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TRAN Rapport du Comité

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Rapport minoritaire du NPD sur la restructuration du transport aérien au Canada
Réglementer un peu dans l'intérêt national
Bev Desjarlais, députée de Churchill,
porte-parole du NPD en matière de transports

L'industrie canadienne du transport aérien est essentielle au bien-être social et économique de centaines de collectivités du pays. Cette réalité transcende les préoccupations des actionnaires qui s'intéressent surtout au bilan financier de la compagnie. La détermination du gouvernement libéral de laisser les actionnaires décider du sort d'une industrie aussi importante représente une abdication déplorable de leadership.

Notre rapport minoritaire énonce plusieurs propositions que le gouvernement devrait considérer dans le développement d'une nouvelle politique canadienne du transport aérien. Il ne recommande pas le retour à la réglementation d'avant 1987. Plutôt, il propose une réglementation novatrice et intelligente afin de traiter avec justice et sensibilité tous les intervenants.

Comment nous en sommes venus là : l'échec de la déréglementation

Le NPD convient avec plusieurs témoins que la déréglementation n'a pas rempli ses promesses :

Quand le transport aérien a été déréglementé en 1987, les Canadiens s'attendaient à l'apparition de transporteurs nouveaux et spéciaux qui augmenteraient la concurrence et feraient apparaître un service meilleur et moins coûteux...en 1993, l'industrie était dominée par deux gros transporteurs se livrant concurrence pour des parts de marché sur tous les grands parcours. Cette concurrence acharnée a miné la rentabilité des deux transporteurs.

Fédération canadienne des municipalités

Le marché non réglementé a fait du tort aux deux transporteurs canadiens sans déboucher sur l'efficacité ou l'amélioration du service.

Congrès du travail du Canada

Depuis 1987, la libre concurrence n'est pas libre, et ce n'est pas de la concurrence.

Travailleurs unis de l'auto

La politique de déréglementation a été un échec pour le public voyageur, les actionnaires et les travailleurs. Ses conséquences ont été les crises de 1992-1993, 1996 et 1999, des mises à pied, l'insécurité, des conditions de travail détériorées, des gels et des coupures de salaire, une surcapacité chronique sur le marché intérieur, une augmentation radicale du coût (hausse globale de 76 p. 100 depuis 1992), un prix des billets qui augmente plus vite que l'indice du coût de la vie (même en tenant compte des soldes de sièges), une baisse du service, particulièrement dans les petites localités et, enfin, des rendements faibles sur l'actif (Air Canada et Canadien ont toujours eu un rendement sous la moyenne à la Bourse de Toronto).

Réglementation moderne

La déréglementation est à l'origine de la crise du transport aérien. La solution se trouve dans une réglementation moderne et effective, visant à protéger l'intérêt du public et à assurer la coexistence des transporteurs canadiens et leur compétitivité sur le marché international.

Une réglementation moderne, c'est prendre une approche souple et faire appel aux pouvoirs du gouvernement de façon sélective pour que les transporteurs se concurrencent librement et respectent la confiance du public. Les routes très fréquentées et profitables, comme Toronto-Montréal-Ottawa, attireront naturellement la concurrence entre les transporteurs. Ces routes n'ont pas besoin d'une réglementation gouvernementale pour que la desserte soit adéquate. Le rôle que le gouvernement doit jouer est celui d'un arbitre, afin de garantir une concurrence équitable et d'empêcher les comportements anticoncurrentiels ruineux, comme les prix d'éviction et la surcapacité.

Par ailleurs, les routes peu fréquentées entre les petites localités n'attirent pas automatiquement le service. Dans ce cas, une réglementation effective est essentielle, parce qu'un service raisonnable et abordable est une nécessité économique et sociale. Le gouvernement dispose de nombreux outils pour garantir le service à ces localités : incitatifs, appels d'offres, interfinancement. Le gouvernement canadien est loin d'être impuissant : bien des options originales sont disponibles pour garantir le service à long terme à ces localités.

Scénario de monopole

Le monopole d'un transporteur privé expose l'intérêt du public à des risques graves. Si le gouvernement libéral permet à la crise de déboucher sur un monopole, plusieurs avenues permettraient quand même de protéger l'intérêt du public et de limiter les distorsions du marché.

  • Représentation du public - par législation, on pourrait établir une structure de régie permettant la représentation des intervenants au sein du transporteur dominant.
  • Veto limité du gouvernement - le gouvernement pourrait se réserver un droit de veto bien défini sur les décisions touchant les comportements d'éviction, les tarifs et la desserte des petites localités.
  • Participation financière - le gouvernement pourrait détenir une participation de 15 p. 100 afin de jouer un rôle au conseil d'administration du transporteur dominant.

Notons que ces recommandations ne s'appliquent qu'en cas de monopole. Le gouvernement ne devrait pas accepter comme permanente une situation de monopole. Il devrait considérer le monopole comme une crise temporaire à gérer jusqu'au retour à un marché concurrentiel viable, encadré par une réglementation moderne.

Le rapport majoritaire empire la situation

En se limitant au monopole, le rapport majoritaire rate l'occasion de régler les vrais problèmes pour la population dans des domaines clés comme le contrôle canadien, les emplois, la sécurité et la desserte des petites localités.

  • Contrôle canadien - American Airlines contrôle déjà dans les faits Canadien malgré le plafond de 25 p. 100 de propriété étrangère. La recommandation de la majorité, porter ce plafond à 49 p. 100, ouvre la voie à un contrôle étranger encore plus grand sur les transporteurs canadiens. Le plafond actuel doit être inscrit dans la loi, plutôt que de laisser le ministre des Transports le sacrifier à des impératifs politiques.
  • Le plafond de 10 p. 100 - Le rapport majoritaire recommande de doubler le plafond de propriété des actions d'Air Canada, pour les individus et les groupes, à 20 p. 100, afin d'attirer de gros investisseurs. Nous rejetons cette recommandation. Doubler le plafond permettrait à des investisseurs intéressés à un rendement rapide de dominer Air Canada. Comme les intérêts des gros actionnaires sont rarement ceux des autres intervenants, il faut que la propriété d'Air Canada demeure diluée pour que le transporteur ait à rendre des comptes à tous les intervenants, et pas seulement aux gros actionnaires.
  • Protéger les travailleurs - La recommandation d'interdire les mises à pied résultant de la restructuration est un pas dans la bonne direction mais ne protège pas assez les travailleurs. Un engagement à ne pas faire de mises à pied devrait être appuyé par un programme gouvernemental d'aide aux travailleurs. Il faut garantir une protection complète des droits collectifs des travailleurs. Dans une fusion, les listes d'ancienneté doivent être fusionnées judicieusement pour éviter l'émergence d'un régime à deux vitesses.
  • Desserte des régions éloignées - Le rapport majoritaire recommande de garantir le service aux localités éloignées pendant seulement trois ans si un monopole apparaît. Cela ouvre la voie à l'abandon pur et simple de ces dessertes. Le gouvernement doit au contraire garantir un service à long terme à ces localités, par une réglementation moderne.
  • Sécurité - Le rapport majoritaire néglige complètement la sécurité, sauf pour recommander au gouvernement de « communiquer » l'intention d'en faire une priorité absolue. Des témoins ont dit au Comité que la sécurité aérienne est compromise surtout quand l'industrie est instable. Les recommandations de la majorité causeraient une instabilité sans précédent et compromettraient gravement la sécurité. Le gouvernement doit faire plus que ménager les apparences; il doit faire de la sécurité une priorité.
  • Charte des droits des passagers - Le gouvernement devrait adopter une charte des droits des passagers, semblable à celle proposée par l'Association canadienne des passagers aériens. Les États-Unis disposent d'une loi à cette fin, qui rend l'industrie plus responsable face à ses passagers.
  • Pratiques d'éviction - Le rapport majoritaire prétend être contre les pratiques d'éviction mais ses recommandations sont faibles et, à terme, inutiles. La réglementation moderne est nécessaire pour modérer une concurrence autodestructrice.
  • Concurrents étrangers - Le rapport majoritaire recommande de permettre le cabotage et la sixième liberté modifiée. Ces mécanismes permettraient aux transporteurs étrangers d'écrémer le marché intérieur canadien. Il recommande également de permettre sur le marché des transporteurs exclusivement canadiens mais à propriété étrangère à 100 p. 100. Le Nouveau Parti démocratique s'oppose à ces recommandations, qui ne feraient qu'aggraver l'impact déjà destructeur de la déréglementation et miner tous les transporteurs aériens du Canada. Comme les autres pays, le Canada devrait réserver son marché intérieur à ses propres transporteurs, leur donnant ainsi une base stable à partir de laquelle pratiquer une concurrence internationale.

Conclusion

La honte de cette crise, c'est le potentiel encore non réalisé de l'industrie canadienne du transport aérien. Canadien et Air Canada sont deux entreprises réputées, dotées d'un personnel remarquable, servant des clients loyaux et participant à des alliances mondiales lucratives. Tous les ingrédients étaient réunis pour que les deux entreprises prospèrent dans le marché mondial, mais le gouvernement libéral, avec sa philosophie de laisser faire, a rendu possible une concurrence ruineuse qui nous mène à un monopole sans règles. Le gouvernement doit adopter des règlements afin que l'industrie atteigne la stabilité, serve l'intérêt du public, protège les emplois et permette à nos transporteurs de se développer à l'échelle mondiale, fournissant ainsi plus d'emploi et de retombées pour les Canadiens dans l'avenir.