup à régler certains grands problèmes soulevés par les témoins.

Pour conclure, le Comité souhaite rappeler que malgré les récents bouleversements, cette période de changement remarquable a produit de nombreux avantages. Comme l'a indiqué M. Jack Rabinovitch, créateur du Giller Prize en 1994, dans une lettre au président du Comité :

D'après les éditeurs, dans les cinq premières années de son existence, ce prix a aidé à vendre au Canada plus d'un million d'exemplaires des livres présélectionnés, ce qui dépasse les plus folles attentes. Ce record n'aurait pu être obtenu sans la transformation survenue dans la commercialisation du livre entre 1995 et 1999. Une transformation qui a profité, selon moi, à la vente des livres, surtout des livres canadiens183.

 


149 M. J. Rose, « E-Books: The Next Chapter », le 9 février 2000.

150 En fait, si un livre est préparé pour l'impression par ordinateur, il n'y a pas de raison pour qu'il soit épuisé, au sens classique du terme.

151 Deux entreprises, IBM et Xerox, ont des systèmes qui impriment des livres sur demande. Ils permettent d'imprimer sur du papier sans acide et d'obtenir un exemplaire papier en trois jours. La reliure est réalisée par un relieur traditionnel.

152 « Capitalist Econstruction », Wired, mars 2000, p. 210.

153 Ibid., p. 215.

154 Il est question du revenu disponible à l'annexe G. Il importe surtout de noter que le revenu disponible de la plupart des Canadiens n'a presque pas changé depuis 1990.

155 George L. Parker, The Beginnings of the Book Trade in Canada, Toronto, University of Toronto Press, 1985 : p. 196.

156 M. Larry Stevenson, président-directeur général de Chapters Inc., le 13 avril 2000.

157 Un échantillon récent d'Américains pris au hasard a montré que 11 % se servent d'Internet pour leurs achats (Wired, vol. 8, no 5, p. 142).

158 « The Race Is On: Who Will Win Canada's Internet Shoppers? -- A Retail Council of Canada/IBM Canada Study on the state of electronic retailing », Conseil canadien du commerce de détail, juin 1999, p. 12.

159 M. Larry Stevenson, président-directeur général de Chapters Inc., entrevue avec les attachés de recherche, le 7 février 2000.

160 Marina Stauss, « Soaring sales fail to stem Chapters' red ink », Globe and Mail, le 25 mai 2000, B3.

161 M. Larry Stevenson, président-directeur général de Chapters Inc., le 7 février 2000.

162 « Internet kills off oldest bookshop », CBC Radio Arts, le 7 avril 2000, infoculture.cbc.ca

163 Il est intéressant de noter qu'Indigo, avec ses 14 mégalibrairies et des ventes estimées à quelque 70 millions de dollars canadiens, affiche un chiffre d'affaires qui approche celui de SmithBooks, dont les ventes annuelles s'élevaient à environ 100 millions de dollars canadiens au moment de la fusion..

164 Les nouveaux habits de l'empereur, mémoire du Literary Press Group of Canada, le 2 mars 2000, p. 35.

165 Monee Fields-White, « E-commerce sales keep escalating », Financial Post, le 1er juin 2000, C12.

166 En bout de ligne, cela nuit même à l'environnement, par le gaspillage des arbres abattus, de l'énergie consommée pour fabriquer les livres et les transporter, et de l'espace qu'ils occuperont dans les décharges où ils aboutiront.

167 « Amazon your industry: Extracting value from the value chain », T. Laseter, P. Houston, J. Wright et J. Park, Strategy and Business, premier trimestre 2000, pp. 94-105.

168 Tamsen Tillson, « Many Unhappy Returns », Globe and Mail, le 15 mai 2000, R1, R3.

169 Exposé de l'Association of Canadian Publishers au Comité, le 9 mai 2000.

170 Pour une progression rapide : Comment faire du Canada un leader dans l'économie sur Internet, rapport de la Table ronde sur les possibilités des affaires électroniques canadiennes, janvier 2000, établi par le Boston Consulting Group (Canada), p. 11.

171 Ibid., p. 6.

172 Ibid., p. 13.

173 Ibid., p. 16.

174 Lettre au Comité, Canadian Publishers' Council, le 26 mai 2000 [Notre traduction].

175 Voir www.doi.org pour plus de renseignements sur l'identificateur numérique d'objet et la gestion des droits électroniques.

176 M. Michael Wernick, sous-ministre adjoint, Développement culturel, ministère du Patrimoine canadien, le 9 mai 2000.

177 Comité permanent du patrimoine canadien, le 9 mai 2000.

178 M. Larry Stevenson, président-directeur général, Chapters Inc., le 13 avril 2000.

179 Lettre au Comité permanent de M. Larry Stevenson, président-directeur général, Chapters Inc., le 25 avril 2000.

180 L'annexe J montre comment il peut être profitable pour une librairie de commander chez un grossiste.

181 Précisément, il est affirmé dans le discours de septembre 1999 : « Pour que le Canada puisse créer des emplois et stimuler la croissance et la richesse, il faut qu'il ait une économie de premier plan, axée sur le savoir et capable de générer des idées nouvelles et de les mettre en œuvre pour les Canadiens. Pour ce faire, il faut que les Canadiens soient branchés entre eux, avec les écoles et les bibliothèques, avec les gouvernements et les marchés, de manière à ce qu'ils puissent profiter des idées des autres et partager leurs connaissances. Pour réaliser cet objectif, il faudra créer de nouveaux types d'infrastructure. » Et plus loin : « Pour appuyer la circulation des idées et les échanges commerciaux dans des réseaux informatiques, pour brancher les Canadiens à l'autoroute de l'information et accélérer l'implantation du commerce électronique, le Canada devra améliorer son infrastructure de l'information. » Pour plus de renseignements, voir : http://publiservice.pco-bcp.gc.ca/sft-ddt/doc/fulltext_f.htm

182 Pour des renseignements sur le budget fédéral de 2000, voir:

182 http://www.fin.gc.ca/budget00/features/mag-f/brief1-f.htm

183 Lettre à Clifford Lincoln, Comité permanent du patrimoine canadien, le 12 avril 2000.