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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 024 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 18 février 2021

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. Je déclare la séance ouverte. Je vous souhaite la bienvenue à la 24e réunion du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes.
    Je vais mentionner quelques points, tout simplement parce qu'il y a eu beaucoup de changements au sein de la composition du Comité et sans doute au sein du personnel, et je le fais particulièrement à l'intention des témoins qui sont avec nous aujourd'hui. Au fil du temps, je laisserai tomber certains points, lorsque tout le monde sera à l'aise avec le fonctionnement.
    La réunion d'aujourd'hui se tient en format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le 25 janvier 2021.
    Aujourd'hui, les membres du Comité et les témoins participent à distance à la réunion à l'aide de l'application Zoom. Les délibérations d'aujourd'hui seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes.
    Je vous rappelle que la webdiffusion ne montrera que la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité. J'espère que vous avez sélectionné le mode grille, qui vous permet de voir tout le monde en même temps. Ce n'est pas ce que montrera la webdiffusion, mais c'est le meilleur mode à choisir en temps réel pour que la séance ressemble le plus possible à une réunion en personne.
    La réunion d'aujourd'hui se tient également selon le format de webinaire Zoom. Les webinaires seront utilisés pour les séances publiques des comités et seront accessibles seulement aux députés, à leur personnel et aux témoins.
    Les députés ont peut-être remarqué que l'accès à la réunion est beaucoup plus rapide qu'avant et qu'ils ont pu y accéder immédiatement à titre de participants actifs. Malgré les quelques problèmes techniques que nous avons éprouvés ce matin, toutes les fonctionnalités offertes aux participants actifs demeurent les mêmes. Les membres du personnel assisteront à la réunion à titre de participants inactifs seulement. Par conséquent, ils ne pourront voir la diffusion qu'en mode galerie.
    J'aimerais saisir l'occasion pour rappeler à tous les participants qu'il n'est pas permis de faire des captures d'écran ou de prendre des photos de l'écran.
    Compte tenu de la pandémie actuelle et à la lumière des recommandations des autorités de santé publique, tous ceux qui participent à la réunion en personne doivent maintenir entre eux une distance physique sécuritaire. Comme aucun membre et aucun témoin ne se trouve dans la salle de comité, ce rappel s'adresse aux membres du personnel qui se trouvent dans cette salle.
    En tant que présidente, je ferai respecter ces mesures pendant toute la durée de la séance. Je remercie les membres à l'avance de leur collaboration.
    Puisque tous les membres participent virtuellement, je rappelle que chacun doit activer et désactiver son microphone. C'est à vous de le faire, alors rappelez-vous d'activer votre microphone avant de prendre la parole.
    Au bas de votre écran, vous avez le choix entre le parquet et l'anglais ou le français pour l'interprétation. Il semble qu'il ne soit plus nécessaire de changer de canal lorsque vous changez de langue.
    Je vais tenir une liste de ceux qui souhaitent invoquer le Règlement grâce à la fonction « Lever la main », qui se trouve au bas de l'écran. Si vous souhaitez invoquer le Règlement, veuillez donc lever la main à l'aide de cette fonction qui se trouve dans la barre d'outils.
    Aujourd'hui, nous accueillons des témoins durant la première moitié de la séance, à savoir de 11 heures à midi.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Duane Bratt, professeur de science politique à l'Université Mount Royal, ainsi qu'à M. Patrick Taillon, professeur à la faculté de droit de l'Université Laval.
    Avant de donner la parole aux témoins, qui ont tous les deux une déclaration liminaire à faire, je tiens à dire aux membres du Comité qu'après la première partie de la réunion, nous allons procéder à l'élection à la première vice-présidence, car ce poste est vacant depuis que M. Doherty a quitté le Comité. Nous serons en mesure de faire cela, je l'espère, immédiatement après cette première heure de séance.
    Nous passerons ensuite à huis clos. Vous avez reçu un lien par courriel. Nous allons continuer notre travail sur l'ébauche du rapport concernant l'étude sur les élections et la COVID-19. Une fois que l'ébauche du rapport sera prête et que nous l'aurons approuvée, nous allons pouvoir passer, je l'espère, s'il nous reste du temps, aux travaux du Comité, afin que je puisse faire le point sur l'étude relative à la prorogation.
    Monsieur Bratt, je vous invite à faire votre déclaration liminaire.

  (1110)  

    Je remercie le Comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Je suis heureux de pouvoir participer par Zoom. Je n'ai pas eu à me rendre à Ottawa en avion, quoique j'aime bien aller à Ottawa.
    Je vais vous lire ma déclaration liminaire, que je pourrai étoffer durant la période des questions.
    La prorogation est un outil parlementaire important. Elle permet une réinitialisation de la machine gouvernementale entre deux élections. Elle demeure toutefois un outil pouvant être utilisé de manière abusive, comme cela a déjà été le cas, particulièrement par des gouvernements minoritaires. Avant d'aborder la question de la prorogation du mois d'août 2020, je vais vous donner quelques exemples récents de prorogations controversées, tant sous les gouvernements libéraux que conservateurs.
    En 2002, le premier ministre Jean Chrétien a prorogé le Parlement. Cela a permis à M. Chrétien d'éviter le dépôt d'un rapport au Comité des comptes publics de la Chambre des communes concernant le scandale des commandites. Fait inusité, cela s'est fait sous un gouvernement majoritaire, et non un gouvernement minoritaire.
    Ensuite, en décembre 2008, le premier ministre Stephen Harper a lui aussi prorogé le Parlement. C'était probablement la prorogation la plus controversée de l'histoire du Canada. M. Harper venait de former un gouvernement minoritaire quelques semaines auparavant, mais il devait alors faire face à un vote de défiance qu'il allait perdre. Les autres chefs de parti, à savoir Stéphane Dion, Jack Layton et M. Duceppe, avaient signé un accord exprimant leur intention de défaire le gouvernement. Comme les dernières élections étaient encore très proches, on n'en déclencherait probablement pas des nouvelles, mais Stéphane Dion serait autorisé à former un nouveau gouvernement. Pour retarder le vote, M. Harper avait prorogé le Parlement. Je reviendrai sur ce cas un peu plus loin.
    Il y a eu ensuite la prorogation, encore par le premier ministre Stephen Harper, qui s'est échelonnée de janvier à mars 2010. La raison invoquée pour justifier la prorogation était que le Parlement devait faire relâche pendant les Jeux olympiques d'hiver de Vancouver. Toutefois, on soupçonnait fortement M. Harper d'avoir voulu plutôt éviter les enquêtes en cours dans l'affaire des prisonniers afghans. C'est le cas de figure qui ressemble le plus à celui qui a conduit à la prorogation d'août 2020, à savoir un gouvernement minoritaire confronté à des enquêtes de comité préjudiciables.
    Cela nous amène à la prorogation d'août 2020 à septembre 2020.
    La raison pour laquelle il y a eu un discours du Trône était la prorogation. La raison officielle derrière la décision de proroger le Parlement était de permettre au gouvernement de se remettre en selle pour affronter la pandémie de COVID-19 et ses répercussions sur l'économie. C'était une raison tout à fait valable, sans aucun doute, qui aurait justifié absolument la prorogation du Parlement. La réponse à la crise causée par la COVID-19 pourrait avoir fait partie du processus décisionnel qui a conduit à la prorogation du Parlement.
     Cependant, je dirais qu'il y avait une raison bien plus importante, c'est-à-dire le scandale UNIS. Le gouvernement canadien avait attribué un contrat à fournisseur unique à l'organisme UNIS pour l'administration d'un programme de bénévolat pour étudiants. Toutefois, l'organisme UNIS entretenait des liens très étroits avec la famille du premier ministre Justin Trudeau et du ministre des Finances Bill Morneau. Le scandale a poussé M. Morneau à démissionner et les comités parlementaires à examiner plus en profondeur le rôle de M. Trudeau, du Cabinet du premier ministre, d'autres ministres et de hauts fonctionnaires. La prorogation a permis de suspendre les enquêtes et a donné au gouvernement Trudeau six semaines pour faire diversion en détournant l'attention des Canadiens sur autre chose.
    Voici deux éléments de preuve essentiels que j'ai rassemblés pour étayer mon argumentation.
    Premièrement, il y a eu le moment choisi pour la prorogation. Comme je l'ai dit, la COVID-19 a pris des proportions importantes en mars 2020. Le gouvernement y a répondu par une série de mesures sanitaires et de mesures économiques sans précédent tout au long du printemps 2020. Si, à un moment donné au printemps 2020, le gouvernement avait décidé de proroger le Parlement pour lui donner le temps de répondre plus efficacement à la pandémie de COVID-19, cela aurait été logique. Cependant, le fait qu'il ait plutôt attendu jusqu'au mois d'août pour le faire, et seulement après que le scandale UNIS eut pris de l'ampleur pendant des semaines avec son lot de mauvaises nouvelles à venir pour le gouvernement, a montré à quel point c'était véritablement un calcul politique.
    Une comparaison s'impose avec ce qu'a fait Stephen Harper en 2008.
    À l'automne 2008, en pleine crise financière mondiale, il y avait une justification légitime pour proroger le Parlement, même s'il y avait eu une élection fédérale quelques semaines auparavant. D'ailleurs, le nouveau discours du Trône prévoyait des mesures pour faire face à la crise financière mondiale. Cependant, comme je l'ai déjà expliqué, la véritable raison de la prorogation était de retarder un vote de défiance dans l'espoir que la coalition entre les libéraux, les néo-démocrates et les bloquistes se délite. Et c'est exactement ce qui s'est passé.

  (1115)  

    Deuxièmement, il y a le discours du Trône. Les discours du Trône sont normalement l'affaire d'une journée. Il y a un peu de battage autour d'eux, mais ce sont généralement de vagues expressions de l'orientation future du gouvernement. Cependant, celui que le gouvernement de Justin Trudeau a prononcé en septembre 2020 était censé être très différent.
    Pendant des semaines, on a spéculé sur son contenu. Il devait être livré en pleine pandémie de COVID-19 et avec pour toile de fond des niveaux records de dépenses publiques. Le discours a été prononcé après la prorogation du Parlement et sous la menace imminente d'un vote de défiance susceptible de provoquer des élections anticipées au Canada. Comme si les enjeux n'étaient pas assez sérieux, M. Trudeau et les chefs d'opposition se sont adressés séparément aux Canadiens à la télévision, au journal télévisé du soir en Ontario et au Québec, mais malheureusement en après-midi dans les provinces de l'Ouest, où la plupart des gens n'étaient pas rivés à leur téléviseur.
    Hélas, malgré le battage médiatique, le discours du Trône a manqué de substance. Si la raison de la prorogation avait été la COVID-19, le discours du Trône aurait mis l'accent sur la réponse du gouvernement, tant sur le plan sanitaire qu'économique. Il aurait fait état de nouveaux programmes et de nouvelles politiques. Au lieu de cela, il n'a fait que reprendre des programmes fédéraux déjà annoncés, comme la Subvention salariale d'urgence du Canada, et des promesses faites maintes fois, comme le renforcement des programmes de garde d'enfants et l'instauration d'un régime national d'assurance-médicaments.
    Il aurait pu recentrer ces initiatives pour les inscrire dans la réponse stratégique à la COVID-19, mais il n'en a pas vraiment été ainsi. Cela ressemblait plutôt à un discours de campagne en prévision des prochaines élections, qui auraient pu être déclenchées peu après.
    Le discours télévisé a été encore pire. Je ne vais pas entrer dans les détails à ce sujet. Le véritable objectif du discours télévisé était de permettre à M. Trudeau de résumer dans ses propres mots, et non ceux de la gouverneure générale, le discours du Trône qui avait été prononcé quelques heures auparavant. Il s'agissait en fait d'un discours électoral.
    Enfin, le discours du Trône n'avait pas pour objet de redéfinir les priorités à cause de la pandémie de COVID-19. Il constituait plutôt une tentative soigneusement élaborée visant à détourner l'attention des Canadiens d'un scandale politique.
    Je vais m'arrêter ici. Je serai ravi de répondre à vos questions.
    Je vous remercie, monsieur Bratt.
    Monsieur Taillon, la parole est à vous.

[Français]

    Je remercie le Comité de m'accueillir dans le cadre de cette discussion visant à dresser un bilan du recours à la prorogation l'été dernier. Je vais essayer d'être bref.
    Je vais faire un premier constat: la prorogation est un instrument controversé dans notre droit parlementaire. Cela peut jouer le rôle de moyen dilatoire pour éviter ce qui, normalement, devrait être de véritables mécanismes de résolution des conflits. La force du système parlementaire, par opposition au système présidentiel américain, c'est que, normalement, il fait en sorte qu'un conflit entre la Chambre et l'exécutif ne peut pas se prolonger. Il y a des moyens de résoudre les conflits; c'est la dissolution et le vote de censure. Qui tranche? Ce sont les électeurs.
    Au moyen de la prorogation, on peut, dans certaines circonstances, dénaturer le fonctionnement du système parlementaire, qui mise sur la résolution des conflits par le vote de censure et la dissolution, en repoussant un vote de confiance, en l'évitant par un moyen dilatoire. Ce n'est pas toujours le cas, mais cela peut arriver.
    À l'été de 2020, tout comme en décembre 2008, un gouvernement minoritaire était menacé par un vote de confiance à venir. Évidemment, à l'été de 2020, la menace était moins explicite qu'elle l'était en décembre 2008. À ce contexte s'ajoutaient également une enquête parlementaire sur l'affaire UNIS et la crise imprévisible liée à la pandémie de la COVID-19.
    À la défense du gouvernement, on pourrait dire que c'est souvent une question de voir le verre à moitié plein ou à moitié vide. On pourrait dire que le premier ministre et le ministre des Finances avaient minimalement collaboré à l'enquête, dans la mesure où ils avaient eux-mêmes pris le temps de témoigner avant de proroger le Parlement. Il n'en demeure pas moins que cette prorogation a mis fin à l'enquête. Était-ce l'objectif ou simplement un effet? Chose certaine, c'était l'un de ses résultats.
    Cela étant dit, outre la question de l'enquête, le recours à la prorogation à l'été de 2020 me semble encore plus critiquable, puisque cette prorogation a eu pour effet de faire passer les intérêts du gouvernement à court terme — réorienter ses priorités, mettre fin à l'enquête et mettre fin à l'étude d'un certain nombre de projets de loi — avant ce qui me semblait être, dans le contexte d'une crise inédite, les intérêts supérieurs de la fédération. Ce qui aurait correspondu aux intérêts supérieurs de la fédération, c'est de ne pas se priver de l'outil parlementaire et de l'outil législatif en temps de crise.
    Au cours des semaines et des mois où le Parlement était fermé, il aurait pu être nécessaire d'adopter une petite disposition législative pour réformer la Prestation canadienne d'urgence, par exemple, ou encore pour contrôler une utilisation de la Loi sur les mesures d'urgence. Dieu merci, on n'a pas eu besoin de le faire, mais cette crise étant imprévisible et difficile à gérer, les intérêts supérieurs de la fédération exigeaient que l'on garde la porte législative et parlementaire ouverte. La fermer, c'était tout miser sur le coffre à outils du pouvoir exécutif et dire que, dans ce grand chantier qu'est la crise liée à la pandémie de la COVID-19, on pouvait se passer des outils législatifs. Je pense que c'était confondre les intérêts légitimes du gouvernement avec les intérêts supérieurs de la fédération.
    Le gouvernement aurait pu faire mieux de deux manières. D'abord, il aurait pu ne pas proroger le Parlement. S'il n'y avait pas eu de prorogation, il n'y aurait pas eu cette prise de risque. S'il tenait tant à proroger le Parlement, le gouvernement aurait pu faire mieux en le prorogeant pour une période beaucoup plus limitée. Cela aurait eu les mêmes effets, soit la fin de l'enquête, la fin des travaux parlementaires et la possibilité d'un discours du Trône. Une seule journée de prorogation aurait pu être suffisante. Ainsi, on n'aurait pas pris le risque de se priver de l'outil parlementaire et législatif en temps de crise.

  (1120)  

    En conclusion, savoir si une prorogation est controversée ou non et si son exercice est politiquement opportun est une question de contexte et d'appréciation politiques, qui appartient ultimement aux parlementaires et aux électeurs. C'est à eux d'en juger.
    À mon humble avis, l'utilisation de la prorogation à l'été de 2020 était controversée et un moyen d'esquiver un vote de confiance éventuel. C'était surtout un moyen de mettre fin à une enquête et d'affronter plusieurs semaines plus tard un vote de confiance portant sur un programme présenté dans le discours du Trône plutôt qu'en lien direct avec les conclusions d'une enquête.
    Si je pouvais ici insister sur un seul message, ce serait le suivant. Il est important de garder en tête que l'une des faiblesses de notre système parlementaire est que les règles entourant la prorogation, les pouvoirs du gouverneur général, du premier ministre et de la Chambre sont très souvent floues, non écrites et qu'elles ne sont pas de nature juridique. On les appelle des conventions constitutionnelles. Or, plutôt que d'atténuer les crises, ces règles floues et ces conventions ont parfois pour effet de les accentuer.
    La prorogation de 2008 était un parfait exemple de cela. Nos règles du jeu n’étaient ni claires, ni juridiques, ni écrites. Dans ce moment de tension entre le gouvernement minoritaire de Stephen Harper et la gouverneure générale de l'époque, Mme Michaëlle Jean, nos règles ont eu pour effet d'accentuer la crise plutôt que de la résorber.
    Je salue les travaux de ce comité, qui prend le temps d'évaluer le fonctionnement de nos institutions. J'incite les parlementaires à évaluer la possibilité de mieux codifier ces règles non écrites, comme le font la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni. C'est peut-être un vœu un peu trop audacieux, mais il ne faut pas craindre de briser le tabou de la réforme constitutionnelle. ll ne faut pas fermer les yeux sur les lacunes de nos institutions, elles méritent mieux que cela et il ne faut pas avoir peur de les améliorer.
    Je vous remercie de votre attention.

  (1125)  

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur Taillon.
    Nous allons respecter rigoureusement le temps imparti. Parfois, je fais preuve d'un peu de souplesse, mais aujourd'hui, nous ne disposons pas de suffisamment de temps pour que je puisse faire cela. Les déclarations ont dépassé un peu le temps prévu, mais elles ont été très utiles, et nous sommes reconnaissants aux témoins d'être présents aujourd'hui.
    Monsieur Nater, vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente. Je conviens avec vous que les exposés effectués par ces deux universitaires distingués que nous recevons aujourd'hui ont été très utiles.
    Je vous remercie tous les deux pour votre présence.
    Monsieur Bratt, je vais d'abord m'adresser à vous. Votre exposé comportait certaines observations intéressantes qui me font penser à des propos qu'a tenus le ministre Rodriguez plus tôt cette semaine. Il a expliqué au Comité que la seule et unique raison pour laquelle il y a eu prorogation était la nécessité de redéfinir les priorités à cause de la pandémie de COVID-19.
    Vous avez souligné à juste titre que la pandémie constitue un dossier important qui, en théorie, aurait justifié une redéfinition des priorités, mais vous avez aussi formulé certains commentaires intéressants à propos du discours du Trône. Vous avez expliqué que le gouvernement n'a fait que reprendre des programmes fédéraux déjà annoncés au lieu d'en profiter pour redéfinir les priorités.
    Serait-il juste d'affirmer, d'après vos commentaires, que le ministre a peut-être abordé sous un angle politique la seule et unique raison invoquée pour justifier la prorogation, et seriez-vous d'accord pour dire que la principale raison était de sortir d'une situation politique difficile attribuable à l'affaire UNIS.
    Je n'ai aucun doute que la pandémie de COVID a joué un rôle dans la décision qui a été prise, mais je suis d'avis que ce n'était pas le principal facteur, pour les raisons que j'ai expliquées. Je pense que le motif principal était de retarder les choses et de détourner l'attention du scandale UNIS.
    Il n'y a jamais un seul et unique facteur qui entre en jeu dans la prise d'une décision de cette importance. Nous devons nous demander quel était le véritable facteur principal, par opposition aux facteurs atténuants.
    Je vous remercie pour votre réponse.
    Nous savons que c'est le premier ministre en poste, à juste titre, qui conseille le gouverneur général, car il est la seule personne qui possède le droit constitutionnel de fournir des conseils au gouverneur général.
    Dans ce cas-ci, bien sûr, nous n'avons pas entendu le premier ministre directement. Estimez-vous que le Comité devrait entendre le premier ministre ainsi que certains de ses proches collaborateurs?
    Tout à fait. J'ai vu le premier ministre témoigner devant, si je ne m'abuse, le comité des finances en juillet dernier à propos du scandale UNIS. J'estime que sa comparution a été très utile.
    Je pense que lui demander directement quelle était sa raison, et non pas forcément l'interroger au sujet de la conversation qu'il a eue avec la gouverneure générale — je crois que c'est confidentiel — mais l'interroger à propos du processus décisionnel, et être en mesure d'approfondir certaines de ces questions... Oui, tout à fait.
    Je vais adresser ma prochaine question à vous ainsi qu'à M. Taillon.
    À votre connaissance, y a-t-il quoi que ce soit qui aurait pu empêcher le premier ministre d'annoncer plus tôt, peut-être le 18 août, son intention de demander à la gouverneure générale de proroger le Parlement à une date ultérieure, à l'approche du mois de septembre, et de demander officiellement la prorogation peu de temps avant la date en question?
    Monsieur Taillon, vous avez tenu des propos intéressants concernant le fait de faire passer les intérêts du gouvernement avant ceux des Canadiens et de retirer au Parlement, pendant une certaine période, les outils auxquels il peut avoir recours.
    À votre connaissance, y a-t-il des obstacles qui auraient empêché le premier ministre d'annoncer son intention de demander la prorogation à une date ultérieure, mais de permettre aux comités, en particulier, de continuer leur bon travail dans l'intervalle?

  (1130)  

[Français]

    Personnellement, je ne vois aucun obstacle à l'utilisation d'une prorogation plus courte, à l'affichage de l'intention de proroger et à la poursuite du fonctionnement des comités parlementaires jusqu'à la prorogation. Une fois la prorogation passée, il n'y a aucun obstacle à ce que les députés qui soutiennent le gouvernement collaborent à la poursuite des enquêtes qui existaient avant la prorogation. Toutes ces options me semblent possibles.

[Traduction]

    Monsieur Bratt, avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet?
    Oui. Rien n'empêche le premier ministre d'annoncer lors d'une conférence de presse son intention de proroger le Parlement dans deux ou trois semaines. Rien ne l'empêche de faire une telle annonce. En fait, rien ne l'empêche de revenir sur sa décision trois semaines plus tard, en faisant valoir que la prorogation n'est pas nécessaire pour le moment. C'est tout à fait possible, mais je suis d'accord avec mon collègue. Une prorogation de six semaines est assez inhabituelle. Il s'agissait d'une période passablement longue.
    C'est très bien, je vous remercie pour vos réponses.
    On a beaucoup parlé de l'importance pour le premier ministre de tenir un vote de confiance après le discours du Trône. Je vais citer ce qui a été dit officiellement, je crois, à savoir « nous sommes tenus par le devoir et par l'honneur de nous assurer que nous avons encore la confiance de la Chambre ».
    Ma question s'adresse encore une fois à vous deux. Certains ont laissé entendre que ce vote était pratiquement un moyen de provoquer le déclenchement d'élections avant l'arrivée de la deuxième vague de COVID. Diriez-vous qu'il existe d'autres outils auxquels le gouvernement aurait pu avoir recours, autre que la prorogation, pour procéder à un vote de confiance en vue de s'assurer qu'il avait encore clairement la confiance de la Chambre des communes? Êtes-vous d'avis qu'il y a d'autres outils, mis à part la prorogation, auxquels le gouvernement aurait pu avoir recours à cet égard?
    Ils auraient pu simplement présenter une résolution à la Chambre pour demander un vote de confiance. Ils n'avaient pas besoin de proroger le Parlement. Ils n'avaient pas besoin d'un discours du Trône. Le gouvernement peut déclarer qu'il s'agit d'une question de confiance et tenir un vote en ce sens. Oui, ils auraient pu le faire pour d'autres raisons que la prorogation. Cela n'exigeait pas de vote de confiance.
    Étant donné les spéculations au sujet du moment de la prorogation et les documents qui devaient être déposés le jour suivant, est-ce que vous suggérez que nous étudions certaines des conversations entre le gouvernement et les entités qui devaient déposer des documents, pour savoir quels renseignements ils avaient en leur possession avant la prorogation?
    Répondez par oui ou par non, s'il vous plaît.
    Oui.
    Merci.
    Monsieur Lauzon, vous avez la parole.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    D'abord, je remercie les témoins de leurs exposés théoriques. Leurs explications assez exhaustives me permettent de dire que ce sont des personnes passionnées.
    Ma question s'adresse à M. Bratt.
    Monsieur Bratt, dans votre témoignage, vous avez dit que, pour affronter la pandémie de la COVID-19, il était valable d'avoir une prorogation du Parlement. Cependant, vos propos ont rapidement dévié vers ce que vous croyez être la raison de la prorogation du Parlement.
    Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous pensez que c'était une raison valable d'avoir une prorogation du gouvernement pendant une pandémie comme celle que nous vivons?

[Traduction]

    Je crois qu'une situation d'une telle importance, qui a donné lieu à des milliards de dollars de dépenses supplémentaires au gouvernement pour une pandémie inconnue, dont nous ne connaissions pas la gravité, justifie tout à fait une réinitialisation du gouvernement, comme c'est le cas pour une crise financière, une dépression ou une guerre.

[Français]

    Vous avez aussi mentionné qu'il aurait été préférable d'annoncer la prorogation au mois de mars, lorsque nous avons appris que cette pandémie sévissait. Or, elle a été annoncée au mois d'août. Comment pouvez-vous expliquer que les données amassées entre mars et août et que les cas observés sur le terrain puissent avoir été bien analysés? On savait déjà à ce moment-là qu'il y aurait une deuxième vague. On se dirigeait vers un déficit supérieur à 300 milliards de dollars. Il était temps de prendre du recul.
    Pourquoi était-ce plus important de demander la prorogation au mois de mars qu'au mois d'août, alors qu'il n'y avait pas encore de données probantes? Au mois d'août, nous étions vraiment en état d'urgence. Les gens étaient fatigués et en avaient assez. Ils voulaient déjà que l'on se sorte de la pandémie.

  (1135)  

[Traduction]

    En ce qui a trait au moment, je n'ai jamais dit qu'il fallait que ce soit en mars. Cela aurait pu être en avril, en mai ou en juin. Je crois que la raison pour laquelle la prorogation a eu lieu en août, c'est que d'autres événements politiques, comme le scandale de Mouvement UNIS, avaient émergé. Ce n'était pas nécessaire de le faire le premier jour, le deuxième jour ou la première semaine. Si la prorogation était vraiment attribuable à la COVID et que le gouvernement croyait la prorogation nécessaire en août, il aurait pu proroger le Parlement en juin ou même en mai. Comme le gouvernement l'a fait au mois d'août, on se penche alors sur les événements qui avaient lieu à ce moment-là.

[Français]

    Ma prochaine question s'adresse aux deux témoins.
    Vous avez dit tous les deux que la prorogation était controversée. Dans l'histoire de notre pays, y a-t-il eu des prorogations qui n'ont pas soulevé de controverse chez les partis de l'opposition?
    Certainement, mais ce n'est pas tout à fait juste, parce que, dans un contexte où le Parlement est majoritaire, l'utilisation de la prorogation est moins controversée. Elle s'apparente moins à un moyen dilatoire, comme cela peut être le cas lorsque le Parlement est minoritaire. L'objectif est-il d'obtenir un vote de confiance, une enquête?
    Quand le Parlement est majoritaire, il a le plein contrôle, ou presque, des travaux de la Chambre. Son utilisation de la prorogation devient une occasion de remettre à zéro le programme législatif et de prononcer un discours du Trône. Dans une situation où le Parlement est minoritaire, les motifs soulevés peuvent être les mêmes que ceux présentés par le Parlement majoritaire, mais il y a des aspects plus controversés, c'est-à-dire des moyens dilatoires. Ce sont des moyens utilisés pour se défendre puisque la confiance est toujours un peu plus incertaine, si je puis dire, en situation de Parlement minoritaire.
    Vous avez aussi mentionné qu'il aurait été possible de faire mieux, que tous les gouvernements pouvaient faire mieux, dans toutes les situations. M. Stephen Harper aurait pu faire mieux dans le cas des deux prorogations qu'il avait demandées. Il en va de même pour M. Jean Chrétien. Vous avez donné un exemple concret, soit une prorogation qui avait été demandée pour une période limitée. Vous avez beaucoup insisté là-dessus.
    Vous souvenez-vous de la durée des prorogations demandées par le gouvernement Harper?
    Malheureusement, je n'ai pas les dates sous la main, mais il m'est facile de convenir avec vous que la durée pouvait être longue. En 2008, notamment, elle a été de plusieurs mois. C'est justement un cas où la controverse a été très importante.
    Je suis même prêt à convenir que ce n'est peut-être pas la même chose quand la prorogation a lieu au cours des mois d'été comparativement à une prorogation déclenchée pendant les mois d'hiver.
    J'allais en venir à cela.
    J'en conviens sans problème avec vous.
    On compare des mois avec des mois, mais si on parle de mois d'été, d'un retour et d'une date qui est presque la même, cela fait une différence. Il est inexact de dire que l'on s'est acharné pendant une période de six semaines.
    Vous traitez de questions vraiment très théoriques sur la procédure, sur la différence entre une prorogation, le discours du Trône et un énoncé économique, mais vous arrive-t-il, comme nous, qui sommes des spécialistes sur le terrain, de prendre le pouls de la situation et, par exemple, de devoir gérer celle-ci lorsqu'il y a des aînés en détresse?

[Traduction]

    Nous n'avons plus de temps, monsieur Lauzon.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

    Nous allons maintenant entendre M. Therrien. Vous disposez de six minutes. Allez-y.

  (1140)  

[Français]

    Je vous remercie, messieurs Bratt et Taillon. Vous avez été très intéressants. J'aurais énormément de questions à vous poser, mais je vais tenter de le faire le plus simplement possible.
    Monsieur Bratt, vous avez insisté sur le fait qu'une prorogation du Parlement sert à faire table rase, à réinitialiser les travaux. Vous avez aussi dit que, quand vous avez entendu le discours du Trône, vous vous êtes bien aperçu qu'il n'y avait pas de rupture, qu'il y avait plutôt une continuité. Vous avez écouté le premier ministre s'adresser à la nation le soir même, où il nous disait de tousser dans notre coude et de télécharger l'application mobile de traçage. Il n'y avait rien de nouveau dans cela. Vous avez semé un doute important quant à l'idée de faire table rase, mais admettons que c'est ce que le gouvernement voulait faire.
    Monsieur Taillon, vous avez dit que fermer le Parlement, c'est fermer le coffre à outils de l'exécutif. Dans le contexte de crise où nous étions, c'était nous priver de lois qui pouvaient nous aider à traverser cette crise.
    M. Lauzon a dit que nous travaillions plus ou moins, à l'été. Je lui rappelle que quatre comités tenaient des réunions et que nous étions à la Chambre de façon régulière. À partir du mois de mars, les partis de l'opposition ont fait preuve d'un très grand esprit de collaboration en acceptant de siéger le plus souvent possible pour essayer de trouver des solutions à la pandémie. Je le sais, car je suis le leader parlementaire du Bloc québécois. J'ai souvent discuté avec le leader parlementaire du gouvernement pour trouver des solutions efficaces, parce que la crise était extraordinairement difficile à gérer.
    Nous nous sommes privés de six semaines de travaux. Si le gouvernement avait voulu réinitialiser le Parlement et ne pas se priver de moments importants pour travailler avec l'exécutif et le législatif, il aurait fallu qu'il annonce la prorogation le 18 septembre, le vendredi avant la reprise prévue au calendrier. Mardi, MM. Booth et Sutherland nous ont dit qu'il aurait été possible de le faire. Si, au lieu de penser à l'intérêt du Parti libéral, le gouvernement avait pensé à l'intérêt de la nation canadienne et de la nation québécoise, c'est ce qu'il aurait fait. Il a pensé à autre chose, et il n'a pas pensé au peuple québécois ni au peuple canadien.
    Le 17 août, M. Morneau, le numéro deux du gouvernement, démissionnait, pendant la pire crise économique depuis les années 1930. Ma question est simple. D'après vous, la prorogation du Parlement demandée le 18 août a-t-elle servi à sauver la tête du numéro un du gouvernement, celle du premier ministre?
    Chose certaine, le temps compte beaucoup. C'est là que je me montre le plus sévère à l'endroit du gouvernement. La motivation de tous les gouvernements est hétérogène, c'est-à-dire qu'elle peut être à la fois partisane, tactique et noble. Dans le cas qui nous occupe, il y avait la nécessité de ne pas fermer le coffre à outils législatif pendant aussi longtemps, parce qu'on était en train de construire l'avion en plein vol, pour reprendre une métaphore populaire.
    Déjà, on avait de la difficulté à faire face à affronter cette crise avec les outils dont on disposait. Évidemment, il restait les provinces et l'exécutif, mais que le gouvernement jette par-dessus bord pendant six semaines une partie du coffre à outils dont l'État fédéral dispose, c'est faire passer ses intérêts avant les intérêts supérieurs de la fédération.
    Je conviens que les mois d'été, en temps normal, comptent moins que les mois d'hiver, mais nous ne sommes pas en temps normal. C'est pour cela que j'insiste beaucoup sur la durée de la prorogation en temps de crise. C'était probablement en raison de cet aspect que cela constituait la faute la plus grave du gouvernement dans ce dossier.

[Traduction]

    J'aimerais ajouter quelques points.
    Dans les années 1980, le gouvernement Mulroney avait prorogé le Parlement pendant une journée. C'est une possibilité. La prorogation aurait pu durer une ou deux journées. Ce n'était pas nécessaire de tout arrêter pendant six semaines.
    Le choix du moment est tout à fait important. On ne peut pas faire abstraction du lien entre la démission de M. Bill Morneau et son implication dans le scandale UNIS. On n'a qu'à penser à cette réunion de comité où il a annoncé qu'il avait fait un chèque de 45 000 $ à l'organisme quelques heures avant son témoignage. C'est assez accablant.
    Qu'est-il arrivé après la prorogation? De quoi parlaient les médias? De la prorogation. Ils parlaient moins de la démission de M. Morneau, supposément dans le but d'obtenir un poste à l'OCDE, ce qui est rapidement tombé à l'eau.

  (1145)  

[Français]

    J'aimerais revenir sur le fait que M. Morneau a démissionné le 17 août et qu'il y a eu une prorogation le 18 août. Il est évident que cela n'était pas motivé par la crise sanitaire et la crise économique et que l'on voulait simplement protéger les intérêts du premier ministre. Compte tenu de vos témoignages, nous en sommes plus que jamais convaincus.
    Permettez-moi de faire un commentaire. Je suis le leader du Bloc québécois à la Chambre, et depuis le mois de mars, je communique de façon régulière avec le leader du gouvernement et les leaders des autres partis. Tout au long de l'été et du printemps, nous sommes demeurés en communication, comme l'a dit M. Taillon, pour améliorer les mesures du gouvernement. C'était comme construire un avion en plein vol. Nous avions mis de côté nos positions historiquement politiques pour travailler ensemble afin d'améliorer le sort de la population. Malheureusement, ce n'est pas ce que le Parti libéral a fait, le 18 août, et je trouve cela déplorable.
    Je voudrais maintenant revenir sur le discours que M. Trudeau a prononcé le jour du retour à la Chambre.

[Traduction]

    Merci, monsieur Therrien.
    Monsieur Blaikie, vous disposez de six minutes.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup.
    Nous sommes ici, aujourd'hui, à cause d'une politique adoptée par le gouvernement libéral en réaction aux prorogations du premier ministre Harper. Selon ce que je comprends, cette politique visait à ce qu'il y ait des prorogations non controversées et à ce que le gouvernement rende des comptes lorsqu'il décide de proroger le Parlement.
    Nous avons entendu des opinions très différentes, ici, au sujet des raisons pour lesquelles la prorogation a eu lieu. Je m'intéresse à cette question et je souhaite que nous fassions une étude pour comprendre le genre de précédent que cela crée, afin que l'on abuse moins du pouvoir de prorogation.
    Nous avons entendu à plusieurs reprises que toutes les pistes menaient au premier ministre. Nous savons bien que c'est le premier ministre qui a le pouvoir constitutionnel de conseiller au gouverneur général de proroger le Parlement. Ce dont nous voulons parler, ce sont des raisons pour lesquelles ce conseil a été donné. Nous n'avons toujours pas entendu le point de vue du premier ministre lui-même, et nous n'avons pas encore eu l'occasion de le questionner.
    Alors, pensez-vous qu'il serait approprié que le premier ministre se présente au Comité pour participer à cette étude, et est-ce que cela créerait un bon précédent?
    J'aimerais entendre les commentaires de M. Taillon, puis ceux de M. Bratt.
    Si le Comité invite le premier ministre et que celui-ci accepte cette invitation, ce serait sûrement une bonne chose.
    Cela étant dit, vous avez dit que le premier ministre avait le pouvoir constitutionnel de conseiller le représentant de Sa Majesté, le gouverneur général. Cela n'est pas aussi simple qu'il y paraît, parce que le premier ministre n'existe pas, en réalité, dans nos textes constitutionnels. Cette relation qu'il entretient avec le gouverneur général est encadrée par des conventions, c'est-à-dire par des règles floues et non écrites qui ne peuvent être sanctionnées par les tribunaux. Cela touche le cœur de la conclusion de mon discours. Il faut en effet faire attention, car ce que nous avons de plus précieux, la démocratie parlementaire, repose sur des règles très fragiles qui, en temps de crise, peuvent aggraver la situation au lieu de nous aider à y trouver une solution.

[Traduction]

    Monsieur Bratt.
    J'aimerais souligner quelques points. Premièrement, je suis très heureux qu'un comité ait été formé pour étudier la prorogation d'août 2020. J'aurais aimé qu'on réalise une étude similaire en 2008 et en 2010.
    J'aime les conventions constitutionnelles. Je crois que la constitution non écrite est une grande force du système canadien. C'est peut-être pour cela que je ne suis pas professeur de droit.
    On peut examiner le cas de M. Boris Johnson. À l'automne 2019, la Cour suprême du Royaume-Uni a annulé la prorogation, mais une prorogation plus courte a ensuite été autorisée. Étant donné les similitudes entre le système britannique et le système canadien — et le rôle de la convention —, on pourrait se pencher sur cette question et l'étudier plus en détail. On pourrait peut-être inviter un expert britannique à témoigner devant le Comité.

  (1150)  

    Je crois qu'on a entendu dire que dans le contexte canadien, pour changer ces conventions, il fallait un amendement constitutionnel, ce qui me semble étrange, parce qu'il faudrait inscrire certaines choses dans la Constitution qui ne s'y trouvent pas pour le moment. Il ne s'agit pas d'un simple amendement. Il faudrait développer un mécanisme constitutionnel pour régir la prorogation.
    Comme l'a dit M. Taillon, on pourrait peut-être apporter certains changements puisque ce n'est pas écrit et qu'il y a une certaine fluidité associée à ces règles, mais on ne pourra le faire que lorsque les leaders — soit le premier ministre ou le gouverneur général — jugeront qu'il est temps d'adopter des comportements qui ne se conforment pas à la convention établie.
    Quelles voies le Parlement peut-il emprunter pour assumer un plus grand rôle dans la prise de décisions au sujet de la prorogation?
    Je suis d'accord avec vous: une mesure législative ne fonctionnerait pas. Je dirais qu'il faut quelque chose de plus fort qu'une loi. Je crois qu'il faut une surveillance; qu'il faut enquêter sur les vrais motifs de la prorogation.
    Ensuite, on pourra laisser la population canadienne décider. Au bout du compte, ce seront les Canadiens qui détermineront si la prorogation était associée à des motivations politiques ou à des politiques publiques. C'est ce que je ferais.

[Français]

    Monsieur Taillon, avez-vous des commentaires à formuler sur la question?
    La Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni se sont dotés de manuels du cabinet non pas pour changer les règles conventionnelles, mais pour au moins les codifier par écrit afin que le public et les parlementaires puissent les connaître.
     Ici, on ne parle pas d'un changement à la Constitution, mais simplement d'un document non juridique qui sert de guide. Comme ce dernier a été accepté de tous et débattu à son adoption, il devient en quelque sorte un phare en matière d'interprétation de ces règles très importantes en temps de crise.
    Au Comité, mon collègue M. Hugo Cyr a plaidé pour un renforcement des règles par un vote préalable. Ce sont des mécanismes que vous pourriez peaufiner dans le cadre de la procédure parlementaire, tout comme ceux ayant trait aux travaux du Comité. Toutefois, au bout du compte, la capacité de réforme est limitée.

[Traduction]

    Merci, monsieur.
    Nous passons maintenant à la deuxième série de questions. Comme nous avons commencé la réunion avec un peu de retard, nous allons quelque peu dépasser l'heure de fin prévue, mais nous allons terminer avec le NPD à la moitié de la deuxième série de questions.
    Madame Vecchio, allez-y. Vous disposez de cinq minutes.
    Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
    J'aimerais revenir à certaines questions posées par mon collègue, John Nater. À titre d'introduction, monsieur Bratt, vous avez écrit ceci dans le Calgary Herald en septembre:
Le discours du Trône ne visait pas une réinitialisation en raison de la COVID-19. Il s'agissait plutôt d'un effort minutieux du gouvernement Trudeau de détourner l'attention des Canadiens d'un scandale politique.
    Est-ce que c'est ce que vous croyez encore aujourd'hui?
    Oui.
    D'accord. Merci beaucoup.
    J'aimerais vous citer une fois de plus. Vous avez dit que « le réel motif derrière la prorogation était le scandale de l'Organisme UNIS ».
    Depuis qu'on nous a confié la tâche d'étudier les motifs de la prorogation par le gouvernement, est-ce qu'il serait logique, selon vous, d'entendre ces types de témoins?
    Tout à fait, et je revisiterais certains des témoignages au sujet du scandale UNIS avec les frères Kielburger. Dans l'entrevue qu'ils ont donnée à l'émission The Fifth Estate il y a quelques semaines, leur discours avait grandement changé par rapport à celui qu'ils tenaient en juillet.
    Vous avez tout à fait raison, monsieur Bratt. J'ai regardé l'entrevue et je suis entièrement d'accord avec vous. J'ai écouté ce qu'ils disaient avec attention et j'ai constaté que leur histoire avait changé; qu'ils étaient un peu plus ouverts au sujet de certains commentaires.
    En plus des frères Kielburger, devrions-nous entendre d'autres témoins? Nous avons dit que le premier ministre devait comparaître devant le Comité.
    Est-ce que M. Bratt et M. Taillon sont d'avis que le premier ministre devrait témoigner ici? Oui ou non?
    Oui.
    Monsieur Taillon?
    Je dirais que oui, et que Katie Telford doit aussi témoigner devant vous, en plus de nombreux autres témoins que vous avez déjà entendus au sujet d'UNIS.
    Nous étudions l’Organisme UNIS. Est-ce qu’on devrait inviter les représentants de Speakers' Spotlight afin de savoir quels membres de la famille Trudeau ont été payés pour leur participation aux événements d’UNIS?

  (1155)  

    Oui. Je crois qu’il s’agit d’un élément important. Je ne crois pas que ce soit le seul. Je veux dire...
    D’accord.
    C’était une grande révélation lorsque nous avons appris que la mère et le frère de Justin Trudeau étaient payés, mais même avant cela, les gens étaient sûrement au courant — ou auraient dû être au courant — des liens très étroits entre Trudeau et l’Organisme UNIS. Ce n’est pas tant une question d’argent qu’une question de proximité entre les deux.
    Tout à fait. Notre étude porte sur la prorogation, mais il n’est pas seulement question du premier ministre et de sa décision finale; il faudrait peut-être creuser un peu plus loin. C’est ce que vous dites, monsieur Bratt.
    Oui parce que, à mon avis, c’est la raison pour laquelle il y a eu prorogation. Il faudra creuser un peu plus loin pour comprendre pourquoi on a voulu retarder la reprise et changer de sujet.
    Bien honnêtement, je crois que la prorogation a fonctionné à cet égard. On a bel et bien changé de sujet. On ne parle de l’Organisme UNIS que depuis quelques semaines, mais à l’automne, personne n’en parlait.
    C’est vrai. L’autre jour, nous avons entendu le leader du gouvernement à la Chambre, Pablo Rodriguez. Les libéraux disent qu'ils ne faisaient pas obstruction, mais nous l'avons vu dans de nombreux comités: dès qu'on évoquait l'Organisme UNIS, tout le monde devenait irritable et ne voulait pas revenir sur le sujet. On voulait garder cette porte fermée.
    Je sais que d’autres se disent que c’était il y a des mois de cela. Oui, c’était il y a plusieurs mois, mais malheureusement, le premier ministre semble avoir souvent recours à la même technique, ce qui est très préoccupant.
    Ce serait peut-être plus difficile, mais j’aimerais entendre Bill Morneau sur ce sujet.
    D’accord.
    C’est maintenant un simple citoyen, mais il a remis sa démission entre les deux... Donc, quel était le lien? J’aurais cru qu’un ministre des Finances se serait réjoui de participer à la relance de l’économie canadienne et des finances après avoir dépensé des milliards de dollars. Ce n’est pas un bon moment pour démissionner, à moins que le premier ministre n’ait plus confiance en vous.
    Tout à fait. Je crois que c’est ce que nous avons tous constaté, malheureusement, le 17 août. Nous avons vu la division créée par la fin d’une longue amitié.
    Nous avons continué de demander au premier ministre, à Katie Telford — la cheffe de cabinet —, à Bardish Chagger et à d’autres personnes importantes de témoigner devant nous. Que devrions-nous faire si nous essuyons un refus? Les députés ont le droit de refuser de témoigner. Quelle devrait être la prochaine étape si c’était le cas?
    Je ne sais pas ce que vous pouvez faire pour les forcer à témoigner, à part de dire qu’ils ont été invités et ont décidé de ne pas témoigner.
    D’accord. Est-ce qu’on devrait convoquer d’autres témoins?
    Oui. Continuez de le faire. Il faut recueillir le plus de renseignements possible.
    D’accord, c’est exactement ce que je veux faire.
    Monsieur Taillon, croyez-vous qu’il soit important de recevoir les frères Kielburger et d’autres témoins afin de démontrer le lien entre la prorogation et le scandale? Quel est votre avis à ce sujet?

[Français]

    Ce qui est arrivé dans l'affaire UNIS est important. Il est très souhaitable que cette enquête parlementaire puisse être poursuivie. Les députés du Parlement disposent de procédures pour lancer une nouvelle enquête, s'il le faut.
     Par contre, je ne suis pas certain qu'il faille détourner les travaux d'un comité portant sur la prorogation pour les transformer en une deuxième enquête. Il est préférable de mener une véritable enquête et de poursuivre l'étude de la question, comme cela avait été fait initialement.

[Traduction]

    Merci beaucoup à vous deux.
    Monsieur Turnbull, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci aux deux témoins d'être avec nous aujourd'hui pour nous donner votre point de vue. Nous vous en sommes très reconnaissants.
    Monsieur Bratt, j'aimerais commencer avec vous. Je veux vous poser une question directe et obtenir une courte réponse, si possible. Est-ce que vous vous attendez à ce qu'un gouvernement abandonne ses valeurs et ses priorités en raison d'une pandémie?
    Non. Il faut parfois faire marche arrière et prendre des décisions pour le bien commun qui vont peut-être à l'encontre de notre idéologie. Je crois que c'est ce qu'ont fait bon nombre de gouvernements tout au long de la pandémie. Je dirais que nous avons mieux travaillé ensemble qu'à l'habitude au pays.
    Merci.
    Est-ce qu'on devrait s'attendre à ce qu'un nouveau discours du Trône soit la continuité du discours précédent, ou y soit grandement similaire à certains égards?
    Oui, mais ce n'était pas un discours du Trône habituel. C'était un discours...
    Certainement pas.
    ... qui arrivait juste après une prorogation. Ainsi, le lien entre la pandémie et certains sujets comme la garde d'enfants et l'assurance-médicaments aurait dû être beaucoup plus clair.

  (1200)  

    Merci.
    Vous êtes allé plus loin dans votre discours préliminaire. Vous avez dit que le nouveau discours du Trône avait « manqué de substance ». C'est ce que vous avez dit. J'ai votre déclaration écrite avec moi et j'ai encerclé ce passage. J'ai trouvé ce commentaire étrange parce que je sais qu'il y a eu des consultations exhaustives au sujet de la formulation du discours du Trône.
    Avez-vous comparé ce discours du Trône au précédent?
    Non. J'ai entendu de nombreux discours du Trône par le passé.
    Merci.
    J'ai fait la comparaison et je voulais vous demander si vous saviez que le thème du nouveau discours du Trône était « Reconstruire en mieux »? Cela ne faisait même pas partie du lexique politique, à ce que je sache, avant la pandémie.
    Est-ce vrai, selon vous?
    Inventer une phrase, c'est une chose; élaborer un ensemble de politiques et d'idées, c'est une autre chose. Ce n'est pas difficile de trouver un slogan.
    Je crois que c'est bien plus qu'un slogan, mais vous avez le droit de ne pas être d'accord, évidemment.
    Qu'en est-il de la mention du racisme systémique, et de l'importance qui y est accordée en vue de s'y attaquer? Une grande partie du discours traite du racisme systémique, qui a été mis au jour pendant la pandémie. Il s'agit d'un nouvel élément du discours du Trône, qui ne se trouvait pas dans le précédent.
    Êtes-vous d'accord? Reconnaissez-vous cette nouveauté?
    On a développé la question par rapport à ce qui se trouvait dans le discours du Trône précédent.
    Je vois. Il y avait donc du nouveau. Ce que vous avez dit à propos du « manque de substance »... Qu'en est-il des normes nationales pour les soins de longue durée? C'est selon moi une grande priorité révélée par la pandémie et les lacunes en la matière que nous avons vues d'un bout à l'autre du pays.
    De toute évidence, le problème dans ce dossier, c'est la compétence. Oui, c'est aussi problématique de parler des soins de longue durée qui relèvent des provinces. C'est d'ailleurs pour cela que ma déclaration — que je n'ai pas lue, mais qui a été distribuée — comprend une section qui explique pourquoi les premiers ministres étaient eux aussi mécontents du discours du Trône pour d'autres raisons.
    Je reconnais certainement qu'il y a des problèmes de compétence, mais ce que j'essaie de vous demander et de faire valoir, c'est que ce n'était pas dans le discours du Trône précédent puisque c'est la pandémie qui a attiré l'attention sur le problème.
    À vrai dire, il y avait — du moins selon moi — trois ou quatre choses importantes dans le dernier discours du Trône qui ne se trouvaient pas dans le précédent et qui se sont révélées être des priorités compte tenu de la pandémie. L'autre que je vous mentionnerais est le soutien aux secteurs les plus durement touchés. Il en a certainement été question dans le discours, entre autres choses.
    De mon point de vue, le discours ne manquait pas du tout de substance. Peut-être pas du vôtre, mais je pense qu'il y a des preuves du contraire.
    Je veux vous poser une autre question sur le moment choisi. Je pense que l'autre observation critique que vous avez formulée crée vraiment un lien de causalité entre deux choses qui se sont produites. Je sais grâce à la science et à la compréhension... que le moment choisi ne crée pas nécessairement de lien de causalité. Êtes-vous d'accord?
    Si j'étais grincheux ce matin au réveil, ce n'est pas parce que ma fille n'a pas fait ses devoirs hier soir.
    Tout à fait. Ce qui compte, c'est le contexte entourant le moment choisi et la détermination ou non d'un lien de causalité. Je suis porté à croire que la démission du ministre des Finances ayant mené à la prorogation le jour suivant est un très bon lien de causalité.
    Merci, monsieur le professeur.
    Monsieur Therrien, vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     Je vous remercie, madame la présidente.
    Il est très clair qu'on a demandé une prorogation pour un motif politique lié à l'affaire UNIS.
    Le député libéral M. Turnbull a essayé de nous expliquer qu'il y avait une différence entre les deux discours du Trône. À part l'empiètement dans les compétences des provinces, qui était décrié par toutes les provinces et le Québec, je ne vois pas vraiment autre chose de nouveau.
    Sans vouloir mettre des mots dans la bouche de quiconque, j'aimerais avoir le point de vue des deux témoins, parce qu'ils sont des experts dans le domaine qui nous occupe aujourd'hui.
    Y avait-t-il des différences marquées dans le nouveau discours du Trône qui pouvaient nous faire croire qu'il y avait un motif de prorogation? Il était évident qu'il s'agissait d'une réinitialisation du Parlement.

  (1205)  

    Il faut distinguer le contenu du discours du Trône et l'effet de la réinitialisation.
    Le gouvernement prétend avoir de nouvelles orientations. Est-ce le cas? Je n'ai pas d'avis là-dessus. À la limite, à mes yeux, ce n'est pas ce qui est déterminant. Si le gouvernement veut faire un nouveau discours du Trône, il peut le faire en utilisant la prorogation.
    Ce sont surtout les effets de la prorogation qui sont déterminants. Il est question de réinitialiser tous les travaux parlementaires et de mettre fin à ce qui était en cours.
    On pourrait imaginer une situation où le gouvernement en place souhaite avoir un nouveau discours du Trône et de nouvelles orientations sans proroger. On n'est pas obligé de proroger pour faire un virage politique. C'est la nature même de notre système. On n'est pas dans un système de mandat impératif. Les députés et le gouvernement sont au service de l'intérêt général et, si le contexte exige de changer de politique, ils sont libres de le faire.
    Selon moi, l'effet d'une réinitialisation est vraiment le point le plus important et le plus déterminant. Pourquoi réinitialise-t-on? Qu'est-ce qu'on décide ensuite de réactiver? À quoi s'oppose-t-on et à quoi ferme-t-on la porte, une fois que l'on reprend les travaux parlementaires?
     Je pense que c'est très significatif. Évidemment, il y a le contexte. Nous ne pouvons pas toujours établir des liens de cause à effet, en l'occurrence établir des liens entre une enquête en cours et le choix de procéder à une réinitialisation. Chose certaine, si, au retour à la Chambre, on ne collabore pas à la poursuite de cette enquête, cela indique peut-être que la réinitialisation a produit les effets recherchés.

[Traduction]

    Merci, monsieur le professeur.
    Monsieur Blaikie, vous avez deux minutes et demie.
    Je veux revenir à ma question initiale, mais peut-être d'une nouvelle façon.
    En 2015, le premier ministre et le parti ayant formé le nouveau gouvernement reconnaissaient le problème du recours abusif à la prorogation. Ils y ont donné suite en exigeant le dépôt d'un rapport après la prorogation. Je pense que nous voyons que cette réponse comporte des lacunes de certaines façons. C'est mieux que ce que nous avions avant, mais ce n'est pas un modèle d'excellence.
    À votre avis, quelles autres mesures un gouvernement qui était vraiment très déterminé à prévenir d'autres recours abusifs à la prorogation aurait-il pu prendre, et pourrait-il prendre maintenant, s'il mettait vraiment l'accent sur la prévention du recours abusif plutôt que d'en parler après coup?
    Je le demande à M. Taillon, et ensuite à M. Bratt s'il nous reste du temps.

[Français]

    La plus petite, mais la plus efficace des réformes consisterait à imposer une limite quant à la durée de la prorogation dans le but de créer éventuellement un nouvel usage, une nouvelle convention. Je ne dispose pas d'assez de temps pour vous parler de toutes les petites réformes, plus sophistiquées, qui pourraient être adoptées en matière de conventions. Toutefois, se limiter quant à la durée serait probablement la meilleure façon de ne pas priver le gouvernement de cet outil qu'est la prorogation, tout en diminuant les éventuels effets néfastes.

[Traduction]

    Monsieur Bratt, avez-vous une courte réflexion pour nous?
    J'ajouterais que ce n'est pas la première fois, et ce ne sera pas la dernière, qu'un parti de l'opposition qui dit et promet une chose en fait une autre une fois au pouvoir. C'est ce que nous voyons, et plus particulièrement dans les différences entre un gouvernement majoritaire et un gouvernement minoritaire. Si on avait été majoritaire en juillet 2020, les comités n'auraient pas fait de l'aussi bon travail que dans une situation minoritaire. Je doute que même votre comité ait été formé s'il y avait eu un gouvernement majoritaire.
    Merci beaucoup.
    Madame la présidente, je pense que c'est pas mal tout le temps que j'avais, et je sais que nous devons discuter d'importants travaux.
    Oui. Merci beaucoup.
    Je remercie plus particulièrement les témoins de s'être joints à nous et d'avoir répondu de manière aussi réfléchie et directe.
    Nous allons maintenant poursuivre. Vous êtes libres de quitter la réunion.
    Je vais demander aux députés de rester dans la séance publique puisque nous devons procéder à l'élection d'un premier vice-président.
    Nous allons demander au greffier de présider à l'élection.

  (1210)  

    Nous allons procéder à l'élection du premier vice-président. En vertu du paragraphe 106(2) du Règlement, le premier vice-président doit être un député de l'opposition officielle.
    Je suis prêt à accueillir les motions à cet effet.
    Je vous en prie, madame Vecchio.
    Je voudrais proposer la candidature de John Nater.
    Mme Karen Vecchio propose d'élire John Nater comme premier vice-président du Comité.
    (La motion est adoptée.)
    Le greffier: M. John Nater est dûment élu premier vice-président du Comité.
    Félicitations, monsieur Nater.
    Je n'avais pas à me prononcer, mais je crois que j'ai moi aussi montré mes cartes.
    Monsieur Nater, bienvenue dans ces fonctions. Nous sommes heureux de vous avoir.
    Je vous demanderais maintenant de fermer votre session et d'entrer dans la réunion à huis clos. J'espère que nous pourrons faire le tour du projet de rapport.
    Merci.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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