Passer au contenu
Début du contenu

FAAE Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

INTRODUCTION

 

Le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes (le Comité) a réalisé une étude sur la souveraineté du Canada dans l’Arctique. Dans le cadre de cet exercice, il a recueilli les témoignages et reçu les mémoires de représentants ministériels, de dirigeants autochtones et d’experts du monde universitaire. Entre le 30 septembre et le 6 octobre 2018, le Comité s’est rendu également dans quatre collectivités de l’Arctique canadien : Iqaluit et Cambridge Bay, au Nunavut, ainsi qu’Inuvik et Yellowknife, dans les Territoires du Nord‑Ouest. Il y a rencontré des représentants d’organisations chargées des revendications territoriales et de sociétés de développement régional autochtones, de même que des membres des gouvernements territoriaux, des responsables municipaux et des intervenants locaux. Le Comité a aussi fait des visites sur le terrain et assisté à des séances d’information organisées par la Garde côtière canadienne, Transports Canada, Ressources naturelles Canada, Savoir polaire Canada, le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes. Ce voyage a permis au Comité d’en apprendre beaucoup sur les difficultés que doivent affronter les populations de l’Arctique canadien ainsi que sur leurs aspirations pour l’avenir.

Le Comité a réalisé son étude pendant que le gouvernement du Canada s’affairait à élaborer la nouvelle politique sur l’Arctique qui remplacera la Stratégie du Canada pour le Nord (2009) et l’Énoncé de la politique étrangère du Canada pour l’Arctique (2010)[1]; il espère donc que les conclusions et recommandations formulées dans le présent rapport guideront le gouvernement dans sa démarche.

Le présent rapport traite de questions de géopolitique, de droit international et de sécurité mondiale, autant de thèmes qui se retrouvent souvent à l’ordre du jour des travaux du Comité, dont la mission, après tout, consiste à exercer une surveillance parlementaire de la politique étrangère du Canada. Cela étant dit, le Comité s’est vite rendu à l’évidence que pour comprendre la question de la souveraineté du Canada dans l’Arctique, il lui fallait examiner la situation dans une perspective globale. Ce rapport allègue que le Canada doit se préparer à la nouvelle donne géopolitique qui s’annonce dans l’Arctique. Il affirme aussi que la position du Canada comme État arctique repose sur la vitalité de ses collectivités nordiques et, par conséquent, sur sa politique intérieure. Le Comité n’a pas pour mandat de s’attaquer à toutes les questions importantes soulevées lorsqu’il était dans le Nord, comme celles concernant la politique sur le logement, la nutrition, la pauvreté et la santé mentale ou la préservation et la promotion des langues autochtones. Pour ce qui est de la politique intérieure, le rapport se limite à aborder les questions sur lesquelles il estime avoir recueilli suffisamment d’informations pour alimenter le débat national de manière constructive.

DONNER AU NORD LES MOYENS D’AGIR

 

Le Comité a bien pris conscience du fait que quiconque veut étudier l’Arctique depuis Ottawa doit commencer par écouter les habitants de cette région, plutôt que de dicter des solutions qui ne tiennent aucunement compte des connaissances, de l’expertise et du contexte locaux. Dans le Nord, les gens – dont beaucoup sont Autochtones – vivent au quotidien avec les conséquences des changements climatiques et de ce que les milieux politiques appellent de manière un peu anodine « le déficit infrastructurel ». Au fil des décennies, les populations du Nord ont subi les hauts et les bas de l’intérêt que leur porte Ottawa, sans parler des multiples politiques fédérales. Or, ces populations ont leurs propres idées sur la manière de prioriser les projets de financement et sur les stratégies à adopter pour s’attaquer à des questions très variées, allant de l’érosion des côtes à la surveillance du trafic maritime. Autrement dit, les habitants du Nord veulent prendre part véritablement et systématiquement aux décisions les concernant et, autant que possible, ils veulent participer activement à l’élaboration des programmes, et non pas qu’Ottawa leur dicte tout.

L’insatisfaction exprimée par les gens qu’a rencontrés le Comité lors de ses visites sur le terrain montre que les résultats des actions qu’entreprend le gouvernement fédéral pour répondre aux aspirations des populations du Nord sont mitigés jusqu’à présent. Les progrès ont été lents et les efforts n’ont pas toujours été coordonnés et menés avec un certain sentiment d’urgence. Beaucoup de problèmes — comme le déficit infrastructurel — existent depuis longtemps. Et ce qui vient compliquer la situation, c’est que l’Arctique est en proie à des transformations, tant sur le plan environnemental que géopolitique.

Les observations et les recommandations faites dans le présent rapport reflètent la ferme conviction du Comité qu’il faut arrêter une fois pour toutes de traiter l’Arctique canadien avec paternalisme. Le Comité a vu clairement que les gens du Nord désirent, du plus profond d’eux‑mêmes, vivre une nouvelle ère définie par la collaboration. Cet état d’esprit se retrouve dans les recommandations formulées dans l’ensemble du rapport, qu’il s’agisse de la cogestion du passage du Nord‑Ouest, de la prise de décisions sur le développement économique ou de divers autres dossiers. Le Comité souhaite, en somme, que les politiques canadiennes sur l’Arctique soient le fruit de partenariats solides et d’un respect mutuel.

L’ARCTIQUE, UN IMPÉRATIF NATIONAL

 

Une évidence s’impose, d’entrée de jeu : l’Arctique canadien est un territoire terrestre et maritime très éloigné, incroyablement vaste, et l’environnement naturel y est souvent difficile. Beaucoup de collectivités ne sont accessibles que par avion ou bateau, qui sont tous les deux des moyens de transport coûteux. C’est pourquoi les coûts de construction sont beaucoup plus élevés dans le Nord que dans le Sud du Canada. Qui plus est, la période pendant laquelle on peut acheminer du matériel et faire de grands chantiers est limitée. Il faut aussi souvent faire preuve d’ingéniosité technique dans la réalisation des projets, et les défis iront grandissants avec les changements climatiques et leurs conséquences, comme l’instabilité causée par la fonte du pergélisol. Pour toutes ces raisons, construire quelque chose dans l’Arctique peut prendre des années. Il semblerait que les délais soient tout aussi longs pour les processus d’approvisionnement concernant les capacités de la Défense nationale et de la Garde côtière dans cette région du Canada.

Le Comité est convaincu que pour être capable de s’adapter aux changements dans le paysage stratégique qui se profilent dans l’Arctique, le Canada doit prendre sans tarder des décisions éclairées. Pour ce faire, il va lui falloir savamment doser pragmatisme et imagination. La décision d’investir des ressources dans les capacités de défense et les projets d’infrastructure dans le Nord — ressources qui ne sont pas illimitées — ne sert pas qu’à répondre aux besoins actuels; elle permet aussi de se préparer à des scénarios qui pourraient très bien se réaliser un jour. Si l’on veut se donner les moyens de ses ambitions, il faudra mettre fin à la discordance entre l’évaluation des besoins à long terme et le rythme des cycles politiques à Ottawa. Ces cycles ne sont pas propices à une projection sur le long terme permettant d’entrevoir la situation d’ici 20, 30 ou même 50 ans. C’est pourquoi le Comité croit fermement que préparer l’avenir dans l’Arctique ne devrait pas être vu comme étant un projet partisan, mais plutôt comme un impératif national.

LE MONDE A LES YEUX TOURNÉS VERS LE NORD

 

Depuis le début de l’histoire de l’humanité, l’Arctique circumpolaire (que l’on appelle aussi parfois « la région arctique », a pratiquement toujours été recouvert de glace. Il était inaccessible aux étrangers et aux formes d’activités économiques non traditionnelles. Mais cela change, et cela a des conséquences importantes pour le Canada et les Canadiens. Les bouleversements climatiques modifient la géographique maritime, ce qui éveille l’intérêt de la communauté internationale pour cette région. Voici comment Stephanie Pezard, politologue principale à la RAND Corporation, a décrit le nouveau paysage qui se dessine là-bas :

[L]’Arctique, qui constituait autrefois la périphérie nordique extrême, se transforme lentement mais sûrement en un centre — un centre d’activité économique et d’investissement, un carrefour de navigation, un point de transit entre des régions présentant un intérêt stratégique, et un point de passage obligé militaire. L’Arctique relie les industries pétrolières et gazières russes aux marchés asiatiques, les biens manufacturés de la Chine aux marchés européens, et la Flotte du Nord russe aux voies maritimes de l’Atlantique et, plus au sud, à la Méditerranée. Ce n’est pas là une projection, mais bien la situation actuelle, et ces tendances ne feront que s’accentuer au fil du temps, à mesure que la RMN deviendra systématiquement plus navigable et que les communications et les connaissances maritimes s’amélioreront, la culmination de tout cela étant, tôt ou tard, l’ouverture d’une toute nouvelle route transpolaire. Le Canada et les autres pays de l’Arctique font donc face à un défi clé : comment protéger leurs intérêts souverains tout en composant avec l’intérêt toujours plus grand des pays non riverains de l’Arctique pour lui?[2]

Toutes ces questions sont examinées en détail dans les prochaines sections.

Un climat qui change

La National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) des États-Unis a déterminé, preuves à l’appui, le degré des changements climatiques dans l’Arctique et la vitesse à laquelle ils se produisent. Selon la NOOA, il y a désormais une « nouvelle réalité » : la température de l’air dans l’Arctique « se réchauffe deux fois plus vite que la température mondiale[3] ». D’octobre 2016 à septembre 2017, la région a connu des records de chaleur que l’on n’avait pas observés depuis 1900, sauf l’année précédente, qui a été la plus chaude jamais répertoriée.

En ce qui concerne l’état de la glace de mer, la NOAA dit qu’en mars 2017, on a enregistré « l’étendue de glace la plus faible en hiver » depuis 1979 — année à partir de laquelle on a commencé à colliger des données. Cette même année, le couvert minimal de glace était de 25 % inférieur à l’étendue moyenne de la glace de mer entre 1981 et 2010[4]. La figure 1 ci‑après montre l’étendue des glaces marines mesurée en septembre pour les années 1979, 2012 et 2017 dans une perspective circumpolaire, et la figure 2, dans une perspective canadienne. Le Comité a appris que l’environnement arctique « est maintenant remplacé par un climat plus chaud, plus humide et variable, dans lequel le régime de glace de mer passe d’une glace épaisse et pluriannuelle à une glace mince, saisonnière et de première année[5] ». Certains modèles prédisent que d’ici 2050, l’Arctique pourrait être libre de glace pendant le mois de septembre. Des informations recueillies par le Comité indiquent qu’« il est peu probable que l’archipel arctique canadien devienne exempt de glace de mer avant 2075 et la mer de Beaufort avant 2060[6] ».

Figure 1 — Étendue des glaces marines en septembre dans l’Arctique circumpolaire, plusieurs années

Carte illustrant l’étendue des glaces marines dans l’Arctique circumpolaire en septembre 1979, 2012 et 2017. Les glaces marines étaient les plus étendues en septembre 1979 et les moins étendues en septembre 2012. En septembre 1979, elles couvraient en entier la calotte polaire. Elles encerclaient aussi toutes les îles internes de l’Arctique canadien, du nord du Nunavut continental jusqu’à l’ouest de l’île de Baffin, s’étendant le long de la côte est de l’île d’Ellesmere au nord jusqu’à l’est des côtes du Groenland, touchant presque le 70e parallèle. Les glaces marines s’étendaient ensuite au nord de Svalbard, en Norvège, puis au nord de la Russie continentale. Elles n’ont pas atteint les côtes du Yukon au Canada ou de l’Alaska aux États-Unis. En septembre 2012, les glaces marines couvraient une surface nettement moindre qu’en 1979 et elles étaient surtout concentrées autour du Pôle au-delà du 80e parallèle. En septembre 2017, les glaces marines n’ont pas atteint la Russie, mais s’étendaient de l’île d’Ellesmere au Nunavut à l’île Victoria. L’étendue médiane des glaces polaires pour les mois de septembre 1981 à 2010 est également indiquée sur la carte. Les limites sont semblables à celles de 1979, mais les glaces n’ont pas atteint la Russie continentale.

Source :     Carte produite par la Bibliothèque du Parlement, Ottawa, 2018, à partir de données tirées de Natural Earth, 1:50m Cultural Vectors, « Countries », version 4.1.0, et « Boundary Lines », version 4.0.0; et de F. Fetterer et al., Sea Ice Index, version 3, « Monthly Sea Ice Extent Images », NSIDC : National Snow and Ice Data Center, Boulder, Colorado, 2017 (consultées en novembre 2018) [disponibles en anglais seulement]. Logiciels utilisés : Esri, ArcGIS PRO, version 2.1.0.

Figure 2 — Étendue des glaces marines en septembre dans l’Arctique canadien, plusieurs années

Carte illustrant l’étendue des glaces marines dans l’Arctique circumpolaire en septembre 1979, 2012 et 2017. Les glaces marines étaient les plus étendues en septembre 1979 et les moins étendues en septembre 2012. En septembre 1979, elles couvraient en entier la calotte polaire. Elles encerclaient aussi toutes les îles internes de l’Arctique canadien, du nord du Nunavut continental jusqu’à l’ouest de l’île de Baffin, s’étendant le long de la côte est de l’île d’Ellesmere au nord jusqu’à l’est des côtes du Groenland, gagnant presque le 70e parallèle. Les glaces marines s’étendaient ensuite au nord de Svalbard, en Norvège, puis au nord de la Russie continentale. Elles n’ont pas atteint les côtes du Yukon au Canada ou de l’Alaska aux États-Unis. En septembre 2012, les glaces marines couvraient une surface nettement moindre qu’en 1979 et elles étaient surtout concentrées autour du Pôle au-delà du 80e parallèle. En septembre 2017, les glaces marines n’ont pas atteint la Russie, mais s’étendaient de l’île d’Ellesmere au Nunavut à l’île Victoria. L’étendue médiane des glaces polaires pour les mois de septembre 1981 à 2010 est également indiquée sur la carte. Les limites sont semblables à celles de 1979, mais les glaces n’ont pas atteint la Russie continentale.

Source :     Carte produite par la Bibliothèque du Parlement, Ottawa, 2018, à partir de données tirées de Natural Earth, 1:50m Cultural Vectors, « Countries », version 4.1.0, et « Boundary Lines », version 4.0.0; et de F. Fetterer et al., Sea Ice Index, version 3, « Monthly Sea Ice Extent Images », NSIDC : National Snow and Ice Data Center, Boulder, Colorado, 2017 (consultées en novembre 2018) [disponibles en anglais seulement]. Logiciels utilisés : Esri, ArcGIS PRO, version 2.1.0.

Les changements dans l’étendue du couvert de glace suscitent un intérêt croissant pour l’espace maritime que représente l’Arctique. Il existe plusieurs routes possibles pour traverser l’Arctique, dont plusieurs voies navigables communément appelées « passage du Nord‑Ouest ». Il existe aussi la Route maritime du Nord, qui longe la côte arctique russe. Certains observateurs parlent également de la possibilité d’une nouvelle voie qui traverserait l’océan Arctique central, dépendamment de l’état des glaces dans les prochaines décennies (voir la figure 3). Le Comité a appris que certains pays — particulièrement la Chine — se préparent à ces scénarios à long terme. Une voie de passage en eaux libres permettrait d’éviter les difficiles conditions de navigation dans les eaux du passage du Nord-Ouest, corridor maritime se trouvant plus près du littoral. Toutefois, même si l’océan Arctique s’ouvre à la navigation durant les mois d’été d’ici le milieu du siècle ou après, il sera encore recouvert de glace la majeure partie de l’année. Cela étant dit, le Comité a été informé que certains pays d’Asie se préparent déjà à une éventuelle fonte des glaces, même si celle-ci ne surviendra pas avant 100 ans. De plus, des chocs imprévus dans le système mondial d’échanges pourraient rendre les routes de navigation de l’Arctique plus intéressantes. Certaines des voies maritimes les plus importantes au monde — celles du détroit de Malacca ou du canal de Suez — traversent des zones qui pourraient devenir des points chauds, advenant des conflits.

Figure 3 — Routes de navigation possibles dans l’Arctique

Carte de l’Arctique circumpolaire. Les lignes représentent les routes maritimes possibles, y compris la route du passage du Nord-Ouest passant par l’archipel arctique canadien; la route maritime du Nord le long de la côte arctique russe, et la route du pont de l’Arctique entre l’Europe du Nord, l’Islande et la baie d’Hudson au Canada. Elle montre aussi la route maritime transpolaire, qui traverserait l’océan Arctique central du détroit de Bering en direction de l’Europe du Nord, de l’Islande et au-delà.

Traduction de l’image : Routes de navigation dans l’Arctique; Passage du Nord-Ouest (PNO), Route maritime du Nord (RMN), Route maritime transarctique (RMT), Pont de l’Arctique (PA)

Source :     Carsten Ørts Hansen, Peter Grønsedt, Christian Lindstrøm Graversen et Christian Hendriksen, Arctic Shipping — Commercial Opportunities and Challenges, École de commerce de Copenhague, janvier 2016, p. 11.

Par rapport aux principales routes de navigation actuelles (c.-à-d. les canaux de Panama et de Suez), passer par l’Arctique permettrait de raccourcir les distances à parcourir entre l’Europe et l’Asie, ainsi qu’entre l’est des États-Unis et l’Asie. Cela dit, même si le trafic maritime augmente dans l’Arctique circumpolaire, ce ne sera pas nécessairement dans le passage du Nord‑Ouest que se concentrera l’activité. Actuellement, les conditions de glace dans l’Arctique canadien sont encore extrêmes. Elles sont aussi imprévisibles. D’ailleurs, lorsque le Comité était dans l’Arctique, il a rencontré des représentants de la Garde côtière canadienne qui lui ont dit que durant la saison 2018, il y avait plus de glace dans certaines parties de l’Arctique de l’Ouest qu’au cours des 15 années précédentes. Le Comité a appris que, de manière générale, l’évolution des conditions de glace n’est pas linéaire. C’est-à-dire que même si l’Arctique se réchauffe, cette hausse des températures n’a pas pour effet de faire fondre lentement la glace, un peu comme ce qui arriverait à un glaçon plongé dans un verre d’eau. Aussi, les morceaux qui se détachent des icebergs, dans les chenaux de l’archipel arctique canadien, représentent un grand danger pour les navigateurs. Pour ces raisons, les transporteurs internationaux de marchandises sont moins enclins à vouloir passer par les eaux de l’Arctique canadien, parce qu’ils ont besoin de certaines assurances pour mener leurs activités et que, du fait de leur modèle de fonctionnement, ils sont soumis à des délais serrés.

Même si une bonne partie de ce que l’on dit au sujet de « l’ouverture » de l’Arctique tourne autour d’hypothétiques débouchés commerciaux qui doivent encore se concrétiser, le Comité a appris que les coûts actuels des changements climatiques dépassent les avantages que pourraient en tirer les collectivités de l’Arctique canadien. Depuis toujours, les Inuits dépendent de la glace pour se déplacer et chasser; c’est au cœur de leur mode de vie. Mais à cause des variations dans les conditions de glace, les aires de distribution des espèces animales changent, rendant inaccessibles et instables certains territoires de chasse. Les changements climatiques entraînent aussi une dégradation des infrastructures, notamment une diminution de la durabilité des routes de glace, très utiles à certaines collectivités durant les mois d’hiver. Les cycles annuels de gel et de dégel sont moins prévisibles et plus perturbateurs qu’auparavant. Des collectivités subissent l’érosion de leurs côtes. La fonte du pergélisol provoque littéralement l’effondrement de certaines formations riches en glace, modifiant ainsi le paysage. Lorsqu’on prend tous ces problèmes ensemble, on se rend compte que les conséquences nettes des changements climatiques dans l’Arctique canadien sur la sécurité en général et sur la sécurité alimentaire en particulier, le coût de la vie et le bien-être des personnes sont vraiment très négatives.

Selon le Conseil circumpolaire inuit du Canada (CCI-Canada), « les changements climatiques n’apportent rien aux Inuits ». Le Conseil dit également que dans le rapport spécial sur les conséquences d’un réchauffement des températures mondiales de 1,5 °C, publié en octobre 2018, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) indique que l’Arctique et les peuples autochtones qui y vivent sont considérés comme « des systèmes uniques et menacés ». Le CCI-Canada croit donc que le gouvernement fédéral devrait « prendre des mesures immédiates pour réduire les émissions nationales bien en deçà des cibles établies, car celles-ci ne suffisent pas à protéger l’Arctique et les Inuits[7] ».

Un flou géopolitique

Après la fin de la guerre froide, l’Arctique a été une région relativement tranquille et stable où les États travaillaient ensemble à la réalisation d’objectifs communs. Mais avec la détérioration de l’environnement de sécurité mondial commencée en 1991, accompagnée d’une fragilisation de l’ordre international fondé sur la primauté du droit, on pourrait assister à un changement de la donne stratégique dans l’Arctique. Selon les informations qu’a recueillies le Comité, on semble s’entendre sur le fait que la Russie est devenue un acteur qui pose problème sur la scène internationale. Certains pensent que ce pays est un régime révisionniste qui cherche à renverser le statu quo à son avantage. Depuis 2014, la Russie a adopté un comportement — que ce soit en ce qui concerne l’Ukraine, la Syrie, l’Atlantique Nord, Salisbury ou le cyberespace — qui la place en position de confrontation face à l’Occident. Ce qui est loin d’être clair, c’est si la Russie voit l’Arctique dans la même optique que l’Europe de l’Est ou le Moyen-Orient, et si ces distinctions régionales ont leur importance d’un point de vue de défense collective et dissuasive.

Des États éloignés de l’Arctique, notamment la Chine, montrent aussi un intérêt économique et scientifique marqué pour cette région du monde. La Chine est une puissance économique et militaire montante qui a des ambitions planétaires; et elle ne s’en cache pas, si l’on en juge par le projet communément appelé « la Ceinture et la Route », dans lequel le gouvernement chinois entend dépenser énormément pour mettre en place des corridors commerciaux stratégiques en Asie, en Afrique et en Eurasie[8]. Étant donné ses visées, la Chine cherche à conclure des ententes avec des pays comme le Pakistan, le Sri Lanka, le Kenya, le Myanmar, le Vanuatu et le Laos, pour n’en citer que quelques-uns. Cela en a amené plusieurs à mettre en garde contre les risques de la « diplomatie du piège de la dette » et de la possible militarisation des infrastructures commerciales. Si l’on se fie à cet argument, les ports pourraient accueillir à la fois des navires civils et militaires. Les routes commerciales stratégiques, notamment celles permettant d’accéder à des ressources précieuses et rares, comme le pétrole ou certains minéraux, pourraient être « saturées ». D’autres voient « la Ceinture et la Route » comme une initiative pour faciliter les investissements en infrastructures dans les pays en développement et un moyen, pour la Chine, de maintenir sa croissance économique intérieure en exportant des capitaux. De ce point de vue-là, « la Ceinture et la Route » a davantage des allures d’exercice d’un pouvoir de velours ou d’un projet répondant à des impératifs économiques que de grand plan hégémonique.

Le Comité n’entend pas régler le débat sur ces questions dans son étude sur la souveraineté du Canada dans l’Arctique. Celles-ci n’en demeurent pas moins pertinentes, puisque le gouvernement chinois a aussi des prétentions sur l’Arctique et a commencé à parler d’une « route de la soie polaire ». Le Comité a donc cherché à mieux comprendre les ambitions de la Chine en Arctique et à les évaluer en fonction des intérêts du Canada en matière de sécurité nationale. Cet examen du rôle joué par certains États non arctiques doit se faire sans perdre de vue les craintes d’une possible militarisation de la région.

Le dispositif militaire russe en Arctique

Pendant que le Comité faisait son étude, un porte-avions américain de la classe Nimitz, le U.S.S. Harry S. Truman, faisait des manœuvres au nord du cercle polaire arctique, et ce pour la première fois depuis 1991[9]. Il avait été déployé dans les eaux proches de la Norvège, dans le cadre d’un exercice militaire mené par l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). Cet exercice, connu sous le nom de Trident Joncture 2018, s’est déroulé entre le 25 octobre et le 7 novembre 2018 dans le centre et l’est de la Norvège, les zones environnantes de l’Atlantique Nord et de la Baltique, ainsi que dans les espaces aériens finlandais et suédois[10]. Il a mobilisé quelque 50 000 militaires de 31 pays[11], dont 2 000 membres des Forces armées canadiennes, ainsi que 250 aéronefs, 65 navires et jusqu’à 10 000 véhicules. Bref, Trident Juncture 2018 a été le plus important exercice militaire de l’OTAN depuis la fin de la guerre froide. Selon Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’Alliance, les participants à cet exercice ont tour à tour « joué le rôle d’agresseurs fictifs et de forces de défense de l’OTAN ». Le but était de tester les capacités de l’Alliance à « rétablir la souveraineté d’un Allié — en l’occurrence, la Norvège — après une agression armée[12] ». Cet exercice consistait donc à appliquer le principe de défense collective et de satisfaire aux obligations qui lient entre eux les membres de l’Alliance, conformément à l’article 5 du Pacte de l’OTAN[13]. Tous les États membres de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe — dont fait partie la Russie — ont été invités à y envoyer des observateurs pour en suivre le déroulement. Le secrétaire général a aussi tenu à souligner que « l’OTAN ne cherche pas la confrontation, mais elle se tient prête à défendre tous les Alliés contre n’importe quelle menace[14] ».

À peine plus d’un mois avant l’opération Trident Juncture 2018, la Russie a lancé son plus gros exercice militaire depuis 1981, surnommé Vostok 2018, qu’elle a mené du 11 au 17 septembre 2018 dans l’extrême est du pays et qui comprenait des opérations conjointes avec des forces chinoises et mongoliennes[15]. Selon le gouvernement russe, Vostok 2018 simulait « une escalade de la confrontation entre deux coalitions d’États imaginaires[16] ». Lors de cet exercice, des membres des forces russes ont traversé la péninsule Tchouktche, « de l’océan Arctique [… à] l’océan Pacifique » et, pendant leurs manœuvres, « ils ont pratiqué la tactique des actions de raid [… et des] tirs sur des cibles[17] ». On dit que la flotte russe du Nord aurait utilisé un système de défense antimissile côtier sur l’île Kotelny, située au large du littoral russe dans l’Arctique, entre la mer des Laptev et la mer de Sibérie orientale[18]. On a rapporté également que des unités de la Marine et un bataillon de fusiliers motorisés de l’Arctique appartenant à la flotte russe du Nord auraient fait un exercice de simulation d’attaque, lors d’un débarquement amphibie, près du cap Vankarem, sur la côte nord de la péninsule Tchouktche, donnant sur la mer des Tchouktches. Pour participer aux manœuvres de l’opération Vostok 2018, les navires de la flotte du Nord ont parcouru plus de 4 000 milles marins depuis leur base située sur la presqu’île de Kola (située en Russie occidentale)[19].

La Russie affirme que l’opération Vostok 2018 a mobilisé quelque 300 000 militaires, ce qui est impressionnant, plus de 1 000 aéronefs, hélicoptères et drones, environ 1 100 chars et jusqu’à 80 navires de combat et de soutien. Dans les faits, ces chiffres seraient moins élevés[20]. Quoi qu’il en soit, il semblerait que la Russie accélère la cadence et l’ampleur de ses exercices militaires. Cela n’est pas sans conséquences sur la donne stratégie dans l’Arctique. D’ailleurs, Heather Conley, vice‑présidente directrice pour l’Europe, l’Eurasie et l’Arctique, au Center for Strategic and International Studies basé à Washington, a expliqué au Comité que « la Russie a entièrement placé l’Arctique sous sa doctrine militaire et sa nouvelle doctrine maritime[21] ». Cela découle de la décision qu’a prise le gouvernement russe en 2014 de créer un nouveau commandement stratégique mixte (flotte du Nord) pour l’Arctique. La Russie s’est concentrée également sur la modernisation de sa flotte du Nord, notamment de ses sous-marins nucléaires lance-missiles balistiques dont elle se sert comme armes de dissuasion[22]. Mme Conley a relaté aussi l’évènement suivant : « En mars 2015, nous avons eu connaissance d’un exercice militaire subit non annoncé dans l’Arctique au cours duquel les Russes ont démontré leur état de préparation total au combat dans un exercice aérien, maritime et terrestre complexe. » Elle a ajouté : « Nous constatons qu’il y a une doctrine, une structure de commandement simplifiée, du nouvel équipement, de nouvelles forces et des exercices répétés mettant en œuvre ces capacités[23]. »

En même temps, Mme Conley a appelé à la prudence, disant qu’il ne fallait pas dramatiser la présence militaire russe dans l’Arctique. Selon elle :

Ce n’est pas la Russie telle qu’elle était à l’apogée de la guerre froide. Je pense que ce que nous voyons, c’est le rétablissement d’un semblant de capacité de projection de la puissance russe qui est très concentrée dans les environs de l’Atlantique Nord et du bastion de défense autour de la presqu’île de Kola[24].

Alison LeClaire, haute représentante pour l’Arctique et directrice générale des Affaires circumpolaires et des Relations avec l’Europe de l’Est et l’Eurasie à Affaires mondiales Canada, a fait la même remarque au sujet du contexte historique de la puissance militaire russe. En effet, selon Mme LeClaire, même si la Russie a modernisé récemment ses capacités militaires dans l’Arctique, notamment en ouvrant ou rouvrant des bases, « la présence militaire russe dans la région demeure bien en deçà de ce qu’elle était pendant les années 1980[25] ».

Dans l’analyse qu’il a présentée au Comité, Fréderic Lasserre, directeur du Conseil québécois d’études géopolitiques, à l’université Laval,  appuie ce point de vue. Selon lui, le tonnage total de la flotte soviétique, ou russe selon le cas, a diminué considérablement entre 1988 et 2012. Par exemple, en 1983, la flotte de l’Union soviétique comptait 70 sous-marins nucléaires d’attaque, alors que la flotte russe n’en comptait que 18 en 2018. Le nombre de sous-marins nucléaires balistiques a aussi chuté, passant de 67 en 1983 à 11 en 2018. En 2018, la Russie avait un porte-avions, un navire d’assaut et cinq croiseurs. De façon générale, de nouveaux navires sont construits, sans toutefois compenser pour les « retraits massifs » réalisés par le gouvernement russe après 1991. Le professeur Lasserre estime que la marine est conçue pour la défense côtière, « avec une forte composante de dissuasion nucléaire sous-marine[26] ».

À certains égards, la politique russe s’inscrit dans une logique économique. L’Arctique a toujours été une priorité stratégique pour le gouvernement russe[27], étant donné le bassin de population qui occupe le territoire industrialisé du nord et les difficultés qu’a le pays à soutenir les collectivités de cette région. Mourmansk, une ville située très loin au nord du cercle polaire arctique, compte à elle seule environ 300 000 habitants. Arkhangelsk, qui se trouve un peu au sud du cercle polaire, a une population de 350 000 personnes. Selon ce qu’a appris le Comité, on dénombre entre 2 et 2,5 millions d’habitants dans les régions septentrionales de la Russie.

Ensuite, il y a la Route maritime du Nord, que la Russie veut promouvoir davantage. Dans sa recherche de capitaux à cette fin, ce pays a profité d’investissements chinois dans la mise en valeur de gisements de gaz naturel et le développement d’un terminal de gaz naturel liquéfié sur la péninsule du Yamal. À cause des sanctions occidentales contre l’industrie pétrolière et gazière extracôtière russe, même si les relations entre les deux puissances sont complexes et teintées de méfiance, les entreprises d’État chinoises se sont taillé une place appréciable dans le projet économique russe en Arctique. Ces sanctions ont été prises dans la foulée de l’occupation illégale et de l’annexion par la Russie de la Crimée, qui fait partie du territoire souverain de l’Ukraine. Mme Pezard a expliqué que la Route maritime du Nord « constitue une grande artère économique de la Russie, qui compte bien la protéger et en conserver le contrôle[28] ».

Selon Mme LeClaire, la Russie n’aurait aucun intérêt à se montrer menaçante à l’égard du Canada dans l’Arctique, puisque cela nuirait à « ce qu’elle tente de faire dans la région arctique sous son contrôle pour protéger ses propres intérêts économiques[29] »; un point de vue que partagent les Forces armées canadiennes. Le major‑général William Seymour, commandant adjoint du Commandement des opérations interarmées du Canada, a dit que le renforcement des capacités militaires de la Russie traduit en partie la volonté de ce pays de faire de la Route maritime du Nord une voie de navigation « de prédilection », dans l’Arctique, pour le transport des marchandises[30].

Michael Byers, professeur au Département de sciences politiques de l’Université de la Colombie-Britannique, a complété l’analyse de la situation en ajoutant ceci :

Je ne me fais aucune illusion au sujet de la Russie, mais, lorsque j’analyse la position de ce pays dans l’Arctique, j’ai un certain niveau d’optimisme, non pas parce que Vladimir Poutine est un ami du Canada, mais parce qu’il est un intervenant rationnel. La Russie est le plus grand pays du monde et elle possède un très grand territoire incontesté dans l’Arctique. La Russie possède de très vastes zones économiques exclusives incontestées dans l’Arctique[31].

En fait, comme l’a fait remarquer le professeur Byers, environ la moitié du territoire arctique appartient déjà à la Russie. M. Byers estime par ailleurs que le gouvernement russe utilise les ressources miliaires du pays presque au maximum de leurs capacités, étant donné les moyens qu’il a déployés en Syrie, ainsi que ceux mis en place pour assurer la sécurité de la Russie le long des frontières avec des membres de l’OTAN en Europe de l’Est, et avec la Chine dans l’Extrême-Orient. À l’échelle nationale, le pays a également été aux prises avec des crises économiques et démographiques. Selon son analyse de la situation, le professeur Byers croit que la Russie ne s’intéresse plus vraiment à l’Arctique.

Le Comité a également été mis en garde contre toute comparaison hasardeuse entre le portrait de la sécurité dans l’Arctique en général et l’Arctique canadien en particulier. Il convient de rappeler que la Norvège partage une frontière d’environ 200 kilomètres avec la Russie, non loin des bases russes de la flotte du Nord, sur la presqu’île de Kola, et qu’une partie du littoral norvégien donne sur la mer de Barents, un espace maritime qui a toujours été disputé pendant la guerre froide. C’est précisément dans cet espace que s’applique le concept de « bastion de défense » russe[32]. Mme Pezard a rappelé au Comité que la flotte du Nord « regroupe les deux tiers des sous-marins nucléaires du pays, de sorte que l’Arctique est à la fois l’étendue d’eau qui protège la force de dissuasion stratégique de la Russie, d’une part, et d’autre part, la porte par où une partie considérable de la marine russe peut passer pour atteindre l’Atlantique Nord[33] ». Le major‑général Seymour a affirmé que la militarisation accrue de la Russie « vise donc en partie à garantir que les Russes sont en mesure de protéger cette capacité du Nord ». Il a ajouté, à propos de cette militarisation et de cette prérogative de défense, qu’« il est hypothétique d’en conclure que dans 20 ou 30 années, les Russes pourraient souhaiter mener des opérations en Amérique du Nord ou chercher à le faire, et […] que cette conclusion n’est pas nécessairement corroborée par nos observations actuelles[34] ».

Dans le même ordre d’idées, Adam Lajeunesse, titulaire de la chaire Irving Shipbuilding sur la sécurité maritime dans l’Arctique canadien à l’Institut Mulroney de l’Université Saint‑François‑Xavier, a souligné qu’« il n’y a pas un seul Arctique avec un enjeu militaire commun ». En fait, selon lui, « il y a plusieurs Arctique ». Il a ajouté que la militarisation que craint le Comité « a lieu en Eurasie, et les forces qui sont déployées — principalement russes — n’ont pas, habituellement, la capacité de projection nécessaire pour menacer l’Arctique canadien ». À propos des scénarios d’éventuels conflits entre États, M. Lajeunesse a indiqué que « l’Arctique canadien n’est vraiment pas le premier endroit dont nous devons nous inquiéter pour ce qui est d’une agression russe. Le cas échéant, ce serait le déclenchement de la troisième guerre mondiale, et les investissements dans la défense de l’Arctique sont une utilisation inefficace de nos ressources[35] ».

Un autre expert qui a comparu devant le Comité ne voyait pas les mêmes distinctions géographiques dans l’Arctique. David Perry, vice-président, analyste principal et chargé de projet à l’Institut canadien des affaires mondiales, a décrit ce qu’il a qualifié d’approche double du gouvernement canadien à l’égard du contexte de menace dans l’Arctique. Il a évoqué ce qui ressemble à « une grande ligne imaginaire » tracée autour de la côte ouest du Groenland. Selon lui, les responsables gouvernementaux fédéraux minimisent la possibilité de menaces militaires contre le Canada dans l’Arctique et les risques qui pèsent sur l’Arctique comme espace de paix et de coopération. M. Perry a rappelé toutefois au Comité que le Canada a participé activement — avec ses alliées de l’OTAN — à l’exercice Trident Juncture 2018, dont l’objectif était de « s’assurer que les forces de l’OTAN sont entraînées, capables d’interagir et prêtes à répondre à n’importe quelle menace, d’où qu’elle vienne » [traduction]. Pour M. Perry, la menace la plus probable qui guette la défense de l’Europe et de l’Amérique du Nord pourrait venir du nord de la Russie. C’est pourquoi, selon lui, « il est temps que le Canada traite l’ensemble de l’Arctique comme une région stratégique intégrée et adopte une approche plus uniforme en matière de défense[36] ».

Pour sa part, Whitney Lackenbauer, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’étude du Nord canadien et professeur à l’École d’études canadiennes de l’Université Trent, a déconseillé de négliger la complexité des menaces et des mésententes entre États, ainsi que leurs causes et les endroits dans lesquels elles sont susceptibles de prendre forme. M. Lackenbauer a insisté sur la nécessité de faire la différence entre les menaces « en émergence » dans la région arctique et les « grands enjeux stratégiques mondiaux qui ont peut‑être une connexion avec l’Arctique, mais qui sont gérés de façon appropriée à un niveau international plutôt qu’à un niveau régional précis ». Toujours selon M. Lackenbauer, les agressions russes au Moyen-Orient et en Ukraine s’inscrivent dans une dynamique de retour à une certaine concurrence entre grandes puissances, une situation qui nécessite « une surveillance et une analyse minutieuses, de concert avec les États-Unis et les autres partenaires de l’OTAN ». M. Lackenbauer estime toutefois que ces menaces sont internationales, et qu’elles ne se limitent pas à des problèmes ou des différends précis concernant l’Arctique. D’après lui, « [l]es activités militaires [de la Russie] dans sa zone arctique ne sont liées d’aucune façon évidente aux changements environnementaux ou aux corridors maritimes ni à des menaces militaires dans l’Arctique canadien ou à l’égard de ce dernier[37] ». La question de la défense contre les menaces qui pourraient arriver par l’Arctique, comme les missiles de croisière et des bombardiers russes, est examinée plus loin dans le présent rapport.

Même si les évaluations des menaces militaires dans l’Arctique varient, tout le monde s’entend sur la nécessité de mieux comprendre les intentions de la Russie. Mme Conley a relevé la même contradiction que celle qu’avait soulignée précédemment Affaires mondiales Canada — à savoir que la militarisation de l’Arctique et la déstabilisation du statu quo dans la région « ferai[en]t peur aux investisseurs et nuirai[en]t à une activité économique potentielle ». La stratégie qui sous-tend le dispositif militaire russe n’est donc pas claire. Mme Conley a plaidé en faveur de « plus de transparence, de mesures de confiance et d’exercices, et […] même d’un code de conduite similaire à ce que nous tentons de faire avec les Chinois dans la mer de Chine méridionale afin d’empêcher les accidents et les incidents ». Elle pense que le Conseil de l’Atlantique Nord doit profiter de l’opération Trident Juncture 2018 pour obtenir « non seulement des renseignements au sujet du déroulement des activités de l’OTAN dans le Nord, mais aussi, encore une fois, des détails à propos de [la présence] militaire russe[38] ». Cela permettrait à l’OTAN de fournir une réponse plus éclairée.

Le Comité convient de la nécessité d’un dialogue, au sein de l’OTAN, sur le rôle de la Russie dans l’Arctique, afin que l’Alliance ne soit pas surprise par les manœuvres et les capacités russes. En connaissant mieux la position de la Russie, les pays membres de l’OTAN éviteront de réagir de manière exagérée ou trop modérée aux opérations militaires russes. Le Comité sait également, comme l’a affirmé Mme Conley, que l’époque où l’on se demandait si l’OTAN « serait utile dans l’Arctique » est révolue[39]. Sur ce point, Mme Pezard a dit au Comité qu’avant, le gouvernement canadien « voyait avec peu d’enthousiasme l’OTAN s’intéresser à la sécurité de l’Arctique, comme en a témoigné son opposition à l’inclusion de l’Arctique dans la Déclaration de Lisbonne et dans le Concept stratégique de l’OTAN en 2010[40] ». Mais l’environnement de sécurité a changé. Comme l’a résumé Mme Conley, avec pour toile de fond de son intervention l’opération Trident Juncture 2018 : « L’OTAN est dans l’Arctique[41] ».

En outre, le Comité entend l’appel à la prudence de M. Perry, pour qui les intentions peuvent changer rapidement. Il souscrit également à l’analyse de Mme Pezard, selon laquelle « depuis l’annexion de la Crimée par la Russie et la guerre qu’elle mène par factions interposées dans l’est de l’Ukraine, on ne saurait supposer que ses intentions sont inoffensives, ce qui met davantage en exergue la question de savoir ce qu’elle pourrait faire avec ces nouvelles capacités[42] ». Comme le sous-entend Mme Pezard dans son mémoire, l’essentiel, c’est de se montrer dissuasif sans pour autant provoquer, ce qui est un équilibre délicat à atteindre.

Recommandation 1

Dans le cadre de la stratégie de dissuasion et de défense contre toute menace visant les membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, le gouvernement du Canada devrait travailler avec ses partenaires du Conseil de l’Atlantique Nord, afin de mieux comprendre les intentions militaires de la Russie à l’égard de l’Arctique et d’envisager la réponse la plus appropriée et la plus mesurée possible.

Pistes de coopération pour garder un bon climat

La situation décrite précédemment a poussé le Comité à réfléchir au dialogue entre le Canada et la Russie à l’égard des questions de politique sur l’Arctique moins délicates que celles touchant les capacités militaires et les objectifs géopolitiques. Certains témoins ont mis de l’avant la collaboration concrète qui s’est nouée ces dernières années avec la Russie au sein du Conseil de l’Arctique, une tribune créée à Ottawa en 1996. Le Conseil de l’Arctique, qui rassemble les pays circumpolaires, est voué à la protection de l’environnement et au développement durable. Il compte huit États membres : le Canada, le Danemark, les États‑Unis, la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Russie et la Suède. En outre, six associations autochtones de la région arctique ont le statut de participantes permanentes; leur rôle est examiné en détail plus loin dans le présent rapport.

En plus de proposer des évaluations, des cadres et des orientations révolutionnaires, le Conseil de l’Arctique est un forum au sein duquel les huit États membres ont négocié et conclu trois accords juridiquement contraignants : l’Accord sur le renforcement de la coopération scientifique internationale dans l’Arctique (2017); l’Accord de coopération sur la préparation et la lutte en matière de pollution marine par les hydrocarbures dans l’Arctique (2013); et l’Accord de coopération en matière de recherche et de sauvetage aéronautiques dans l’Arctique (2011)[43]. Le Comité a appris que la Russie a joué un grand rôle dans les négociations entourant l’accord sur la recherche et le sauvetage ainsi que celui sur la coopération scientifique. Ce dernier sera d’ailleurs analysé dans la dernière section du présent rapport, qui porte sur la diplomatie scientifique au sens large.

Lorsque le Comité était en déplacement dans l’Arctique, il y a eu un autre signe de coopération entre les pays de la région. En effet, fin 2017, les cinq pays côtiers de l’Arctique — à savoir le Canada, le Danemark (Groenland et des îles Féroé), les États‑Unis, la Norvège et la Russie — et quatre autres pays — la Chine, la Corée du Sud, l’Islande et le Japon –, ainsi que l’Union européenne, qui ont tous un important secteur de la pêche commerciale, ont achevé de négocier le texte définitif d’un dispositif visant à empêcher la pêche commerciale non réglementée en haute mer dans le centre de l’océan Arctique. L’accord, signé le 3 octobre 2018 à Ilulissat, au Groenland[44], prendra effet dès que les 10 parties l’auront ratifié[45]. Il s’applique à un territoire de quelque 2,8 millions de kilomètres carrés — ce qui représente à peu près la superficie de la mer Méditerranée — qui s’étend au-delà de la zone économique exclusive des cinq États côtiers de l’Arctique (voir la figure 4)[46]. L’interdiction sera en vigueur pendant au moins 16 ans, et on mènera également des travaux conjoints de recherche et de surveillance pour mieux « comprendre les écosystèmes de la région » et déterminer s’il est possible d’y pratiquer une pêche durable[47]. Les parties pourront reconduire cette interdiction pour des périodes de cinq ans. Cet accord permettra aux 10 parties signataires d’adopter une approche de précaution en matière de gestion des pêches et des océans, car il ne se fait pas encore de pêche commerciale dans le centre de l’océan Arctique.

Figure 4 — Frontières maritimes dans l’Arctique

Carte montrant les zones maritimes et les frontières des pays dans l’Arctique. Elle illustre la zone économique exclusive de chacun des pays, soit la zone en eaux libres s’étendant jusqu’à 200 milles marins au-delà des lignes de base du pays. Une limite bilatérale est indiquée en cas de chevauchement des zones économiques exclusives, par exemple entre le Canada et le Groenland, la Norvège et le Groenland, la Norvège et la Russie, et la Russie et les États-Unis. Certaines régions en haute mer sont à l’extérieur des zones économiques exclusives (pôle Nord et petite région de l’océan entre la Norvège et l’Islande, et la Norvège et la Russie). La Russie et l’Alaska (États-Unis), ainsi que l’Islande et l’île de Jan Mayen (Norvège) ont établi des régimes mixtes dans des sections de leurs zones économiques exclusives. La carte indique également les zones de la mer de Beauport que se disputent le Canada et les États-Unis.

Source :     Carte produite par la Bibliothèque du Parlement, Ottawa, 2018, à partir de données tirées de Natural Earth, 1:50m Cultural Vectors, « Countries », version 4.1.0, et « Boundary Lines », version 4.0.0; Institut océanographique des Flandres, Maritime Boundaries Geodatabase : « Internal Waters », version 2, et « Maritime Boundaries and Exclusive Economic Zones (200NM) », version 10, 2018 [disponibles en anglais seulement]. Logiciels utilisés : Esri, ArcGIS PRO, version 2.1.0.

Il existe d’autres domaines dans lesquels les pays de l’Arctique ont démontré leur capacité et leur volonté de travailler ensemble. Au chapitre de la sécurité maritime, par exemple, les huit pays du Conseil de l’Arctique ont mis sur pied un forum informel et indépendant des gardes côtières de l’Arctique, qui traite de questions opérationnelles et organise un exercice réel tous les deux ans. La Russie s’occupe aussi de développement durable avec les pays d’Europe du Nord, grâce au réseau de coopération de la Région euroarctique de Barents[48]. Par ailleurs, au niveau le plus large de coopération multilatérale, les pays membres de l’Organisation maritime internationale (OMI) ont adopté en 2014 le Code international pour les navires exploités dans les eaux polaires (le « Code polaire »), qui est entré en vigueur en janvier 2017. Le Code fixe des exigences obligatoires, en matière de sécurité et de prévention de la pollution, pour la navigation dans les eaux arctiques (et antarctiques)[49].

Comme la présente étude s’intéressait en premier lieu à la souveraineté du Canada dans l’Arctique, il importe de souligner que le Conseil de l’Arctique ne s’occupe pas des différends relatifs aux frontières maritimes, qui relèvent de la diplomatie bilatérale[50]. De même, selon le document constitutif du Conseil de l’Arctique, les États membres ont convenu que les questions de sécurité militaire ne faisaient pas partie du mandat de cette organisation. Le Conseil de l’Arctique n’a donc pas vocation à régler les « grandes questions politiques ». Il n’en demeure pas moins qu’il a été présenté au Comité comme étant un mécanisme efficace qui peut produire des résultats tangibles. Un député du Parlement de Finlande, pays qui assure actuellement la présidence du Conseil de l’Arctique, a fait remarquer au Comité que « [m]algré la tendance négative générale des relations interétatiques, le Conseil de l’Arctique a réussi à renforcer la stabilité régionale, et même à étendre les domaines de coopération constructive[51] ».

Figure 5 — Rencontre avec un délégation finlandaise

Photo des membres du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes en compagnie de députés faisant partie d’une délégation de la République de la Finlande de passage au Canada.

Les membres du Comité rencontrent des députés de la République de la Finlande à Ottawa le 26 novembre 2018.

Même si Affaires mondiales Canada surveille avec vigilance le comportement de la Russie, le Ministère estime qu’il est dans l’intérêt du Canada de continuer à travailler avec ce pays dans l’Arctique pour mener des combats communs — comme ceux concernant la réduction des émissions de carbone noir ou la prévention de la pollution par les hydrocarbures – puisqu’ensemble, nos deux pays se partagent 75 % du territoire arctique. Mme LeClaire a déclaré que « les contributions de la Russie au travail du Conseil de l’Arctique sont grandes et utiles, et que la coopération est positive ». Elle a toutefois ajouté une nuance importante en disant que « les gestes illégaux de la Russie en Ukraine et sa participation à d’autres activités mondiales non liées à l’Arctique empêchent une collaboration bilatérale plus solide avec le Canada sur les questions liées à l’Arctique[52] ». Pour illustrer ses propos, elle a évoqué la suspension des travaux du Canada avec la Russie au sein du Groupe de travail sur l’Arctique et le Nord de la Commission économique intergouvernementale Canada-Russie[53].

Même pendant l’opération Trident Juncture 2018, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, qui a été aussi premier ministre de la Norvège, a fait remarquer que les pays de l’Alliance avaient cherché à collaborer avec la Russie dans l’Arctique pour atteindre des objectifs communs, comme la coordination des opérations de recherche et de sauvetage. Selon lui, ces initiatives montrent « qu’il est possible, pour les alliés de l’OTAN, de combiner force, prévisibilité et fermeté tout en coopérant concrètement avec la Russie, de nation à nation, au sein du Conseil de l’Arctique ou du réseau de coopération de la Région euroarctique de Barents[54] ». Même si le Comité s’inquiète du dispositif militaire russe, il sait aussi que l’Arctique est un écosystème partagé et des plus fragiles. C’est la raison pour laquelle il considère qu’une approche combinant adroitement force de dissuasion, au niveau stratégique, et engagement diplomatique, au niveau pratique, peut fonctionner et servir le Canada.

Recommandation 2

Le gouvernement du Canada devrait continuer de travailler, dans la mesure du possible, avec la Russie au sein du Conseil de l’Arctique, de concert avec les autres États membres, pour mener des recherches dans les domaines scientifiques et politiques et relever les défis communs en matière d’environnement, de sécurité, de transport et de développement humain.

Les ambitions de la Chine à l’égard de l’Arctique

Les observateurs surveillent également de près les ambitions de la Chine concernant l’Arctique. La Chine a créé son institut de recherche polaire en 2009 et a organisé plusieurs expéditions scientifiques dans l’Arctique. Elle construirait aussi un nouveau brise-glace capable de naviguer dans l’Arctique, dont le lancement est prévu pour 2019[55]. Des sociétés chinoises ont cherché à investir dans le secteur des ressources naturelles au Groenland, en pensant y exploiter des gisements de terres rares, ainsi que des mines de zinc ou de minerai de fer[56]. On dit également que la Chine voudrait installer une station de recherche et de réception satellitaire au Groenland[57]. Dans un rapport de 2017, le Service du renseignement en matière de défense du Danemark évalue que « les investissements chinois massifs au Groenland présentent certains risques en raison de l’effet qu’ils pourraient avoir sur une économie de cette taille ». Il dit également que « les investissements dans des ressources stratégiques augmentent les risques d’ingérence et de pression politiques[58] ».

En janvier 2018, la Chine a publié un livre blanc dans lequel elle présente l’Arctique dans une perspective mondiale plutôt que régionale. Voici ce qu’elle en dit :

La situation dans l’Arctique dépasse maintenant le cadre original de ses États interarctiques ou de la région comme telle, et a une incidence vitale sur les intérêts d’États extérieurs à la région et de la communauté internationale dans son ensemble, ainsi que sur la survie, le développement et l’avenir commun de l’humanité. Elle a donc des ramifications et des répercussions planétaires[59].

Qui plus est, le livre blanc en question dit que la Chine a « un rôle important à jouer dans les affaires de l’Arctique » et qu’elle est même « un État quasi arctique »[60].

En même temps, le livre blanc indique que « la Chine prendra part à la réglementation et à la gestion des affaires et des activités concernant l’Arctique en se fondant sur les règles et mécanismes applicables ». Il fait aussi état de la volonté de la Chine « de respecter le cadre existant du droit international », notamment le droit de la mer et les règles de l’OMI. Les principes de base de l’engagement de la Chine en Arctique tournent autour des notions « de respect, de coopération, de solutions gagnantes pour tous et de viabilité ». Le principe de respect est décrit comme devant être réciproque. En effet, tous les États devraient respecter « l’indépendance, les droits souverains et la compétence des États de l’Arctique », mais également « le droit et la liberté des États non arctiques de mener des activités dans cette région dans le respect du droit[61] ».

Le livre blanc dit également que la Chine s’engage « à maintenir la paix, la sécurité et la stabilité dans l’Arctique »; il y est aussi beaucoup question de recherche scientifique. En même temps, les intérêts de la Chine en Arctique sont étroitement liés à l’initiative de la Ceinture et la Route, lancée par le gouvernement chinois, qui « pourrait être l’occasion, pour les parties concernées, de construire ensemble une “route polaire de la soie” et de faciliter la connectivité ainsi qu’un développement économique et social durable dans l’Arctique ». Toujours selon ce livre blanc, travailler ensemble dans cette perspective permettrait le développement de routes de navigation arctiques, notamment dans le passage du Nord‑Ouest[62].

Comme l’a expliqué au Comité Jessica M. Shadian, présidente-directrice générale et fondatrice d’Arctic 360 et agrégée supérieure de recherche au Bill Graham Centre for Contemporary International History, la vision de la Chine correspond à « ce à quoi l’Arctique devrait ressembler d’ici 20, 30 ou même 50 ans ». Mme Shadian a rappelé au Comité que même si, pour l’instant, la Chine s’intéresse avant tout à la Route maritime du Nord de la Russie, plusieurs médias ont rapporté qu’elle a publié un guide de 365 pages sur le transport de marchandises par le passage du Nord‑Ouest. Ce guide « comprend des tableaux et des renseignements détaillés sur la glace de mer et les conditions météorologiques, afin d’aider les navires chinois voyageant de l’Asie vers l’Atlantique via l’Arctique nord‑américain[63] ».

De l’avis de Shawn Steil, directeur exécutif, Direction de la Chine élargie, à Affaires mondiales Canada, le concept de route polaire de la soie « illustre sans équivoque l’intérêt porté par la Chine à l’Arctique en tant que corridor de transport et source de ressources naturelles ». En ce concerne plus particulièrement le Canada, il a noté que la Chine veut collaborer aux travaux scientifiques sur l’Arctique. Elle a aussi « manifesté un intérêt pour une participation au développement des infrastructures et l’utilisation des ressources dans le Nord canadien ». À ce propos, M. Steil a insisté sur la nécessité que tout investissement en la matière « soit compatible avec le développement durable des collectivités locales et contribue aux intérêts nationaux du Canada ». Selon lui, « [a]lors que nous cherchons à développer les infrastructures dans l’Arctique, nous ne pouvons ignorer les risques posés par la présence de partenaires étrangers dans des secteurs sensibles sur le plan stratégique[64] ».

Au chapitre de la défense nationale, le major‑général Seymour a expliqué que l’approche de la Chine repose, pour l’heure, « sur la participation et la collaboration » dans l’Arctique. Il a dit au Comité que les Forces armées canadiennes « ne consid[èrent] pas la Chine comme une menace dans notre région arctique ». Elles la voient plutôt « comme un pays qui aspire à obtenir un accès garanti aux voies de communication et de commerce maritime à l’échelle internationale, ce qui constitue son principal domaine d’intérêt ». Le major‑général Seymour a ajouté que la Chine tente « d’accéder aux ressources du monde entier », y compris celles se trouvant dans l’Arctique canadien. Dans une optique de sécurité, il faudrait donc surveiller tout particulièrement la tendance des investissements étrangers dans les entreprises et les infrastructures canadiennes et se concentrer aussi sur la cybersécurité[65]. Pour sa part, le professeur Byers ne voit pas d’un mauvais œil que des entreprises d’État chinoises investissent dans la mise en valeur des ressources de l’Arctique canadien, « pourvu que les mesures habituelles de protection de la sécurité nationale soient en place[66] ».

Lors d’une autre réunion du Comité, le professeur Lackenbauer est allé jusqu’à dire que « les prétendues menaces chinoises pour la souveraineté canadienne dans l’Arctique sont de faux problèmes qui ne devraient pas détourner l’attention ni les ressources d’enjeux plus pressants ». Il a admis toutefois que la présence chinoise accrue dans l’Arctique peut soulever des questions de sécurité, notamment des inquiétudes au sujet de la pollution des navires, de l’espionnage d’État et même « de la perte de la souveraineté économique du Canada ». Le professeur Lackenbauer a fait valoir néanmoins qu’« il ne s’agit pas là de problèmes de “souveraineté dans l’Arctique” comme on en discute habituellement et qu’il est préférable de les considérer dans le contexte des relations du Canada avec la Chine en tant qu’acteur mondial émergent[67] ». La position de la Chine à l’égard du statut juridique du passage du Nord‑Ouest est examinée dans le prochain chapitre du présent rapport.

Dernière chose concernant le rôle de la Chine dans la région : à la réunion ministérielle du Conseil de l’Arctique de 2013, la Chine a été acceptée comme pays observateur, en même temps que la Corée du Sud, l’Inde, l’Italie, le Japon et Singapour. On compte donc maintenant 13 pays observateurs, ce qui montre bien l’intérêt grandissant de la communauté internationale pour cette région du globe. Mme LeClaire a fait remarquer que les pays membres du Conseil de l’Arctique ont associé ce statut à certaines conditions[68]. Entre autres exigences, les observateurs doivent reconnaître « la souveraineté, les droits souverains et la compétence » des États de l’Arctique, et aussi « qu’un vaste cadre juridique s’applique à l’océan Arctique ». Ils doivent également respecter « les valeurs, les intérêts, la culture et les traditions des peuples autochtones et des autres habitants de l’Arctique[69] ».

Recommandation 3

Le gouvernement du Canada devrait instaurer un dialogue avec le gouvernement de la Chine afin de comprendre en quoi consiste l’intérêt croissant de ce dernier envers l’Arctique.

VISION DE LA SOUVERAINETÉ DU CANADA DANS L’ARCTIQUE

 

Il existe différentes manières de concevoir la souveraineté du Canada dans l’Arctique. On peut l’aborder dans une perspective plus ou moins large ou étroite; tout dépend des sujets et des points de vue de ceux qui les traitent. Comme l’a expliqué le professeur Byers, pour les juristes, « la souveraineté dans l’Arctique concerne nos relations avec d’autres États-nations, et il est donc ici question de frontières maritimes, de notre unique différend territorial concernant l’île Hans et le statut du passage du Nord-Ouest ». Or, pour les habitants du Nord, le concept de souveraineté dans l’Arctique est plus étendu. Pour eux, selon M. Byers, cela « inclut la recherche et le sauvetage, la surveillance policière de choses comme la contrebande, le commerce de la drogue ou l’immigration illégale. Il est aussi question pour eux d’enjeux socioéconomiques, de la crise du logement et de la crise de la santé[70] ».

Duane Ningaqsiq Smith, président et directeur général de la Société régionale Inuvialuit, a présenté les multiples facettes du concept de souveraineté — qui dépassent la dimension strictement juridique. L’organisation qu’il dirige a été créée pour gérer les affaires relatives au Règlement énoncé dans la Convention définitive des Inuvialuit, signée entre le gouvernement du Canada et les Inuvialuit le 5 juin 1984[71]. Dans son mémoire au Comité, M. Smith écrit ceci :

Aujourd’hui, la souveraineté dans l’Arctique a besoin de beaucoup plus […] que des déclarations pompeuses prononcées dans des rencontres internationales et des préceptes édictés à Ottawa. Elle a besoin de populations en bonne santé, instruites et bien formées, aptes à protéger jalousement le littoral nord du pays au nom du Canada tout entier. Pour cela, il faut des infrastructures qui attirent les industries et profitent tant aux habitants du Nord qu’au Canada tout entier. Il faut une nette amélioration de la gestion des activités maritimes ainsi que des informations et des capacités de réaction en temps réel.
Mais par-dessus tout, il faut de solides partenariats, fondés sur des droits et des devoirs explicites, pour que le Canada et ses territoires du Nord soient unis dans la lutte contre toute menace à la sécurité nationale[72].

Ainsi, en plus de comporter de multiples facettes, la souveraineté du Canada dans l’Arctique suscite des opinions très tranchées chez beaucoup de Canadiens. Andrea Charron, directrice et professeure associée au Centre d’études sur la défense et la sécurité de l’Université du Manitoba, a même laissé entendre que la fixation du Canada sur les débats entourant la souveraineté n’apporte rien d’utile. Pour elle, le terme lui-même « confond et déconcerte les alliés et les États arctiques, puisque le Canada est l’exception pour ce qui est de faire allusion à des menaces contre la souveraineté plutôt qu’à des menaces contre le territoire, ou à des lacunes en matière de capacité ou des problèmes de surveillance[73] ».

Que l’on emploie ou non ce terme, pour répondre aux préoccupations concernant l’Arctique canadien, il faut assurer un contrôle efficace des eaux canadiennes, défendre le pays contre toute menace extérieure, entretenir des partenariats fructueux avec les collectivités arctiques et s’engager dans des projets de renforcement de la nation qui prennent en compte les aspirations des populations de l’Arctique. Ces questions sont traitées plus en détail dans les prochaines sections.

Pendant son étude, le Comité s’est aussi fait rappeler l’histoire complexe — et parfois tendue — de la souveraineté du point de vue des Inuits. Il a appris que, dans le passé, il est arrivé que l’on avait traité les Inuits comme des « porte-drapeau humains ». En août 2010, le gouvernement fédéral a présenté des excuses officielles pour la réinstallation de familles inuites originaires d’Inukjuak (dans le Nord du Québec) et de Pond Inlet (sur l’île de Baffin) à Grise Fiord et Resolute Bay, dans l’Extrême‑Arctique, durant les années 1950. Le gouvernement a reconnu « la souffrance extrême éprouvée par les personnes réinstallées[74] ». Selon une étude réalisée pour la Commission royale sur les peuples autochtones : « La preuve porte à conclure que la souveraineté a eu un poids substantiel dans la décision de réinstallation, même si les préoccupations prépondérantes étaient d’ordre social et économique[75]. » À cette époque, les craintes d’Ottawa venaient du fait que les Américains avaient posté des forces dans l’Arctique canadien durant la Seconde Guerre mondiale. L’honorable Charlie Watt, ancien sénateur canadien et maintenant président de la Société Makivik, a expliqué au Comité que les personnes déplacées du Nunavik pour être envoyées à Resolute Bay « ont été littéralement jetées sur le rivage au nom de la souveraineté[76] ».

Comme l’a dit une personne de Grise Fiord au Comité pendant son voyage dans le Nord, il y a eu des excuses pour cette page sombre de l’histoire; l’heure est maintenant à la réconciliation et à la reconstruction. Une part importante de ce travail passe par la reconnaissance du rôle des Inuits dans la souveraineté du Canada dans l’Arctique. L’Entente sur les revendications territoriales du Nunavut signée en 1993 reconnaît « la contribution des Inuits à l’histoire, à l’identité et à la souveraineté du Canada dans l’Arctique[77] ». De plus, l’article 15 de cette entente dit que « la souveraineté du Canada sur les eaux de l’archipel arctique est renforcée par l’utilisation, l’exploitation et l’occupation des Inuits[78] ». La figure 6 ci-après montre les routes des Inuits dans certaines régions de l’Arctique canadien — pistes de traîneau, sentiers pédestres et routes de navigation en été.

Figure 6 — Réseau panarctique des voies de déplacement des Inuits

Carte montrant le réseau des passages inuits dans l’Arctique canadien, y compris les sentiers pour traîneaux, les sentiers terrestres estivaux et les voies de navigation. Ces passages, qui traversent des terres et des eaux, sillonnent le Labrador, le Nord du Québec, le Nunavut (incluant l’île de Baffin) et la limite nord-est des Territoires du Nord Ouest.

Source :     Carte produite pour la Société Makivik. Copie donnée au Comité par l’honorable Charlie Watt, président de la Société Makivik, en novembre 2018.

En 1985, le gouvernement fédéral, au moyen d'une déclaration faite par le ministre des Affaires extérieures de l’époque, Joe Clark, a souligné également le lien entre les Inuits et la souveraineté du Canada dans l’Arctique. Voici ce que M. Clark avait dit devant la Chambre des communes :

La souveraineté du Canada dans l’Arctique est indivisible. Elle s’étend aussi bien à la terre qu’à la mer et à la glace. Cette souveraineté s’étend sans interruption aux côtes des îles arctiques tournées du côté de l’océan. Ces îles sont rattachées, et non divisées, par l’eau qui se trouve entre elles. Elles sont reliées la plus grande partie de l’année par de la glace. […] Depuis des temps immémoriaux, les Inuits du Canada utilisent et occupent la glace comme ils utilisent et occupent la terre[79].

Selon le Conseil circumpolaire inuit du Canada (CCI‑Canada), « les gouvernements canadiens subséquents ont passé sous silence l’apport des Inuits dans leurs déclarations officielles sur le statut juridique du passage du Nord‑Ouest[80] ». D’après le Conseil, réintroduire une telle reconnaissance dans les déclarations officielles ne pourrait être que bénéfique pour le gouvernement canadien.

Droit international

Lorsque les juristes parlent de la souveraineté du Canada dans l’Arctique, au sens strict du terme, ils font référence à l’étendue de la compétence du Canada sur ses eaux Arctiques. Des spécialistes de la question et des responsables canadiens n’ont cessé de répéter qu’à l’exception de l’île Hans, un rocher inhabité, nul ne conteste le fait que l’Arctique canadien est un territoire appartenant au Canada, y compris les 36 000 îles formant l’archipel. Et même dans le cas de l’île Hans, qui se trouve entre l’île d’Ellesmere et le Groenland, le Canada et le Danemark règlent leurs revendications territoriales concurrentes — sur l’île, et pas sur les eaux qui l’entourent — de manière cordiale, en recourant aux voies diplomatiques[81].

Pour ce qui est des frontières maritimes, le Canada et les États-Unis ont des positions divergentes concernant un territoire de 6 250 milles marins carrés situé dans la mer de Beaufort (voir la figure 4), et le Canada et le Danemark se disputent également 65 milles marins carrés dans la mer de Lincoln (au nord de l’île d’Ellesmere et du Groenland). Là encore, les représentants des autorités et les experts affirment que ces mésententes sont bien gérées et qu’elles ne provoquent pas de grandes frictions. Alan H. Kessel, sous-ministre adjoint, Affaires juridiques et jurisconsulte, à Affaires mondiales Canada, a affirmé que chaque différend « sera résolu de façon pacifique en temps voulu, conformément au droit international[82] ».

Le passage du Nord‑Ouest

De tout temps, le passage du Nord-Ouest a été au centre des préoccupations concernant la souveraineté du Canada dans l’Arctique et, durant la guerre froide, le Canada craignait que des navires de guerre et des brise-glaces américains ainsi que des sous-marins soviétiques ne traversent ce passage sans son consentement ou à son insu. Le nom de passage du Nord-Ouest, bien connu et emblématique, a une résonance historique qui remonte jusqu’à l’expédition audacieuse, mais funeste, de Franklin. Il désigne les différents chenaux par lesquels un navire peut traverser l’archipel arctique du Canada.

Le problème, c’est que le Canada et les États-Unis ne s’entendent pas sur le statut juridique de ces eaux. Selon M. Kessel :

Les eaux de l’archipel arctique canadien, y compris les différentes voies navigables plus connues sous l’appellation de « passage du Nord-Ouest », constituent des eaux intérieures du Canada en vertu d’un titre historique. Par souci de clarté, le Canada a tiré des lignes de base droites autour des îles arctiques en 1986. Toutes les eaux côté terre, à partir des lignes de base, sont des eaux intérieures et le Canada jouit du droit inconditionnel de réglementer ces eaux comme s’il s’agissait d’un territoire terrestre[83].

Or, pour les États-Unis, le passage du Nord­‑Ouest est un détroit international, c’est-à-dire des eaux où les bateaux et les avions des différents pays peuvent circuler librement, sans être assujettis à un contrôle étroit de l’État riverain.

Le dispositif juridique international qui s’applique en l’occurrence est le droit de la mer, y compris la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS) de 1982, que le Canada a ratifiée en 2003. Bien que les États-Unis soient le seul pays de l’Arctique à ne pas avoir adhéré à l’UNCLOS, ils appliquent le droit international coutumier de la mer, dont la plupart des principes se retrouvent dans l’UNCLOS.

Suzanne Lalonde, professeure à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, a expliqué au Comité la distinction, en droit, entre les eaux intérieures et les détroits internationaux, ainsi que leur signification en termes concrets. Dans ses eaux intérieures, « un État peut exercer un pouvoir exclusif et absolu […] y compris le droit d’en contrôler l’accès ». Ainsi, les navires qui empruntent le passage du Nord‑Ouest sont assujettis aux lois et à la réglementation canadiennes, et « toutes violations connexes peuvent être sanctionnées par les organismes et les mécanismes d’application de la loi canadiens[84] ».

D’après l’UNCLOS, un détroit international sert à relier une partie d’une haute mer à une autre. Tous les navires y jouissent d’un droit inconditionnel de passage en transit. Ce transit doit être « continu et rapide », et il faut que les navires « s’abstiennent de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique des États riverains du détroit[85] ». Les navires sont soumis à la réglementation internationale — plutôt que nationale, qui peut être beaucoup plus sévère — pour ce qui est de la pollution dont ils pourraient être responsables et des pratiques concernant la sécurité en mer. La professeure Lalonde a rappelé au Comité que le droit de passage en transit s’applique aux « navires et [aux] aéronefs civils et militaires de tous les pays ». Les bâtiments de guerre de surface et les sous-marins immergés peuvent donc transiter par un détroit international. Les aéronefs militaires peuvent aussi emprunter librement le « corridor aérien international » au‑dessus de ces eaux[86].

Le Canada considère que le passage du Nord‑Ouest n’est pas un détroit international au sens du droit international. Voici ce qu’a dit à ce propos M. Kessel :

À notre avis, en vertu du droit international, un détroit international doit avoir été utilisé à titre de voie navigable pour mériter cette dénomination. Cette région a été prise par les glaces pendant 10 000 ans. Elle n’a pas servi de voie de transit courante pour passer d’un côté à l’autre. Selon nous, on ne peut tout simplement pas décider qu’il s’agit d’un détroit international parce que la glace a fondu[87].

Pour sa part, la professeure Lalonde a convenu que le passage du Nord‑Ouest « ne remplit pas les critères s’appliquant aux détroits internationaux prévus par le droit international ». Faisant remarquer que l’UNCLOS ne donne pas de définition détaillée de ce qu’est un détroit international, elle a dit quand même qu’« une définition a bel et bien été établie dans le cadre de la conférence et dans la jurisprudence, par exemple en lien avec l’affaire du détroit de Corfou ». Deux critères s’appliquent : un critère géographique et un critère relatif à l’utilisation fonctionnelle. À propos de ce dernier, qui constitue la pomme de discorde au sujet du passage du Nord-Ouest, Mme Lalonde a expliqué que bien qu’il y ait « un débat de moindre envergure » sur la question de savoir si le critère s’applique à l’utilisation réelle ou potentielle, en ce qui concerne les voies navigables souvent citées (comme le détroit de Malacca), l’usage « est bien établi[88] ».

Malgré la singularité de cette situation, où nos plus proches alliés ne reconnaissent pas formellement nos droits en la matière, les témoins ont laissé entendre que le désaccord canado‑américain sur le statut du passage du Nord‑Ouest ne devrait pas alarmer les Canadiens. M. Lajeunesse a qualifié cela de « désaccord à l’amiable, une sorte d’entente tacite selon laquelle aucune des deux parties n’agira de façon à nuire à la position juridique de l’autre[89] ». Ce à quoi la professeure Lalonde a ajouté : « Washington n’a jamais tenté de miner la position juridique du Canada, par exemple en envoyant un navire de guerre sans préavis dans le passage[90]. » M. Kessel a indiqué pour sa part que « nous n’avons pas vu beaucoup de cas d’États étrangers forçant le passage sur notre territoire[91] ».

Les divergences de vues entre le Canada et les États‑Unis ont été réglées en partie grâce à la diplomatie bilatérale, comme l’a expliqué le professeur Byers. Par exemple, en 1988, les deux pays ont convenu[92] que les Américains « nous demandent toujours la permission pour réaliser des recherches scientifiques lorsqu’ils passent par le passage du Nord-Ouest, et nous la leur accordons toujours[93] ».

Malgré cette entente, le gouvernement américain maintient sa position d’ensemble sur le statut juridique du passage du Nord‑Ouest[94], laquelle traduit le souci qu’ont depuis longtemps les États-Unis à l’égard de la liberté de navigation partout dans le monde. Ce pays résiste à la création d’un précédent qui pourrait entraver la navigation sur des voies navigables stratégiques, comme le détroit d’Hormuz, dans le golfe Persique, le détroit de Malacca, en Asie du Sud‑Est, et le détroit de Gibraltar, qui ouvre sur la mer Méditerranée. Bien que les recherches juridiques indiquent que la situation de ces détroits internationaux bien établis ne se compare pas aux circonstances particulières du passage du Nord‑Ouest, les professeurs Byers et Lalonde ont concédé que si les États-Unis se rangeaient derrière la position du Canada à propos de l’Arctique, ils affaibliraient leur propre position concernant le détroit de Qinzhou, entre l’île d’Hainan et la Chine continentale, ainsi que la Route maritime du Nord des Russes[95]. En l’occurrence, la position juridique de la Russie concernant les passages dans l’Arctique rejoint la position canadienne et n’est donc pas non plus reconnue par les Américains. Le professeur Byers a dit au Comité, aussi ironique que cela puisse paraître, que « le seul pays à avoir soutenu publiquement la position du Canada était l’Union soviétique, en 1985[96] ».

Ainsi, comme indiqué précédemment, les Canadiens se sont toujours inquiétés de la position des États-Unis à l’égard du passage du Nord-Ouest. Le Comité a appris cependant que le problème ne se limite plus à des irritants occasionnels dans une relation de coopération bilatérale globale entre deux alliés. Comme expliqué au début du présent rapport, la glace de mer diminue, dans l’Arctique, et d’autres États manifestent un intérêt commercial et scientifique pour cette région. Par conséquent, selon la professeure Lalonde : « Le statut du passage du Nord-Ouest n’est plus un débat juridique ésotérique et bizarre entre des universitaires canadiens et américains. » L’accès accru à l’Arctique transforme la région « et le passage du Nord-Ouest en une zone stratégique dans la mire d’intérêts mondiaux[97] ».

Ce qui marque le début de cette nouvelle ère, c’est peut-être le passage du Xue Long (« Dragon des neiges »), un brise-glace et navire de recherche chinois, qui a fait une apparition très remarquée dans le passage du Nord-Ouest à l’été 2017. M. Steil a informé le Comité que le gouvernement canadien avait autorisé le bateau chinois à naviguer sur les eaux arctiques canadiennes, après que la Chine « eut donné aux responsables canadiens l’assurance que le navire respecterait les lois et les règlements en vigueur[98] ». Comme le veut la tradition, l’Institut de recherche polaire de Chine a invité des scientifiques canadiens à monter à bord du navire pendant la partie de l’expédition en eaux canadiennes. M. Kessel a souligné le fait que « la navigation menée en conformité avec les exigences du Canada, comme le passage de ce navire, ne menace pas la souveraineté du Canada dans l’Arctique[99] ». Il a fait valoir, de manière plus générale, que loin de miner la souveraineté du Canada, laisser des navires naviguer sur des eaux canadiennes sert à renforcer la position de notre pays.

Les professeurs Byers et Lalonde faisaient une interprétation plus nuancée de la situation. En effet, selon Mme Lalonde, la Chine ne reconnaît pas nécessairement la position du Canada sur le statut juridique du passage du Nord-Ouest, puisque dans le cas du passage en transit du Xue Long, elle a préféré invoquer les règles du droit international régissant la recherche scientifique marine. M. Byers a expliqué que les navires étrangers doivent demander à un État riverain la permission de faire de la recherche scientifique marine, même si les eaux sur lesquelles ils veulent naviguer sont celles d’un détroit international[100]. Autrement dit, la demande en soi ne signifie pas que les Chinois souscrivent à la position du Canada voulant que les eaux en question soient des eaux intérieures canadiennes. D’après ce que comprend le Comité, la Chine a cherché à obtenir une permission générale pour qu’un de ses navires puisse faire de la recherche scientifique marine pendant qu’il transitait par le passage du Nord‑Ouest[101]. Comme l’a résumé le professeur Byers, la Chine « a décidé de ne pas s’engager dans un conflit juridique[102] ».

L’approche consistant à éviter le problème est conforme à celle adoptée par la Chine dans son livre blanc. La professeure Lalonde a attiré l’attention du Comité sur une partie de ce document, qui traite des routes de navigation dans l’Arctique et semble inclure le passage du Nord-Ouest. Voici l’extrait, tiré du paragraphe 3(1) de la partie IV du livre blanc :

La Chine respecte les pouvoirs législatifs, coercitifs et judiciaires des États de l’Arctique dans les eaux sous leur juridiction. La Chine maintient que la gestion des routes de navigation dans l’Arctique devrait se faire conformément aux traités, notamment à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, et au droit international général, et que la liberté de navigation dont jouissent tous les pays conformément à la loi et leur droit d’emprunter les routes de navigation dans l’Arctique devraient être garantis. La Chine maintient également que les différends concernant les routes de navigation dans l’Arctique devraient se régler conformément au droit international[103].

De l’avis de la professeure Lalonde, cette référence à la liberté de navigation « est, bien sûr, en complète contradiction avec la position canadienne officielle[104] ». Qui plus est, comme l’a fait observer M. Lajeunesse, même si cet extrait du livre blanc indique que la Chine respecte la souveraineté des États arctiques à l’égard des eaux sous leur juridiction, le document ne dit pas « quelles pourraient être ces eaux ». M. Lajeunesse croit que cette ambiguïté « est presque certainement délibérée, la question des eaux est juste assez vague pour permettre à Pékin d’éviter le sujet sans reconnaître la souveraineté canadienne ni offenser inutilement le gouvernement canadien[105] ».

Comme le pressent le professeur Byers, la vraie question se posera quand des navires marchands chinois voudront transiter par le passage du Nord-Ouest, puisque ce sont des bateaux « qui ne peuvent vraisemblablement pas être utilisés à des fins de recherche scientifique[106] ». M. Lajeunesse croit d’ailleurs que les intérêts nationaux de la Chine l’empêcheront de contester la position juridique du Canada. Il a ajouté que tout comme le Canada l’a fait avec les îles de son archipel arctique, la Chine utilise des lignes de base droites pour délimiter le détroit de Qiongzhou. Même si la comparaison n’est pas tout à fait juste, toute contestation de la souveraineté canadienne « pourrait être vue comme un précédent qui nuirait à la Chine[107] ». Le professeur a ajouté que pour réaliser ses ambitions de développement des routes commerciales maritimes, la Chine aura besoin de la coopération des États riverains pour garantir la sécurité et l’efficacité des opérations. Cela s’étend à des choses comme les services de recherche et de sauvetage, les aides à la navigation, la cartographie hydrographique et les ports de refuge. Si son calcul est exact, il pourrait y avoir une ouverture au dialogue. Le professeur Byer pense que nous devrions « indiquer clairement que nous voulons travailler en collaboration avec [la Chine] en ce qui concerne le transport maritime dans l’Arctique, de façon à l’empêcher de se retourner et de prendre le contrepied du Canada au sujet du statut juridique du passage du Nord-Ouest[108] ».

Recommandation 4

Le gouvernement du Canada devrait amorcer un dialogue avec des États non arctiques qui manifestent de l’intérêt envers l’Arctique afin de s’assurer que le transport maritime continue de se faire en toute sécurité et qu’il n’a pas d’effets négatifs sur les collectivités arctiques et l’environnement naturel, et de veiller à ce que le transport maritime soit conforme aux politiques ainsi qu’aux lois et à la réglementation canadiennes applicables, et à ce qu’il ne porte pas atteinte à la sécurité de l’Arctique canadien.

Le Comité estime que la position juridique du Canada à l’égard de ses eaux dans l’Arctique est solide et bien établie, et que notre pays devrait continuer de se montrer vigilant, mais aussi être confiant. Le Comité partage également le point de vue des témoins qui affirment que le Canada doit exercer un contrôle exclusif et effectif dans l’Arctique pour y asseoir sa souveraineté. La question des moyens requis pour exercer ce contrôle — surveillance maritime et aérienne, intervention en cas d’urgence, réglementation du transport maritime et gérance environnementale — est traitée en détail après la section suivante, qui porte sur un dernier aspect du droit international.

Reconnaissance des limites du plateau continental étendu du Canada dans l’Arctique

Il s’agit du processus permettant de reconnaître et de délimiter l’étendue du plateau continental du Canada dans l’océan Arctique. Selon l’UNCLOS, le plateau continental d’un État côtier s’étend jusqu’à 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée sa mer territoriale (voir la figure 7). Les États jouissent des droits souverains d’explorer et d’exploiter les ressources naturelles de leur plateau continental (fonds marins et sous-sol). Ces droits existent, peu importe que les États décident ou non de les exercer. Ils « sont indépendants de l’occupation effective ou fictive, aussi bien que de toute proclamation expresse ». De plus, aucun autre État ne peut exploiter ces fonds marins sans le consentement exprès de l’État côtier[109].

Figure 7 — Zones maritimes et droits souverains au sens de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer

Image des droits souverains, par zone, en vertu du Traité sur le droit de la mer. À gauche, on trouve pour commencer les eaux internes de l’État côtier. Les eaux territoriales s’étendent 12 milles nautiques au-delà des eaux internes, et la zone contiguë, un autre 12 milles nautiques au delà de ce point. Le plateau continental s’étend 200 milles nautique au-delà de la ligne de base des eaux territoriales de l’État côtier ou 100 milles nautiques à partir de l’isobathe de 2 500 mètres. Dans les limites de leur plateau continental, les États côtiers ont le droit souverain d’explorer et d’exploiter les ressources non biologiques du fond marin et du sous-sol ainsi que les espèces sédentaires. La zone économique exclusive s’étend aussi à 200 milles nautiques de la ligne de base des eaux territoriales de l’État côtier. Dans leur zone, les États ont les droits souverains d’explorer, d’exploiter, de conserver et de gérer des ressources biologiques et non biologiques de l’eau, du fond marin et du sous-sol. Il est possible de réclamer un plateau continental étendu : la distance ne doit pas dépasser 350 milles nautiques des lignes de base ou 100 milles nautiques de l’isobathe de 2 500 mètres. Au-delà de ce point, se trouve ce que l’on appelle la Zone (soit les grands fonds marins) ou la haute mer.

Source :     Pêches et Océans Canada, Souveraineté et UNCLOS : Déterminer les limites du plateau continental du Canada.

Un État côtier peut aussi établir qu’il a des droits sur un plateau continental étendu s’il peut faire la démonstration qu’il existe un prolongement naturel de son territoire terrestre sous l’eau pouvant aller jusqu’à 350 milles marins des lignes de base. Pour ce faire, l’UNCLOS prévoit qu’un État doit fournir des données scientifiques et une cartographie des fonds marins détaillées à la Commission des limites du plateau continental (CLPC) des Nations Unies — créée conformément à la Convention elle‑même. Après examen de la documentation présentée et à la lumière des définitions scientifiques et juridiques de la Convention, la Commission formule des recommandations.

Affaires mondiales Canada a informé le Comité que les études et données nécessaires à la constitution du dossier final du Canada sur l’étendue de son plateau continental dans l’Arctique avaient été réunies et étaient en cours d’analyse. La demande du Canada sera déposée en 2019. Le gouvernement canadien a travaillé en collaboration avec le Danemark et les États-Unis pour obtenir les données requises. M. Kessel a ajouté que les autorités canadiennes ont aussi échangé des informations avec leurs homologues russes, notamment au sujet de leurs approches respectives. Il a dit que c’est dans l’intérêt du Canada d’agir ainsi « parce que les deux pays vont se présenter devant le même comité des Nations Unies ». Toujours selon M. Kessel, « [l]e résultat final de ce projet sera la reconnaissance internationale d’une zone sur laquelle le Canada exercera ses droits souverains sur le fond marin et le sous-sol de l’océan Arctique, traçant ainsi les dernières frontières de la carte du Canada[110] ».

Comme l’indique la motion adoptée pour cette étude, le Comité s’est fixé comme objectif de mieux comprendre ce processus des Nations Unies, d’autant plus que les États de l’Arctique ont des revendications concurrentes au sujet du plancher océanique arctique. Sans compter les États-Unis — qui ne peuvent faire partie de la CLPC étant donné qu’ils n’ont pas signé l’UNCLOS –, le Canada sera le dernier État côtier arctique à présenter sa demande à la CLPC, et il devrait donc être aussi le dernier à recevoir les recommandations de la Commission, normalement d’ici 10 ans. La Russie a fait une première demande en 2001, mais la CLPC lui a demandé un complément d’informations et de données scientifiques[111]. En 2015, « après des années d’études exhaustives », la Russie a présenté une demande révisée, mais, d’après ce qu’a compris le Comité, elle n’a pas eu à recommencer les démarches depuis le début et n’a pas perdu sa place dans le processus[112]. Après consultation de la demande révisée des Russes, la mission canadienne a pris note « du chevauchement possible » des plateaux continentaux du Canada et de la Russie dans l’océan Arctique. Le Canada a aussi rappelé qu’en vertu des dispositions applicables de l’UNCLOS, les actes de la CLPC à l’égard de la demande soumise par la Russie « ne préjugent ni de l’examen par la Commission de toute demande canadienne subséquente ni des questions relatives à la délimitation du plateau continental entre le Canada et la Fédération de Russie[113] ». Pour sa part, le résumé de la demande de la Russie datant de 2015 maintient que la délimitation du plateau continental de ce pays dans l’océan Arctique par rapport à ceux du Danemark, du Canada, des États-Unis et de la Norvège se fera conformément aux articles applicables de l’UNCLOS[114].

La Norvège et le Danemark ont aussi présenté des demandes à la CLPC. Celle du Danemark, qui remonte à 2014, dit que d’après les consultations qu’a effectuées ce pays auprès du Canada, les limites extérieures du plateau continental du Canada chevaucheraient celles du Groenland[115]. La Norvège a reçu les recommandations de la CLPC le 27 mars 2009, et elle les a suivies depuis pour fixer les limites de son plateau continental étendu dans l’Arctique[116].

Dans son mémoire au Comité, la professeure Lalonde souligne que le paragraphe 76(10) de l’UNCLOS dit que « le processus de la Commission ne porte pas atteinte et ne peut pas porter atteinte à la question de la délimitation du plateau continental entre des États dont les côtes sont adjacentes ou se font face ». Par conséquent, les demandes et les recommandations qui en découlent n’auront aucune incidence sur la détermination des limites latérales du plateau continental (dans la mer de Beaufort et la mer de Lincoln), et elles ne permettront pas non plus de régler la question des chevauchements des limites extérieures des plateaux continentaux des États côtiers arctiques dans le centre de l’océan Arctique (c.-à-d., les demandes concurrentes concernant les limites le long de la dorsale de Lomonosov)[117]. Selon les règles et procédures qu’a adoptées la CLPC, en cas de différends connus, les demandes peuvent être faites et examinées avec le consentement de toutes les parties concernées, mais sans préjudice de la délimitation définitive des frontières[118]. D’où la lettre concernant la position du Canada à l’égard de la demande faite par la Russie en 2015 évoquée plus haut.

Selon la professeure Lalonde, l’attitude des États côtiers arctiques à ce sujet peut être vue comme étant pragmatique, puisqu’avec les recommandations de la CLPC, « on ajoute tout simplement une autre couche de renseignements essentiels dans le cadre du processus de négociation qui doit inévitablement avoir lieu entre les États concurrents ». Par conséquent, pour Mme Lalonde, « il est essentiel que la communication soit maintenue entre le Canada et ses voisins côtiers dans l’Arctique[119] ». De son côté, le professeur Lackenbauer a dit qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter, puisqu’il s’agit d’un processus « pouvant servir les intérêts nationaux de tous les États côtiers de l’Arctique[120] ».

D’après les témoignages recueillis, les États côtiers de l’Arctique, y compris la Russie, respectent jusqu’à présent les règles et le processus de l’UNCLOS. Selon un rapport présenté au Comité dans lequel elles tentent de prévoir la réaction éventuelle de la Russie face aux recommandations de la CLPC, Mme Pezard et sa collègue Abbie Tingstad, de la RAND Corporation, estiment peu probable que ce pays conteste une décision fondée sur l’UNCLOS, parce que cela « pourrait avoir pour effet d’ouvrir “une boîte de Pandore”, en ce sens que d’autres décisions, dont certaines favorables à la Russie, pourraient être contestées par des tierces parties ». De plus, le rapport dit que le cadre de l’UNCLOS « prévoit que la majeure partie des fonds marins arctiques ne peut faire l’objet de revendications que de la part d’États côtiers de l’Arctique — une règle que la Russie n’a aucun intérêt à faire changer ». Le rapport indique par ailleurs qui rien n’empêche pourtant la Russie « d’ignorer ou d’interpréter les recommandations faites en vertu de l’UNCLOS, si elle estime que ces recommandations sont contraires à ses intérêts[121] ».

Le gouvernement canadien soutient l’approche de coopération qu’ont adoptée les États côtiers de l’Arctique. M. Kessel a rappelé au Comité que 2018 marquait le 10e anniversaire de la Déclaration d’Ilulissat. En effet, en 2008, le Canada, le Danemark, la Norvège, la Russie et les États-Unis se sont entendus sur le fait « qu’un cadre juridique international étendu s’applique à l’océan Arctique », y compris à la détermination des limites extérieures du plateau continental. Les cinq États ont dit qu’ils demeuraient engagés « envers ce cadre juridique et envers le règlement harmonieux de toutes revendications concurrentes susceptibles de survenir[122] ».

Le Comité convient que la collaboration entre les scientifiques dans la cartographie du plancher océanique arctique et la mise en commun des données sont logiques, sensées et dans l’intérêt de tous. Il pense également qu’il sera essentiel de poursuivre le dialogue avec l’ensemble des États côtiers de l’Arctique, y compris la Russie, pour protéger les droits souverains du Canada sur un plateau continental étendu, et pour permettre à notre pays de contribuer au maintien d’un comportement prévisible et fondé sur les règles de la part des États dans l’Arctique. Le Comité croit toutefois que l’esprit de collaboration scientifique ne peut pas laisser place à la complaisance à l’égard de la dynamique stratégique et du risque de surprise stratégique. Même si les attitudes reposaient auparavant sur l’idée que l’ordre fondé sur des règles qui prévaut dans l’Arctique est immuable, et qu’il est manifestement dans l’intérêt du Canada de tout faire pour que cela reste ainsi, le gouvernement doit s’assurer aussi de ne pas être pris au dépourvu si la réalité géopolitique venait à changer.

Recommandation 5

Le gouvernement du Canada devrait continuer de travailler étroitement avec les autres États côtiers de l’Arctique, soit le Danemark, la Norvège, la Russie et les États Unis, dans le respect de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et de la Déclaration d’Ilulissat de 2008, et conformément aux recommandations de la Commission des limites du plateau continental, au règlement pacifique, ordonné et mutuellement acceptable des chevauchements concernant le plateau continental étendu du Canada dans l’Arctique.

Participation des autochtones à la diplomatie circumpolaire

Ce n’est pas seulement à l’échelle des États, selon la perspective exposée ci‑dessus, qu’on peut examiner les questions juridiques touchant l’Arctique. En 2009, le Conseil circumpolaire inuit, qui représente les Inuits du Groenland, du Canada, de l’Alaska et de la Tchoukotcha (Russie), a adopté la Déclaration des Inuits circumpolaires sur la souveraineté dans l’Arctique, qui prévoit ce qui suit :

  • « [L]es questions de souveraineté et de droit souverain doivent être examinées et évaluées dans le contexte de [la] longue lutte [du peuple inuit] pour la reconnaissance et le respect à titre de peuple indigène de l’Arctique, ayant le droit d’exercer l’autodétermination sur son destin, ses territoires, ses cultures et ses langues. »
  • Bien que les cinq États côtiers de l’Arctique « reconnaissent la nécessité de recourir aux mécanismes internationaux et au droit international pour résoudre les différends de souveraineté » (p. ex. dans le cas de la Déclaration d’Ilulissat de 2008), ils « n’ont pas fait référence aux instruments internationaux existants qui assurent la promotion et la protection des droits des peuples autochtones ». Ils ont « également négligé d’inclure les Inuits dans les discussions sur la souveraineté dans l’Arctique d’une manière comparable à celle du Conseil de l’Arctique dans ses délibérations ».
  • Vu les « liens inextricables entre les questions de souveraineté et de droits souverains dans l’Arctique », les États arctiques doivent « accepter la présence et le rôle des Inuits comme partenaires en matière de relations internationales dans l’Arctique[123] ».

L’honorable Charlie Watt a aussi fait valoir plusieurs de ces points durant son témoignage. Il a souligné que les Inuits habitent et parcourent les terres et les eaux glacées de l’Arctique depuis la nuit des temps. Il a déclaré que les Inuits ont « un lien profond non seulement avec la terre, mais aussi avec l’océan Arctique et toute la faune arctique ». Il a pourtant fait remarquer que toutes les décisions au sujet de l’Arctique sont prises par les États côtiers. Voici ce qu’il a dit : « Nous n’avons aucun rôle. Le seul rôle que nous avons est trompe‑l’oeil[124]. »

Robin Campbell, associée chez Hutchins Legal Inc., un cabinet fournissant des conseils juridiques à la Société Makivik, a décrit ce que l’on considère le nœud du problème : l’UNCLOS « ne reconnaît pas les droits des peuples autochtones[125] ». D’ailleurs, l’honorable Charlie Watt a insisté sur le fait que « les Inuits ont été largement oubliés ou marginalisés dans les processus internationaux concernant la souveraineté dans l’océan Arctique[126] ». Dans son mémoire, il attire l’attention du Comité sur la demande présentée par le Canada à la Commission des limites du plateau continental en 2013, qui portait sur le plateau continental élargi du Canada dans l’océan Arctique. Selon l’ancien sénateur, la présentation englobait des zones visées par l’Accord sur les revendications des Inuits du Labrador, mais ne faisait aucune référence à ce traité[127].

M. Watt a mentionné un autre processus international auquel le Canada a participé où les peuples du Nord ont été consultés. CCI-Canada faisait partie de la délégation canadienne ayant négocié l’interdiction de la pêche non réglementée dans l’océan Arctique central. M. Watt a parlé de la possibilité d’inclure les droits des Inuits et des Autochtones dans un nouvel accord lié à l’UNCLOS, appelé l’Accord pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique et marine dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale. Les négociations entre États en vue de cet accord ont commencé en septembre 2018[128]. L’accord s’appliquerait aux zones en haute mer et aux planchers océaniques profonds, comblant des lacunes laissées lors des négociations originales de l’UNCLOS. Dans l’ensemble, l’honorable Charlie Watt a insisté sur l’importance de veiller à ce que les Inuits puissent profiter du développement des ressources dans l’Arctique, « surtout que nous sommes exposés aux plus grands risques associés à ces développements et que notre peuple, obligé de s’adapter au paysage changeant de l’Arctique, fait face à des défis uniques[129] ».

Recommandation 6

Le gouvernement du Canada devrait respecter les droits des peuples autochtones, y compris ceux qui sont énoncés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, lors de la résolution des différends liés à la souveraineté et de l’application de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

Il y a aussi la question de la participation des Autochtones au Conseil de l’Arctique. Le Conseil a pour particularité d’inclure, dans sa structure, six organisations internationales de peuples autochtones, à titre de « participants permanents ». Même si les participants permanents sont présents à la table et prennent part aux délibérations du Conseil, les décisions sont prises en bout de ligne sur consensus des États membres[130].

Le Conseil circumpolaire inuit est l’un de ces participants. Or, CCI-Canada a déclaré au Comité que :

CCI‑Canada a besoin que le gouvernement canadien lui procure un soutien financier stable et durable pour s’assurer que les Inuits sont mis à contribution dans les efforts diplomatiques, l’acquisition de connaissances et les activités scientifiques dans l’Arctique[131].

Selon cet organisme, les organisations inuites régionales devraient aussi participer au Conseil de l’Arctique et être invitées à d’autres forums internationaux, tels que l’Instance permanente sur les questions autochtones des Nations Unies. Comme l’a dit CCI-Canada, « [n]ous ne pouvons être entendus si nous sommes absents de ces tribunes ou si nous y arrivons mal préparés[132] ».

Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il faudrait faire pour corriger le « trompe-l’œil » qui, selon lui, existe lorsqu’il s’agit de la participation des Inuits à la prise de décisions au sein du Conseil de l’Arctique, l’honorable Charlie Watt a déclaré qu’il « faut que l’un d’entre eux préside le Conseil de l’Arctique[133] ». Il a aussi proposé une autre option : un modèle de coprésidence avec le pays assumant la présidence. Le Canada a présidé le Conseil pour la dernière fois de 2013 à 2015. La Finlande en assure actuellement la présidence, puis ce sera le tour de l’Islande.

Recommandation 7

Le gouvernement du Canada devrait assurer un financement stable et à long terme pour appuyer les participants permanents canadiens du Conseil de l’Arctique.

Recommandation 8

Lors de sa prochaine présidence du Conseil de l’Arctique, le gouvernement du Canada devrait établir le programme et les priorités pour les deux années de concert avec les participants permanents canadiens.

Contrôle exclusif et effectif

Pour en revenir à la politique intérieure, la présente section du rapport porte sur la mise en place de la réglementation requise, l’exercice d’une intendance et l’application des lois. Elle traite de la manière, pour le Canada, d’exercer sa souveraineté dans l’Arctique, en vue d’assurer la conformité internationale aux politiques, aux lois et aux réglementation canadiennes. Comme souligné précédemment, cet objectif a un lien direct avec la capacité du gouvernement de démontrer qu’il exerce un contrôle exclusif et effectif des zones sous sa juridiction.

Parmi les initiatives gouvernementales, le Comité en a retenu trois :

  • la connaissance du domaine maritime et les capacités d’application de la loi;
  • les politiques et la gérance maritimes;
  • les services de recherche et de sauvetage.

Dans aucun cas, la tâche n’est mince ou simple. Le Nord canadien couvre 75 % du littoral et 40 % de la masse continentale du pays. Les habitants sont dispersés sur un vaste territoire. D’ailleurs, la population totale du Nord tourne autour de 113 000 personnes. Des suggestions concrètes ont d’ailleurs été portées à l’attention du Comité pour améliorer la qualité et la pertinence des politiques et programmes fédéraux dans le Nord, tout en renforçant la souveraineté du Canada dans cette région.

Trafic maritime dans l’Arctique canadien

Pour bien situer la discussion, il importe de commencer par avoir une compréhension factuelle de l’état actuel de la situation maritime dans l’Arctique. Comme indiqué précédemment, il existe un intérêt considérable pour l’Arctique en tant que couloir de navigation potentiel, et on a aussi l’impression que l’activité maritime dans la région pourrait bientôt se développer considérablement. C’est le genre de scénario entrevu dans la plupart des chroniques journalistiques traitant du sujet. Or, selon ce qu’a appris le Comité, il n’y a pas énormément de navigation dans l’Arctique canadien pour le moment (voir les figures 8, 9 et 10).

Figure 8 — Navigation dans l’Arctique canadien

Catégories de bâtiments

Saison de transport maritime dans l’Arctique 2012

Saison de transport maritime dans l’Arctique 2013

Saison de transport maritime dans l’Arctique 2014

Saison de transport maritime dans l’Arctique 2015

Saison de transport maritime dans l’Arctique 2016

Saison de transport maritime dans l’Arctique 2017

Saison de transport maritime dans l’Arctique 2018 Jusqu’au 21 nov.

Vraquiers

18

19

17

21

22

26

37

Navires de croisière

6

8

8

15

17

14

14

Bâtiments de pêche

23

24

24

23

19

30

34

Transporteurs de marchandises générales

11

14

17

19

24

19

17

Bateaux du gouvernement

20

12

13

23

17

20

16

Embarcations de plaisance

51

42

37

27

28

35

19

Navires de recherche

12

11

10

5

4

8

6

Navires-citernes

11

11

11

10

5

12

13

Remorqueurs/chalands

19

20

12

21

19

23

24

Autres

1

1

0

3

2

4

7

Total

172

162

149

167

157

191

187

Source :     Tableau préparé à partir de données tirées d’un document d’information de Transports Canada, novembre 2018.

Note :        Le tableau ci-dessus indique le nombre de bâtiments (par catégorie) qui ont transité par l’Arctique canadien, y compris la baie d’Hudson, durant la saison de transport maritime.

Figure 9 — Passages en transit dans l’Arctique canadien, par catégorie de bâtiments, 2017

Diagramme illustrant le nombre de passages en transit dans l’Arctique canadien, par catégorie de bâtiments, en 2017. Cette année-là, 4 bâtiments de la catégorie autre, 23 remorqueurs ou chalands, 12 navires-citernes, 8 navires de recherche, 35 embarcations de plaisance, 20 bateaux du gouvernement, 19 transporteurs de marchandises générales, 30 bâtiments de pêche, 14 navires de croisière et 26 vraquiers ont transité par les eaux arctiques canadiennes.

Source :     Tableau préparé à partir de données tirées d’un document d’information de Transports Canada, septembre 2018.

Figure 10 — Comparaison entre le trafic maritime et les voyages des bâtiments dans l’Arctique canadien, 2013–2017

Diagramme comparant le trafic maritime et les voyages de bâtiments dans l’Arctique canadien entre 2013 et 2017. En 2013, 162 bâtiments ont transité par la zone de transport maritime de l’Arctique, et il y a eu 347 voyages de bâtiments. En 2014, 149 bâtiments ont transité par la zone, et il y a eu 312 voyages de bâtiments. En 2015, 167 bâtiments ont transité par la zone, et il y a eu 260 voyages de bâtiments. En 2016, 157 bâtiments ont transité par la zone, et il y a eu 329 voyages de bâtiments. Enfin, en 2017, 191 bâtiments ont transité par la zone, et il y a eu 385 voyages de bâtiments.

Source :     Tableau préparé à partir de données tirées d’un document d’information de Transports Canada, septembre 2018.

Note :        Dans le tableau ci-dessus, le trafic maritime désigne le nombre de bâtiments qui ont transité par la zone de transport maritime de l’Arctique. Les voyages des bâtiments se rapportent au nombre total de transits; un même bâtiment peut avoir transité plusieurs fois dans la zone.

Les données présentées plus haut montrent l’activité maritime récente dans l’Arctique canadien, notamment dans la baie d’Hudson. Pour ce qui est des voyages à travers le passage du Nord‑Ouest, la Garde côtière canadienne a informé le Comité qu’en 2017, on y a compté 33 passages de navires en transit, comparativement à 23 en 2016, ce qui représente une augmentation de 44 % d’une année à l’autre. La Garde côtière a indiqué également que, globalement, le trafic maritime dans l’Arctique a plus que doublé depuis 40 ans, à cause de la diminution du couvert de glace[134]. Mais il convient de préciser qu’à la base, le trafic était très faible. Pour mettre ces chiffres sur l’Arctique en perspective, Jeffrey Hutchinson, commissaire de la Garde côtière canadienne, a rappelé que le nombre total de voyages au port de Vancouver tourne autour de 3 500 par an[135]. De sorte qu’en tout et pour tout, les données compilées pour les dernières années ne révèlent pas une hausse marquée du trafic maritime dans l’Arctique canadien. Les informations qu’a recueillies le Comité indiquent également que le Centre des opérations de la sûreté maritime de la côte Est « ne prévoit pas que les cinq prochaines années connaîtront un changement appréciable des volumes de trafic maritime enregistrés au cours des années précédentes[136] ».

La majorité du trafic maritime dans l’Arctique canadien est « intérieure ». Les navires transportent des marchandises, des touristes et des chercheurs jusque dans les collectivités arctiques et font des déplacements en direction et en provenance des sites d’extraction des ressources naturelles (comme la mine de minerai de fer de Mary River, sur la côte nord de l’île de Baffin). La figure 11 montre le trafic maritime dans l’Arctique canadien durant l’été 2017, ainsi que la couverture de glace de mer à cette époque. Plus les lignes sont rouge foncé, plus la densité du trafic maritime est élevée. Là où la densité est faible, les lignes sont de couleur orangée. Comme l’illustre cette carte, c’est dans le détroit d’Hudson, au-delà du Nord québécois et le long du littoral sud-est de l’île de Baffin que le trafic maritime est le plus lourd.

Figure 11 — Densité du trafic maritime et couverture de la glace de mer dans l’Arctique canadien, été 2017

Image de l’Arctique canadien montrant la densité du trafic maritime et la couverture moyenne des glaces durant la saison de brise-glace estivale de 2017 (de juin à novembre). La densité du trafic maritime est illustrée selon une échelle allant de l’orange au rouge. Le rouge indique une densité plus élevée, et la couleur orange, une faible densité. L’image présente également la couverture des glaces de mer, qui s’étend sur une grande partie de l’archipel ouest.

Source :     Garde côtière canadienne, Besoins en matière de brise-glaces 2017-2022.

Il importe de souligner que les navires ne traversent pas l’archipel arctique canadien en passant par le détroit de McClure, le chenal Parry et le détroit de Barrow, comme on pourrait le croire en jetant un rapide coup d’œil sur la carte. Quand le Comité a rencontré les représentants de la Garde côtière, à Iqaluit, ceux-ci lui ont montré une carte de l’Arctique canadien établie en fonction des zones de contrôle de la sécurité de la navigation qui déterminent le type de navires pouvant accéder à quelques régions de l’Arctique canadien à certaines périodes de l’année. Les zones sont divisées en fonction des conditions de glace (voir la figure 12). Dans la carte ci‑dessous, plus le nombre est faible, plus les conditions de glace sont difficiles.

Figure 12 — Zones de contrôle de la sécurité de la navigation dans l’Arctique canadien

Carte montrant les zones de contrôle de sécurité de la navigation dans l’Arctique canadien. Les zones sont numérotées de 1 à 16. Plus le nombre est faible, plus les conditions des glaces sont extrêmes. Par exemple, la zone maritime à l’ouest de l’île d’Ellesmere dans le Haut-Arctique porte le numéro 1. Le golfe Amundsen dans la mer de Beaufort près de la côte du Yukon et des Territoires du Nord Ouest forme la zone 12. La petite région maritime entre ces deux zones – au large de la côte ouest de l’île Banks – forme la zone 4.

Source :     Gouvernement du Canada, Transports Canada, Lignes directrices concernant l’exploitation des navires à passagers dans l’Arctique canadiens — TP 13670.

Aujourd’hui, un navire de surface qui voudrait transiter d’ouest en est en empruntant le passage du Nord-Ouest devrait commencer son périple en partant du golfe Amundsen, dans la zone 12, puis contourner l’île Victoria, après Cambridge Bay, dans les zones 11 et 7, pour ensuite remonter jusqu’au détroit de Lancaster, en passant par les zones 6 et 13.

Le Comité a conscience que le trafic maritime dans l’Arctique n’est en rien comparable à celui que l’on voit sur les côtes de l’Atlantique et du Pacifique. Cela étant dit, comme indiqué dans le début et le titre du présent rapport, le Comité s’interroge sur la capacité du Canada à relever les défis actuels dans l’Arctique, mais aussi à se préparer pour ceux qui pourraient se présenter dans les prochaines décennies.

Sécurité maritime et cogestion des eaux

Afin d’en apprendre davantage sur les activités maritimes dans l’Arctique, le Comité a visité le Centre des services de communications et de trafic maritimes (CSCTM) d’Iqaluit, géré par la Garde côtière canadienne. Ce centre est ouvert chaque année de mai à décembre et fait, jour et nuit, de la sensibilisation opérationnelle au sujet de l’Arctique nord-américain à l’aide de tout un éventail de réseaux de communication[137]. Le CSCTM a pour mission d’assurer la sécurité et l’efficacité des déplacements des navires dans les eaux canadiennes. Il surveille et coordonne les réponses aux appels de détresse, diffuse des avertissements de sécurité maritime, contrôle les navires qui pénètrent dans les eaux canadiennes et fournit des avis au sujet de la réglementation entourant la circulation maritime.

Figure 13 — Le Centre des services de communications et de trafic maritimes

Photo des membres du Comité des affaires étrangères rencontrant des représentants et des agents de la Garde côtière au Centre des services de communications et de trafic maritimes d’Iqaluit, au Nunavut.

Séance d’information au Centre des services de communications et de trafic maritimes d’Iqaluit, Nunavut, 30 septembre 2018.

En effet, la Garde côtière applique les lois et leurs règlements relevant de la responsabilité de Transports Canada. Jane Weldon, directrice générale, Sécurité et sûreté maritimes, à Transports Canada, a expliqué qu’en plus de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada et de la Loi sur la sûreté du transport maritime, le régime législatif et réglementaire canadien « comporte des exigences uniques pour les navires exploités dans l’Arctique canadien ». En effet, la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques « s’applique uniquement aux navires qui naviguent dans les eaux arctiques canadiennes[138] », a ajouté Mme Weldon. Le Canada s’est fondé sur cet ensemble de mesures législatives pour prendre des règlements concernant le mouillage des navires, les collisions, ainsi que les cartes de navigation et les publications nautiques[139]. Le gouvernement fédéral a adopté également des règlements d’application des volets concernant la dimension nationale du Code polaire[140]. Le Code polaire énonce quelques-unes des exigences suivantes : toutes les embarcations de sauvetage sont partiellement ou complètement fermées; des protections vestimentaires spéciales doivent être prévues pour toutes les personnes à bord; il faut avoir l’équipement adéquat pour enlever la glace; il faut pouvoir recevoir de l’information sur les conditions de glace; les opérateurs des navires doivent détenir un Certificat pour navire polaire et avoir également à bord le Manuel d’exploitation dans les zones polaires. Il y a aussi d’autres exigences, comme un entraînement poussé sur glace pour certains équipages et des normes de conception et de construction pour les navires appelés à naviguer en eaux polaires[141].

Conformément au régime législatif régissant les transports dans l’Arctique, le CSCTM d’Iqaluit administre le Règlement sur la zone de services de trafic maritime du Nord canadien (NORDREG)[142]. Les navires canadiens et étrangers d’une certaine jauge et d’un certain type — y compris ceux ayant une jauge brute de 300 tonneaux et plus et les navires transportant des matières polluantes ou dangereuses — doivent signaler leur présence à la Garde côtière canadienne lorsqu’ils se trouvent dans les eaux arctiques canadiennes. Avant 2010, ce n’était pas obligatoire, mais aujourd’hui, les navires doivent communiquer certaines informations, comme leur position et leur cap, avant leur arrivée, pendant qu’ils se trouvent dans la zone NORDREG et dès qu’ils en sont sortis. La zone NORDREG permet d’améliorer la sécurité de la navigation en établissant des liaisons de communications entre la Garde côtière et les navires pour la retransmission d’avis concernant la navigation et d’informations sur les conditions de glace.

Pour le moment, la surveillance des déplacements des grands navires de commerce ne semble pas poser de problème. Selon ce qu’a appris le Comité, lorsqu’un navire de ce genre s’approche de la zone NORDREG, la Garde côtière en a déjà connaissance et sait quelles sont ses particularités. Cependant, parmi les personnes que le Comité a rencontrées dans les collectivités arctiques, certaines avaient l’impression qu’il y a peut-être des lacunes dans la surveillance des plus petits bateaux, comme les yachts ou les embarcations de plaisance. De manière générale, il est apparu évident au Comité que les gens qui se trouvent dans ces régions veulent un accès rapide aux informations concernant la navigation, qu’il s’agisse de petits ou de grands navires. Actuellement, cela ne semble pas être le cas. À Iqaluit, le Comité a appris qu’il n’y a aucun mécanisme permettant d’informer les collectivités locales du passage de navires comme le Xue Long, en 2017, même s’il faut demander la permission au gouvernement longtemps à l’avance pour pouvoir entrer en eaux canadiennes. Cette information existe donc bien quelque part.

Au Nunavut, on voit aussi de plus en plus d’embarcations de plaisance. Selon ce qu’a appris le Comité, ces petits navires ne sont pas enregistrés et pénètrent dans des zones fauniques sensibles. La sécurité est également un sujet de préoccupations. Le Comité a eu en effet connaissance d’un incident : un jour, un bateau est arrivé dans le secteur de Cambridge Bay; ses occupants ont fait une grosse fête où l’alcool coulait à flots (sans permis) et ils ont invité de jeunes femmes du coin à monter à bord. Il y a eu un autre incident à Cambridge Bay : on raconte qu’un homme armé serait descendu d’un navire pour utiliser le guichet automatique bancaire de l’endroit. Non seulement l’évènement comme tel avait de quoi inquiéter, même s’il semble qu’on avait avisé un détachement local de la GRC de la situation, mais les habitants de la communauté n’avaient pas été informés de l’arrivée du navire.

Mme Weldon a informé le Comité que son ministère, Transports Canada, « travaille en partenariat avec deux collectivités de l’Arctique, soit Cambridge Bay et Tuktoyaktuk, pour mettre à l’essai un système de sensibilisation aux activités maritimes complet et convivial qui affichera des renseignements et des données sur l’activité maritime, y compris le trafic maritime ». Ce système « fournira aux collectivités côtières et autochtones un portrait en temps réel de l’activité maritime dans les eaux locales[143] ». Cela dit, le Comité ne sait pas vraiment quelle couverture sera assurée par le système. Comme on l’a indiqué précédemment, le Règlement sur la zone de services de trafic maritime du Nord canadien (NORDREG) s’applique aux bâtiments d’une jauge brute de 300 tonneaux ou plus. Les plus petits navires — tels que les yachts et les aventuriers — ne seraient pas tenus d’avoir à leur bord un transpondeur de système d’identification automatique (SIA) lorsqu’ils sont en eaux canadiennes[144]. Cet équipement est important car il transmet des données aux receveurs du SIA, notamment sur l’identité du navire, son emplacement et son cap.

Il y a aussi la question de l’application des règles lorsqu’un navire entre dans la zone réglementée canadienne. À Iqaluit, des intervenants ont proposé au Comité que l’on embauche des surveillants inuits qui mettraient à profit leur connaissance de la région et leur savoir traditionnel pour renforcer la surveillance des comportements des navires, ce qui permettrait d’accroître la connaissance du domaine maritime. C’est avec inquiétude que le Comité a appris, lors d’une réunion à Iqaluit, qu’aucun emploi ne semble avoir été créé au Nunavut dans le cadre du Plan de protection des océans du gouvernement fédéral, qui a pourtant généré plus de 800 emplois. Une personne a même décrit les agents de la Garde côtière comme des « oiseaux migrateurs » : ils apparaissent au printemps et retournent dans le sud à l’automne. À Inuvik, un autre interlocuteur a fait remarquer au Comité, qui se trouvait dans l’Arctique la première semaine d’octobre, que la souveraineté du Canada s’apprêtait à rentrer pour l’hiver. Comme l’a entendu le Comité à Iqaluit, il est difficile de voir comment l’on peut s’engager pleinement auprès des localités et comprendre les besoins locaux si les personnes responsables des politiques et des services ne sont pas des membres de la collectivité.

Les intervenants ont également fait comprendre au Comité que les programmes de recrutement et de formation doivent tenir compte du profil démographique de la population dans le Nord. Près de la moitié des habitants du Nunavut ont 25 ans ou moins. On a aussi mentionné que l’absence de « ports d’attache » dans le Nord est un facteur important qui nuit à la représentation des Inuits au sein de la Garde côtière. Les marins sont affectés à des ports dans le sud; pendant l’été, la Garde côtière fait venir du personnel par avion à Iqaluit. Le Comité a été encouragé d’apprendre, à son retour à Ottawa, que la Garde côtière était en train de créer une région distincte pour l’Arctique, en coopération avec Inuit Tapiriit Kanatami, l’organisme national du peuple Inuit. Selon l’annonce du gouvernement, la nouvelle région « sera mise en œuvre progressivement ». Pour commencer, un nouveau directeur général régional du ministère des Pêches et des Océans s’installera à Rankin Inlet (le long de la baie d’Hudson au Nunavut), et un nouveau commissaire adjoint de la Garde côtière sera en poste à Yellowknife. Ces cadres « travailleront tous les deux avec les leaders inuits, tous les peuples autochtones, et tous les résidents du Nord, en vue de circonscrire les frontières de la nouvelle Région de même que ses activités[145] ». Sur ce point, le Comité est très conscient de l’étendue de l’Arctique canadien. Rankin Inlet et Yellowknife, de même qu’Iqaluit, sont très loin des collectivités reliées à la mer de Beauport ou au delta du fleuve Mackenzie, comme Tuktoyaktuk et Inuvik, dans la région ouest de l’Arctique.

Recommandation 9

Dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle région opérationnelle de la Garde côtière dans l’Arctique, le gouvernement du Canada devrait s’efforcer, en collaboration étroite avec les organisations et les communautés inuites, d’accroître la représentation des Inuits au sein de la Garde côtière canadienne ainsi que la présence de la Garde côtière partout dans l’Arctique canadien.

Les propositions inuites peuvent être mises à profit pour faire avancer les objectifs communs en matière de sûreté maritime et d’intendance environnementale. Par exemple, Nunavut Tunngavik Incorporated, qui a pour mission de s’assurer que l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut est mis en œuvre tel que promis, a récemment lancé le Programme de surveillance maritime inuite du Nunavut. Dirigé par des Inuits, ce projet pilote vise à « recueillir des renseignements pertinents à l’échelle locale sur les activités de navigation ». Il combine la technologie des SIA et les constatations d’observateurs maritimes inuits. Le premier transmetteur a été installé près de Cambridge Bay en 2018. L’information recueillie sera, semble-t-il, directement transmise aux Inuits[146].

Un tel réseau d’observateurs inuits pourrait aussi aider à la mise en place des corridors de navigation à faible impact dans le Nord, une initiative lancée dans le cadre du Plan de protection des océans du gouvernement fédéral. Dirigée par Transports Canada, cette initiative met à contribution la Garde côtière canadienne et le Service hydrographique du Canada. Selon l’information transmise au Comité :

Les corridors sont conçus comme des voies de transport maritime dynamiques dans tout le Nord canadien, où l’infrastructure, le soutien à la navigation maritime et les services d’intervention d’urgence nécessaires pourraient être fournis afin d’assurer une navigation maritime plus sûre, tout en respectant l’environnement nordique sensible et son importance écologique et culturelle[147].

La désignation de corridors a pour but d’aider à diriger les investissements fédéraux. Dans le cadre de ces efforts, le gouvernement tient compte des mouvements de circulation actuels et historiques, ainsi que de l’emplacement des zones culturellement importantes et des lieux de reproduction de mammifères marins et d’oiseaux migrateurs.

Toutes les questions abordées dans le présent chapitre — les exigences réglementaires, la sûreté maritime, la surveillance de l’environnement, la capacité locale et l’engagement local — sont reliées à une proposition ambitieuse portée à l’attention du Comité durant ses rencontres à Iqaluit. L’idée consiste à créer un régime de cogestion des eaux du passage du Nord‑Ouest. Un tel modèle réunirait à la même table le gouvernement fédéral, les gouvernements territoriaux, les institutions du gouvernement public du Nunavut (comme le Conseil du milieu marin du Nunavut) et les organisations de revendications territoriales inuites. Son adoption contribuerait à exaucer l’esprit de la Déclaration de l’Inuit Nunangat sur le partenariat entre les Inuit et la Couronne de 2017[148].

Les vues du CCI-Canada semblent appuyer cette proposition. Dans son mémoire, l’organisation a déclaré ce qui suit :

Il convient d’organiser un débat rigoureux sur les critères de restriction du transport étranger et les Inuits devraient occuper une place centrale dans ce débat, en raison des risques que présente une intensification du trafic maritime pour leur environnement et leurs sources de nourriture traditionnelles[149].

En fait, au niveau international, le CCI a formé la Commission Pikialasorsuaq pour examiner la polynie des eaux du Nord, une zone d’intérêt biologique dans les eaux canadiennes et groenlandaises[150]. Cette zone, où la vie marine abonde, est d’une grande importance culturelle et économique pour les Inuits. C’est également dans cette zone que des modules de fusées russes ont rejeté  des « résidus de carburant hautement toxiques » au cours des dernières années, un geste négligent qui a été contesté par le gouvernement du Canada. La Commission Pikialasorsuaq a recommandé, pour cette zone, la création « d’un régime de gestion transnationale dirigé par des Inuits », qui assureraient aussi la surveillance. Elle aimerait aussi que les Inuits puissent circuler librement entre les communautés côtières du Nunavut et du Groenland[151]. Durant sa visite à Iqaluit, le Comité a été informé des liens étroits et historiques qui unissent les Inuits vivant le long des côtes de la baie de Baffin et du détroit de Davis.

Pour en revenir à la proposition touchant les eaux intérieures canadiennes, un modèle de cogestion serait une amélioration par rapport au système actuel — fragmentation des responsabilités et programmes ponctuels — qui fait en sorte que l’information n’est pas bien communiquée et qu’il n’y a pas suffisamment de politiques élaborées à l’instigation d’Inuits[152]. Une telle structure de gouvernance mixte permettrait d’élaborer une politique maritime pour l’Arctique canadien, d’établir et de gérer les corridors marins dans la région, et de contribuer à l’application de la réglementation fédérale en matière de sûreté maritime et de protection de l’environnement dans l’Arctique canadien. On pourrait par ailleurs confier aux parties la responsabilité de communiquer en temps opportun aux communautés concernées de l’information accessible sur l’activité des navires dans la région.

La proposition a un lien avec la souveraineté. Comme l’a entendu le Comité, en démontrant qu’il gouverne les eaux arctiques du Canada véritablement en partenariat avec les Inuits, qui sont les premiers habitants de la région, le gouvernement fédéral rehaussera la réputation internationale du Canada et fera valoir que ces eaux sont et ont toujours été des eaux canadiennes.

Recommandation 10

Le gouvernement du Canada devrait élaborer un cadre de gestion conjointe des eaux arctiques canadiennes qui permettrait aux Inuits de jouer un rôle de leadership aux côtés du gouvernement fédéral et qui mettrait à contribution tous les ministères et organismes des gouvernements fédéral et territoriaux exerçant des responsabilités à l’égard de ces eaux, ainsi que les organisations de revendications territoriales concernées et le Conseil du milieu marin du Nunavut.

Connaissance du domaine maritime et de capacités d'application

Tout au long de l’étude, les témoins ont souligné l’importance de la connaissance du domaine maritime. Après tout, pour assurer un contrôle efficace, le gouvernement doit savoir ce qui se passe dans les eaux sur son territoire. L’état de la flotte de la Garde côtière canadienne était une source de préoccupation à cet égard. En tant qu’organisme de service spécial du ministère des Pêches et des Océans, la Garde côtière a pour mandat de fournir les services suivants :

  • aides à la navigation, comme les balises et les bouées (il y a 2 000 aides à la navigation dans l’Arctique);
  • communications et gestion du trafic maritime (comme le font les CSCTM à Iqaluit);
  • déglaçage et gestion des glaces (y compris les opérations de déglaçage dans les ports et les escortes de navires);
  • entretien des chenaux;
  • recherche et le sauvetage;
  • interventions en cas de pollution marine;
  • appui aux autres ministères et organismes[153].

La Garde côtière commande généralement sept brise-glaces dans l’Arctique[154].

La Garde côtière est active dans l’Arctique de juin à novembre. Le commissaire Hutchinson a indiqué que l’agence utilise des fonds accordés dans le cadre du Plan de protection des océans pour prolonger la période d’opération de la Garde côtière dans l’Arctique, ce qui permettra de ravitailler les communautés plus tôt dans la saison. Grâce à ces fonds, la Garde côtière a pu passer 35 jours de plus dans la région en 2017, et elle entend prolonger ses activités d’« encore 10 jours au cours des prochaines années[155] ».

Le pilier de la flotte de déglaçage de la Garde côtière arrive en fin de vie opérationnelle. Lancé en 1968, le NGCC Louis S. St-Laurent, un brise-glace de classe 4 de l’Arctique, est entré en service en 1969. Le NGCC Terry Fox, un autre brise-glace de classe 4 de l’Arctique, est entré en service en 1983. Les quatre brise-glaces moyens de la Garde côtière ont été lancés entre 1978 et 1987. Dans le cadre de la Stratégie nationale de construction navale, le gouvernement fédéral s’est engagé à acheter un brise‑glace polaire pour la Garde côtière. Selon le gouvernement, ce bâtiment « naviguera régulièrement plus loin au Nord, dans des conditions plus difficiles, et ce, pour de plus longues périodes que [les] brise-glace[s] » de la flotte actuelle du Canada[156]. Le nouveau brise-glace devrait être construit dans le chantier maritime de Seaspan à Vancouver, lorsque les nouveaux ravitailleurs de la Marine canadienne seront terminés. Il devrait remplacer le NGCC Louis S. St‑Laurent[157]. La date de livraison actuellement visée par le gouvernement fédéral, soit 2023, n’est pas la date originale prévue. Selon David Barber, professeur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada à l’Université du Manitoba, ce brise‑glace sera « peut-être [prêt] en 2025 ou 2030, si jamais on le construit[158] ».

Face aux inquiétudes suscitées par l’érosion éventuelle des capacités de la Garde côtière en raison du vieillissement de sa flotte, le gouvernement fédéral a commencé à obtenir des « points de vue concernant les options envisageables visant à répondre aux besoins provisoires éventuels » en matière de services de déglaçage[159]. Le 22 juin 2018, il annoncé qu’il avait fait appel au Chantier Davie au Québec pour l’acquisition et la conversion de trois brise‑glaces moyens[160]. L’entreprise a pu se procurer des navires en raison du ralentissement du marché pétrolier et gazier mondial[161]. Le Comité a entendu que l’« acquisition de ces navires permet à la Garde côtière de maintenir les services indispensables, tandis que les navires existants sont retirés du service aux fins de radoub et de réparation[162] ». Ce message ne fait que renforcer ce que le Comité a entendu à Iqaluit : l’acquisition de ces trois navires a essentiellement pour but de rendre la flotte plus fiable, et non d’en accroître la capacité. Il faut du temps pour réparer et réhabiliter les vieux brise-glaces, qui ont tendance à tomber en panne et nécessitent un entretien constant.

Si la capacité de déglaçage est insuffisante, il n’est pas possible d’assurer le ravitaillement des collectivités dans l’Arctique, de mener des opérations de recherche et sauvetage et de compléter les relèvements hydrographiques, sans compter que les scientifiques ne peuvent pas accéder à des régions éloignées. M. Lajeunesse a soutenu de façon plus générale qu’en fournissant des services et des infrastructures à l’appui des activités de navigation, le Canada peut « miser sur ses atouts afin d’assurer une conformité ». Il a ajouté que sans ce soutien, les acteurs étrangers pourraient être tentés de « mener leurs activités à l’extérieur du cadre redditionnel et réglementaire du Canada en croyant qu’ils ont peu à perdre en agissant ainsi[163] ».

Il y a lieu d’accroître la capacité de déglaçage, comme le montrent certains signes. Seulement une petite fraction des eaux arctiques canadiennes ont été cartographiées selon des normes modernes, une tâche qui relève du Service hydrographique du Canada, mais à laquelle contribue de manière essentielle la Garde côtière[164]. M. Barber, qui fait de la recherche scientifique dans l’Arctique depuis 1981, a parlé d’un autre signe montrant les pressions grandissantes auxquelles fait face la flotte de la Garde côtière. Il a informé le Comité que son groupe de chercheurs avait l’intention de faire le tour du Groenland. Or, l’extrémité nord de ce pays pose un problème particulier, car on y trouve une « des glaces les plus épaisses et les plus lourdes encore sur la planète ». Pour cette raison, le groupe a déjà prévu qu’il serait escorté par un brise‑glace russe à propulsion nucléaire. De plus, les chercheurs allaient utiliser le brise‑glace NGCC Amundsen comme navire principal, mais ils se sont fait dire qu’il n’était pas disponible, car il devait aller en cale sèche. Comme l’a dit M. Barber, l’Amundsen « tombe essentiellement en morceaux, car il a plus de 40 ans[165] ». Par conséquent, les chercheurs utiliseront un autre brise‑glace russe — celui-ci électrique — pour effectuer leur circumnavigation du Groenland. Voici ce qu’en pense M. Barber :

Voilà un projet scientifique international en cours dans l’Arctique, et il est entièrement soutenu par des infrastructures russes. C’est un très mauvais signe lorsque nous ne pouvons même pas amener notre infrastructure canadienne à collaborer avec les Russes pour une circumnavigation du Groenland. Notre flotte de brise-glaces n’offre pas de stabilité suffisante pour pouvoir le faire. Je pense que c’est un réel problème pour nous en tant que pays[166].

Plus loin dans son témoignage, M. Barber a résumé le problème lorsqu’il a carrément déclaré que « [n]ous n’avons pas assez de brise-glaces pour assurer la gestion à l’échelle du pays[167] ».

Il peut sembler bizarre de penser qu’on aura encore besoin de brise-glaces dans le futur, avec la réduction graduelle de la glace de mer. Or, M. Barber a expliqué que les dangers liés aux glaces vont en fait en augmentant puisque la composition de la glace change. La glace annuelle — qui se forme chaque hiver et devrait continuer à le faire encore pour une centaine d’années — est plus mobile. Par conséquent, les morceaux et nappes de glace entrent en collision et forment « des crêtes et des remblais de glace qui peuvent être très épais[168] ». Selon le commissaire Hutchinson, les risques à la navigation que représentent les glaces flottantes sont l’un des facteurs qui « continueront d’augmenter la demande de services de la Garde côtière[169] ».

Recommandation 11

Le gouvernement du Canada devrait améliorer la flotte de brise-glaces de la Garde côtière canadienne pour qu’elle puisse continuer d’offrir des programmes et des services essentiels aux Canadiens, dans le cadre d’un processus qui n’aura aucune incidence négative sur la sécurité et la connaissance du domaine maritime du Canada, la recherche scientifique et les capacités de recherche et sauvetage.

Recommandation 12

Le gouvernement du Canada devrait se fixer un délai pour terminer la cartographie, selon les normes modernes, des corridors marins les plus achalandés dans l’Arctique canadien.

Le Comité ne sait pas vraiment ce qui se passerait si un navire étranger cherchait à pénétrer dans les eaux arctiques canadiennes sans s’annoncer ou sans obtenir le consentement du gouvernement fédéral. Comme l’a indiqué la professeure Lalonde, « la délivrance d’une lettre officielle de protestation à l’État d’immatriculation du navire […] serait probablement considérée comme une réaction assez faible et offrirait assurément peu de protection contre un préjudice potentiel causé par la présence d’un tel navire fautif[170] ».

Il faut dire que les renforts arrivent. Au cours des prochaines années, la Marine royale du Canada recevra six navires de patrouilles extracôtiers et de l’Arctique qui « assureront la surveillance armée des eaux de la zone économique exclusive du Canada et augmenteront la connaissance de la situation et le contrôle du gouvernement canadien dans l’Arctique[171] ». Les navires, qui compteront un équipage de 65 personnes, seront équipés d’un canon de 25 mm, auront une capacité d’embarquement d’hélicoptère, un hangar à véhicules et des embarcations de sauvetage[172]. Selon le ministère de la Défense nationale, les navires « seront appelés à opérer dans l’Arctique […] de juin à octobre » et pourront « mener des opérations dans une glace pouvant atteindre 120 centimètres d’épaisseur ». Ils pourront aussi mener des opérations « [pendant] jusqu’à quatre mois[173] ». Le Comité a appris que le premier de ses navires se joindra à la flotte de la Marine royale en 2019. Ces navires, tout comme les brise-glaces de la Garde côtière, auront accès, à compter de 2019, à une station de ravitaillement (site d’une ancienne mine ayant été convertie) à Nanisivik à l’île de Baffin durant la saison de navigation.

Le gouvernement canadien utilise également la surveillance par satellite pour assurer une connaissance de son domaine dans l’Arctique. Les données transmises par le satellite RADARSAT-II, qui est opérationnel depuis décembre 2007, peuvent être utilisées pour assurer la surveillance du domaine maritime et des glaces ainsi que la gestion de catastrophes. Le projet de la Constellation RADARSAT est la prochaine itération de ce programme[174]. Le projet propose une configuration à trois satellites en orbite basse terrestre. Selon l’Agence spatiale canadienne, le système assurera « par jour jusqu’à quatre survols du Grand Nord canadien et plusieurs survols du passage du Nord-Ouest[175] ». Le but est d’intégrer toutes ces capacités de défense pour en arriver à une approche de système-de-systèmes en matière de surveillance dans l’Arctique. Comme l’a expliqué le major‑général Seymour, il s’agit de « combiner les données de toutes nos ressources et celles de nos partenaires dans chaque domaine pour brosser un tableau clair de la situation[176] ».

Le Programme national de surveillance aérienne de Transports Canada fait partie de l’arsenal non militaire moins connu que le Canada utilise pour accroître sa connaissance du domaine. Dans le cadre de ce programme, des aéronefs surveillent les navires dans les eaux canadiennes dans le but de prévenir la pollution en mer par les hydrocarbures. Au besoin, ils recueillent des preuves qui peuvent être utilisées pour infliger des amendes et poursuivre les pollueurs. Le programme sert aussi à surveiller la faune et les conditions des glaces.

Figure 14 — Une patrouille d’affirmation de la souveraineté

Photo prise du hublot d’un aéronef durant une patrouille d’affirmation de la souveraineté qui montre surtout les eaux de la Frobisher Bay, au Nunavut, ainsi qu’une partie des côtes.

Photo des eaux de la baie Frobisher, au Nunavut, prise à bord d’une patrouille d’affirmation de la souveraineté, le 1er octobre 2018.

Figure 15 — Le Programme national de surveillance aérienne

Photo de quelques membres du Comité des affaires étrangères se tenant devant un aéronef rouge Dash-7 de Transports Canada qui est utilisé dans le cadre du Programme national de surveillance aérienne. La photo a été prise sur l’aire de trafic de l’aéroport d’Iqaluit.

La délégation participe à une patrouille d’affirmation de la souveraineté menée dans le cadre du Programme national de surveillance aérienne, à Iqaluit, au Nunavut, le 1er octobre 2018.

Lors de son passage à Iqaluit, le Comité a pu constater lui-même les mérites de ce programme. Les membres ont participé à deux patrouilles d’affirmation de la souveraineté au‑dessus des eaux de la baie Frobisher, ce qui leur a permis de voir de près la grande précision du système de surveillance et l’utilité des images et des données recueillies. L’aéronef peut détecter le déversement de moins d’un litre d’hydrocarbures et identifier les navires s’approchant des zones de protection marines. L’équipage peut également être appelé à appuyer des opérations de recherche et de sauvetage au besoin. L’aéronef Dash-7 à bord duquel les membres du Comité sont montés à Iqaluit est souvent le seul dans la région. Une des patrouilles a dû être écourtée pour que l’aéronef aide à retrouver un navire en détresse. Ailleurs au pays, le personnel du Programme national de surveillance aérienne a prêté assistance lors d’incidents, comme le déraillement à Lac Mégantic en 2013 et la fusillade ciblant des agents de la GRC en 2014 à Moncton[177].

À l’heure actuelle, trois aéronefs sont affectés au Programme national de surveillance aérienne. Le premier est basé à Moncton; le deuxième, à Vancouver; et le troisième quitte Ottawa pour Iqaluit durant l’été, pendant la saison de navigation dans l’Arctique. Le Comité a appris qu’un financement permanent avait été accordé dans le cadre du Plan de protection des océans afin d’assurer 500 heures de vol de surveillance par année dans l’Arctique[178]. De plus, un nouveau hangar sera construit à l’aéroport d’Iqaluit, ce qui permettra de mener des opérations à longueur d’année si cela s’avère nécessaire[179].

Durant les patrouilles d’affirmation de la souveraineté, les membres du Comité ne pouvaient faire autrement que d’être frappés par l’étendue incroyable du territoire à couvrir. Compte tenu de l’importance de ce programme, notamment de sa capacité de manifester la présence du gouvernement canadien et de faire respecter les lois et règlements du pays, le Comité a été étonné d’apprendre que seulement trois aéronefs y étaient affectés. Même s’il n’a pas examiné les besoins dans les corridors marins les plus achalandés du Canada, le Comité estime que le programme pourrait être élargi à l’Arctique de l’Ouest, en faisant appel à un autre aéronef à voilure fixe ou à des drones (une technologie actuellement à l’étude à Transports Canada). Par ailleurs, les appareils Dash-7 ont déjà 32 ans et il faudra un jour les remplacer.

Recommandation 13

Le gouvernement du Canada devrait accroître le financement du Programme national de surveillance aérienne afin que l’on puisse couvrir plus de territoire dans l’Arctique canadien et y multiplier les patrouilles. Il devrait également s’assurer qu’il est possible, dans le cadre du Programme, d’acheter du nouveau matériel de surveillance et de remplacer les aéronefs le moment venu.

Le gouvernement du Canada semble avoir un assez bon portrait de la surface maritime dans l’Arctique canadien et effectue des investissements pour accroître sa capacité à ce chapitre. Cependant, on en sait moins sur la capacité du Canada de surveiller la situation sous les eaux et, plus particulièrement, sous les glaces. Durant son séjour dans le Nord, le Comité a entendu des gens mentionner qu’ils avaient aperçu des sous-marins. Pour le Comité, il s’agit d’une question qui est difficile à étudier, car la plupart des renseignements sont classifiés pour des raisons évidentes. Le major-général Seymour a résumé en disant que des ressources étaient en place pour connaître les activités dans le domaine sous-marin, ajoutant « il m’est impossible de parler de certaines d’entre elles — mais le Canada et les États-Unis ont les moyens de comprendre ce qui s’y passe[180] ». Ces capacités découlent du partenariat du Canada avec les États-Unis dans le cadre du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) qui prévoit, depuis 2006, un volet axé sur la connaissance du domaine maritime. Le Canada possède quelques sous-marins diesel, qui ne peuvent pas cependant aller sous les glaces.

Pour ce qui est de la menace que présentent les sous-marins, le major-général Seymour a conseillé au Comité d’oublier la Guerre froide, une époque où les submersibles russes devaient s’approcher très près des côtes américaines pour être en mesure de toucher leurs cibles. Comme on l’explique en détail dans le prochain chapitre, le major‑général Seymour a insisté sur le fait que les forces militaires russes peuvent maintenant « déployer des armes contre l’Amérique du Nord depuis leurs propres bastions dans leur territoire ou légèrement à l’extérieur de celui-ci[181] ».

Recommandation 14

Le gouvernement devrait continuer à investir dans de nouvelles technologies pour améliorer sa connaissance des activités sous-marines dans l’Arctique ou approchant de l’Arctique, notamment en collaborant étroitement avec les États‑Unis dans le cadre de NORAD.

Recherche et sauvetage

Les services de recherche et sauvetage sont un dernier point à aborder lorsqu’on parle de contrôle exclusif et efficace. Il est très difficile d’assurer un juste équilibre à cet égard dans le Nord, car il y a beaucoup plus d’incidents dans les régions populeuses du sud du Canada. Les ressources nationales de recherche et de sauvetage sont donc déployées en conséquence.

Au sein du gouvernement fédéral, ce sont les Forces armées canadiennes (FAC) qui sont responsables des opérations aéronautiques de recherche et sauvetage. La Garde côtière canadienne, quant à elle, dirige les missions maritimes, avec le soutien aérien des FAC. Les provinces, les territoires et les municipalités interviennent en cas d’incidents en milieu terrestre, en collaboration avec la GRC et, en cas d’incident dans le Nord, souvent avec l’aide des Rangers canadiens. Deux réseaux officiels de bénévoles viennent élargir la portée des FAC et de la Garde côtière, soit l’Association civile de recherche et de sauvetage aériens (ACRSA) et la Garde côtière auxiliaire canadienne. Le Comité a rencontré des membres des deux réseaux durant son séjour dans le Nord.

Le gouvernement fédéral a divisé le territoire canadien en trois régions aux fins de recherche et de sauvetage (voir figure 16). Ces régions relèvent de centres conjoints de coordination des opérations de sauvetage (CCCOS) situés à Halifax, à Trenton et à Victoria. Pour ce qui est du Nord, le Centre de Victoria est responsable des interventions au Yukon, tandis que celui de Trenton couvre la baie d’Hudson et la baie James, la majeure partie du Nunavut et l’ensemble des Territoires du Nord‑Ouest, jusqu’à l’extrémité canadienne de l’océan Arctique. Le Centre de Halifax dirige les opérations dans la partie est de l’île de Baffin, ainsi que le nord du Québec et le Labrador. En plus de répondre aux besoins sur son propre territoire, le Canada est tenu d’offrir des services de recherche et de sauvetage dans l’Arctique jusqu’au pôle Nord, conformément à l’accord de coopération en matière de recherche et de sauvetage du Conseil de l’Arctique[182].

Figure 16 — Région de recherche et sauvetage (RRS) et Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage (CCCOS) du Canada

Image montrant comment se divisent les régions de recherche et sauvetage à l’échelle du Canada. Dans ces régions, on trouve un Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage à Victoria, à Trenton et à Halifax.

Traduction : SRR (Search and Rescue Region) = RRS (Région de recherche et sauvetage); JRCC (Joint Rescue Coordination Centre) = CCCOS (Centre conjoint de coordination

Source :     Défense nationale et Forces armées canadiennes, Quelques mots sur la recherche et le sauvetage.

Les figures 17 et 18 présentent le nombre d’opérations de recherche et de sauvetage rapportés dans le Nord au cours des dernières années.

Figure 17 — Nombre de cas de recherche et sauvetage, nord du 55e parallèle nord, 2013–2017

Diagramme indiquant le nombre de cas de recherche et de sauvetage au nord du 55e parallèle nord qui ont été consignés par les Forces armées canadiennes de 2013 à 2017. Il précise le nombre de cas aéronautiques, de cas maritimes, de cas humanitaires, de fausses alarmes/canulars/cas inconnus, et de cas à l’extérieur de la zone de responsabilité du Canada ainsi que le nombre total de cas pour chaque année. Le diagramme présente également une moyenne sur cinq ans pour chaque type de cas.

Source :     Figure produite à l’aide de données fournies par le ministère de la Défense nationale, août 2018.

Figure 18 — Nombre de cas de recherche et sauvetage, nord du 55e parallèle nord, impliquant des ressources des Forces armées canadiennes, 2013–2017

Diagramme indiquant le nombre de cas de recherche et de sauvetage au nord du 55e parallèle nord impliquant les Forces armées canadiennes de 2013 à 2017. Il précise, pour chacune de ces années, le nombre de cas aéronautiques, de cas maritimes, de cas humanitaires, de fausses alarmes/canulars/cas inconnus, ainsi que le nombre total de cas. ll présente également une moyenne sur cinq ans pour chaque type d’incidents.

Source :     Figure préparée à partir de données fournies par le ministère de la Défense nationale, août 2018.

Le Comité a appris que les 46 missions de recherche et sauvetage auxquelles les FAC avaient participé en 2017 dans l’Arctique canadien représentaient moins de 1 % du nombre total de missions[183]. Il a aussi entendu que le gouvernement du Nunavut dirigeait environ 200 opérations de recherche chaque année, dont 60 % en milieu terrestre et 40 % dans le domaine maritime.

Il n’y a pas d’aéronef dédié aux opérations de recherche et sauvetage dans l’Arctique canadien. Dans le centre du Canada, les CCCOS ont à des appareils de transport tactique CC-130 Hercules de la 8e Escadre Trenton et de la 17e Escadre Winnipeg. On trouve aussi à Trenton des hélicoptères CH‑146 Griffon. L’Est du Canada a accès à des aéronefs CC-130 Hercules et des hélicoptères Ch‑149 Cormorant de la 9e Escadre Gander à Terre‑Neuve et de la 14e Escadre Greenwood en Nouvelle-Écosse. Enfin, dans l’Ouest du Canada, la 19Escadre Comox à l’île de Vancouver a des hélicoptères CH-149 Cormorant et des aéronefs de transport tactique CC-115 Buffalo.

Bien que le nombre d’incidents dans le Nord soit modeste du point de vue national, d’autres facteurs importants doivent être pris en considération. D’abord, il y a l’étendue du territoire. Le major‑général Seymour a indiqué que le voyage entre une des bases des FAC (Trenton ou Winnipeg) et une région du Nord « pourrait prendre entre quelques heures et 9 ou 10 heures, selon l’endroit où l’écrasement est survenu[184] ». Lors des rencontres dans le Nord, le Comité a aussi entendu que des retards peuvent survenir lorsque l’appareil fait le plein à son arrivée d’un long vol vers le nord.

Les conditions météorologiques souvent extrêmes sont un autre aspect important qui différencie le contexte de recherche et sauvetage dans l’Arctique. Comme les intervenants l’ont indiqué à Iqaluit, une température de -35 degrés Celsius peut rapidement chuter et atteindre ‑45 ou -60 degrés avec le facteur éolien. Dans ses conditions, la peau gèle en 60 secondes. Des gens sont morts de froid non seulement dans des régions éloignées, mais aussi près de collectivités, parce qu’ils s’étaient perdus ou étaient en détresse.

Par ailleurs, la coordination et la communication peuvent être problématiques en raison du nombre d’intervenants : personnel et actifs fédéraux et territoriaux, membres de l’ACRSA et bénévoles locaux. Le Comité a d’ailleurs été informé de lacunes sur le plan des équipements. Les collectivités locales ont généralement à leur disposition des postes BP, qui sont des émetteurs‑récepteurs portatifs à portée de visibilité directe. Ces radios ne sont pas compatibles avec les fréquences des radios VHF à bord des aéronefs de recherche et des navires de la Garde côtière (dans les aéronefs, on utilise aussi des téléphones satellites et des radios UHF). Essentiellement, il arrive souvent que les équipes locales de recherche au sol (chasseurs et autres bénévoles) ne peuvent pas communiquer avec les équipes de sauvetage aériennes et maritimes. Autre complication : les plans et protocoles d’urgence ne sont pas les mêmes d’une localité à l’autre dans le Nord. Selon les intervenants, d’autres efforts sont nécessaires pour diffuser les leçons tirées, notamment en ce qui concerne la coordination des activités de recherche, les trajets empruntés et les difficultés rencontrées.

De façon générale, l’état de préparation face aux incidents qui pourraient se produire avec la hausse des activités dans l’Arctique, surtout dans le domaine maritime, était une source d’inquiétude[185]. Selon le rapport d’évaluation sur la navigation dans l’Arctique de 2009 produit pour le Conseil de l’Arctique, le tourisme maritime et les navires à passagers représentent « le défi émergent le plus important » pour les infrastructures de recherche et sauvetage dans l’Arctique. Selon ce rapport :

Récemment, le tourisme maritime dans l’Arctique croît à un rythme plus rapide que les investissements, le développement et le soutien en matière d’infrastructures dans la région. Plusieurs problèmes risquent de se poser s’il survient un incident à bord d’un navire de croisière. Le nombre de passagers à secourir serait nettement supérieur à la capacité de la plupart des navires et des aéronefs de R et S dans l’Arctique[186].

Le rapport précise également que la plupart des collectivités arctiques n’ont pas l’« infrastructure côtière » pour accueillir les rescapés d’une croisière. Il faut aussi penser aux répercussions d’une opération de sauvetage sur les collectivités. Comme l’a entendu le Comité, une petite collectivité côtière du Nunavut,  où les stocks des magasins locaux sont limités, pourrait rapidement être dépassée par la demande. En ce qui concerne l’aide apportée par une éventuelle évacuation, il est important de rappeler qu’il y a très peu d’infrastructure aéroportuaire dans le Nord.

Pour satisfaire les besoins en matière de recherche et sauvetage dans l’Arctique, le gouvernement fédéral renforce la Garde côtière auxiliaire canadienne. Mario Pelletier, sous‑commissaire aux Opérations de la Garde côtière canadienne, a indiqué que cet organisme national bénévole compte quelque 4 000 membres à l’échelle du Canada et que l’on trouve dans l’Arctique 15 unités communautaires (des plans sont en place pour en ajouter 5 autres en 2019). Ensemble, ces unités regroupent quelque 200 personnes et ont à leur disposition 25 navires[187]. Les membres du Comité ont rencontré l’équipe de l’unité à Cambridge Bay, qui a reçu récemment des fonds en vue de l’acquisition d’un nouveau navire de recherche et sauvetage. Le 28 juin 2018, la Garde côtière canadienne a fait un autre pas en ouvrant à Rankin Inlet une station de bateaux de sauvetage côtier, laquelle a assuré des services pendant l’été. La station ouvrira de nouveau en juin 2019. Le commissaire Hutchinson a souligné que la station était « une première dans le Nord » et que « les équipages sont composés de jeunes inuits[188] ». Rankin Inlet a été choisi pour ce projet après un processus de consultation auquel ont participé 45 collectivités du Nord.

Bien que cette expansion soit une bonne nouvelle, les bénévoles communautaires ne sont pas équipés pour composer avec une catastrophe. Dans les dernières années, le navire de croisière Crystal Serenity a fait la une des médias pour avoir fait des voyages, en 2016 et 2017, de l’Alaska au Groenland en passant par le passage du Nord-Ouest; il avait à son bord plus de 1 000 passagers. Le Comité a entendu que ces voyages avaient été planifiés bien à l’avance, et que l’entreprise propriétaire du navire avait organisé l’escorte d’un brise‑glace. Or, les expéditions futures ne seront peut-être pas organisées avec autant de clairvoyance ou d’expertise. De plus, les incidents ne se produiront pas toujours près de ressources fédérales, comme ce fut le cas lors du tragique écrasement d’un avion en août 2011 à Resolute[189]. En août 2010, lorsque le navire de croisière Clipper Adventurer s’est échoué sur un rocher près de Kugluktuk, au Nunavut, le brise-glace de la Garde côtière le plus près se trouvait à 500 milles nautiques de distance et il lui a fallu 42 heures pour arriver sur les lieux du navire en détresse. Heureusement, il n’y avait personne de grièvement blessé, et l’incident n’avait entraîné aucune pollution marine importante[190]. La centaine de touristes et de scientifiques à bord de l’Akademik Ioffe, qui s’est échoué près de Kugaaruk, au Nunavut, en août 2018, ont été secourus par un navire jumeau (des appareils Hercules venant de Trenton et de Winnipeg ont aussi survolé la scène)[191]. Bien qu’impressionnante, l’unité auxiliaire que le Comité a rencontrée à Cambridge Bay a été la première à admettre que si un navire de croisière tombait en détresse dans la région, quelques membres d’équipage se porteraient à son aide à bord d’une embarcation de 22 pieds.

Ce qui est ressorti, c’est qu’il faut se pencher plus sérieusement sur l’état de préparation face à un incident majeur, un cauchemar que personne ne souhaite voir se concrétiser. Pour ce qui est des besoins locaux en matière de recherche et sauvetage, il faut aussi prendre soin de maintenir des normes d’instruction parmi les bénévoles, tout en évitant l’épuisement de ces personnes. Le Comité a appris que de nombreux bénévoles dans le Nord jouent plus d’un rôle. Un membre de la Garde côtière auxiliaire est parfois aussi un Ranger canadien en plus d’exercer d’autres responsabilités au sein de sa collectivité.

Recommandation 15

Le gouvernement du Canada devrait examiner régulièrement les besoins en matière de recherche et sauvetage de concert avec ses partenaires territoriaux afin de déterminer si des ressources aériennes devraient être déployées dans le Nord, que ce soit de manière saisonnière ou permanente. Si une évaluation des besoins indique un jour qu’une telle capacité d’intervention lointaine est requise dans le Nord, le gouvernement devrait accorder des fonds additionnels aux Forces armées canadiennes pour s’assurer qu’il n’y ait aucune diminution des services de recherche et sauvetage dans le Sud du Canada.

Défense de l’Amérique du Nord

Présence permanente

Les chapitres précédents portait sur les besoins en matière de sûreté et de sécurité dans l’Arctique canadien. La défense nationale est également une question centrale. À Yellowknife, le Comité a rencontré la Force opérationnelle interarmées Nord (FOIN). Son commandant relève du Commandement des opérations interarmées du Canada, qui dirige la plupart des missions des FAC au Canada, en Amérique du Nord et ailleurs dans le monde. La Force opérationnelle facilite les opérations dans le Nord, incluant les opérations d’affirmation de la souveraineté menées dans le cadre de l’opération NANOOK[192]. La FOIN a été décrite comme le pilier des activités des FAC dans le Nord. Elle a aussi pour mandat d’accroître la connaissance du domaine des FAC. En tout, la FOIN doit surveiller une zone qui « atteint presque 8,8 millions de kilomètres carrés[193] », incluant la baie d’Hudson. En fait, le Comité a entendu que la zone de responsabilité de la FOIN est d’environ de la même taille que la zone continentale des États-Unis.

La FOIN est composée d’un escadron de transport, d’une compagnie de réservistes et d’une unité de soutien de secteur, pour un total de 290 personnes (militaires, réservistes et personnel civil). L’escadron de transport utilise quatre aéronefs CC-138 Twin Otter. Le Comité a entendu que même s’ils sont extrêmement fiables et efficaces, pouvant atterrir et décoller sur de courtes distances dans des conditions austères, ces appareils se font vieux (leur achat remonte à 1971)[194]. Les Twin Otter peuvent voler environ 4,5 heures et ont une portée utile d’environ 500 milles nautiques[195].

Figure 19 — Le 440e Escadron de transport de la Force opérationnelle interarmées Nord

Photo des membres du Comité des affaires étrangères en compagnie de membres de la Force opérationnelle interarmées des Forces armées canadiennes dans un hangar aérien du 440e Escadron de transport à Yellowknife.

Rencontre avec la Force opérationnelle interarmées Nord à Yellowknife (T.N.‑O.), le 5 octobre 2018.

Le 1er Groupe de patrouille des Rangers canadiens, qui contribue aux activités de connaissance de la situation et aux interventions d’urgence dans le Nord, fait aussi partie de la FOIN. Le Groupe, dont le nombre peut atteindre 1 800 Rangers, forme une force légèrement équipée, autosuffisante et mobile. Il est composé de membres à temps partiel des Forces armées canadiennes qui résident dans des régions nordiques, côtières et isolées peu peuplées et qui y mènent des activités[196]. N’étant pas des soldats, ces membres des FAC ne sont pas tenus de suivre l’entraînement annuel. Par conséquent, ils ne peuvent pas assurer la sécurité de points vitaux ni participer à la recherche et à l’arrestation de criminels et de terroristes. Ils peuvent par contre planifier et effectuer des patrouilles, participer à des opérations de recherche et sauvetage et appuyer l’entraînement des FAC. Ils ont les moyens de subvenir entièrement à leurs besoins pour des périodes pouvant atteindre 72 heures. Durant les patrouilles, ils peuvent recueillir des renseignements d’intérêt militaire. Ils peuvent aussi encadrer et superviser des Rangers juniors canadiens, dans le but d’aider les jeunes à acquérir des compétences traditionnelles, des connaissances pratiques et des habilités de Rangers. Beaucoup de Rangers sont inuits. On leur donne un fusil, des munitions et un uniforme (le chandail à capuchon rouge facilement reconnaissable). Ils ont aussi droit à une indemnité pour l’utilisation de leur propre équipement (p. ex. une motoneige) lorsqu’ils sont en service. Le ministère de la Défense nationale décrit les Rangers comme étant « les yeux, les oreilles et la voix » du Canada dans les régions éloignées, où il n’est ni possible, ni économique d’assurer une présence permanente au sens conventionnel de l’expression[197].

Se fondant sur l’information qui lui a été communiquée, le Comité n’est pas inquiet outre mesure des menaces terrestres dans l’Arctique canadien. Le Nord du pays est surveillé à l’aide de ressources et de systèmes canadiens, auxquels s’ajoute la présence sur le terrain de la FOIN et des Rangers. L’opération NANOOK permet de maintenir et d’accroître la capacité des FAC de mener des activités dans le Nord. Cela dit, on pourrait peut-être élargir les responsabilités des Rangers et des Rangers juniors en leur offrant la possibilité d’acquérir des compétences de haut niveau, ce qui contribuerait aussi à améliorer la connaissance du domaine dans l’Arctique. Le major‑général Seymour a indiqué que les Rangers avaient été utilisés pour la première fois en 2018 dans le cadre d’une opération de surveillance des FAC dans l’Arctique (opération LIMPID). Équipés de radio pour transmettre de l’information, les Rangers ont été déployés sur les côtes de certaines routes maritimes au large[198]. Selon le Comité, on pourrait pousser telle initiative plus loin en faisant appel à la nouvelle technologie de drones, qui pourraient être conçus dans le Nord. Le Comité est conscient qu’un tel élargissement des responsabilités doit respecter les paramètres de la Loi sur la défense nationale.

Recommandation 16

Le gouvernement du Canada devrait envisager la possibilité que l’on initie les Rangers canadiens et les Rangers juniors canadiens à l’utilisation des drones dans le but d’accroître la connaissance du domaine dans l’Arctique. Si un tel programme est réalisable, le gouvernement devrait accorder des fonds pour la distribution, l’entretien et la réparation de l’équipement nécessaire, ainsi que pour l’amélioration de l’infrastructure de communications de Forces armées canadiennes dans le Nord.

Surveiller le ciel pour se protéger

Du point de vue de la défense nationale, le Comité n’a pas cessé de se faire répéter que l’Arctique n’est pas une région distincte. Il fait partie du Canada et donc de la défense continentale. Par conséquent, l’Arctique doit faire partie de l’approche de système-de-systèmes en matière de surveillance. Dans les faits, la menace la plus probable à la défense nationale du Canada n’est pas une attaque contre l’Arctique canadien. Il s’agit plutôt d’une menace qui passerait par l’Arctique canadien pour attaquer des régions plus peuplées du sud du Canada ou de la zone continentale des États-Unis.

Le Comité a été alarmé d’apprendre que les forces militaires russes ont amélioré leurs capacités navales et aériennes en ce sens. Au début de la Guerre froide, les bombardiers russes auraient eu à traverser le Nord canadien et à s’avancer assez loin en territoire canadien pour pouvoir frapper des cibles dans des régions densément peuplées. Il en allait de même pour les sous-marins voulant lancer des missiles, qui devaient s’approcher le plus possible de la côte nord‑américaine. Le major‑général Seymour a indiqué que, de nos jours, les aéronefs russes « peuvent lancer leurs armes à l’extérieur de la zone d’identification de la défense aérienne du Canada[199] ». En fait, la professeure Charron a informé le Comité que les missiles peuvent être lancés « depuis des régions éloignées du territoire russe[200] ». M. Perry a décrit comment on pourrait faire cela. Il a révélé qu’en Syrie, la Russie avait utilisé « une nouvelle classe de missiles de croisière conventionnels air-air et mer-air qui ont une portée beaucoup plus longue, sont difficiles à observer et sont capables d’une très grande précision ». Les missiles en question sont dotés de vecteurs conventionnels et nucléaires et ils peuvent être transportés à bord d’aéronefs de patrouille à long rayon d’action et des tout derniers sous-marins russes. Selon M. Perry, « en raison de l’augmentation des distances à partir desquelles ces nouveaux missiles peuvent frapper des cibles et de leurs caractéristiques de faible observabilité, les arrangements actuels pour la défense de l’Amérique du Nord contre eux doivent être mis à niveau pour qu’on puisse les contrer efficacement[201] ».

Compte tenu de ces avertissements, le Comité a été d’autant plus inquiet d’apprendre que le Système d’alerte du Nord « arrive à la fin de sa durée de vie d’un point de vue technologique et fonctionnel[202] ». Utilisé par le Canada et les États‑Unis dans le cadre de NORAD, ce système a été mis en place de 1986 à 1992 pour remplacer le Réseau d’alerte avancé qui avait été érigé entre 1954 et 1957 pour « détecter rapidement les bombardiers russes passant par le pôle[203] ». Situées plus ou moins le long du 70e parallèle, les 47 stations radars du Système d’alerte du Nord (36 radars à courte portée et 11 à longue portée) sont réparties du Labrador à l’Alaska, couvrant l’Arctique nord-américain. Le système a été conçu pour détecter les menaces aériennes et pour pouvoir intervenir rapidement le cas échéant. Le portrait de la situation aérienne rassemblé à partir des stations est transmis, par voie d’un réseau de communication satellite, au quartier du Secteur de la défense aérienne du Canada, à la 22Escadre North Bay. En 2014, Raytheon Canada Limited, une filiale de Raytheon Company, s’est vu octroyer un contrat de 10 ans pour « le soin, la garde et le contrôle » des sites[204]. À Cambridge Bay, le Comité a visité l’une des stations habitées de radar à longue portée et site de soutien logistique. (Il a aussi entrevu la station de Hall Beach lors d’une escale d’avitaillement.)

Figure 20 — Le Sytème d’alerte du Nord à Cambridge Bay

Photo des membres du Comité des affaires étrangères à l’extérieur du site du système d’alerte du Nord à Cambridge Bay.

Visite du site du Système d’alerte du Nord à Cambridge Bay, au Nunavut, le 3 octobre 2018.

Figure 21 — Le Système d’alerte du Nord à Hall Beach

Photo du président du Comité des affaires étrangères se tenant dans la neige, à l’extérieur du site du système d’alerte du Nord, à Hall Beach. Il se trouve à côté de l’affiche du site, laquelle est flanquée d’un drapeau canadien et d’un drapeau américain.

Le président du FAAE près du site du Système d’alerte du Nord à Hall Beach, au Nunavut, le 2 octobre 2018.

Le Canada et les États-Unis sont en train de déterminer le type de système — ou systèmes — qui remplacera le Système d’alerte du Nord. La professeure Charron a toutefois informé le Comité qu’aucune ressource n’avait été affectée pour « remplacer ou […] repenser » le système existant[205], un projet qui est pourtant évalué à des milliards de dollars[206]. La professeure Charron a indiqué que NORAD a entrepris une étude afin d’examiner l’évolution de la défense de l’Amérique du Nord dans six domaines, ce que l’on appelle EVONAD. Dans tous les cas, ce qu’il faut faire, « c’est de la vérification et de la surveillance pour essayer d’éliminer la menace du plus loin possible de l’Amérique du Nord ». La professeure Charron a encouragé le Comité à poser des questions pour savoir ce que cela veut vraiment dire. Elle a mentionné que le langage que NORAD « commence à utiliser, soit de s’attaquer aux archers plutôt qu’aux flèches, choquerait beaucoup de Canadiens, mais c’est à ce point qu’il s’inquiète des menaces futures, non seulement de la Russie, mais également des acteurs non étatiques et autres[207] ». Pour s’en prendre aux « archers », il faudrait attaquer les plateformes de lancement. Comme l’a expliqué la professeure Charron dans une publication, une telle stratégie « implique de potentielles interceptions près de l’espace aérien russe, à proximité de [dans] celui-ci ou encore ailleurs, loin de l’Amérique du Nord[208] ». Il y a donc d’importantes considérations stratégiques et politiques à prendre en compte.

Pour sa part, M. Perry estime que le Canada devrait investir dans la modernisation de ses propres ressources militaires, en plus de renforcer le Système d’alerte du Nord. Il devrait entre autres acquérir de nouveaux sous-marins « pour patrouiller les trois approches océaniques du Canada ». Il devrait aussi agir rapidement « pour remplacer notre flotte d’avions de combat par une flotte de chasseurs très performants qui sont totalement interopérables avec l’United States Air Force, avec qui le Canada défend souvent l’Amérique du Nord au-dessus de l’Arctique canadien et de ses approches[209] ». M. Perry a également soutenu que le Canada « doit améliorer sa capacité de déployer rapidement des forces dans l’Arctique et de les envoyer encore plus loin dans le Nord que ce que nous avons fait auparavant[210] ».

Le Comité reconnaît l’importance d’avoir une connaissance de tous les domaines dans l’Arctique et souscrit à l’approche de système-de-systèmes. Il s’inquiète du fait qu’aucun fonds n’est prévu pour le remplacement du Système d’alerte du Nord. Les capacités d’application de la loi du Canada sont aussi une source de préoccupation pour le Comité. Les chasseurs CF‑18 canadiens ont leur base permanente à Bagotville, au Québec, et à Cold Lake, en Alberta. Les FAC ont des emplacements d’opérations avancés à Inuvik, à Yellowknife et à Iqaluit[211]. Toutefois, le Comité ne sait pas exactement à quelle fréquence et pendant combien de temps ces appareils sont déployés dans l’Arctique, ou si l’infrastructure y est suffisante pour assurer leur soutien et leur entretien, notamment pour ce qui est des réserves de carburant et des pistes d’atterissage. Selon le Comité, ces deux questions doivent être réglées dans le cadre du rôle du Canada dans la défense de l’Amérique du Nord.

Recommandation 17

Le gouvernement du Canada devrait prévoir un financement à long terme pour le remplacement du Système d’alerte du Nord, dans le cadre des discussions avec l’administration américaine concernant la modernisation des capacités de NORAD dans l’Arctique.

Recommandation 18

Le gouvernement du Canada devrait examiner les emplacements d’opérations avancés utilisés pour les chasseurs canadiens afin de déterminer si des améliorations doivent être apportées aux infrastructures pour assurer une présence efficace et soutenue, et s’il est nécessaire de créer de nouveaux emplacements dans l’Arctique, le but étant d’avancer le plus possible la ligne de défense nord-américaine.

Renforcement de la nation dans le Nord

Durant le séjour du Comité dans l’Arctique, les gens ont insisté sur les liens qui existent entre la souveraineté et le bien-être. Or, les indicateurs sociaux et économiques révèlent qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour combler l’écart entre les populations de l’Arctique canadien et du reste du Canada. De nombreux points de données dressent un portrait troublant. Selon Inuit Tapiriit Kanatami, seulement 34 % des Inuits âgés de 25 à 64 ans de l’Inuit Nunangat (les quatre régions des terres inuites) ont un diplôme d’études secondaires. Ce taux est de 86 % pour l’ensemble des Canadiens. Environ 70 % des ménages inuits du Nunavut vivent dans l’insécurité alimentaire, comparativement à 8 % pour le Canada tout entier. Plusieurs indicateurs de santé sont préoccupants. Le taux de tuberculose, qui est de 181 par 100 000 habitants pour les Inuits dans l’Inuit Nunangat, comparativement à 0,6 par 100 000 habitants pour les personnes non autochtones au Canada, est sans doute le plus alarmant. Ce taux atteint son point le plus élevé dans la région de Nunatsiavut du Labrador : 248,4 par 100 000 habitants. En outre, un pourcentage nettement plus élevé de bébés inuits que de bébés non autochtones naissent prématurément au Canada. Le taux de suicide est également beaucoup plus élevé dans les quatre régions inuites que dans tout le Canada[212].

La situation a été décrite de manière frappante lors du passage du Comité à Cambridge Bay, un village de quelque 1 800 habitants situé sur l’île Victoria, sur les côtes du passage du Nord‑Ouest. La municipalité a eu de la difficulté à obtenir les fonds nécessaires pour remettre en état le seul centre avec patinoire intérieure, qui avait été construit dans les années 1960 et qui était rongé par les moisissures. Or, un tel centre récréatif est essentiel compte tenu des froids extrêmes et de la noirceur que l’on connaît à une telle latitude durant les mois d’hiver. Ce centre est un lieu de rassemblement important pour les jeunes, qui peuvent s’y défouler. Au sujet des jeunes, le Comité a été consterné d’apprendre qu’il n’y avait pas de service de soutien en santé mentale à l’école secondaire, même s’il y a eu plusieurs cas de suicides dans la communauté.

Bien que profondément troublé par la situation et bien d’autres problèmes semblables, le Comité est conscient qu’il n’avait pas le mandat d’étudier la politique sociale dans l’Arctique canadien. Il ne veut donc pas présenter de recommandations sur ces questions par égard pour leur complexité. Il souhaite toutefois soulever deux points qui sont ressortis des discussions qu’il a tenues à Iqaluit, à Cambridge Bay, à Inuvik et à Yellowknife, points qui sont directement liés à la souveraineté du Canada dans l’Arctique. Il s’agit du développement économique et du déficit infrastructurel dans le Nord. À Iqaluit, les gens ont insisté sur le fait que le projet d’édification de la nation ne peut pas être considéré comme ayant été mené à bien compte tenu des besoins criants dans le Nord. Ils ont décrit l’approche adoptée jusqu’à maintenant comme étant fragmentée, et non intégrée. À l’heure actuelle, les efforts semblent reposer sur une approche par projet : une collectivité obtient une génératrice, alors qu’une autre obtient des fonds pour la remise en état d’une école. Le Comité estime qu’il est possible, et même nécessaire, d’adopter une vision plus cohérente et ambitieuse.

Avant d’aller dans les détails, il est important de reconnaître la diversité des collectivités arctiques. Comme on l’a déjà mentionné, il existe des problèmes communs pour ce qui est des infrastructures. Par contre, certains problèmes sont le reflet de contextes particuliers, qu’il s’agisse des accords de gouvernance locaux, de l’histoire locale ou des besoins propres à la collectivité. Pour ne donner qu’un exemple, le Nunavut — un énorme territoire — n’est aucunement relié au réseau routier national. Quelques petites collectivités ont un accès des plus limité à des services de transport aérien et maritime, et font face à des mois d’isolement, de noirceur et de froid intense pendant l’hiver. C’est le cas de Grise Fiord, un village du Haut‑Arctique comptant environ 130 habitants. La vie dans un coin de pays aussi éloigné pose des problèmes bien différents qu’à Yellowknife, la capitale des Territoires du Nord‑Ouest. Cette ville d’environ 21 000 personnes, situées relativement au sud de l’Arctique canadien, est devenue un centre d’activités pour le développement des ressources et le tourisme, et il est possible de s’y rendre en voiture à partir d’Edmonton.

À Inuvik, une ville d’environ 3 200 habitants considérée comme faisant partie de l’Arctique de l’Ouest, le Comité a entendu que les promesses de développement se sont succédé au fil des décennies. Il y a des cycles d’expansion, suivi de crises. Chaque ralentissement a eu des répercussions négatives sur le bien-être de la collectivité. Les gens quittent la région lorsque les projets de développement prennent fin ou ne se concrétisent pas, et ceux qui restent se retrouvent sans emploi et sans source de revenus viable. Lors de ses rencontres à Inuvik, le Comité a senti que les gens étaient très insatisfaits, notamment à l’égard des incohérences dans les politiques fédérales et de l’attention prêtée à la région. En même temps, il pouvait sentir le sentiment de fierté et de détermination des résidents, qui ont de grands rêves et qui sont fermement déterminés à assurer le succès de leur localité. Ils ont toutefois quand même besoin de l’aide du gouvernement fédéral pour venir à bout de problèmes économiques, comme on l’explique plus loin.

Respecter les aspirations du Nord en matière de développement économique

Les intervenants ont fait valoir au Comité que la vitalité économique et les investissements par le gouvernement qui peuvent faciliter celle-ci sont une manifestation de souveraineté. Duane Smith, président de la Société régionale inuvialuit, s’est exprimé de manière éloquente sur ce point. La région désignée des Inuvialuit, qui comprend Inuvik, se trouve dans l’ouest de l’Inuit Nunangat. Les Inuvialuit habitent sur les rives de la mer de Beaufort et de l’ouverture du passage du Nord-Ouest. Pour reprendre les propos de M. Smith :

Malgré la distance [qui nous sépare d’Ottawa] et nos infrastructures (dans un état parfois discutable), nous nous tenons aux abords du continent et brandissons la feuille d’érable face aux Chinois, aux Russes, aux Américains et à tous les autres qui pourraient avoir des visées sur notre Arctique. Ce ne sont pas là que de belles paroles. Nous avons été accostés par des entreprises étrangères qui s’intéressent à nos ressources.
Nous sommes fiers de représenter le Canada. Nous espérons seulement que le Canada reconnaisse nos efforts et investisse dans notre capacité de continuer à le faire[213].

M. Smith a également soutenu de manière plus générale que les pays « qui ont en place un plan de développement et de solides ‟infrastructures pivots” dans leurs zones frontalières sont moins exposés à des intérêts internationaux ». Sa communauté ne veut pas que l’Arctique canadien soit « vendu à des entreprises qui ne démontrent pas le niveau d’engagement requis envers la région et un bon dossier en matière de responsabilité sociale des entreprises[214] ».

La création de débouchés économiques est aussi essentielle au respect de l’esprit de la Convention définitive des Inuvialuit et de la Loi sur le règlement des revendications des Inuvialuit de la région ouest de l’Arctique de 1984, ainsi que des obligations qui en découlent. M. Smith a signalé que les dispositions portant sur le développement économique « ont été ajoutées, car les négociateurs ont reconnu que la possibilité de travailler est l’un des principaux facteurs d’accroissement de la capacité ». M. Smith a aussi rappelé au Comité que cet accord ne concerne pas seulement les Inuvialuit; il appartient également au Canada. Les deux parties « ont l’obligation solennelle d’honorer diligemment les promesses qu’il contient[215] ».

Bien des gens vivant à Inuvik et dans les environs sont particulièrement exaspérés par l’insécurité énergétique. La collectivité est obligée de faire venir par camions du propane, du diesel et du gaz naturel pour satisfaire ses besoins en matière d’énergie, parfois d’aussi loin que les terres basses continentales de la Colombie-Britannique. Le coût de l’énergie contribue au coût de la vie élevé dans la région puisqu’il rend tout dispendieux : le chauffage, les transports, l’électricité. Le Comité comprend que le propriétaire moyen à Inuvik paie environ 1 000 $ par mois en chauffage et en électricité[216]. Pourtant, il y a dans la région des billions de mètres cubes de gaz naturel. Le gaz naturel est d’ailleurs une source d’énergie beaucoup plus propre que le diesel. Dans son mémoire, M. Smith décrit la situation comme contribuant au « cycle de pollution et de pauvreté[217] ».

Durant ses rencontres, le Comité s’est fait décrire le processus employé pour résoudre les préoccupations multiples liées à l’exploitation des gisements de gaz naturel dans la région. Le projet gazier Mackenzie, qui visait la construction d’un pipeline pouvant transporter le gaz naturel du delta du fleuve Mackenzie dans l’Ouest de l’Arctique canadien jusqu’en Alberta et en Colombie-Britannique, a été proposé pour la première fois dans les années 1970 (sous le nom de pipeline de la vallée du MacKenzie). Le projet a fait l’objet d’une commission d’enquête fédérale, dirigée par le juge Thomas Berger, qui a recommandé d’attendre le règlement des revendications territoriales autochtones dans la vallée du fleuve Mackenzie avant de procéder. Des années plus tard, il a été ravivé par un consortium dirigé par Imperial Oil Resources Limited (et regroupant ConocoPhillips Canada, ExxonMobil Canada et l’Aboriginal Pipeline Group), qui a soumis une demande de développement. L’Office national de l’énergie a approuvé le projet à la fin de 2010, sous réserve de certaines conditions[218]. Or, le projet conjoint est tombé à l’eau en décembre 2017. Dans un communiqué de presse, Imperial Oil a déclaré que le gaz naturel dans la vallée du Mackenzie « ne pouvait pas faire concurrence, sur le plan économique, avec les autres sources en Amérique du Nord, et ce pour différents facteurs, y compris les coûts élevés du projet et la croissance continue des sources non conventionnelles de gaz à faible coût en Amérique du Nord[219] ».

Les prix du gaz naturel se sont effondrés en 2008‑2009. Maintenant, des permis sont en place, mais aucune entreprise n’est intéressée à exploiter les gisements. Les dirigeants municipaux ont indiqué qu’il n’y aura pas de solution à long terme au problème de l’insécurité énergétique à Inuvik et dans les environs tant que la collectivité n’aura pas accès aux ressources qui gisent sous elle. Pour cela, il faut d’abord qu’il y ait un marché pour ces ressources. Même si certains résidents ont insisté sur le fait que les gisements doivent être exploités de manière à répondre d’abord aux besoins locaux, il demeure que le marché local ne suffit pas en soi à assurer la rentabilité d’un tel projet pour le secteur privé. Cela dit, le Comité a entendu que même s’il ne semble pas y avoir de marché d’exportation du gaz de la vallée du Mackenzie en Amérique du Nord, il y en a probablement en Asie. Certains ont même affirmé que l’exportation de gaz naturel vers les marchés en Asie aurait aussi pour avantage de réduire la dépendance de certains pays à l’égard des centrales alimentées au charbon, qui contribuent de manière importante aux émissions de carbone à l’échelle planétaire. Or, il n’y a pas de port en eau profonde dans l’Arctique de l’Ouest. Par contre, la route entre Inuvik et Tuktoyaktuk offre maintenant un accès routier à la côte arctique du Canada.

Bien qu’il soit normal de se sentir dépassé au départ par la complexité d’un tel projet, les intervenants ont demandé au Comité de garder à l’esprit que les coûts liés à un projet énergétique majeur dans l’Arctique canadien ne peuvent pas être beaucoup plus élevés que ceux de projets menés dans le Grand Nord de la Norvège ou de la Russie, régions qui font l’objet d’investissements importants et d’activités de développement économique. En effet, le gaz naturel transporté de la péninsule de Yamal en Russie vers la Chine, en passant par le détroit de Béring, parcourt une plus grande distance que celle séparant le delta du fleuve Mackenzie du détroit de Béring. Une quarantaine d’années se sont écoulées depuis la Commission Berger, et le Comité a entendu que le Nord est mieux préparé à gérer les questions soulevées à ce moment, c’est‑à‑dire le règlement des revendications territoriales et la nécessité de mettre en place des mesures de protection de l’environnement. Comme on l’a dit à une rencontre du Comité, personne n’a plus à cœur l’environnement naturel de la région que les habitants du Nord.

Un ministre influent du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a été franc sur ce point. Il a dit au Comité que le territoire ne veut pas être traité comme un parc, qui est géré à partir d’Ottawa. Les habitants du Nord veulent développer leur économie de manière équilibrée. Par ailleurs, la diversification économique est une source d’anxiété grandissante dans les Territoires du Nord-Ouest, car les mines de diamant lucratives qui ont été exploitées au cours des dernières années ne sont pas inépuisables. Les intervenants ont de nouveau rappelé au Comité que tous les emplois ne sont pas égaux. Même si le tourisme a augmenté dans le territoire — il y a déjà beaucoup plus de gens qui visitent Yellowknife — un grand nombre d’emplois dans le secteur des services rattachés au tourisme n’offrent pas les mêmes salaires que celui d’une personne travaillant à un projet d’exploitation des ressources naturelles.

Il y a aussi la question des gisements de pétrole et de gaz dans la mer de Beaufort, au large des côtes du détroit de fleuve Mackenzie[220]. En décembre 2016, lors d’une annonce faite de concert avec le gouvernement Obama, le premier ministre Trudeau a désigné « toutes les eaux arctiques canadiennes comme étant interdites d’accès, indéfiniment, aux futures concessions pétrolières et gazières extracôtières, disposition qui sera réévaluée tous les cinq ans au moyen d’une évaluation scientifique du cycle de vie liée au climat et à la vie marine[221] ». Le gouvernement a indiqué que la « vulnérabilité des communautés et de leurs écosystèmes aux déversements d’hydrocarbures ainsi que les défis et les risques uniques sur le plan logistique, opérationnel, sécuritaire et scientifique que comportent l’extraction pétrolière et les interventions suivant un déversement dans les eaux de l’Arctique » sont d’importants facteurs ayant mené à cette décision[222].

Les gens que le Comité a rencontrés dans le Nord étaient très critiques de la manière dont cette décision a été appliquée. Ils avaient l’impression que la décision avait été prise sans que l’on tienne compte des intérêts des personnes qui habitent et travaillent dans la région. Une organisation autochtone a été avisée seulement 20 minutes avant l’annonce. Le dirigeant d’une autre organisation a déclaré que l’idée de consultation que s’est faite le gouvernement fédéral dans cette affaire se limitait à appeler les gens la même journée pour les informer de l’annonce. Comme l’a déclaré l’ancien sénateur Charlie Watt, président de la Société Makivik (qui représente les Inuits du Nord du Québec), « [i]ls ne sont même pas venus nous voir et ils ont tout simplement déclaré : “Voilà ce que nous allons faire”[223] ». Lorsqu’on a demandé à Mme Campbell si le processus qu’avait suivi le gouvernement dans ce cas constituait une violation de l’obligation de consulter, elle a répondu : « Je peux simplement vous dire que oui[224]. »

Le Comité a entendu que pour être constructives et empreintes d’un respect mutuel, les consultations doivent être lancées dès le premier jour. Selon CCI-Canada, les consultations sont aussi significatives lorsqu’il y a « une réelle possibilité de mettre fin à un projet à la suite des consultations[225] ». Cindy Dickson, directrice exécutive de l’Arctic Athabaska Council, a également abordé ces points. Elle a indiqué que les collectivités situées dans sa région du Yukon veulent qu’il y ait un certain développement économique. Cela dit, elles veulent aussi « que les terres ouvertes au développement souffrent le moins possible, et que les technologies mises en œuvre dans nos régions ne créent pas de dangers ». Selon Mme Dickson, pour assurer un tel équilibre, il faut tenir des discussions constructives avec les collectivités et leurs dirigeants. Elle a ajouté qu’à l’échelon communautaire, cela veut dire que les gens doivent se rendre sur place pour « y étudier la situation avant même le lancement d’un projet ». Elle a insisté sur le fait qu’il faut aller au‑devant de la population et « lui expliquer, à l’horizon de 10 ou 20 ans, quel est le développement envisagé ». Il faut présenter dès le début les avantages et inconvénients du développement économique pour que les gens soient bien informés, ce qui est particulièrement important dans le cas de l’exploitation de pétrole et de gaz, puisqu’il s’agirait d’un nouveau projet[226].

Le Comité comprend également qu’il est important de bien préciser les droits et obligations des Inuvialuit de la mer de Beaufort, où une grande partie des projets pétroliers et gaziers risquent d’avoir lieu, car les eaux en question font partie de la région désignée des Inuvialuit. Au moment du règlement de la revendication territoriale de 1984, il n’avait pas été question des droits des Inuvialuit dans la zone extracôtière, car la question n’était pas pertinente à l’époque.

De façon générale, le débat sur les débouchés économiques dans le Nord semble limité, n’allant pas plus loin que les enjeux touchant des secteurs d’activité économique bien précis. Le Comité s’est fait dire qu’on ne comprend pas clairement et globalement les possibilités qui existent ou, pour dire les choses autrement, qu’on ne cherche pas à en définir la portée. Il existe des estimations de la valeur potentielle pour certains secteurs, en particulier les mines, mais il n’y en a pas pour l’ensemble des secteurs. Il ne semble pas y avoir de portrait pancanadien et intersectoriel de l’économie dans l’Arctique, de ce qu’elle est actuellement et de ce qu’elle pourrait devenir. Mme Shadian, d’Arctic 360, a soutenu que l’Arctique nord-américain — soit l’Alaska, le Canada et le Groenland — présente un grand nombre des caractéristiques d’un marché émergent. Or, elle n’a connaissance d’aucune étude de faisabilité économique pour la région. Pour l’instant, les pièces du casse-tête n’ont pas été assemblées pour donner un portrait d’ensemble[227].

Selon le Comité, pour faire ce casse-tête, il faut d’abord reconnaître les vues des populations autochtones et du Nord au sujet du développement économique et de la protection environnementale. Ce qu’il faut faire, c’est établir un modèle de développement économique pour le Nord qui est équilibré, ambitieux et issu de partenariats véritables. Le Comité sait également que le gouvernement fédéral a annoncé qu’il prenait des mesures pour consulter les gouvernements territoriaux et autochtones du Nord sur les décisions futures concernant l’exploitation de gisements gaziers et pétroliers au large des côtes. Le but serait de négocier « une entente de cogestion et de partage des revenus du pétrole et du gaz dans la mer de Beaufort avec les gouvernements des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon, et la Inuvialuit Regional Corporation[228] ».

Recommandation 19

Le gouvernement du Canada devrait travailler avec les gouvernements territoriaux, autochtones et locaux pour trouver des solutions locales aux enjeux en matière d’énergie propre, fiable et abordable dans l’Arctique canadien.

Recommandation 20

Le gouvernement du Canada devrait s’assurer que les décisions fédérales concernant le développement économique du Nord canadien reposent sur des consultations constructives avec les gouvernements territoriaux et les organisations autochtones, notamment pour ce qui est de projets futurs d’exploitation des gisements de pétrole et de gaz au large des côtes.

Pour terminer, le Comité tient à discuter d’un dernier point bien précis qui a été porté à son attention au sujet des priorités locales en matière de développement économique : l’industrie de la télédétection à Inuvik. Il s’agit d’un des secteurs qui pourrait permettre à la collectivité de diversifier encore plus son économie. La collectivité espère que le secteur connaîtra de l’expansion à la suite du projet de liaison par fibre optique dans la vallée du Mackenzie, que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a mené à bien en 2017. Le Comité a visité la Station-relais pour satellites d’Inuvik, établie par le gouvernement canadien en 2010. Administrée par Ressources naturelles Canada, cette station a été construite dans le cercle polaire arctique « pour faire la poursuite de satellites en orbite polaire et recevoir des données de ces derniers à des fins scientifiques, cartographiques et météorologiques, en plus de missions de surveillance et autres[229] ».

Figure 22 — La Station-relais pour satellites d’Inuvik

Photo d’une antenne parabolique qui fait partie de la Station-relais pour satellites d’Inuvik. L’antenne est décorée d’une peinture inuite.

Visite de la délégation à la Station-relais pour satellites d’Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest, le 4 octobre 2018.

Le secteur privé s’intéresse à l’industrie de la télédétection dans la région d’Inuvik, mais l’obtention des licences n’est pas sans problème. Les activités de télédétection doivent être menées conformément à la Loi sur les systèmes de télédétection spatiale du Canada, qui a été adoptée en 2005[230] et est entrée en vigueur le 5 avril 2007. En vertu de cette loi et de son règlement, le ministre des Affaires étrangères est chargé de superviser les activités de tous les systèmes de télédétection exploités au Canada et tous ceux exploités par des entités canadiennes à l’étranger. Dans l’exercice de ces responsabilités, un régime d’attribution de licences est « mis en application afin de veiller à ce que les activités de télédétection spatiale ne soient pas préjudiciables à la sécurité nationale, à la défense du Canada, à la sécurité des Forces canadiennes ou à la conduite des relations internationales du Canada, et qu’elles ne soient pas incompatibles avec les obligations internationales du Canada[231] ».

Le Comité a été informé que des examens indépendants obligatoires de cette loi avaient été effectués en 2012 et en 2017. Les résultats du deuxième examen révèlent que « [b]on nombre des questions soulevées, des commentaires et des suggestions formulées dans l’examen de 2012 s’appliquent encore aujourd’hui, certains d’entre eux étant de plus en plus pressants[232] ». Des intervenants ont toutefois expliqué au Comité que l’industrie de la télédétection avait changé depuis l’adoption de la Loi. L’industrie était auparavant dominée par le gouvernement, mais elle est maintenant mue par des investissements du secteur privé. Par conséquent, certains pensent que les textes de loi canadiens n’ont pas suffisamment évolué et qu’ils prévoient un processus trop long et trop imprévisible pour les acteurs du secteur privé. De plus, la loi confie à Affaires mondiales Canada une fonction de réglementation, mais le Ministère n’est pas équipé pour agir comme organise de réglementation. Le Comité s’est fait dire que le secteur privé va investir ailleurs si la Loi n’est pas changée.

Recommandation 21

Le gouvernement du Canada devrait examiner la Loi sur les systèmes de télédétection spatiale pour déterminer si elle a évolué au même rythme que les innovations technologiques dans le domaine de la télédétection et si Affaires mondiales Canada est encore le ministère le mieux placé pour gérer les demandes de licences présentées en vertu de la Loi. Dans le cadre de ce processus d’examen, le gouvernement fédéral devrait tenir compte des recommandations formulées à l’issue des examens indépendants de la loi réalisés en 2012 et en 2017.

S’attaquer au déficit infrastructurel

Publiés en 2015, les résultats d’un examen législatif du réseau de transport canadien et des lois et règlements applicables précisent que « [d]es initiatives d’édification de la nation, tant immédiates qu’à long terme, doivent être mises en place pour attirer des investissements et favoriser le développement des ressources et pour renforcer la souveraineté du Canada dans l’Arctique[233] ». Deux ans plus tard, dans son rapport final à la ministre des Affaires autochtones et du Nord, la représentante spéciale de la ministre à l’égard du leadership dans l’Arctique, Mary Simon, a dit craindre que « les programmes d’infrastructure fédéraux ne tiennent pas compte des difficultés uniques à l’Arctique dans la construction de l’infrastructure, du besoin pour l’Arctique de “rattraper” les autres régions du Canada ni du caractère punitif des formules de financement par habitant sans allocations de financement de base ». Mme Simon a aussi signalé qu’on ne trouve aucun programme d’infrastructure destiné à combler les besoins particuliers des collectivités de l’Arctique. Par exemple, les programmes nationaux d’infrastructure visant à régler les défis liés aux transports en commun n’ont aucune application dans la région arctique. De plus, le changement climatique, qui se manifeste par exemple par la fonte du pergélisol, « accélère les menaces qui pèsent sur l’infrastructure existante[234] ».

D’ailleurs, l’Association des collectivités des Territoires du Nord-Ouest a quantifié les graves problèmes d’infrastructure causés par la fonte du pergélisol, qui n’est qu’un des risques liés au changement climatique. Elle estime le coût total des répercussions de la fonte du pergélisol sur 33 collectivités du territoire à 1,3 milliard de dollars sur une période de 75 ans. Cela se traduit par des pertes économiques de quelque 51 millions de dollars par année. De plus, « la valeur des risques équivaut à 25 % de la valeur des actifs ». Les bâtiments et les routes sont les plus menacés, suivis des aéroports et des grandes routes. En outre, l’Association estime à 25 millions de dollars les pertes annuelles au chapitre du produit intérieur brut résultant de la détérioration du pergélisol. Selon la carte préparée par l’Association, Inuvik, l’une des villes visitées par le Comité, est classifiée comme présentant un risque élevé[235].

Pour le Comité, il est clair que les chercheurs et les collectivités du Nord auront besoin du soutien du gouvernement fédéral dans la collecte de données d’analyse scientifique sur les impacts des changements climatiques dans l’Arctique canadien. Ces données peuvent guider l’élaboration de politiques efficaces, notamment en ce qui a trait à l’établissement de mesures favorisant la résilience et l’adaptation aux changements climatiques.

Recommandation 22

Le gouvernement du Canada devrait veiller à ce que les risques que présentent les changements climatiques soient pris en considération dans tous les programmes d’infrastructure bénéficiant de fonds fédéraux dans le Nord.

Nonobstant ces défis émergents, le Comité a entendu parler, tout au long de son étude, de la gravité du déficit infrastructurel actuel dans le Nord canadien. Parlant du cadre stratégique global ayant contribué à perpétuer ce déficit, John Higginbotham, chercheur principal à l’Université Carleton et au Centre for International Governance Innovation de Waterloo, a décrit les activités de renforcement de la nation comme étant l’« expression ultime » de la souveraineté du Canada dans l’Arctique. Il a toutefois indiqué que le Canada n’est pas encore pleinement conscient de tout l’intérêt international que suscite l’Arctique en raison du potentiel de « maritimisation » des archipels canadiens dans l’Arctique d’ici une cinquantaine d’années. Selon lui, le Canada accuse « de plus en plus de retard pour ce qui est d’investir dans les infrastructures et les politiques pancanadiennes liées à l’Arctique, lesquelles permettraient aux habitants, aux collectivités et aux administrations régionales de l’Arctique du Canada ainsi qu’à tous les Canadiens de s’adapter à ce nouveau monde et d’y prospérer[236] ».

David Barber a fait valoir un point semblable : « Il y a aussi eu beaucoup de développement sur notre territoire terrestre. Il n'y en a quasiment pas eu dans le Nord, qu'on parle de développement terrestre ou maritime.. » Selon lui, le Canada, en tant que nation, doit « porter une attention particulière à cette question et y consacrer des ressources pour rattraper notre retard en matière de développement afin que nous puissions commencer à concurrencer les Russes dans l’Arctique ». Comme il n’a cessé de le répéter, les régions arctiques canadiennes et russes sont très semblables sur les plans topographiques et des ressources naturelles. Or, comme l’a souligné M. Barber, « la Russie a à l’œil le Nord et y réalise des activités de développement économique depuis des décennies, ce que nous n’avons pas fait[237] ».

Mme Shadian a déclaré que le « déficit d’infrastructure mine profondément la sécurité et la qualité de vie des résidents du Nord ainsi que notre capacité de protéger et de renforcer notre souveraineté ». Elle a décrit la situation actuelle comme suit : « [L]es collectivités se font concurrence pour attirer les bonnes grâces du gouvernement fédéral et de ses ressources limitées pour financer des projets individuels. » Elle estime que « Bay Street et les financiers mondiaux n’investiront pas dans une région s’il n’y a pas une justification globale ou un plan stratégique[238] ».

Le Comité ne laisse aucunement entendre, dans le présent rapport, que rien n’est fait dans ces dossiers. En effet, il a appris que le gouvernement fédéral prévoit d’accorder, dans le cadre du Programme d’infrastructure « Investir au Canada », près de 1,6 milliard de dollars en fonds d’infrastructure aux Territoires du Nord‑Ouest (571 millions de dollars), au Yukon (446 millions de dollars) et au Nunavut (567 millions de dollars). Le gouvernement fédéral, conscient des défis uniques auxquels font face les petites collectivités nordiques et isolées dans le secteur des infrastructures, a décidé d’accroître sa part des coûts liés aux projets mis en œuvre dans le cadre du programme. Cette part atteindra jusqu’à 75 % dans le cas des trois territoires et des partenaires autochtones. Le financement sera versé conformément aux ententes bilatérales intégrées signées en 2018[239]. La facture totale de ce programme fédéral est considérable, mais elle témoigne des besoins immenses de la région en infrastructure, comme a pu le constater le Comité.

Durant son voyage, le Comité a entendu des propositions concernant des investissements ciblés qui pourraient ouvrir des débouchés économiques dans le Nord. Dans son mémoire, le Conseil tribal des Gwich’in[240] a insisté sur deux principes qui devraient éclairer les décisions en matière d’infrastructure : l’universalité et la continuité. Il a comparé l’ampleur des travaux d’infrastructures en transport requis dans le Nord à celle de la construction du chemin de fer Canadien Pacifique, au début de la Confédération. Il souhaite que le gouvernement investisse dans le projet de route de la vallée du Mackenzie qui, dans la meilleure de ses versions, relierait par une route les collectivités de l’Arctique de l’Ouest à Yellowknife[241]. Il aimerait également que des ponts enjambant les rivières Peel et Arctic Red et le fleuve Mackenzie soient construits pour assurer le transport routier lorsque les conditions météorologiques sont difficiles et lors des changements de saison. Pour le Conseil tribal de Gwich’in, ces projets amélioreraient la compétitivité des communautés, renforceraient la nation et réduiraient le coût de la vie[242].

Figure 23 — Le Conseil tribal des Gwich’in

Photo des membres du Comité des affaires étrangères et des membres du conseil tribal des Gwich’in à Inuvik.

Rencontre de la délégation avec le Conseil tribal des Gwich’in à Inuvik, dans les Territoires du Nord‑Ouest, le 4 octobre 2018.

À Iqaluit, le Comité a entendu que le manque d’infrastructures maritimes limite les perspectives d’emploi en plus d’avoir une incidence sur la sécurité alimentaire. La pêche hauturière est considérée comme une réussite. Or, les prises sont débarquées à Terre‑Neuve ou à Nuuk, au Groenland, avant d’être expédiées en Chine ou au Japon. Le Comité a entendu que l’absence de port adéquat à Iqaluit entraîne des « pertes » économiques d’une trentaine de millions de dollars.

Les intervenants ont indiqué au Comité que le Nord ne veut pas de traitement particulier d’Ottawa. Ils ont demandé à recevoir le même genre de services dont les autres Canadiens profitent. Par exemple, la Société régionale Inuvialuit a souligné les avantages que procurerait un accès Internet haute vitesse dans les communautés arctiques canadiennes. Les gens pourraient accéder à des services d’apprentissage et de santé en ligne, ce que ne permet pas actuellement la bande passante. Le problème perdure, même si le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a déclaré, en décembre 2016, que l’Internet constituait un « service essentiel » pour les Canadiens[243]. À Cambridge Bay, les membres du Comité se sont fait rappeler que les problèmes de mauvais Internet qu’ils vivaient n’étaient que temporaires. Pour les résidents, c’est la réalité. Le Comité a entendu que même à la Station canadienne de recherche dans l’Extrême-Arctique, à Cambridge Bay, les vitesses de téléchargement et de téléversement par satellite sont seulement de 10 et 5 mégabytes par seconde (Mbps), respectivement. Le CRTC a pourtant établi, pour tous les ménages et toutes les entreprises du Canada, des vitesses cibles de 50 Mbps pour les téléchargements et de 10 Mbps pour les téléversements[244]. S’ils avaient accès à une bande passante plus grande, les chercheurs de l’Arctique pourraient virtuellement transmettre aux écoles du Nord les connaissances qu’ils acquièrent sur l’environnement local.

À Cambridge Bay, les dirigeants municipaux ont informé le Comité que l’aéroport local peut seulement accueillir de petits avions plus vieux, car l’aire de trafic n’est pas asphaltée. Ils ne s’attendent pas non plus à recevoir de sitôt des fonds pour remédier à la situation. Plus à l’ouest, l’aéroport d’Inuvik est aussi limité par la longueur de la piste.

Toujours à Cambridge Bay, la Kitikmeot Inuit Association (KIA), une des organisations inuites désignées en vertu de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, a présenté au Comité une idée d’infrastructure de transport pouvant procurer de nombreux avantages. L’Association avait préparé une analyse de rentabilisation détaillée concernant le projet de route et de port de Grays Bay. Pour faire comprendre le bien-fondé de ce projet, des représentants de la KIA et de la Nunavut Resources Corporation, une société appartenant entièrement à la KIA, ont situé le projet dans le contexte général des revendications territoriales dans le Nord. Ils ont informé le Comité que les terres (inclusives des droits miniers) de la KIA avaient été sélectionnées en raison de leur potentiel géologique connu, le but étant d’assurer une plus grande autonomie économique. Cela dit, la KIA souhaite construire un port à Grays Bay (entre Bathurst Inlet et Kugluktuk) pouvant recevoir des navires commerciaux, et un tronçon de 230 km de grande route praticable en toute saison qui se rendrait jusqu’à la mine de Jericho du côté continental du passage du Nord-Ouest (dans la région appelée la province géologique des Esclaves, qui chevauche le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest). La mine se trouve à l’extrémité nord de la route d’hiver Tibbitt-Contwoyto — une route de glace connue — qui part de Yellowknife. Le projet permettrait la circulation de camions pendant l’hiver et de navires pendant l’été (de la fin juin à la mi-octobre). Cette route, si elle est construite, serait la seule à raccorder le Nunavut au reste du Canada.

Le projet a pour but d’assurer un accès aux terres intérieures, ce qui permettrait de profiter des possibilités d’exploitation minière et de potentiellement mener d’autres projets, par exemple en matière d’hydroélectricité. Selon la KIA, on trouve dans la région des gisements de zinc, de cuivre, de plomb, de nickel, d’or, d’argent, de platine et de diamants. Ces gisements ont été peu exploités à ce jour en raison du manque d’infrastructure. Il n’y a aucun moyen d’y accéder, d’après ce qu’a compris le Comité.

La KIA a affirmé que le projet aurait aussi des retombées positives pour le Canada dans son ensemble. Comme on le mentionne ailleurs dans le rapport, il n’y a aucun port en eau profonde dans l’Arctique de l’Ouest canadien. Par comparaison, M. Barber a indiqué que l’on compte huit ports reliés à des chemins de fer dans l’Arctique russe[245]. Le poste de ravitaillement de Nanisivik qui ouvrira sur l’île de Baffin se trouvera à environ 2 000 kilomètres par voie maritime du port proposé de Grays Bay[246]. Ce dernier serait situé stratégiquement à mi‑chemin du passage du Nord-Ouest. On pourrait en arriver à une entente pour que le port de Grays Bay serve aussi de point de ravitaillement (fournitures, carburant et réparations) pour la Garde côtière canadienne et la Marine canadienne. Les promoteurs du projet estiment que le port pourrait faciliter les opérations de recherche et de sauvetage, les exercices navals et la surveillance de l’activité maritime dans les eaux arctiques canadiennes.

Le coût total du projet est évalué à 554 millions de dollars (environ 110 millions de dollars pour le port et 440 millions pour la route). Une partie des fonds proviendrait de tierces parties (financement par emprunt qui serait remboursé par des péages et les droits d’usage du port)[247]. Les rentrées de fonds permettraient d’assurer seulement le quart du financement requis environ. Le reste dépend de l’aide des gouvernements. À l’heure actuelle, la KIA concentre ses efforts sur une demande de financement initiale de 22 millions de dollars dans le cadre du Fonds national des corridors commerciaux du gouvernement fédéral, pour faire en sorte que le projet soit « prêt à démarrer ». Or, l’organisation a indiqué qu’il n’existe actuellement aucun mécanisme fédéral lui permettant de demander le reste du financement. En d’autres mots, il reste à créer un programme fédéral qui avancerait le financement nécessaire pour un projet de cette envergure, qui ne garantit aucun rendement immédiat ou relativement proportionnel[248]. Le Fonds national des corridors commerciaux prévoit 400 millions de dollars pour les projets d’infrastructure de transport dans le Nord, soit moins que le coût total du projet[249]. Par ailleurs, la KIA a informé le Comité qu’il n’existe pas de programme spécialement conçu pour aider les promoteurs de projets autochtones à faire avancer leurs propositions.

On ne parle pas seulement de débouchés économiques perdus : le fait que les collectivités soient isolées des réseaux de transport a des coûts réels. Lors de son voyage dans le Nord, le Comité a appris que l’opération annuelle de ravitaillement par bateau à partir de Hay River, dans les Territoires du Nord-Ouest, vers les communautés éloignées de l’Arctique de l’Ouest était annulée en raison des conditions difficiles des glaces. Déjà en retard, cette opération est dirigée par Marine Transportation Services Limited, une entreprise du gouvernement territorial. Concrètement, cette annulation veut dire que les collectivités de Kugluktuk et de Cambridge Bay au Nunavut, et de Paulatuk dans les Territoires du Nord‑Ouest ne recevront pas des biens dont les gens ont grandement besoin, biens qu’ils avaient commandés et attendaient avec impatience (par exemple, des véhicules et des matériaux de construction). La nourriture et le carburant étaient livrés, semble-t-il, par avion, mais le reste demeurera dans un entrepôt chauffé à Inuvik jusqu’à l’opération de ravitaillement par navire de 2019[250]. Les intervenants ont insisté sur le fait que cette opération est le principal fil de survie des collectivités éloignées.

Recommandation 23

Le gouvernement du Canada, en étroite collaboration avec les gouvernements territoriaux, les organisations autochtones et les sociétés de développement autochtones, devrait s’efforcer de combler le déficit infrastructurel entre les collectivités du Nord et celles du Sud du pays, en mettant un accent particulier sur les transports et la connectivité. Les efforts déployés en ce sens devraient être appuyés par des mécanismes de financement à long terme qui sont suffisamment ambitieux pour permettre aux promoteurs de demander l’aide du gouvernement fédéral en vue de la réalisation de projets de renforcement de la nation.

Recommandation 24

Chaque fois que des fonds sont investis dans l’infrastructure de défense de l’Arctique canadien, le gouvernement du Canada devrait analyser les besoins des populations civiles de la région environnante pour que les investissements profitent le plus possible aux collectivités du Nord.

Science et savoir

Pour comprendre les changements climatiques qui se produisent dans l’Arctique et favoriser la coopération internationale nécessaire pour assurer l’adaptation à ces changements, une forte capacité scientifique sera requise. Or, le Comité a entendu que l’Arctique est l’une des régions les moins bien comprises du monde par les scientifiques. Selon Savoir polaire Canada, « [l]e Canada a sur son territoire 25 % de l’ensemble de la région arctique, mais sa capacité de recherche n’est pas suffisante pour mener une surveillance adéquate de ses écosystèmes et des répercussions du changement climatique[251] ». L’agence dispose d’un budget de 20 millions de dollars pour faire avancer les sciences et le savoir polaires[252]. Lors de sa rencontre avec le personnel de l’agence au nouveau campus de la Station canadienne de recherche dans l’Extrême‑Arctique (SCREA) à Cambridge Bay, le Comité a entendu qu’une injection de ressource permettrait de faire beaucoup plus.

Figure 24 — La Station canadienne de recherche dans l’Extrême-Artique

Photo des membres du Comité des affaires étrangères, debout à côté d’une œuvre autochtone à l’intérieure de la Station canadienne de recherche dans l’Extrême-Arctique, à Cambridge Bay.

Rencontre de la délégation avec les représentants de Savoir polaire Canada à la Station canadienne de recherche dans l’Extrême‑Arctique à Cambridge Bay, au Nunavut, le 2 octobre 2018.

Cela dit, des progrès importants ont été réalisés. Même si elle en est encore à ses balbutiements, la SCREA a déjà réalisé 2 200 jours de recherche. Essentiellement, la SCREA se veut un centre de recherche de calibre mondial qui peut attirer des scientifiques de toutes les régions du Canada et du monde entier. La recherche polaire suscite énormément d’intérêt, et cela non seulement parmi les États arctiques. La station a ouvert ses portes à des chercheurs du Royaume-Uni, de l’Allemagne, de la Corée du Sud et d’autres pays. Elle veut devenir un centre d’attraction ou carrefour qui permettra au Canada de mettre à profit les capacités de recherche. Elle a entre autres pour objectif de devenir la première bibliothèque de codes-barres d’ADN de l’Arctique dans le monde. Pour simplifier, une telle bibliothèque permettrait aux scientifiques d’identifier très rapidement les espèces. Pour tous les projets réalisés en passant par la SCREA, les données et les résultats obtenus sont partagés.

L’Accord sur le renforcement de la coopération scientifique internationale dans l’Arctique du Conseil de l’Arctique souligne l’importance de la coopération internationale en matière de recherche scientifique[253]. Le but de ce document exécutoire est « de renforcer la coopération dans les activités scientifiques pour accroître l’efficacité et l’efficience dans le domaine du développement du savoir scientifique concernant l’Arctique ». Témoin des travaux en cours à la Station et des possibilités que présentent les laboratoires et espaces de travail à la fine pointe de la technologie, le Comité a la ferme impression que le Canada peut être un chef de file en matière de diplomatie scientifique dans l’Arctique. Les avantages sont clairs du point de vue de la coopération circumpolaire, mais aussi sur le plan de la collaboration avec des instituts scientifiques polaires d’États non polaires, comme la Chine. L’ouverture à la collaboration scientifique est une occasion non seulement d’élargir les connaissances, mais aussi de promouvoir les normes, règles et pratiques canadiennes en matière de recherche. Il y a aussi des avantages pour la communauté locale. En tant que dirigeant de Savoir polaire Canada, David Scott a souligné au Comité que les jeunes de Cambridge Bay peuvent maintenant se tourner vers la Station et envisager de devenir des scientifiques.

Sur le plan stratégique national, la Station se voit également comme un exemple de réconciliation à l’œuvre. Elle s’efforce entre autres de tenir compte du savoir traditionnel dans la conception, la planification et l’exécution de projets de recherche scientifique. L’idée est de combiner les deux approches dans la mesure du possible. Durant l’étude, il a été très souvent question du savoir traditionnel. C’est pourquoi le Comité a cherché à mieux comprendre le sens et l’importance de ce concept. Mme Dickson, du Conseil des Athabaskans de l’Arctique, a souligné que « le savoir traditionnel est au cœur de tout ce que nous faisons ». Il s’agit d’une approche en matière de savoir et d’expertise qui est axée sur la continuité. Mme Dickson a expliqué que la seule raison pour laquelle on utilise le qualificatif « traditionnel », c’est parce que le savoir « remonte très loin, mais il évolue encore et est encore très vivant ». Selon elle, le savoir traditionnel, c’est « le respect des terres, parce que celles-ci nous nourrissent, le respect des animaux qui offrent leur vie pour que nous puissions vivre, et c’est l’effort de traiter tout le monde avec respect[254] ».

Le concept de savoir traditionnel est aussi expliqué dans le mémoire du Conseil tribal des Gwich’in, qui décrit la vision du futur de cette bande : « le passé lointain se trouvera dans le futur ». Le savoir n’est donc pas un concept statique. S’appuyant sur cette vision, le Conseil tribal des Gwich’in affirme qu’il faut « mener des recherches approfondies pour consigner le savoir que possèdent nos aînés et les piégeurs traditionnels[255] ».

Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a tenté d’élargir le programme de recherche dans son champ de compétence. Le Comité a reçu une copie de Knowledge Agenda: Northern Research for Northern Priorities, le cadre décrivant l’approche adoptée par le gouvernement. Utilisé partout dans le document, le terme « savoir » est défini comme étant « la connaissance théorique ou pratique d’un sujet[256] ». Le terme est donc neutre en ce qui concerne la méthode d’acquisition du savoir. Cela dit, le Comité a entendu qu’il y a peu d’exemples de projets de recherche combinant avec succès le savoir traditionnel et scientifique. On tend à favoriser une approche ou l’autre, ou à les utiliser en parallèle. L’intégration des deux approches semble poser des difficultés.

De manière plus générale, le Comité a également entendu que le programme national de recherche dans le Nord — et le financement connexe — est largement déterminé et dirigé par des chercheurs et des organes de recherche du sud du pays, ce qui préoccupait les intervenants. À ce jour, une grande partie du programme ne tient pas compte des priorités en matière de recherche des populations autochtones et nordiques ou n’y accorde pas assez d’attention. Les sciences biologiques et physiques continuent de dominer. Pourtant, comme l’a entendu le Comité, les collectivités aimeraient qu’il y ait plus de recherches axées sur la santé ainsi que sur des questions sociales et économiques, ou encore de recherches visant à comprendre les interactions entre celles‑ci. L’adaptation au changement climatique est également une source de préoccupation grandissante pour les communautés. Bref, les populations autochtones et du Nord souhaitent que le programme de recherche tienne compte de leur réalité et s’attaque directement aux problèmes auxquels elles font face. Savoir polaire Canada s’efforce de faire en sorte que son programme de recherche pour 2020‑2025 prenne en compte les résultats de consultation auprès des collectivités locales. Un appel public a été lancé afin d’obtenir l’avis des gens, et les résultats de cet appel seront publiés en 2019.

Le Comité est d’accord avec l’idée que la recherche dans le Nord devrait être conçue et dirigée par le Nord, dans la mesure du possible. Le Comité a été encouragé d’apprendre que Savoir polaire Canada déployait des efforts pour chercher à comprendre les priorités locales en matière de recherche. Il espère que la capacité intellectuelle regroupée au sein de la SCREA reflétera la même chose. Encore là, l’information transmise au Comité montre qu’il faut en faire plus pour recenser et cultiver le savoir traditionnel afin de pouvoir l’intégrer de manière concrète aux programmes de recherche nationaux et internationaux.

Recommandation 25

Le gouvernement du Canada devrait s’assurer que les organismes de recherche relevant de sa compétence tiennent des consultations significatives avec les collectivités autochtones et d’autres personnes qui vivent et travaillent dans l’Arctique pour veiller à ce que le programme canadien de recherche sur l’Arctique tienne compte de leurs priorités et de leurs points de vue.

Recommandation 26

Le gouvernement du Canada devrait soutenir les initiatives autochtones qui permettent de recueillir, de consigner et d’analyser le savoir traditionnel autochtone sur l’Arctique dans le cadre de la conception, de la planification et de l’exécution de la recherche sur l’Arctique.

Il reste un dernier point à aborder concernant les sciences : le pôle Sud. Selon la Loi sur la Station canadienne de recherche dans l’Extrême‑Arctique, l’un des objectifs de la Station est « de promouvoir le développement et la diffusion des connaissances relatives aux autres régions circumpolaires, y compris l’Antarctique[257] ». Même s’il semble étrange d’aborder la question dans le contexte d’un rapport sur l’Arctique, des intervenants ont rappelé au Comité que l’on trouve dans l’Antarctique la plus grande nappe glacière. Puisque cette région contrôle les systèmes climatiques et océaniques planétaires, il est important de comprendre ce qui s’y passe pour bien saisir ce qui arrive dans d’autres régions du monde. Par exemple, il est essentiel de chercher à comprendre les changements éventuels des niveaux des mers, lesquels pourraient avoir d’importantes répercussions sur les Canadiens, y compris les collectivités côtières du Nunavut.

Les Canadiens sont présents dans l’Antarctique. Selon Savoir polaire Canada, « les chercheurs canadiens spécialistes de l’Antarctique proviennent de 15 universités canadiennes différentes et quatre organismes du gouvernement fédéral[258] ». De plus, 5 % des touristes dans l’Antarctique étaient des Canadiens en 2015‑2016, plaçant le Canada au sixième rang. Des entreprises canadiennes sont également actives dans la région; elles y exploitent et entretiennent des aéronefs ainsi que d’autres équipements et technologies à l’appui de la recherche dans la région. Le Comité a toutefois appris que Savoir Polaire Canada reçoit des fonds seulement pour l’Arctique.

L’absence de programme de recherche fédéral sur l’Antarctique a une incidence sur le rôle du Canada en matière de diplomatie scientifique. Pour comprendre pourquoi, il faut donner un peu de contexte. Interdisant toute activité militaire, le Traité sur l’Antarctique protège l’Antarctique, faisant d’elle une région géographique réservée à des fins pacifiques. Le Traité garantit aussi la liberté de recherche et de coopération scientifiques. Il a été négocié en 1959 par les 12 pays signataires originaux : l’Afrique du Sud, l’Argentine; l’Australie; la Belgique, le Chili, les États‑Unis, la France, le Japon, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, le Royaume-Uni et la Russie. Depuis, 41 autres pays ont adhéré au traité, y compris le Canada. Or, pour participer aux réunions consultatives du Traité, une nation (ou « partie contractante » selon le Traité) doit démontrer « l’intérêt qu’elle porte à l’Antarctique en y menant des activités substantielles de recherche scientifique telles que l’établissement d’une station ou l’envoi d’une expédition[259] ». Conformément à cette disposition, 17 pays, dont le Brésil, la Chine, l’Inde et la Corée du Sud, ont fait reconnaître leurs activités dans l’Antarctique et participent aux prises de décisions dans le cadre des réunions consultatives. Les autres États sont invités à ces réunions et peuvent contribuer aux discussions[260]. Autrement dit, le Canada n’a pas le droit de vote durant ces réunions. En fait, le Comité a été informé que le Canada est le seul pays du G7 à ne pas faire partie de la structure de prise de décisions au sujet de l’Antarctique[261].

Recommandation 27

Le gouvernement du Canada devrait s’employer à établir un programme canadien de recherche sur l’Antarctique, placé sous la direction de Savoir polaire Canada, pour qu’une activité de recherche scientifique importante s’y tienne.

CONCLUSION : AU-DELÀ DE LA « SOUVERAINETÉ » DANS L’ARCTIQUE

 

Le présent rapport aborde un grand nombre de dossiers importants. Il est rare pour un Comité de la Chambre des communes de s’attaquer à autant de questions — droit international, défense du continent, changement climatique, sûreté maritime, droits autochtones, développement de l’infrastructure, science — dans un seul rapport. À bien des égards, l’étude s’est avérée un véritable iceberg. Se penchant initialement sur les actions et les intentions de la Russie et de la Chine dans l’Arctique, le Comité a découvert que sous toutes ces questions géopolitiques se trouvait une grande idée étroitement liée à tout le reste. Pour assurer la souveraineté dans l’Arctique, le gouvernement canadien doit exercer un contrôle exclusif et efficace du territoire qui lui appartient. Il doit aussi aider à créer des collectivités solides et à habiliter les populations arctiques.

En fait, le Comité en est arrivé à la conclusion que l’enjeu fondamental auquel fait face le Canada dans l’Arctique aujourd’hui n’en est pas un de « souveraineté ». Après avoir étudié la question, il est d’avis que les défis que le Canada doit relever dans cette région touchent à la fois la sécurité, la défense nationale, l’intendance, le mieux‑être et la prospérité. Il semble donc que, pour le Canada, il soit improductif de continuer d’envisager ces défis en se demandant si sa souveraineté sur les terres et les eaux canadiennes, qui sont assujetties aux lois et aux règlements canadiens et à l’exercice général de l’autorité de l’État du Canada, est affaiblie d’une façon ou d’une autre. En effet, l’Arctique fait fondamentalement partie du Canada et il en est indissociable, à l’instar des régions du Pacifique et de l’Atlantique du pays. Les membres du Comité, qui représentent différentes régions du Canada et différents partis politiques, estiment qu’ils peuvent poser un geste important en appuyant l’idée voulant qu’il soit temps d’aller au‑delà de la question de la souveraineté dans l’Arctique, qui préoccupe le pays depuis longtemps. Le Comité espère que son rapport aidera à recentrer le débat national sur la nécessité de concrétiser les aspirations du Nord grâce à des partenariats signicatifs, notamment avec les collectivités autochtones, et sur le renforcement de la sécurité et de la défense nationale dans l’Arctique au moyen d’investissements réels dans les capacités.

Cela dit, le Comité croit quand même qu’il ne suffit pas d’énoncer des objectifs. En effet, s’ils ne reposent sur aucun mécanisme de reddition de comptes et sur aucun geste concret, de tels objectifs resteront de vaines paroles. Au cours de son étude, il a été difficile pour le Comité de se faire une idée ferme de l’ensemble des efforts réalisés par le gouvernement fédéral et des résultats obtenus. Le Comité a entendu que les habitants du Nord font affaire avec un grand nombre de représentants fédéraux, qui ne sont pas nécessairement au courant des différents aspects de la politique dans l’Arctique. Le Comité a constaté qu’une plus grande harmonisation et responsabilisation est nécessaire dans le contexte des activités fédérales dans le Nord, et que pour cela, il faut bien comprendre dans quelle mesure les ministres s’acquittent de leurs responsabilités et assurent une coordination. À l’heure actuelle, d’immenses efforts doivent être réalisés pour obtenir un véritable portrait de la situation. Le Comité estime qu’il est essentiel de produire des rapports, qui sont accessibles au public et qui décrivent sans détour l’ampleur des problèmes qui existent et du travail qu’il reste à faire. Ce genre de rapports n’apaiseraient pas en soi les frustrations des gens qui attendent que des mesures concrètes soient prises, mais ceux-ci n’auraient au moins pas à se battre pour savoir où en sont les choses. Ces rapports serviraient aussi de points de référence et pourraient éclairer les discussions sur les mesures à prendre pour aller de l’avant.

Recommandation 28

Le gouvernement du Canada devrait présenter au Parlement un rapport annuel portant sur le rôle et les responsabilités du gouvernement fédéral dans l’Arctique canadien, les ressources budgétaires accordées pour atteindre des cibles stratégiques précises et les résultats obtenus à l’aide de ces fonds, et ce en partenariat avec les gouvernements territoriaux et les organisations autochtones.


[1]              Affaires autochtones et du Nord Canada, Vers un Cadre stratégique pour l’Arctique; et gouvernement du Canada, Déclaration ministérielle commune : Vers un nouveau cadre stratégique pour l’Arctique, 15 novembre 2017.

[2]              Mémoire présenté par Stephanie Pezard, RAND Corporation, 26 novembre 2018.

[3]              J. Richter-Menge, J.E. Overland, J.T. Mathis et E. Osborne, « Executive Summary », Arctic Report Card: Update for 2017, 17 novembre 2017 [traduction].

[4]              Ibid. Selon le National Snow and Ice Data Center des États-Unis, en septembre 2018, l’étendue de la banquise arctique était semblable à celle de 2008, se situant au 6e rang des valeurs les plus basses enregistrées par satellite. C’est-à-dire qu’en septembre 2018, l’étendue minimale de la glace marine était de 1,70 million de kilomètres carrés (ou 656 000 milles carrés) inférieure à la moyenne de 1981 à 2010, et de 1,14 million de kilomètres carrés (ou 440 000 milles carrés) au-dessus du niveau le plus bas enregistré en septembre 2012. Voir : National Snow and Ice Data Center des États-Unis, « Arctic summer 2018 : September extent ties for sixth lowest, » Arctic Sea Ice News & Analysis, 8 octobre 2018. En ce qui concerne précisément les eaux arctiques nord-américaines, le Service canadien des glaces dit que début septembre 2017, l’étendue minimale de la glace de mer se situait au 9e rang parmi les valeurs les plus basses enregistrées depuis 1971 (la couverture minimale ayant été observée en 2012). Voir : Service canadien des glaces, Résumé saisonnier : Eaux arctiques de l’Amérique du Nord, été 2017. Environnement et Changement climatique Canada.

[5]              Document d’information fourni par Environnement et Changement climatique Canada, septembre 2018.

[6]              Ibid.

[7]              Mémoire présenté par le Conseil circumpolaire inuit du Canada, 31 octobre 2018.

[8]              Pour en savoir plus, voir : « All under heaven: China’s belt-and-road plans are to be welcomed – and worried about », The Economist, 26 juillet 2018; « Gateway to the globe: China has a vastly ambitious plan to connect the world », The Economist, 26 juillet 2018; Maria Abi-Habib, « How China Got Sri Lanka to Cough Up a Port », The New York Times, 25 juin 2018; et Jane Perlez et Yufan Huang, « Behind China’s $1 Trillion Plan to Shake Up the Economic Order », The New York Times, 13 mai 2017.

[9]              Département de la Marine des États-Unis, Harry S. Truman Strike Group Enters Arctic Circle, Prepares for NATO Exercise, 19 octobre 2018.

[10]           Organisation du Traité de l’Atlantique Nord [OTAN], Trident Juncture 18, communiqué, dernière mise à jour le 31 octobre 2018 [disponible en anglais seulement]; et Forces armées norvégiennes, Facts and information: Exercise Trident Juncture 2018 (TRJE18).

[11]           La mission Trident Juncture 2018 a mobilisé le 29 pays membres de l’OTAN : l’Albanie, l’Allemagne, la Belgique, la Bulgarie, le Canada, la Croatie, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, les États‑Unis, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Islande, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, le Monténégro, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Slovaquie, la Slovénie, et la Turquie, ainsi que la Finlande et la Suède, pays partenaires de l’OTAN.

[13]            Défense nationale, Des troupes canadiennes participent au plus important exercice de l’OTAN au cours des dernières années, communiqué, 25 octobre 2018.

[15]            Les Russes ont fait d’autres exercices militaires dans l’Arctique. « En septembre 2017, la flotte du Nord a fait de grandes manœuvres dans l’Arctique auxquelles ont participé 50 navires militaires et de ravitaillement, 30 aéronefs, ainsi que des sous-marins nucléaires et diesel. Ces exercices ont été menés essentiellement en parallèle avec ceux de l’opération stratégique Zapad 2017 (Occident 2017) dans l’ouest de la Russie et au Bélarus » [traduction]. Voir : Alex Kokcharov et Elena Ostanina « Russia to increase its military capabilities in Arctic region to project power and protect its commercial opportunities », Jane’s Intelligence Weekly, 28 décembre 2017.

[16]            Ambassade de la Fédération de Russie au Royaume de Suède, « Summary on the ‘East-2018’ exercise ».

[17]            Ministère de la Défense de la Fédération de Russie, « Des formations motorisées arctiques de la flotte du Nord ont traversé la péninsule Tchouktche », 14 septembre 2018.

[18]            Nikolai Novichkov, « Russian Navy fires Bastion in the Arctic », Jane’s Defence Weekly, 27 septembre 2018.

[19]            Ministère de la Défense de la Fédération de Russie, Groupe arctique de la flotte du Nord a effectué le débarquement à Tchoukotka, 11 septembre 2018.

[20]            Selon une analyse du Jane’s Defence Weekly, « le nombre de militaires russes ayant pris part à l’opération Vostok 2018 a été grandement exagéré; il a été gonflé de 60 % ou plus ». Les auteurs affirment que « Moscou veut d’abord impressionner et montrer que la Russie est aussi puissante que n’importe quel autre joueur, sur la scène internationale, du moins militairement parlant ». Voir : Miko Vranic et Samuel Cranny-Evans, « Analysis: ‘Vostok 2018’ – a window on Russia’s strategic ambitions », Jane’s Defence Weekly, 17 septembre 2018 [traduction].

[21]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018. Le 20 juillet 2017, le président Vladimir Poutine a signé un décret pour approuver les principes de base de la politique navale de la Russie jusqu’en 2030. Selon une traduction de ce document, la Russie voit plusieurs risques et menaces pour sa sécurité nationale en raison des velléités de certains sur les mers du monde. Cela inclut « les aspirations d’une série d’États, essentiellement les États‑Unis d’Amérique et leurs alliés, à dominer les océans de la planète, y compris l’océan Arctique, et à imposer la supériorité écrasante de leurs forces navales » [traduction]. Voir : Fundamentals of the State Policy of the Russian Federation in the Field of Naval Operations for the Period Until 2030, traduit du russe vers l’anglais par Anna Davis, Russia Maritime Studies Institute, U.S. Naval War College, Newport, Rhode Island, 2017. Selon la stratégie maritime russe de 2015, l’Atlantique, l’Arctique, le Pacifique, la mer Caspienne, ainsi que les océans Indien et Antarctique sont des « zones prioritaires régionales ». La politique pour la zone arctique « est déterminée par la priorité visant à garantir le libre accès de la flotte russe aux océans Atlantique et Pacifique; par l’abondance des ressources naturelles dont regorgent la zone économique exclusive et le plateau continental de la Fédération de Russie; par l’importance croissante de la Route maritime du Nord pour le développement durable et la sécurité de la Fédération de Russie; et par le rôle décisif de la flotte du Nord dans la défense du pays contre des menaces venant des mers ou des océans » [traduction]. Toujours selon cette stratégie, la Russie s’engage également à se constituer une flotte de brise-glaces nucléaires. Voir : Maritime Doctrine of the Russian Federation, traduit du russe vers l’anglais par Anna Davis, Russia Maritime Studies Institute, U.S. Naval War College, Newport, Rhode Island, 2015.

[22]            Les sous-marins nucléaires russes lanceurs d’engins peuvent lancer des missiles balistiques intercontinentaux « pendant qu’ils sont à la surface et amarrés dans leur port d’attache; pendant qu’ils patrouillent dans les eaux protégées des mers autour de la Russie; ou après avoir refait surface en traversant la couche de glace, lors d’une patrouille sous la banquise arctique » [traduction]. Voir : United States Navy, Office of Naval Intelligence, The Russian Navy: A Historic Transition, Washington (D.C.), décembre 2015, p. 10.

[23]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018.

[24]            Ibid.

[25]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 juin 2018. À ce sujet, Mme Pezard a fait observer que durant les années 1990, les infrastructures et l’équipement militaires russes dans l’Arctique « ont sombré dans le chaos ». De son point de vue, il importe de se rappeler que « la remilitarisation de l’Arctique russe s’amorce donc depuis un bas niveau ». Voir : mémoire présenté par Stephanie Pezard, RAND Corporation, 26 novembre 2018.

[26]            Mémoire présenté par Fréderic Lasserre, directeur du Conseil québécois d’études géopolitiques, Université Laval, janvier 2019.

[27]            Le Comité a appris que la Russie tire environ 20 à 23 % de son produit intérieur brut (PIB) global de ses territoires du Nord. La Route maritime du Nord est névralgique depuis quelque temps déjà. Selon un rapport soumis au Comité, 331 navires cargos ont effectué 1 306 voyages, en 1987, sur la Route maritime du Nord. Le premier brise-glace nucléaire de l’Union soviétique, le Lénine, est devenu opérationnel en 1960. La portion occidentale de la Route maritime du Nord « reste ouverte toute l’année jusqu’au port de Doudinka, sur le fleuve Ienisseï, depuis la fin des années 1970 » [traduction]. Voir : Arild Moe et Lawson Brigham, « Organization and Management Challenges of Russia’s Icebreaker Fleet », Geographical Review, 2016.

[28]            Mémoire présenté par Stephanie Pezard, RAND Corporation, 26 novembre 2018. Mme Pezard considère que la Route maritime du Nord (RMN) est déjà une voie importante pour le transport maritime intérieur. Elle précise qu’en « 2017, une quantité record de 9,74 millions de tonnes de biens – en particulier du gaz, du pétrole, des céréales et du charbon – est passée par la RMN ».

[29]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 14 juin 2018.

[30]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 septembre 2018.

[31]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018.

[32]            Le « concept de bastion » de défense a été au cœur de l’approche stratégique de l’Union soviétique dans l’Atlantique Nord à partir des années 1960. Selon John Andreas Olsen, le concept, « axé sur la défense et la sécurisation des forces nucléaires soviétiques basées en mer à proximité de la presqu’île de Kola, était la raison d’être de la flotte du Nord ». Il explique que « la marine soviétique a cherché à exercer son contrôle sur la mer de Norvège – couvrant la vaste zone comprise entre le nord de la Norvège et la côte est du Groenland, y compris l’île norvégienne du Spitzberg – et à interdire l’espace maritime jusqu’aux points de passage [du Groenland, de l’Islande et du Royaume-Uni] ». Toujours selon M. Olsen, « la Russie s’est donné comme priorité stratégique de rétablir une marine offensive pour les opérations dans l’Atlantique Nord ». En outre, « la Russie s’est engagée à revitaliser et à actualiser le concept de bastion et cela restera le facteur déterminant de la planification de défense de l’OTAN dans le Nord dans un avenir prévisible ». Voir : John Andreas Olsen, « Introduction: The Quest for Maritime Supremacy », dans NATO and the North Atlantic: Revitalising Collective Defence, Whitehall Papers, vol. 87, no 1, 2016, p. 3 à 4 et 6.

[33]            Mémoire présenté par Stephanie Pezard, RAND Corporation, 26 novembre 2018.

[34]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 septembre 2018. Dans leur mémoire au Comité, Andrea Charron et James Fergusson, tous deux de l’Université du Manitoba, avancent un argument semblable. Voici ce qu’ils ont écrit : « L’agression russe est manifeste partout dans le monde, mais nous n’avons pas encore vu de projets russes visant à prendre le contrôle du territoire arctique canadien. Même avec la reprise des vols militaires russes au-dessus de l’océan Arctique à l’approche du territoire canadien, les pilotes russes se sont montrés prudents pour ce qui est de respecter l’espace aérien canadien, conscients des conséquences possibles d’une brèche importante et persistante. »

[35]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018.

[36]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2018.

[37]            Ibid.

[38]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018. Le Conseil de l’Atlantique Nord « est le principal organe de décision politique à l’OTAN ». Il est présidé par le secrétaire général de l’OTAN, et chaque pays membre y est représenté. Le Conseil « peut se réunir au niveau des représentants permanents (ambassadeurs), au niveau des ministres de la Défense et des Affaires étrangères et au niveau des chefs d’État et de gouvernement ». Les décisions du Conseil « sont prises sur la base de l’unanimité et du commun accord ». Voir : OTAN, Le Conseil de l’Atlantique Nord, 10 octobre 2017.

[39]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018.

[40]            Mémoire présenté par Stephanie Pezard, RAND Corporation, 26 novembre 2018.

[41]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018. Écrivant sur cette question en 2012, Mme Conley a fait remarquer ceci : « Au sein de l’Alliance, il n’y a actuellement aucun consensus sur le rôle qu’a à jouer l’OTAN dans l’Arctique, puisque le Canada s’oppose fermement à toute intervention de l’OTAN pour des raisons de souveraineté et que les autres pays membres de l’Alliance s’inquiètent d’une réaction négative de la Russie » [traduction]. Voir : Heather A. Conley (auteure principale), Terry Toland, Jamie Kraut et Andreas Osthagen, A New Security Architecture for the Arctic: An American Perspective, Center for Strategic and International Studies, Washington (D.C.), janvier 2012, p. 30. Lors d’une conférence de presse tenue en avril 2018, conjointement avec le premier ministre du Canada, le secrétaire général de l’OTAN a fait la remarque suivante: « Nous avons toujours dit que les tensions dans le Grand Nord sont faibles, et je pense que nous devons continuer d’éviter une course aux armements et des tensions plus fortes. En même temps, en tant qu’alliés au sein de l’OTAN, nous devons réagir lorsque nous constatons une présence accrue de la Russie dans l’Atlantique Nord, dans le Nord, en déployant davantage de forces navales, de sous-marins, de navires, etc. » [traduction]. Voir : OTAN, Joint press conference with NATO Secretary General Jens Stoltenberg and the Prime Minister of Canada, Justin Trudeau, 4 avril 2018 [disponible en anglais seulement]. Dans sa nouvelle politique de défense de 2017, Protection, Sécurité, Engagement, le Canada dit qu’il effectuera « des exercices conjoints avec [ses] alliés et [ses] partenaires dans l’Arctique, et contribuer[a] au renforcement de la connaissance de la situation et des moyens d’échange d’information dans la région, notamment avec l’OTAN » (p. 80).

[42]            Mémoire présenté par Stephanie Pezard, RAND Corporation, 26 novembre 2018.

[43]            Pour voir le texte intégral de ces accords, cliquer ici [disponible en anglais seulement].

[46]            En vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, les États côtiers ont droit à une zone économique exclusive (ZEE) qui s’étend jusqu’à 200 milles marins au-delà de leur mer territoriale (voir article 57). La ZEE du Canada dans l’Arctique va jusqu’aux lignes de base tracées sur le pourtour des îles de son archipel. Dans leur ZEE, les États côtiers ont des droits souverains pour l’exploration et l’exploitation, la conservation et la gestion des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques « des eaux surjacentes aux fonds marins, des fonds marins et de leur sous-sol » (voir article 56). Ces États ont également compétence sur la protection et la préservation de l’environnement marin. Et les navires de tous les autres États peuvent naviguer librement dans ces ZEE.

[47]            Département d’État des États-Unis, Meeting on High Seas Fisheries in the Central Arctic Ocean, 28‑30 novembre 2017: Chairman’s Statement, Washington, DC, 30 novembre 2017.

[48]            La Barents Cooperation a commencé en 1993 avec la Kirkenes Declaration. Elle a deux composantes : le Conseil intergouvernemental euro‑arctique de la mer de Barents et le Conseil régional de la mer de Barents. Les pays membres du Conseil euro‑arctique de la mer de Barents sont : le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Russie et la Suède; la Commission européenne en fait également partie. Le Canada est parmi les pays observateurs. Environ 14 régions de Finlande, de Norvège, de Russie et de Suède sont membres du Conseil régional de la mer de Barents.

[49]           Organisation maritime internationale (OMI), L’entrée en vigueur d’un instrument de l’OMI marque un véritable tournant pour la protection du milieu polaire, 1er janvier 2017. Pour voir le texte intégral, cliquer ici. L’OMI est une institution spécialisée des Nations Unies. Elle se décrit comme étant « l’autorité mondiale chargée d’établir des normes pour la sécurité, la sûreté et la performance environnementale des transports maritimes internationaux ». Il y a 174 pays membres de l’OMI. Les huit États membres du Conseil de l’Arctique sont aussi membres de l’OMI.

[50]            Par exemple, au terme de plusieurs années de négociation, en juin 2011, la Russie et la Norvège ont conclu un traité bilatéral délimitant leurs frontières maritimes dans la mer de Barents et l’océan Arctique. Pour voir le texte intégral de ce traité, cliquer ici [disponible en anglais seulement].

[51]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 26 novembre 2018 (Pertti Salolainen).

[52]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 juin 2018.

[53]            La dernière réunion du Groupe de travail sur l’Arctique et le Nord de la Commission économique intergouvernementale Canada-Russie remonte à janvier 2014. La Commission devait se concentrer sur les questions d’échanges bilatéraux et de coopération dans le domaine des sciences et de la recherche dans l’Arctique. Elle ne s’est pas réunie depuis le début de la crise ukrainienne.

[55]            Heather A. Conley, China’s Arctic Dream, Center for Strategic and International Studies, février 2018.

[56]            Heather A. Conley et Jon Rahbek-Clemmensen, « Arctic Temperatures and Greenland Politics Heat Up », Commentary, Center for Strategic and International Studies, 9 mars 2018; Mingming Shi et Marc Lanteigne, « The (Many) Roles of Greenland in China’s Developing Arctic Policy », The Diplomat, 30 mars 2018; et Mary Thompson-Jones, « Why America Should Lose Sleep Over Greenland (Think China) », The National Interest, 18 avril 2018. Le Groenland a acquis son autonomie en 2009, mais le Danemark a gardé le contrôle des affaires étrangères et de la défense sur ce territoire.

[57]            Camilla T. N. Sørensen, « China as an Arctic Great Power », Policy Brief, Collège royal danois de la défense, février 2018 [disponible en anglais seulement].

[58]            Service du renseignement en matière de défense du Danemark, Intelligence Risk Assessment 2017: An assessment of developments abroad impacting on Danish security [traduction], p. 45.

[59]            République populaire de Chine, Bureau de l’information du Conseil des affaires de l’État, Full text: China’s Arctic Policy, 26 janvier 2018. [traduction].

[60]            Ibid.

[61]            Ibid.

[62]            Ibid.

[63]            Mémoire présenté par Jessica M. Shadian, novembre 2018.

[64]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 juin 2018.

[65]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 septembre 2018.

[66]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018.

[67]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2018.

[68]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 juin 2018.

[69]            Conseil de l’Arctique, Observers, 7 mai 2015 [traduction].

[70]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018.

[71]            Société régionale Inuvialuit, Convention définitive des Inuvialuit.

[72]            Mémoire présenté par la Société régionale Inuvialuit, octobre 2018 [traduction].

[73]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2018.

[74]            Gouvernement du Canada, Présentation des excuses pour la réinstallation d’Inuits dans l’Extrême Arctique, 18 août 2010, Inukjuak, Nunavik.

[75]            « Appendix A: Royal Commission on Aboriginal Peoples, The High Arctic Relocation: A Report on the 1953-55 Relocation (excerpts) », dans Shelagh D. Grant, ‘Errors Exposed’: Inuit Relocations to the High Arctic, 1953-1960, 2016, p. 413 [traduction].

[76]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 26 septembre 2018.

[77]            L’Accord entre les Inuits de la région du Nunavut et Sa Majesté la Reine du chef du Canada, tel que modifié, version consolidée, les modifications incluses dans le document ci-joint vont jusqu’au 29 janvier 2009, Affaires indiennes et du Nord Canada et Nunavut Tunngavik Incorporated, mai 2013.

[78]            Ibid.

[79]            Tiré du mémoire présenté par le CCI‑Canada, 31 octobre 2018.

[80]            Ibid.

[82]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 juin 2018.

[83]            Ibid.

[84]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 17 octobre 2018.

[85]            Nations Unies, Division des affaires maritimes et du droit de la mer, Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS), 10 décembre 1982, articles 37-39.

[86]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018.

[87]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 juin 2018.

[88]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 17 octobre 2018.

[89]            Ibid. Cela dit, M. Lajeunesse a fait une mise au point au sujet de sa déclaration. À son avis, « [l]’administration américaine actuelle a une manière de procéder très différente de celle de tous ses prédécesseurs, et est beaucoup plus encline à obtenir des victoires à court terme, même des victoires symboliques, aux dépens de partenariats de longue date ». Par conséquent, même s’il ne s’agit peut-être que d’« une hypothèse », il pense que « le Canada devrait être prêt à voir la question du passage du Nord-Ouest redonner lieu à un conflit diplomatique ».

[90]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 17 octobre 2018.

[91]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 juin 2018.

[92]            Accord entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique sur la coopération dans l’Arctique, Affaires mondiales Canada, Traité F101701 – RTC 1988 No 29.

[93]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 17 octobre 2018.

[94]            Département américain de la Défense, Report to Congress on Strategy to Protect United States National Security Interests in the Arctic Region, décembre 2016, p. 6 et 7.

[95]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018. Pour de plus amples détails, voir : Suzanne Lalonde et Frédéric Lasserre, « The Position of the United States on the Northwest Passage: Is the Fear of Creating a Precedent Warranted? », Ocean Development & International Law, vol. 44, no 1, 2013.

[96]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 17 octobre 2018.

[97]            Ibid.

[98]            FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 juin 2018.

[99]            Ibid.

[100]         FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018. Les dispositions applicables de l’UNCLOS sont les articles 21, 56, 245 et 246.

[101]          Correspondance électronique avec la professeure Lalonde.

[102]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 17 octobre 2018.

[103]          République populaire de Chine, Bureau de l’information du Conseil des affaires de l’État, Full text: China’s Arctic Policy, 26 janvier 2018 [traduction].

[104]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018.

[105]          Ibid.

[106]          Ibid.

[107]          Ibid.

[108]          Ibid.

[109]          UNCLOS, article 77.

[110]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 14 juin 2018.

[111]          Pour en savoir plus sur la demande de la Russie faite en 2001, cliquer ici [disponible en anglais seulement].

[112]          Mémoire présenté par Suzanne Lalonde, octobre 2018; et échanges de courriels avec la professeure Lalonde.

[113]          La lettre du Canada datée du 30 novembre 2015 se trouve ici.

[114]          La demande faite par la Russie en 2015 peut être consultée en cliquant ici [disponible en anglais seulement].

[115]          Pour voir la demande qu’a présentée le Danemark en 2014 concernant le plateau continental du nord du Groenland, cliquer ici [disponible en anglais seulement].

[116]          Mémoire présenté par Suzanne Lalonde, octobre 2018.

[117]          Mémoire présenté par Suzanne Lalonde, octobre 2018. Lorsqu’on a interrogé le professeur Byers au sujet de la dorsale de Lomonosov, lors de sa comparution devant le Comité, il a expliqué que la Russie, le Canada et le Danemark croyaient tous que la dorsale de Lomonosov, qui traverse en son centre le plancher océanique arctique, était une extension naturelle de leur masse terrestre. Il a dit que dans la demande qu’il a présentée en 2014 à la Commission des limites du plateau continental des Nations Unies, le Danemark affirme que la dorsale en question est « un prolongement du Groenland [s’étendant] jusqu’à la zone économique exclusive russe, à 200 milles marins de la Russie ». Inversement, dans sa réponse, la Russie « a mis de l’avant des arguments scientifiques selon lesquels la dorsale [est] un prolongement du continent eurasien, mais, étonnamment, la requête ne concernait pas la totalité de la dorsale, seulement les deux tiers, environ ». Voir : FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018. Selon le professeur Lasserre, les chevauchements potentiels entre les plateaux continentaux revendiqués par la Russie et le Canada sont « minimes ». En revanche, la revendication danoise « empiète largement sur les revendications potentielles du Canada (et vice-versa, d’ailleurs) ». Voir le mémoire présenté par Fréderic Lasserre.

[118]          Mémoire présenté par Suzanne Lalonde, octobre 2018.

[119]          Ibid.

[120]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2018.

[121]          Stephanie Pezard, Abbie Tingstad, Kristin Van et Scott Stephenson, « Summary », Maintaining Arctic Cooperation with Russia: Planning for Regional Change in the Far North, RAND Corporation, 2017 [traduction].

[122]          La déclaration d’Ilulissat, Conférence sur l’océan Arctique, Ilulissat, Groenland, 28 mai 2008.

[123]          Déclaration des Inuits circumpolaires sur la souveraineté dans l’Arctique, Conseil circumpolaire inuit, avril 2009 [traduction].

[124]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 26 septembre 2018.

[125]          Ibid.

[126]          Mémoire présenté par l’ancien sénateur Charlie Watt, Société Makivik, septembre 2018.

[127]          Ibid.

[128]          Pour plus de renseignements, voir la Conférence intergouvernementale sur la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, Contexte.

[129]          Mémoire présenté par l’ancien sénateur Charlie Watt, Société Makivik, septembre 2018.

[130]          Dans le document fondateur du Conseil de l’Arctique, soit la Déclaration – Ottawa (1996), la catégorie des « participants permanents » a été créée pour « rendre possible la participation active des représentants des indigènes de l’Arctique et la pleine consultation de ceux-ci dans le cadre du Conseil ».

[131]          Mémoire présenté par CCI-Canada, 31 octobre 2018.

[132]          Ibid.

[133]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 26 septembre 2018. Selon le document fondateur du Conseil de l’Arctique , « [l]es États arctiques sont à tour de rôle l’hôte des réunions du Conseil de l’Arctique, assurent notamment ses fonctions de soutien d’un secrétariat ».

[134]          Séance d’information à Iqaluit, Nunavut, 30 septembre 2018.

[135]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 septembre 2018.

[136]          Document d’information de Transports Canada, septembre 2018. Le Centre des opérations de la sûreté maritime (COSM) de la côte Est est basé à Halifax. Le COSM réunit des représentants de la Défense nationale, de la Gendarmerie royale du Canada, du ministère des Pêches et des Océans, de la Garde côtière canadienne, de l’Agence des services frontaliers du Canada et de Transports Canada. Son but est d’appuyer une intervention nationale en cas de menaces à la sûreté maritime du pays. Les COSM permettent aux ministères et aux organismes partenaires d’échanger des renseignements de sécurité, ainsi que des informations sur la surveillance et la reconnaissance [traduction].

[137]          Du 21 décembre 2018 au mois de mai 2019, la gestion du trafic maritime dans l’Arctique et des opérations du Système de trafic de l’Arctique canadien (NORDREG) est assurée par le CSCTM de Prescott, en Ontario. Voir : Garde côtière canadienne, Les opérations de 2018 de la Garde côtière canadienne dans l’Arctique tirent à leur fin, 19 novembre 2018.

[138]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42législature, 19 septembre 2018.

[139]          Les textes complets de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada et de ses Règlements se trouvent ici; et ceux de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques et de ses Règlements, ici.

[140]          Transports Canada, Entrée en vigueur du nouveau Règlement sur la sécurité de la navigation et la prévention de la pollution dans l’Arctique – BSN No : 05/2018. D’après ce Règlement, les exigences de sécurité du Code polaire pour les bâtiments canadiens naviguant dans les eaux polaires et les navires étrangers naviguant dans une zone de contrôle de la sécurité de la navigation s’appliquent aux : bâtiments de charge d’une jauge brute de 500 tonneaux et plus, certifiés selon les modalités du chapitre 1 de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS); les bâtiments à passagers certifiés selon les modalités du chapitre 1 de SOLAS; et les bâtiments d’une jauge brute de 500 tonneaux et plus qui n’entrent pas dans les deux catégories ci-dessus, autres que les bâtiments de pêche, les embarcations de plaisance et les bâtiments sans moyen de propulsion mécanique. Certaines des modifications canadiennes (articles 9 et 10 du Règlement) s’appliquent aux navires d’une jauge brute de 300 tonneaux et plus, y compris aux bâtiments de pêche, embarcations de plaisances et bâtiments sans moyen de propulsion mécanique.

[143]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 septembre 2018.

[144]          D’après la réglementation canadienne, les bâtiments suivants doivent être équipés d’un système d’identification automatique (SIA) : les navires de 150 tonneaux ou plus qui transportent plus de 12 passagers et qui effectuent un voyage international, les navires de 300 tonneaux ou plus, autres que les bateaux de pêche, qui effectuent un voyage international; et les navires de 500 tonneaux ou plus, autres que les bateaux de pêche, qui n’effectuent pas un voyage international. Voir le Règlement sur la sécurité de la navigation (DORS/2005-134), consulté le 24 octobre 2018.

[146]          Erin Abou-Abssi, « A New Way to Track Arctic Vessels », Floe Edge Blog, Oceans North, 11 janvier 2018. Selon Oceans North, « les petits navires ne sont pas tenus d’utiliser la technologie de SIA; aucune surveillance n’est exercée et aucune information n’est recueillie lorsque des navires perturbent la faune ou troublent des habitats clés » [traduction].

[147]          Document d’information présenté par Transports Canada, septembre 2018.

[148]          Premier ministre du Canada, Déclaration de l’Inuit Nunangat sur le partenariat entre les Inuit et la Couronne, Iqaluit, Nunavut, 9 février 2017.

[149]          Mémoire présenté par le Conseil circumpolaire inuit du Canada, 31 octobre 2018.

[150]          Pour voir une carte des eaux, cliquer ici [disponible en anglais seulement].

[151]          Mémoire présenté par le Conseil circumpolaire inuit du Canada, 31 octobre 2018. Voir aussi Commission Pikialasorsuaq, An Inuit Vision for the Future of the Pikialasorsuaq, communiqué, 23 novembre 2017. Pour consulter le rapport, cliquez ici [disponible en anglais seulement].

[152]          Dans un rapport publié en 2016, on recommande la création d’une structure de gouvernance (« Commission canadienne des corridors dans l’Arctique ») qui serait chargée d’établir et de gérer les corridors de navigation dans l’Arctique. Selon le rapport, une telle commission devrait être coprésidée par la Garde côtière canadienne et les Inuits. Elle devrait aussi compter des représentants de Transports Canada, d’Environnement Canada, de Pêches et Océans Canada, des trois gouvernements territoriaux et des organisations de revendications territoriales inuites concernées. Cette commission est vue comme un organe permanent ayant pour mandat d’administrer le réseau des corridors intégrés dans l’Arctique. Elle aurait aussi pour mission de tenir des consultations formelles avec les Inuits dont les revendications territoriales ont été réglées, de créer un processus national visant à recueillir les vues des Inuits sur la navigation dans l’Arctique et d’établir des voies de communication efficaces entre les organismes gouvernementaux et les organisations inuites. Voir, The Pew Charitable Trusts, The Integrated Arctic Corridors Framework: Planning for responsible shipping in Canada’s Arctic waters, avril 2016.

[153]          Garde côtière canadienne, Mission, vision et mandat; et FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 septembre 2018.

[154]          Il s’agit d’un chiffre moyen. Le Comité a appris que la Garde côtière déploie de six à neuf navires dans l’Arctique pour mener différentes missions. Certaines zones de l’Arctique sont navigables pendant seulement une courte période de l’année. Par exemple, la zone entourant les parties au sud et à l’est de l’île d’Ellesmere dans le Haut-Arctique est navigable du 24 août au 5 septembre seulement par un brise-glace lourd. En 2018, huit navires de la Garde côtière ont été déployés dans l’Arctique. Source : renseignements complémentaires fournis par la Garde côtière canadienne en novembre 2018.

[155]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 septembre 2018. (Mario Pelletier, sous-commissaire, Opérations, Garde côtière canadienne).

[157]          Le Comité a appris que la Garde côtière est en train de mettre à jour son plan de renouvellement de la flotte. Le plan ne se limitera pas à la stratégie traditionnelle de remplacement d’un navire par un autre. La Garde côtière a pour vision une flotte composée de grands et petits navires et d’hélicoptères qui – mis ensemble – augmenteront la capacité d’assurer les programmes, permettront la modularité des missions, intégreront l’innovation et les technologies vertes et respecteront la diversité. Source : document d’information présenté par la Garde côtière canadienne, septembre 2018.

[158]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 26 novembre 2018.

[160]          Gouvernement du Canada, Le Canada fera l’acquisition de trois brise-glaces provisoires, communiqué, 22 juin 2018.

[162]          Document d’information présenté par la Garde côtière canadienne, septembre 2018.

[163]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018.

[164]          Selon le Service hydrographique du Canada, « [e]nviron 10 % des eaux arctiques du Canada ont fait l’objet d’un relevé adéquat, et 1 % d’un relevé selon les normes modernes ». Dans l’ensemble, environ 32 % des corridors marins très achalandés ont fait l’objet d’un relevé adéquat, et 3 % d’un relevé selon les normes modernes. Voir Pêches et Océans Canada, Cartographie de l’Arctique, consulté le 12 novembre 2018.

[165]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 26 novembre 2018.

[166]          Ibid.

[167]          Ibid.

[168]          Ibid.

[169]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 septembre 2018.

[170]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018.

[171]          Document d’information présenté au Comité par le ministère de la Défense nationale, août 2018. Voir aussi, gouvernement du Canada, Défense nationale, La Marine royale canadienne aura un sixième Navire de patrouille extracôtier et de l’Arctique, communiqué, 2 novembre 2018. Ces navires ne seront pas seulement utilisés dans l’Arctique. Comme l’indique le communiqué, ces navires son « parfaitement adapté[s] aux missions à l’étranger qui touchent, entre autres, le soutien aux partenaires internationaux, l’aide humanitaire, le secours en cas de catastrophe, les activités de recherche et sauvetage et la lutte antidrogue ».

[172]          Marine royale canadienne, Navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique.

[173]          Défense nationale et Forces armées canadiennes, Navires de patrouille extracôtiers et de l’Arctique.

[174]          Il faudra de trois à six mois pour que le système satellite devienne opérationnel suivant son lancement. Voir, Dean Beeby, « Canada’s key satellite system hit with another launch delay », CBC News, 13 novembre 2018. Voir aussi Dean Beeby, « Launch delayed again for showcase Canadian satellite system », CBC News, 15 janvier 2019.

[175]          Agence spatiale canadienne, « Qu’est-ce que la MCR? » RADARSAT.

[176]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 septembre 2018.

[177]          Document d’information présenté par Transports Canada, octobre 2018.

[178]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 septembre 2018 (Jane Weldon, Transports Canada).

[179]          Document d’information présenté par Transports Canada, octobre 2018.

[180]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 septembre 2018.

[181]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 septembre 2018.

[182]          Pour en savoir plus, voir Arctic Search and Rescue Capabilities Survey: Enhancing international cooperation 2017, Finnish Border Guard, août 2017.

[183]          Document d’information présenté au Comité par le ministère de la Défense nationale, août 2018.

[184]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 septembre 2018.

[185]          Autre considération : le Comité a appris que plus de 400 appareils survolent le Nunavut chaque jour. Il pourrait donc un jour y avoir un incident nécessitant une importante opération de recherche et de sauvetage.

[186]          Conseil de l’Arctique, Arctic Marine Shipping Assessment 2009 Report, p. 172 [Traduction].

[187]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 septembre 2018.

[188]          Ibid.

[189]          Pour en savoir plus, voir Bureau de la sécurité des transports du Canada, Rapport d’enquête aéronautique A11H0002.

[190]          FAAE, Témoignages, 1re session, 41e législature, 28 février 2013. Le Bureau de la sécurité des transports du Canada a mené une enquête approfondie sur l’incident impliquant le Clipper Adventurer.

[191]          Katie Toth, « Grounded cruise ship rescue in Nunavut cost Canada’s Armed Forces $513K », CBC News, 7 septembre 2018.

[192]          Défense nationale et Forces armées canadiennes, Opération NANOOK. La Station Alert des Forces canadiennes assure aussi aux FAC une présence permanente dans l’Arctique. Cette station est responsable du renseignement d’origine électromagnétique à l’appui des opérations militaires. Elle est située à l’extrémité Nord de l’île Ellesmere. Il y a aussi un centre de formation des FAC dans l’Arctique à Resolute Bay, au Nunavut. De l’équipement et des véhicules peuvent y être prépositionnés, ce qui permet de mener des opérations d’instructions et d’appuyer des opérations d’urgence. Le centre peut accueillir jusqu’à 140 employés de la Défense nationale et membres des FAC.

[193]          Défense nationale et Forces armées canadiennes, Opération LIMPID.

[194]          Le gouvernement a lancé un projet de remplacement des ailes pour prolonger la durée de vie des appareils CC-138 Twin Otters jusqu’à 2025 au moins. Voir, gouvernement du Canada, « Prolongation de la durée de vie des aéronefs CC-138 Twin Otter », Programme des capacités de la Défense. La politique de défense du Canada Protection, Sécurité, Engagement indique que ces appareils seront éventuellement remplacés. Selon le Programme de capacités de la Défense, le processus d’approvisionnement est à son début, soit à l’étape de l’analyse des options. La date de livraison d’une « flotte d’aéronefs pour mener des opérations de transport aérien polyvalent, de maintenance et de formation » dans le Grand Nord du Canada est prévue en 2029 ou 2030.

[195]          Séance d’information à Yellowknife, Territoires du Nord-Ouest, 5 octobre 2018.

[196]          Séance d’information à Yellowknife, Territoires du Nord-Ouest, 5 octobre 2018.

[197]          Ibid.

[198]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 19 septembre 2018.

[199]          Ibid. Le gouvernement du Canada a récemment élargi ses zones d’identification de défense aérienne (ADIZ) afin de couvrir l’ensemble de l’archipel de l’Arctique canadien. Le changement est entré en vigueur le 24 mai 2018. La zone avait été alignée originalement avec les radars du Réseau d’alerte avancé.

[200]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2018.

[201]          Ibid.

[202]          Défense nationale, Protection, sécurité, engagement : la politique de défense du Canada, 2017, p. 79.

[203]          Séance d’information à Cambridge Bay, 3 octobre 2018 [traduction].

[204]          Ibid.

[205]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2018.

[206]          Lee Berthiaume, « Liberals’ defence policy doesn’t include radar upgrades, could end up costing billions more », The Toronto Star, 30 août 2017.

[207]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2018.

[208]          Andrea Charron et James Fergusson, Beyond NORAD and Modernization to North American Defence Evolution, document stratégique, Institut canadien des affaires mondiales, mai 2017 [traduction].

[209]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2018. En novembre 2018, le vérificateur général a constaté, dans un de ses rapports, que « la force de chasse du Canada n’était pas en mesure de satisfaire à la nouvelle exigence opérationnelle instaurée par le gouvernement, soit avoir chaque jour un nombre suffisant d’appareils disponibles pour répondre au niveau d’alerte le plus élevé du NORAD et honorer dans le même temps l’engagement du Canada envers l’OTAN ». En outre, la capacité de combat des chasseurs CF-18 n’a pas été mise à niveau depuis 2008. Selon le rapport d’audit, « [l]a Défense nationale n’a donc pas établi de plan pour mettre à niveau la capacité de combat de ces aéronefs, et ce, même si les CF-18 devront désormais pouvoir voler jusqu’en 2032 ». Voir le Bureau du vérificateur général du Canada, Rapport 3 — La force aérienne de combat du Canada — Défense nationale, Automne 2018 — Rapports du vérificateur général du Canada.

[210]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2018.

[211]          Séance d’information à Yellowknife, Territoires du Nord-Ouest, 5 octobre 2018.

[212]          Inuit Tapiriit Kanatami, Inuit Statistical Profile 2018, 2018. On a aussi remis au Comité des statistiques pour chacun des trois territoires, ce qui incluait les populations autochtones et non autochtones. Par exemple, en ce qui concerne la sécurité alimentaire : 37,2 % des ménages du Nunavut vivaient dans l’insécurité alimentaire, par rapport à 13,4 % dans les Territoires du Nord-Ouest, et 11,3 % au Yukon. La moyenne nationale est de 8,4 %. Autre exemple : 14,3 % des habitants du Nunavut détenaient un certificat, un diplôme ou un grade universitaire (baccalauréat et plus). Ce pourcentage est plus élevé dans les Territoires du Nord-Ouest (24,5 %) et au Yukon (30,1 %). La moyenne nationale est de 28,5 %. Source : document d’information présenté par Affaires autochtones et du Nord Canada, septembre 2018.

[213]          Mémoire présenté par la Société régionale Inuvialuit, octobre 2018 [traduction].

[214]          Ibid.

[215]          Ibid.

[216]          Réunion à Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest, 4 octobre 2018 [traduction].

[217]          Mémoire présenté par la Société régionale Inuvialuit, octobre 2018 [traduction].

[218]          Jesse Snyder, « Arrested Development: For the town of Inuvik, the Mackenzie Valley pipeline was the lifeline that never came », Financial Post, 12 décembre 2016.

[219]          Imperial Oil, Mackenzie gas project participants end joint venture, communiqué, Calgary, Alberta, 22 décembre 2017.

[220]          Conformément à la Loi sur le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest et à l’entente sur le transfert des responsabilités, le gouvernement territorial est responsable de la gestion des terres et des eaux pour environ 90 % du territoire. Le gouvernement fédéral continue à contrôler les parcs nationaux, les sites contaminés qu’il gère, et le pétrole et le gaz en mer. Voir, gouvernement du Canada, Transfert des responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest – pouvoirs délégués avant et après le transfert.

[221]          Premier ministre du Canada, Déclaration commune des dirigeants du Canada et des États-Unis sur l’Arctique, 20 décembre 2016.

[222]          Affaires autochtones et du Nord Canada, Foire aux questions sur les mesures prises dans le cadre de la déclaration conjointe Canada-É.-U. sur l’Arctique. En ce qui concerne l’exploitation des gisements de pétrole et de gaz dans la partie américaine de la mer de Beaufort, le 28 avril 2017, le président des États-Unis, Donald Trump, a signé un décret-loi qui fait de l’encouragement de l’exploration et de la production d’énergie – y compris sur la zone externe du plateau continental – une politique nationale, tout en prévoyant que ces activités doivent être menées de manière sécuritaire et responsable.

[223]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 26 septembre 2018.

[224]          Ibid.

[225]          Mémoire présenté par CCI-Canada, 31 octobre 2018.

[226]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 26 septembre 2018.

[227]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2018.

[228]          Affaires intergouvernementales, Le Canada annonce les prochaines étapes dans l’exploitation du pétrole et du gaz dans l’Arctique, communiqué, 4 octobre 2018. Le 8 novembre 2018, le gouvernement a également présenté un projet de loi qui lui permettra « d’établir une voie à suivre pour la gestion stratégique des ressources pétrolières et gazières extracôtières de l’Arctique en collaboration avec les partenaires ». Voir Relations Couronne‑Autochtones et Affaires du Nord Canada, Le gouvernement du Canada présente un projet de loi pour assurer une cogestion responsable des ressources de l’Arctique, communiqué, 8 novembre 2018.

[229]          Ressources naturelles Canada, Station-relais pour satellites d’Inuvik.

[230]          Loi sur les systèmes de télédétection spatiale, L.C. 2005, ch. 45.

[231]          Gouvernement du Canada, Questions relatives à l’espace.

[232]          Ram S. Jakhu et Aram Daniel Kerkonian, Examen indépendant de la Loi sur les systèmes de télédétection spatiale, Institut de droit aérien et spatial, Faculté de droit, Université McGill, 17 février 2017, p. 8.

[233]          Parcours : Brancher le système de transport du Canada au reste du monde, examen de la Loi sur les transports au Canada, 2015, p. 63.

[234]          Mary Simon, représentante spéciale de la ministre, Un nouveau modèle de leadership partagé dans l’Arctique, Affaires autochtones et du Nord Canada, mars 2017, p. 14 et 15.

[235]          Association des collectivités des Territoires du Nord-Ouest, The Technical Opportunities and Economic Implications of Permafrost Decay on Public Infrastructure in the Northwest Territories. Document présenté au Comité à Yellowknife, 6 octobre 2018 [traduction]. Pour une évaluation approfondie de l’état actuel des connaissances sur les risques climatiques pour le secteur des transports dans le Nord canadien, voir Kala Pendakur, « Les Territoires du Nord » dans Risques climatiques et pratiques en matière d’adaptation pour le secteur candien des transports 2016, Kathy G. Palko et Donald S. Lemmen, éd., gouvernement du Canada, 2017, p. 32-73.

[236]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018.

[237]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 26 novembre 2018.

[238]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 24 octobre 2018.

[239]          Renseignements de suivi fournis par Infrastructure Canada, 25 janvier 2019.

[240]          Le Conseil tribal des Gwich’in a été formé pour représenter les participants (bénéficiaires) de l’Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich’in de 1992 dans le delta du Mackenzie des Territoires du Nord‑Ouest et dans d’autres régions du Canada. Dans les Territoires du Nord-Ouest, les Gwich’in vivent surtout dans les collectivités de Fort McPherson, de Tsiigehtchic, d’Aklavik et d’Inuvik. Pour une carte détaillée de la région visée, cliquer ici [disponible en anglais seulement]. Le Conseil tribal des Gwich’in négocie actuellement un accord d’autonomie gouvernementale avec les gouvernements fédéral et territorial.

[241]          Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a décidé de diviser le projet de route de la vallée du Mackenzie en six phases en raison du financement fédéral limité à sa disposition. En juin 2018, les gouvernements territorial et fédéral ont annoncé des fonds pour la construction d’un pont traversant la rivière Great Bear et d’une route de 15 kilomètres entre Wrigley et Mont Gaudet. Voir, gouvernement des Territoires du Nord‑Ouest, « Projet de la route de la vallée du Mackenzie », Infrastructure; et Transports Canada, Le gouvernement du Canada investit dans l’infrastructure des transports aux Territoires du Nord-Ouest, communiqué, 27 juin 2018.

[242]          Mémoire présenté par le Conseil tribal des Gwich’in, octobre 2018.

[243]          Mémoire présenté par la Société régionale Inuvialuit, octobre 2018.

[244]          Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, Ce que vous devez savoir sur les vitesses de connexion Internet.

[245]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 26 novembre 2018.

[246]          Chambre des communes, Comité permanent des affaires autochtones et du Nord (INAN), Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018.

[247]       Il y a une entente en place avec MMG, une entreprise minière : si le projet obtient le feu vert, MMG s’engage à remettre en branle les processus d’évaluation environnementale et réglementaire en vue de l’exploitation de ses gisements au Nunavut (zinc et cuire à Izok et High Lake). MMG a remis au gouvernement du Nunavut et à la Kitikmeot Inuit Association des renseignements de référence (conception technique, impact environnemental, données socio‑économiques) à l’appui des processus de conception et d’approbation réglementaire. Ce projet est évalué à 35 millions de dollars environ. La société mère de MMG est China Minmetals Corporation. Source : lettre remise par KIA au Comité, octobre 2018.

[248]          Parlant d’un autre mécanisme de financement potentiel, soit la Banque de l’infrastructure du Canada, Patrick Duxbury, conseiller auprès de la Nunavut Resources Corporation, a récemment indiqué à un autre comité de la Chambre des communes que la Banque « met l’accent sur le rendement du marché ». Il a déclaré que « [n]ous ne pouvons pas offrir un rendement sur le marché dans un délai de 20 ans. Dans un délai de 50 ans, c’est une tout autre histoire, mais ce n’est pas ce qui est proposé pour l’instant. » INAN, Témoignages, 1re session, 42e législature, 17 octobre 2018.

[249]          Gouvernement du Canada, Transports Canada, Fonds national des corridors commerciaux (FNCC), document d’information. Pour connaître les critères d’évaluation utilisés pour la sélection des projets, cliquer ici. Un nouvel appel de propositions a été lancé le 19 novembre 2018; les parties intéressées doivent présenter leurs propositions détaillées d’ici le 29 mars 2019. Selon Transports Canada, « [l]es projets admissibles porteront sur les corridors de transport dans le Nord (ports, aéroports, routes quatre saisons et ponts) qui améliorent la sécurité, la sûreté et le développement économique ou social dans les trois territoires du Canada ».

[250]          Hillary Bird, « Remote community in Arctic Canada struggles to cope with barge cancellation », Eye on the Arctic, 23 octobre 2018; et Michael Hugall, « N.W.T. gov’t accused of prioritizing private business over communities during MTS cargo update », CBC News, 31 octobre 2018.

[251]          Savoir polaire Canada, Plan ministériel : 2018‑2019, 2018.

[252]          Ibid.

[253]          Pour voir le texte intégral de cet accord, cliquer ici [disponible en anglais seulement].

[254]          FAAE, Témoignages, 1re session, 42e législature, 26 septembre 2018.

[255]          Mémoire présenté par le Conseil tribal des Gwich’in, octobre 2018 [traduction].

[256]          Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, Knowledge Agenda: Northern Research for Northern Priorities, mai 2017, p. 3 [traduction].

[257]          Loi sur la Station canadienne de recherche dans l’Extrême-Arctique, L.C. 2014, ch. 39, art. 145.

[258]          Savoir polaire Canada, Le Canada et l’Antarctique.

[259]          Secrétariat du traité sur l’Antarctique, Le traité sur l’Antarctique, article IX (2).

[260]          Secrétariat du traité sur l’Antarctique, La Réunion consultative du Traité sur l’Antarctique (RCTA).

[261]          Secrétariat du traité sur l’Antarctique, Parties, consulté le 2 novembre 2018. Nota : le traité est entré en vigueur originalement le 23 juin 1961. Il a commencé à s’appliquer au Canada le 4 mai 1988. Un protocole distinct en matière d’environnement, entré en vigueur le 14 janvier 1988, a commencé à s’appliquer au Canada le 13 décembre 2003.