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FEWO Rapport du Comité

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Opinion complémentaire de l’opposition loyale de Sa Majesté, le Parti conservateur du Canada

Étude sur la violence faite aux femmes et aux filles

Du 12 avril 2016 au 9 mars 2017, le Comité permanent de la condition féminine a mené une étude sur l’omniprésence et l’ampleur de la violence faite aux jeunes femmes et aux filles, qui comprenait un examen approfondi des causes fondamentales et des attitudes sous-jacentes à cette violence. Le rapport déposé par le Comité comprend la majorité des témoignages entendus pendant l’étude, mais selon les membres de l’opposition officielle du Comité, un certain nombre de points importants soulevés par les témoins ont été omis. Plus particulièrement, le témoignage concernant la grande disponibilité de la pornographie violente et l’effet dévastateur qu’elle a sur de saines relations sexuelles est sous-représenté dans le rapport. Les membres conservateurs du Comité estiment qu’il vaut la peine de nommer ce problème sans équivoque.

De plus, les membres de l’opposition officielle s’inquiètent du peu de témoignages justifiant la recommandation 16 et les portions du rapport qui proposent la création d’un commissariat à la sécurité électronique semblable à celui qui existe en Australie. L’opposition officielle estime également que les recommandations 15 et 16 limitent l’issue des consultations précises prévues à la recommandation 5 en déterminant un résultat avant d’avoir considéré l’ensemble des options possibles.

Par ailleurs, les membres conservateurs du Comité estiment que les témoignages concernant la durée de la peine et l’application de lois strictes pour la détermination de la peine pour les auteurs d’une agression sexuelle n’ont pas été suffisamment pris en considération dans le rapport. Même si le Comité a entendu des témoignages sur divers modes de règlement des différends, l’opposition officielle est d’avis que ces autres modes doivent être envisagés par un pouvoir judiciaire sensible et bien formé ainsi qu’à la lumière de lois strictes et sévères sur la détermination de la peine.

1.    L’effet de la pornographie violente sur la normalisation de la violence

Les membres conservateurs du Comité saluent la volonté du gouvernement d’explorer l’effet de l’« hypersexualisation et [du] matériel sexuellement explicite à caractère violent et dégradant dans la pornographie et certains médias », mais l’opposition officielle est déçue que le gouvernement ait décidé d’exclure le témoignage d’experts, qui démontraient la mesure dans laquelle la pornographie courante cause la dégradation de la culture du consentement et altère la notion de relations sexuelles saines[1]. Les membres conservateurs du Comité sont conscients que d’autres médias hypersexualisés (p. ex. photos, publicité dans les magazines, vidéoclips, etc.) ont une incidence négative sur les opinions et le comportement des jeunes de la même façon que la pornographie, mais ils estiment que le gouvernement a négligé d’évaluer adéquatement la vaste gamme de témoignages qui dénotaient particulièrement la pornographie comme unique moteur d’attitudes dangereuses qui mènent à la violence envers les jeunes femmes et les filles.

L’Alliance évangélique du Canada, Défendre la dignité Canada et les Antigonish Women’s Resource Center and Sexual Assault Services ont tous fait remarquer que la pornographie fait de la femme un objet de façon à brouiller la notion de consentement[2]. Le tout est particulièrement inquiétant compte tenu de la quantité de témoignages qui illustraient le besoin de contrer l’omniprésence de la « culture du viol », qui rejette l’importance du consentement comme étant un aspect essentiel de toute relation saine[3].

Le Comité a appris que 90 % des scènes de pornographie les plus vendues montraient des actes de violence envers les femmes[4] et que les jeunes hommes et les garçons se tournent de plus en plus vers la pornographie comme source d’éducation sexuelle[5]. L’exposition à ces images violentes à un jeune âge a des effets néfastes à long terme sur la perception par l’enfant d’une sexualité saine et du consentement[6]. Par conséquent, l’opposition officielle abonde dans le sens des nombreux témoignages qui réclament manifestement l’enseignement de normes sexuelles adéquates aux enfants dès le jeune âge, surtout en raison de leur exposition régulière à de la publicité et à des médias très sexualisés[7].

De nombreux témoins ont parlé de l’impact négatif de la pornographie sur l’attitude des jeunes hommes et des garçons et, par conséquent, sur le bien-être des femmes et des filles. Selon Harvey Bate, représentant du New Leaf Program : « L’incidence [de la pornographie, c’est qu’elle véhicule] un très mauvais message aux jeunes garçons sur ce qu’est une relation normale. Ils s’engagent dans des relations à l’adolescence en ayant de nombreuses attentes qui ne sont pas saines pour eux ou pour les jeunes femmes[8] ». Les représentantes de Battered Women Support Services ont fait des remarques semblables selon lesquelles « [l]es stéréotypes sexuels, les médias, la pornographie montrant la violence aux jeunes, tout cela rend la chose normale[9] ».

Tessa Hill, élève du secondaire et cofondatrice de l’organisation We Give Consent, a livré un témoignage particulièrement intéressant au Comité concernant l’engagement de ses pairs sur la question :

Je pense qu’il est extrêmement important de parler de la consommation d’images violentes. C’est très répandu chez mes pairs [...] Elles sont si faciles d’accès que, même si ce n’est pas quelque chose dont nous parlons, c’est là. Je pense que c’est l’aspect épeurant de la chose […] Nous voulons avoir de vraies conversations au sujet de choses que nous voyons tous les jours, comme les images de pornographie violente auxquelles nous pouvons facilement avoir accès en ligne. Nous devons ensuite combiner cela à ces conversations positives au sujet de l’éducation sexuelle. Puisque cela fait tellement partie de nos vies, ce n’est pas quelque chose dont on peut faire fi[10].

Par conséquent, l’opposition officielle est d’avis qu’il faut cerner la question de la pornographie violente et la nommer afin de consacrer à cette cause de la violente faite aux jeunes femmes et aux filles toute la réflexion nécessaire.

2.    Modèles de sécurité électronique au Canada et ailleurs

Selon bon nombre de témoins, il faudrait que le gouvernement répond de façon précise au problème de la cyberviolence. L’opposition officielle reconnaît que pour régler ce problème complexe, le gouvernement doit adopter une approche dynamique qui tient compte de nombreuses façons d’intervenir et consulter des experts afin de déterminer quelles seraient les meilleures pratiques pour le Canada. Il est encourageant de savoir qu’il existe déjà au Canada des organisations et des initiatives visant à atténuer les dommages causés par la cyberviolence grâce à des outils d’information et de soutien comme HabiloMédias, le Centre canadien de protection de l’enfance, Needhelpnow.ca et Cybertip.ca. Toutefois, à une époque où la technologie ne cesse d’évoluer, le gouvernement doit prendre des mesures pour assurer la sécurité des Canadiens en ligne et mettre fin à la perpétration de la violence en ligne.

Le gouvernement s’est certes engagé à appuyer certaines de ces initiatives, mais il a prématurément isolé certaines approches pour mettre fin à la cyberviolence au Canada sans tenir les consultations nécessaires. On peut le constater dans les recommandations 15 et 16. L’objectif de la recommandation 15 d’appeler tous les gouvernements à se concerter pour créer une approche unifiée et coordonnée est un pas dans la bonne direction, mais le gouvernement a limité le contenu de cette discussion à un centre de coordination national sur la cybercriminalité et a exclu les programmes déjà en place qui pourraient profiter de l’attention du gouvernement fédéral.

De la même façon, la recommandation 16 empêche le gouvernement du Canada d’examiner des méthodes internationales utiles de lutte à la cyberviolence en parlant uniquement de la possibilité d’établir un commissariat à la sécurité électronique, semblable au commissariat à la sécurité électronique des enfants de l’Australie. De plus, la recommandation 16 ne repose pas sur de nombreux témoignages. Un seul témoin a parlé de l’effet positif obtenu par le gouvernement australien avec ce commissariat. Tout renseignement supplémentaire fourni dans le rapport a été inclus uniquement à la demande des membres libéraux du Comité[11]. Qui plus est, l’information fournie dans le rapport se limite à de l’information générale et n’expose pas les avantages qu’un tel commissariat au Canada offrirait que n’offrent pas déjà des organisations canadiennes déjà existantes. C’est pourquoi l’opposition officielle est en désaccord avec la mention précise dans le rapport et les recommandations de cette pratique non éprouvée.

3.    Peines sévères pour les auteurs d’agressions sexuelles

La violence fondée sur le sexe n’est jamais excusable. Toute violence à l’endroit d’une femme ou d’une fille doit être condamnée, quel que soit le moment ou l’endroit. Les femmes et les filles victimes de violence fondée sur le sexe méritent un traitement approprié dans le système de justice. Il faudrait bien comprendre ce dont chaque victime a personnellement besoin pour guérir de son expérience de la violence. Comme il est mentionné dans le rapport, le Comité a reçu des témoins qui ont parlé de l’aide que les mesures de justice réparatrice peuvent offrir aux victimes. Toutefois, le rapport n’explore pas adéquatement la demande de nombreux témoins pour l’amélioration et le resserrement des procédures de détermination de la peine pour les auteurs d’agression sexuelle[12]. Ces mesures sont particulièrement importantes quand les mesures de justice ne parviennent pas à répondre aux besoins de la victime.

D’après les témoignages entendus par le Comité, les mesures de justice réparatrice comportent des difficultés précises pour les survivants d’une agression sexuelle, notamment le risque d’un grand déséquilibre des pouvoirs entre l’auteur de l’agression et la victime. Kendra Milne, de West Coast Leaf, qui milite pour une approche axée sur les droits de la personne pour guérir les victimes a dit : « Je n’en connais aucun modèle [de justice réparatrice efficace], surtout parce qu’ils tendent à ne pas toujours être les meilleurs contre la violence, en raison des rapports de force en jeu[13]. » Mme Milne préconise plutôt une méthode qui permettrait de mieux comprendre ce qu’on considère comme une peur « raisonnable » pour sa sécurité, afin d’inciter les femmes à signaler les agressions aux autorités[14].

Dans le rapport, on ne parle pas du fait que de nombreux témoins ont réclamé des normes de détermination de la peine plus strictes pour les auteurs d’agressions sexuelles. Lucille Harper, de l’Antigonish Women’s Resource Centre, a souligné que le gouvernement devait s’assurer que « les peines [reflètent] la gravité de ces crimes – un moyen de dissuasion –, et d’autre part, l’impact que le crime a eu sur les victimes et leur famille[15] ». D’autres témoins ont décrit les pratiques actuelles de détermination de la peine comme prévoyait « une peine bonbon » qui « n’est pas à la hauteur du crime qui a été commis[16] ». Ce changement nécessaire a été relevé par les représentantes de l’Association des femmes autochtones du Canada, qui ont dit : « La loi doit être révisée afin de renforcer la justice et d’accroître les sentences en cas de déclaration de culpabilité pour violence[17]. » Ces inquiétudes sont exacerbées par le besoin pressant de former les fonctionnaires de la justice pour s’assurer que la détermination de la peine est faite par des gens avertis[18].

Chaque femme victime de violence sexuelle, quel que soit le contexte, mérite un traitement juste et adéquat par la loi. Bien que le rapport réclame l’amélioration de l’accès au système de justice et la possibilité d’explorer d’autres modes de livraison de la justice, les membres conservateurs du Comité estiment qu’il n’explore pas suffisamment en profondeur la quantité de témoignages illustrant le besoin de resserrer les procédures actuelles de détermination de la peine.

4.    Conclusion

Bien que le rapport du Comité de la condition féminine sur la violence faite aux jeunes femmes et aux filles soit en majorité adéquat, il aborde à peine certaines causes sous‑jacentes de la violence faites aux jeunes femmes et aux filles. En gros, le rapport et les recommandations répondent au mandat original de l’étude et constituent une bonne base pour aider le gouvernement à mettre fin à ce problème depuis trop longtemps présent. Toutefois, étant donné la gravité de ce problème, les membres conservateurs du Comité estiment que le présent rapport complémentaire favorisera l’exploration d’autres mesures pour prévenir la violence faite aux jeunes femmes et aux filles au Canada en tenant de témoignages ayant été omis dans le rapport.

Le tout respectueusement soumis,

  • Marilyn Gladu, députée
  • Sarnia-Lambton
  • Rachael Harder, députée
  • Lethbridgen
  • Karen Vecchio, députée
  • Elgin-Middlesex-London

[1] Alliance évangélique du Canada, « Présentation au Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes – La pornographie sur Internet et la violence envers les jeunes femmes et les filles au Canada », Mémoire, 2016; Centre pour femmes Second Story, « Mémoire sur la violence contre les femmes et les filles au Canada », Mémoire, 2016; Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère

sexuelle Châteauguay, « La violence envers les jeunes femmes et les filles au Canada : une perspective portant sur la violence sexuelle », Mémoire, septembre 2016; Glendyne Gerrard – Défendre la dignité, « Violence contre les jeunes femmes et les filles – Mémoire présenté au Comité permanent de la condition féminine »,

Mémoire, 23 septembre 2016; Témoignages, 19 octobre 2016, 1710 (Lori Chambers, professeure à l’Université Lakehead, à titre personnel); Témoignages, 30 novembre 2016, 1655 (Tessa Hill, confondatrice, We Give Consent).

[2] Alliance évangélique du Canada, « Présentation au Comité permanent de la condition féminine – La pornographie sur Internet et la violence envers les jeunes femmes et les filles au Canada »,

Mémoire, 2016; Glendyne Gerrard – Défendre la dignité, « Violence contre les jeunes femmes et les filles – Mémoire présenté au Comité permanent de la condition féminine », Mémoire, 23 septembre 2016;

Antigonish Women’s Resource Centre and Sexual Assault Services, « Mémoire au

Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes : La violence envers les jeunes femmes et filles au Canada », Mémoire, novembre 2016.

[3] Témoignages, 16 juin 2016, 1550 (Shaheen Shariff, professeure agrégée, Faculté d’éducation et membre associé de la faculté de droit, Université McGill, à titre personnel); Témoignages, 17 octobre 2016, 1630 (Dawn Moore, professeure agrégée, Études légales et du droit, Carleton University, à titre personnel); Témoignages, 17 octobre 2016, 1630 (Gabrielle Ross-Marquette, METRAC Action on Violence); Témoignages, 19 octobre 2016, 1555

(Bilan Arte, présidente nationale, Fédération canadienne des étudiantes et étudiants); Témoignages, 24 octobre 2016, 1545 (Kenya Rogers, analyste des politiques, University of Victoria Students’ Society, Anti-Violence Project); Témoignages, 31 octobre 2016, 1630 (Liette Roussel, consultante gestionnaire, Collectivité ingénieuse de la péninsule acadienne); Témoignages, 14 novembre 2016, 1630 (Lucille Harper, Antigonish Women’s Resource Centre and Sexual Assault Services); Témoignages, 14 novembre 2016, 1640 (Mélanie Sarroino, agente de promotion et de liaison, Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel); Témoignages, 16 novembre 2016, 1540 (Tessa Hill).

[4] Alliance évangélique du Canada, « Présentation au Comité permanent de la condition féminine – La pornographie sur Internet et la violence envers les jeunes femmes et les filles au Canada »,

Mémoire, 2016; Glendyne Gerrard – Défendre la dignité, « Violence contre les jeunes femmes et les filles – Mémoire présenté au Comité permanent de la condition féminine », Mémoire, 23 septembre 2016.

[5] Témoignages, 28 septembre 2016, 1600 (Ann Decter, directrice, Plaidoyer et politiques publiques, YWCA Canada); Témoignages, 19 octobre 2016, 1710 (Lori Chambers); Témoignages, 5 octobre 2016,

1700 (Soraya Chemaly, directrice, Women’s Media Center Speech Project, Women’s Media Center).

[6] Témoignages, 5 octobre 2016, 1745 (Soraya Chemaly); Témoignages, 31 octobre, 2016, 1605 (Harvey Bate, coprésident du conseil d’administration, New Leaf Program); Témoignages, 21 septembre 2016, 1635 (Angela MacDougall, directrice générale, Battered Women’s Support Services); Témoignages, 14 novembre 2017, 1620 (Sylvia Maracle, directrice générale, Ontario Federation of Indigenous Friendship Centres).

[7] Témoignages, 16 juin, 2016, 1645 (Matthew Johnson, directeur de l’éducation, HabiloMédias); Témoignages, 26 septembre 2016, 1545 (Shanly Dixon, enseignante et chercheuse, Projet de culture numérique, Atwater Library and Computer Centre); Témoignages, 5 octobre 2016, 1650 (Soraya Chemaly).

[8] Témoignages, 31 octobre, 2016, 1605 (Harvey Bate).

[9] Témoignages, 21 septembre 2016 1635 (Angela MacDougall).

[10] Témoignages. 30 novembre 2016, 1655 (Tessa Hill).

[11] Témoignages, 21 novembre 2016, 1615 (Patricia Cartes, chef, Sécurité mondiale, Twitter inc.).

[12] Témoignages, 5 octobre, 2016, 1620 (Kendra Milne, directrice, Réforme du droit, Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes de la côte Ouest); Témoignages, 14 novembre, 2016, 1630 (Lucille Harper); Témoignages, 14 novembre, 2016, 1640 (Mélanie Sarroino); Témoignages 21 novembre, 2016, 1635 (Francyne Joe, présidente, Association des femmes autochtones du Canada).

[13] Témoignages, 5 octobre, 2016, 1620 (Kendra Milne, directrice, Réforme du droit, Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes de la côte Ouest).

[14] Ibid., 1520.

[15] Témoignages, 14 novembre, 2016, 1630 (Lucille Harper).

[16] Témoignages, 14 novembre, 2016, 1640 (Mélanie Sarroino).

[17] Témoignages 21 novembre, 2016, 1635 (Francyne Joe, présidente, Association des femmes autochtones du Canada).

[18] Témoignages, 16 juin, 2016, 1550-1600, (Shaheen Shariff).