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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 017 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er juin 2010

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Bienvenue à la 17e séance du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Nous étudions la prorogation.
    Mesdames et messieurs les membres du comité, nous accueillons aujourd'hui M. Andrew Heard, qui témoignera pendant environ une heure. Pour la deuxième heure, nous nous occuperons des travaux du comité. Nous devrons notamment discuter de la poursuite de l'étude sur la prorogation et de l'ordre du jour pour la réunion de jeudi.
    Monsieur Heard, bienvenue. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de vous entendre. Je sais que vous vous intéressez aux travaux du comité, et c'est un plaisir de savoir que des gens nous suivent depuis leur coin de pays.
    Nous écouterons d'abord votre déclaration préliminaire, et nous passerons ensuite aux questions des membres du comité.
    Monsieur Heard, nous vous écoutons.

[Français]

     Je voudrais tout d'abord vous remercier de m'avoir invité.

[Traduction]

    C'est un grand plaisir pour moi d'être ici, dans la capitale nationale, moi qui viens de la côte Ouest.
    Au cours de la période de questions, je serai heureux d'aborder l'un ou l'autre des sujets que vous avez déjà traités dans vos réunions précédentes, y compris la nature des conventions constitutionnelles, la procédure de révision constitutionnelle, le rôle du gouverneur général et les entités qui peuvent fournir des conseils.
    Dans mon exposé, j'aimerais cependant poser deux questions de base. Pour la première, il est assez facile pour moi de donner une réponse: devrait-on essayer de limiter le pouvoir de prorogation?
    La prorogation est habituellement une mesure de routine qui remet à zéro le calendrier parlementaire. Dans bon nombre de parlements du Commonwealth, la prorogation se fait sur une base annuelle. En Grande-Bretagne, par exemple, elle a lieu en novembre. Mais un tel calendrier ne laisse tout simplement pas assez de temps pour un examen adéquat des dossiers complexes, et de nombreux parlements permettent maintenant, une fois la nouvelle session commencée, de rétablir les travaux qui étaient à une étape avancée du processus.
    Compte tenu de cette mesure, certains systèmes politiques ont remis en question le principe consistant à diviser une législature en différentes sessions. En Nouvelle-Zélande, par exemple, il n'y a plus qu'une session par législature, laquelle dure trois ans. Même s'il y a prorogation, les travaux déjà commencés sont simplement mis en attente. De plus, il est aussi possible de rétablir des travaux lancés au cours d'une législature antérieure.
    Il est important de noter qu'on peut utiliser la prorogation de façon constructive en cas d'urgence. On suspend alors le Parlement jusqu'à ce que le temps vienne de reprendre les travaux.
    Dans de rares circonstances, toutefois, la Couronne peut utiliser la prorogation pour entraver la capacité de la Chambre de remplir son rôle. Dans ces cas, la prorogation sert à empêcher la Chambre de tenir le gouvernement responsable. Ce troisième titre de prorogation nous ramène à une époque révolue, lorsque la Couronne prorogeait ou dissolvait le Parlement lorsqu'elle se sentait contestée sérieusement.
    Je crois que la Chambre doit se défendre contre une telle ingérence. Elle doit faire valoir son droit de contrôler ses propres affaires et limiter le pouvoir de prorogation.
    Il est beaucoup plus difficile de répondre à ma deuxième question: comment le pouvoir de prorogation devrait-il être réglementé?
    Selon moi, le principe essentiel à respecter est le suivant: avant de proroger le Parlement, il faudrait normalement obtenir le consentement de la Chambre des communes. Je dis « normalement » puisqu'il faut se parer contre les éventualités qui pourraient empêcher la Chambre de siéger, par exemple, les actes de violence, les épidémies et les catastrophes naturelles.
    On peut obtenir le consentement grâce à divers outils: une convention constitutionnelle, la présentation d'une motion à la Chambre des communes, un changement au Règlement, des modifications statutaires à la Loi sur le Parlement du Canada, des modifications aux lettres patentes ou une révision constitutionnelle. Il pourrait aussi être nécessaire de recourir à plus d'une méthode.
    On pourrait s'attaquer au problème directement en modifiant le pouvoir de prorogation du gouverneur général, mais il y a également des moyens indirects de parvenir aux mêmes résultats. On vous a déjà dit que des mesures dissuasives pourraient être incorporées au Règlement de la Chambre. Je ne suis cependant pas certain que les mesures envisagées seraient assez efficaces.
    J'estime quand même que le Règlement pourrait être mis à profit. Par exemple, on pourrait le modifier de façon à ce que tous les travaux soient rétablis automatiquement après la prorogation, à moins que le Chambre en décide autrement.
    Le Règlement pourrait exiger qu'un vote sur le rétablissement ait lieu dans un délai défini après le début de la session. De cette façon, le gouvernement pourrait remettre à zéro le calendrier parlementaire si une majorité des députés y consent.
    Une autre option consiste à fixer la durée d'une session parlementaire. Comme la durée maximale d'une législature est aujourd'hui de quatre ans, la Loi sur le Parlement du Canada pourrait exiger qu'il y ait normalement deux sessions par législature. La durée de chacune des deux sessions pourrait être établie selon la pratique, mais la loi pourrait aussi fixer des durées précises. Peu importe le cas, toutefois, il faudrait permettre la prorogation en cas d'urgence.
    Aucun de ces changements ne permet à lui seul de faire en sorte que la Chambre consente normalement à la prorogation. Il faudrait aussi utiliser une déclaration sur le besoin de consentement, et cette déclaration devrait être formulée en termes très clairs et très directs.
    Il pourrait aussi suffire à la Chambre d'adopter une motion dans laquelle elle affirme qu'une prorogation sans consentement constitue une obstruction à la capacité de la Chambre de mener ses travaux. Le Règlement pourrait alors définir la procédure à suivre pour obtenir la sanction requise.
    Bien entendu, une loi allant dans le même sens serait plus puissante.

  (1110)  

    Quoi qu'il en soit, il faudrait quand même autoriser la prorogation en cas d'urgence.
    On pourrait aussi, comme vous l'avez entendu, adopter une motion dans laquelle on affirme que tout gouvernement qui proroge le Parlement sans consentement perd la confiance de la Chambre. Cette méthode a cependant une faiblesse: elle procure un moyen facile au gouvernement de demander une dissolution précoce en vertu de la Loi sur les élections à date fixe.
    Par ailleurs, l'apport de modification législative exige de vérifier s'il faut procéder à une révision constitutionnelle officielle, étant donné que les pouvoirs du gouverneur général sont en jeu. Il s'agit d'une question intéressante et complexe que je serais heureux d'explorer, mais je me limiterai à dire pour le moment qu'on peut proposer de façon convaincante que le Parlement légifère sur la prorogation ou la durée des sessions.
    Malheureusement, les mesures dissuasives qui entrent en vigueur après coup risquent de ne pas être assez efficaces. Il pourrait s'avérer nécessaire de trouver un moyen de faire en sorte que les prorogations abusives ne puissent pas avoir lieu.
    Pour ce faire, il n'est pas nécessaire de restreindre le pouvoir de prorogation du gouverneur général. Il pourrait être suffisant de permettre au gouverneur général d'exercer ses pouvoirs de réserve et de refuser l'avis du premier ministre.
    La Chambre pourrait, par le biais d'une motion en ce sens, déclarer qu'elle approuve le refus du gouverneur général de proroger le Parlement lorsque la Chambre n'a pas donné son consentement et qu'aucune urgence ne justifie la prorogation. Le refus serait donc donné avec l'assentiment des députés.
    En conclusion, je crois qu'il serait sage d'établir une règle selon laquelle la Chambre des communes doit normalement consentir à la prorogation. Divers instruments peuvent permettre d'atteindre cet objectif, et on pourrait employer différentes approches en parallèle pour assurer le respect de cette règle.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Madame Jennings, vous avez la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci, monsieur Heard.
    Le comité examine la possibilité de modifier le Règlement. Vous avez parlé de la façon dont nous pourrions y arriver, mais vous avez aussi dit, que si la Chambre des communes décidait d'adopter une motion déclarant la prorogation sans consentement comme constituant un outrage au Parlement, il serait peut-être sage que la motion en question soit accompagnée d'une mesure législative afin de lui donner plus de mordant.
    Lorsque vous avez parlé de la possibilité de modifications législatives, vous avez dit qu'on pouvait facilement faire valoir que le Parlement peut légiférer relativement à la question de la prorogation sans amendement constitutionnel. Pouvez-vous nous donner plus de détails là-dessus?
    Parlez-vous de la capacité de légiférer sur la prorogation et la durée des sessions?

  (1115)  

    Comme on l'a déjà dit, le réel obstacle est l'exigence relativement au consentement unanime pour amender la fonction du gouvernement général. De nombreux experts constitutionnels croient que la fonction de gouverneur général comporte tous les pouvoirs du gouverneur général, alors dans les faits on ne peut toucher au gouvernement général, et les provinces ne peuvent toucher au lieutenant-gouverneur.
    Je ne suis pas convaincu de cet argument parce que je crois que c'est peut-être irréalisable. Les pouvoirs de la fonction de notre vice-royal constituent une combinaison de common law et de pouvoirs déterminés par la loi. La règle normale établie par la Cour suprême du Canada stipule que les pouvoirs de la common law en vertu de la prérogative peuvent être l'objet d'un appel ou être amendés à n'importe quel moment au moyen d'une loi ordinaire. Il s'agit d'un principe fondamental de la Loi constitutionnelle britannique que nous avons adoptée.
    Avant 1982, il y avait toute une gamme de changements législatifs apportés au pouvoir en vertu de la prérogative. Ce serait un cauchemar absolu de faire le tri, dans toutes les 11 administrations, des questions qui relèvent toujours des pouvoirs de la common law en vertu de la prérogative et de celles qui ont été modifiées par des pouvoirs conférés par la loi.
    Et je crois qu'il serait assez étrange de passer du principe où le Parlement peut à tout moment légiférer sur les pouvoirs en vertu de la prérogative à une position selon laquelle il faut avoir le consentement unanime des 11 administrations pour apporter tout changement aux pouvoirs conférés par la common law. Cela, selon moi, vient à l'encontre d'un des principes les plus fondamentaux de la souveraineté du Parlement par rapport à la Couronne. Alors je verrais le rôle du gouverneur général comme une construction très étroite, surtout lié à l'existence et peut-être à la nomination de candidats à ce poste.
    Vous dites que toute une série de mesures législatives ont amendé les pouvoirs conférés par la common law. Pouvez-vous nous donner des exemples?
    Votre comité en a examiné une il y a quelques années relativement à la question des élections à date fixe et à la dissolution. Nous disons souvent que la dissolution est une prérogative de la Couronne. Ce que nous savons, c'est qu'il y a en fait trois lois: une qui dissout la Chambre; une qui fixe la date des élections; et une qui convoque le Parlement à une autre session.
    La dissolution et la convocation sont traitées dans la Loi constitutionnelle de 1867. Certains pensent que cette mesure a eu un effet sur les pouvoirs conférés par la common law, d'autres non. Nous ne savons pas avec certitude qui a raison, et il y a certainement un chevauchement, et normalement, on dirait que la loi a changé les pouvoirs conférés par la common law.
    Ces pouvoirs sont clairement constitutionnels, dans un sens, parce qu'on y fait référence dans la Loi de 1867. Toutefois, le fait de fixer la date des élections et de déclencher des élections est un pouvoir conféré par la loi du gouverneur en conseil en vertu de la Loi électorale du Canada. Ce changement a été apporté dans neuf des dix provinces où le déclenchement des élections est effectué par le gouverneur en conseil.
    Terre-Neuve-et-Labrador est la seule province où — en vertu de la loi en fait, et non plus en vertu de la common law — les élections sont déclenchées par le lieutenant-gouverneur en vertu de la loi. En Grande-Bretagne, il s'agit toujours d'un pouvoir conféré par la common law à la monarchie; elle est chargée de dissoudre le Parlement et de déclencher les élections.
    Alors voilà un exemple de changement apporté et des différences entre les administrations.
     D'accord. J'aimerais que vous me donniez plus de détails sur une autre question. Vous parliez de changements législatifs possibles. Mes notes indiquent que la Chambre peut déclarer qu'elle approuverait un refus de la part du gouverneur général d'accepter une demande de prorogation du premier ministre lorsque cette demande ne répond pas à certains critères ou à certaines normes. Je note que j'ai peut-être fait des ajouts à la dernière partie, parce que mes notes sont interrompues et j'essaie de comprendre la phrase.
    Mais j'aimerais vous entendre davantage à ce sujet, parce que nous avons entendu un témoin qui nous a décrit comment, par le truchement du Règlement ou d'une mesure législative, la Chambre pourrait tenter de limiter, possiblement au moyen de conditions, l'approbation d'une demande de prorogation du premier ministre à certaines circonstances, et si la demande ne répond pas aux conditions, il pourrait y avoir des désincitations.
    Nous avons aussi entendu d'autres témoins qui ont laissé entendre que, si la Chambre décidait de limiter l'autorité du premier ministre en matière de demande de prorogation ou faisait connaître son opinion sur cette question, le Président pourrait en informer le gouverneur général. Ensuite, je présume qu'on en viendrait à la situation que vous avez décrite: si la Chambre décidait de procéder de cette façon, le gouverneur général aurait toute une gamme d'outils à sa disposition pour refuser la demande.

  (1120)  

    Oui. Il y a toute une gamme de questions dans vos commentaires.
    Oui, c'est normal, et tous mes collègues vous diront: « Ça, oui c'est bien Marlene »
    Et il vous reste 20 secondes.
    Des voix: Oh, oh!
    Laissez-moi commencer par la question qui est peut-être la plus intéressante, une qui a été débattue dans certains de vos témoignages précédents, et c'est la capacité du Président de communiquer avec le gouverneur général, si on veut. Je crois en fait qu'il y a un droit clair et ancien selon lequel le Président a accès à la monarchie ou aux représentants de la monarchie pour lui communiquer les désirs de la Chambre. Il s'agit d'un droit très ancien et bien établi qui s'est manifesté alors que le Parlement faisait valoir ses pouvoirs à la Couronne.
     Ce pouvoir a été clairement réaffirmé récemment par le Président Milliken en novembre 2005, lorsqu'une motion a été adoptée demandant au Président d'informer la gouverneure générale que, s'il y avait des élections, la Chambre préférerait qu'elles aient lieu à une date donnée. On s'était demandé si la motion pouvait être déposée et si le Président pouvait en fait s'adresser à la gouverneure générale.
    Le Président a décidé que la Chambre pouvait déposer quelque motion que ce soit pour exprimer une opinion et que lui, à titre de serviteur de la Chambre, serait plus que prêt à prendre le thé avec la gouverneure générale pour l'informer de l'opinion de la Chambre, mais même s'il l'a dit avec une note de fantaisie, il s'agissait d'une affirmation très claire de l'acceptation par le Président de son droit d'informer la gouverneure générale des motions de la Chambre.
    Alors oui, ce pourrait être une façon: de créer un mécanisme par lequel le gouverneur général est directement informé qu'une majorité à la Chambre a une opinion donnée sur la question de la prorogation. J'ai essentiellement proposé l'adoption d'une motion formulée de façon durable, afin qu'il y ait une autorisation permanente de la Chambre de refuser une permission qui n'a pas été consentie auparavant par la Chambre ou jugée nécessaire en cas d'urgence.
    Je vous remercie.
    Vous avez quelque peu dépassé le temps qui vous est accordé, madame Jennings.
    Je le fais rarement, mais j'aimerais poser une question. Si le Président de la Chambre des communes peut demander conseil, en est-il de même pour le Président du Sénat?
    C'est une très bonne question.
    J'ai toujours de bonnes questions; je ne connais pas les réponses.
    Par le passé, le Président de la Chambre des communes faisait toujours valoir ce droit. On s'y attendrait, parce que dans la tradition britannique, le Président de la Chambre des lords est en fait un ministre du Cabinet et un membre du Conseil privé. Alors on s'attendrait à ce qu'il y ait un rôle pour le Président du Sénat.
    Et si le conseil des deux se contredisait?
    Ce serait très intéressant.
    Des voix: Oh, oh!
    Oui, en effet, n'est-ce pas?
    Monsieur Lukiwski, je vous cède la parole. Je suis désolé, mais je n'ai pas pu m'empêcher.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre présence, monsieur Heard.
    J'aimerais en savoir un peu plus sur votre analyse et votre opinion, du moins sur la façon dont la prorogation pourrait être limitée dans le cadre de nos conventions constitutionnelles actuelles. Vous avez dit, par exemple, que, particulièrement dans un Parlement minoritaire, si nous avions des élections à date fixe, un gouvernement voulant forcer une élection ou changer une date d'élection fixe pourrait peut-être demander une prorogation. S'il était refusé par la Chambre, cela pourrait possiblement déclencher une élection.
    Vous avez aussi dit que vous vous attendiez — et corrigez-moi si j'ai tort, je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit — ou à tout le moins puissiez entrevoir une situation par laquelle, grâce à une combinaison de changements au Règlement, à la loi ou à d'autres écrits législatifs, et à ce genre d'approche, le Parlement n'aurait pas nécessairement à amender la Constitution.
    Voici ma première question. Y a-t-il d'autres modèles de gouvernement de Westminster qui prévoient, à votre connaissance, une telle combinaison de facteurs et qui permettent ce que vous proposez de faire ici pour ce qui est de limiter la capacité du gouvernement de proroger?
    Je ne suis pas au courant de tentative délibérée pour tenter de changer les pouvoirs de prorogation. Le modèle le plus proche est celui de la Nouvelle-Zélande, où on a tout simplement abandonné la notion de session, et les parlements récents ont eu une session pour toute la législature.
    Dans la mesure où on en a discuté, on a remis en question toute la valeur de la prorogation. L'une des plus grandes préoccupations vise les travaux parlementaires perdus; il est beaucoup moins efficace d'avoir à recommencer ou à choisir les travaux qui seront reportés.
    Dans la plupart des cas, ça n'a tout simplement pas constitué un problème. Le seul exemple à ma connaissance, dans un parlement moderne après la Deuxième Guerre mondiale où il y a eu prorogation dans des circonstances semblables à celles de 2008, est celui du Sri Lanka — en 2001, je crois — où il y a eu une motion de confiance imminente que le gouvernement aurait perdue, et il y a eu prorogation de la Chambre.
    Mais dans les démocraties prospères, on ne s'en est simplement jamais servi de cette façon. Le pouvoir de proroger n'a pas été une question politique alors on n'a pas tenté de le réglementer. On en discute au Canada parce qu'il y a eu des exemples controversés et que la question a été soulevée; on peut peut-être vivre avec ces exemples, mais il pourrait y avoir des circonstances différentes à l'avenir que nous voulons tenter d'éviter. Alors nous explorions essentiellement du jamais vu.

  (1125)  

    Très bien. J'imagine que ça m'amène à ma question, parce que nous demandons à des experts constitutionnels et à des universitaires de comparaître et de peut-être donner des conseils, mais surtout, je crois, pour donner leur opinion. Si vous aviez le pouvoir ultime de régler la question de la prorogation, comment la régleriez-vous?
    Par exemple, élimineriez-vous la capacité de proroger, comme en Nouvelle-Zélande, ou est-ce que, par le truchement d'une combinaison de changements au Règlement, à la loi, ou autres, vous régleriez la question de la prorogation d'une façon qui selon vous satisferait à la fois le Parlement mais aussi la capacité constitutionnelle d'un gouvernement de proroger? Que proposeriez-vous si vous aviez la liberté d'élaborer une série de protocoles?
    En définitive, je doute de la valeur de la prorogation. Je crois qu'il y a certaines circonstances où il est utile de remettre à zéro le calendrier parlementaire et de commencer une nouvelle session, mais elles sont rares, alors peut-être qu'on pourrait avoir comme compromis d'avoir des sessions déterminées; ainsi, il n'y aurait pas lieu de manipuler le calendrier, le programme et ainsi de suite.
    Ma préférence à l'origine serait que pour un parlement d'une durée de quatre ans, il y ait deux sessions, avec possibilité d'une autre pour composer avec une urgence ou autre. À mon avis, cela pourrait et devrait être ajouté à la Loi sur le Parlement du Canada afin que la tenue de deux sessions soit légiférée.
    On pourrait simplement s'en tenir à cela. On aurait des séances d'environ deux ans, probablement, ou on pourrait dire qu'une nouvelle session doit commencer au deuxième mois de septembre suivant des élections. Il y aurait moins de questions constitutionnelles si on disait simplement qu'il y aurait deux sessions; ainsi, on ne touche pas vraiment au pouvoir du gouverneur général de déclencher des élections. Si on tente de fixer une date, certaines personnes feraient valoir qu'on diminue la discrétion du gouverneur général.
    Je crois que le Parlement a le droit et le pouvoir de procéder ainsi de toute façon, au moyen d'une loi ordinaire qui respecterait les exigences en vertu de l'article 44, des amendements unilatéraux à la Constitution au besoin. Pour résumer, ma réponse courte est qu'il y ait simplement deux sessions et de légiférer cette pratique. On pourrait laisser une marge de manoeuvre au gouvernement ou stipuler que la deuxième session commencerait au deuxième mois de septembre.
    Il vous reste une minute.
    Vous avez dit que vous n'étiez pas un grand admirateur de la prorogation et du droit des gouvernements de proroger. Mais dans votre déclaration préliminaire vous avez indiqué qu'évidemment, de temps à autre, et l'histoire a prouvé la véracité de cette déclaration, il y a des circonstances extraordinaires — par exemple, en temps de guerre — lorsque le gouvernement aurait certainement le droit et où le Parlement aurait certainement besoin de proroger pour composer avec les changements extraordinaires de circonstances. Croyez-vous qu'il devrait y avoir un genre de protocole assorti de mesures extraordinaires en place?
    Absolument. Je crois qu'il est essentiel de faire des exceptions en cas de situations d'urgence. Il n'y a aucun doute que quelque chose de terrible pourrait arriver et que le Parlement ne pourrait simplement pas se réunir, ou s'il devait se réunir, il aurait à se réorganiser. La prorogation est alors essentielle.
    Aussi, je ne voudrais pas qu'il y ait des périodes fixes pour la prorogation, parce que dans une situation d'urgence ou de guerre, on pourrait avoir de très longues périodes de prorogation. Mais il s'agit d'exceptions à la règle et non pas ce qui pourrait ou devrait devenir la norme au Parlement.

  (1130)  

    Croyez-vous que ces protocoles assortis de mesures extraordinaires devraient...
    Le président: Vous n'avez plus de temps, monsieur Lukiwski.
    M. Tom Lukiwski: Je suis désolé, monsieur le président.
    Nous vous reviendrons.
    Je suis désolé, monsieur Lukiwski.
    Monsieur Guimond.

[Français]

    Professeur, je vous remercie de vous être déplacé pour cette présentation. Vous travaillez au Département de science politique. Vous êtes donc en mesure d'apprécier la différence entre... Est-ce que ça va?
    Oui.
    Vous êtes en mesure d'apprécier la différence entre la légalité d'un geste posé par un premier ministre, ou par un gouvernement, et la moralité de ce geste. En ce qui a trait à la légalité, le premier ministre a peut-être le droit de proroger à sa guise, à tous les mois si ça lui tente, mais proroger pour éviter de braver la tempête ou de faire face à des échéanciers qui peuvent être embêtants pour lui, c'est différent. J'aimerais vous entendre sur ces deux aspects.

[Traduction]

    Vous avez tout à fait raison de faire la distinction entre le fait de tenter de limiter légalement ou officiellement les pouvoirs de prorogation du premier ministre et les contraintes morales. Jusqu'à tout récemment, nous avons fonctionné en tenant compte de ces contraintes morales.
    Les conventions constitutionnelles qui avaient été mises en place, les façons informelles de procéder et les attentes morales faisaient essentiellement en sorte que le pouvoir de prorogation n'était utilisé que pour des questions de procédure ou de politique, non pas comme moyen de confrontation avec la Chambre des communes. Ce n'est vraiment que plus récemment que des événements ont soulevé cette controverse selon laquelle on utilise peut-être la prorogation pour contester le droit de la Chambre des communes d'examiner les questions dont elle est saisie. C'est ce qui nous amène ici aujourd'hui.
    D'un côté, ce serait merveilleux si nous n'étions même pas obligés d'aborder cette question et si le consensus moral avait fait en sorte que la décision de proroger avait été prise pour des questions de politique plutôt que pour une question de pouvoir entre la Couronne et la Chambre des communes. Ultimement, la décision doit se fonder sur un consensus moral selon lequel le pouvoir du premier ministre ne doit pas être utilisé pour confronter la Chambre ou la paralyser.
    Peu importe que cela se retrouve dans le Règlement ou dans la loi. Un premier ministre qui serait très déterminé pourrait quand même pousser les choses à la limite, et la protection ultime au Canada est un consensus moral selon lequel il est inacceptable que la Couronne utilise ses pouvoirs de cette façon.

[Français]

    Vous avez commencé votre exposé — dès les tout premiers mots de votre exposé — en faisant le parallèle avec le système britannique où la prorogation est quasi institutionnalisée. En effet, chaque année, il y a une prorogation et la nouvelle session s'entame par un discours du Trône.
    Cela me fait penser — je ne vous fais pas de reproche et je ne veux pas vous provoquer à ce propos — que vous dédramatisez ou que vous banalisez les choses. Le bon terme français m'échappe. Vous semblez dire que ce qui s'est passé ici, au Canada... Car vous vous doutez bien que, si on vous a convoqué et qu'on ait décidé d'étudier cette question... Une lettre en plusieurs points a été envoyée par le chef du Parti libéral, M. Ignatieff, et une motion a été présentée par M. Layton au nom du NPD. Par conséquent, si on étudie cette question, cette utilisation à répétition de la prorogation dès qu'il arrive quelque chose qui ne fait pas l'affaire du premier ministre, c'est parce que c'est un sujet qui préoccupe les parlementaires. Or vous semblez banaliser ces deux événements en nous disant que, de toute façon, en Angleterre, on proroge à tous les mois de novembre.

  (1135)  

[Traduction]

    Je pense que ce que j'essayais de dire, c'est que dans certains systèmes politiques, la prorogation est tout simplement une affaire courante. Ce n'est pas du tout controversé; cela se fait tout simplement chaque année en Grande-Bretagne. Ici, au Parlement canadien, jusque dans les années 1980, il y avait prorogation environ tous les ans également. Ce n'est que dans les années 1980 et 1990 que tout le monde est passé à une session d'environ deux ans.
    Dans mes observations, je tentais d'expliquer qu'on a parfois recours à la prorogation de façon courante et que ce n'est pas controversé en ce sens. Le problème lorsque l'on a recours à la prorogation de façon courante, c'est que cela empêche de faire une étude à long terme de certaines mesures dont la Chambre est saisie, et la solution consiste à poursuivre bon nombre de travaux qui avaient été entrepris par la Chambre lors de la législature précédente.
    Cela a mené à une remise en question du bien-fondé de la prorogation et c'est pour cette raison que le bien-fondé de la prorogation me laisse sceptique. Lorsque les deux tiers ou les trois quarts des travaux de la Chambre sont couramment repris, pourquoi se donner la peine alors de proroger?
    Lorsqu'on a recours à la prorogation pour une troisième raison, c'est-à-dire lorsque la Couronne tente de paralyser la Chambre des communes et d'empêcher cette dernière de poursuivre ses travaux, cela me préoccupe énormément, et c'est une question qui me passionne beaucoup. C'est pour cette raison que je suggérerais d'utiliser des termes très directs dans toute mesure traitant de la prorogation: pour essayer d'éviter cette situation qui est extrêmement rare et, qui je l'espère, ne devrait pas se répéter.

[Français]

    Est-ce qu'il me reste du temps?

[Traduction]

    Vous avez 30 secondes.

[Français]

    Dans ces conditions, je vais intervenir lors de la deuxième période de questions.

[Traduction]

    Très bien. Excellent.
    Oh, je suis désolé. J'avais oublié M. Christopherson. J'allais passer à l'intervenant suivant.
    David.
    Merci, monsieur le président. Je vous prie de m'excuser d'être en retard. Le Comité des comptes publics a prolongé la séance, alors je n'étais pas ici pendant les déclarations préliminaires. Malheureusement, sans observations écrites, mes questions seront peut-être limitées car je ne voudrais pas poser des questions auxquelles on a déjà répondu.
    Mais pour revenir à ce que vous venez de dire, ce que j'ai entendu, c'est que vous avez mentionné qu'on devrait utiliser des termes très directs — je crois que vous avez dit « des termes très directs » — pour empêcher tout abus éventuel. Puis-je vous demander d'expliquer davantage? Quel genre de termes très directs? Comment cela serait-il structuré?
    Parce que c'est ce qui nous préoccupe. Ce n'est pas la régularisation. Nous avons tous accepté que cela fait partie de la façon dont la Chambre fonctionne, nonobstant vos observations selon lesquelles nous pourrions nous en passer. C'est cependant l'abus éventuel et l'idée selon laquelle ce qui s'est produit pourrait se produire à nouveau, ou quelque chose d'encore pire; c'est ce que bon nombre d'entre nous tentons de prévenir. Lorsque vous dites « termes très directs », monsieur, qu'est-ce que nous devrions envisager? Qu'avez-vous à suggérer?
    Ce que j'avais suggéré, c'était une motion pour déclarer que le recours à la prorogation sans le consentement de la Chambre constituait une obstruction quant à la capacité de la Chambre de poursuivre ses travaux. J'utilise ce langage car cela soulève alors la question d'une motion éventuelle d'outrage.
    Et dans ce cas-ci, je deviendrais schizophrène, car je pense qu'il est important d'utiliser des termes très directs pour monter la barre. J'hésiterais certainement à faire en sorte que cela devienne automatiquement une question de confiance, car si la Chambre doit décider si le gouvernement est coupable d'un outrage à la Chambre, je pense que le gouvernement pourrait naturellement dire qu'il s'agit d'une question de confiance. Comment la Chambre peut-elle avoir confiance dans un gouvernement qui est coupable d'outrage à son égard?
    Il y a deux façons d'éviter cela. La première c'est que la Chambre apporte plus de précisions. Si elle estime qu'elle veut faire en sorte que la prorogation soit une affaire courante, la Chambre pourrait alors, dans le cadre de la motion, dire que « cela ne constituera pas une question de confiance », que c'est une question très sérieuse, mais elle dit qu'il ne s'agit pas là d'une question de confiance. C'est un couteau à deux tranchants également, mais si c'est une question de confiance, alors le gouvernement monte la barre et s'il perdait la motion, il pourrait démissionner et déclencher des élections hâtives.
    J'ai dit précédemment que le problème lorsque cela devient automatiquement une question de confiance, c'est que le gouvernement pourrait recourir à la prorogation pour déclencher des élections hâtives aux termes de la Loi sur les élections à date fixe.

  (1140)  

    Excusez-moi si vous avez déjà fait des observations à ce sujet, mais que pensez-vous de l'idée d'imposer des pénalités si le premier ministre allait voir le gouverneur général sans d'abord obtenir un vote majoritaire à la Chambre?
    L'une des choses que je suggérais, c'était que la Chambre adopte une motion disant qu'elle allait appuyer ou approuver — quelque chose à cet effet — que le gouverneur général refuserait une prorogation qui n'avait pas été entendue sans son consentement ou qui n'était pas nécessaire pour des raisons d'urgence. En ce sens, le gouverneur général agirait de façon à refléter ce que souhaite la Chambre des communes élue plutôt qu'uniquement selon des prérogatives personnelles. Il s'agirait d'habiliter le gouverneur général à empêcher une prorogation injustifiée au départ.
    Encore une fois, il s'agit d'un couteau à deux tranchants car si le gouverneur général refuse d'agir conformément aux conseils du premier ministre, ce dernier pourrait démissionner et on se retrouverait ensuite dans de beaux draps. Cependant, comme je l'ai dit, si on pouvait avoir une sorte de motion disant qu'il ne s'agit pas là d'une question de confiance, alors le gouverneur général serait tout à fait autorisé, je pense, à refuser la démission et à dire: « Désolé, je n'accepte pas votre démission car le Parlement doit tout simplement poursuivre ses travaux et vous êtes le premier ministre, alors allez-y et gouvernez ».
    Par le passé nous avons eu des exemples de lieutenants-gouverneurs qui ont refusé d'agir selon les conseils du premier ministre et que ce dernier a été obligé de continuer dans ses fonctions. À Terre-Neuve en 1971, le premier ministre voulait une élection. Le lieutenant-gouverneur lui a dit en privé qu'il refusait et le premier ministre a dû simplement continuer, car le lieutenant-gouverneur lui a dit: « Je dis non car nous avons eu des élections récemment et je veux que le gouvernement fonctionne ». Donc le premier ministre a accepté. Ce n'est que des mois plus tard qu'il y a eu en fait des élections, une fois qu'il était clair que la Chambre ne pouvait fonctionner.
    Je pense qu'il s'agit là d'un principe important qu'il faut rétablir: Ce n'est pas parce que ses conseils sont refusés qu'un premier ministre devrait être automatiquement autorisé à démissionner et en faire une question de confiance. Ce que nous cherchons à inculquer ici, c'est le principe selon lequel le Parlement devrait pouvoir fonctionner tant qu'il le peut et le gouvernement devrait continuer de gouverner tant qu'il le peut.
    Avez-vous mentionné précédemment une préférence pour une résolution, un changement au Règlement, une modification législative, ou tout ce qui précède?
    Tout ce qui précède. Ma préférence, comme je l'ai dit en réponse à une question qui a été posée précédemment, c'est de supprimer cette possibilité en disant peut-être tout simplement qu'il devrait normalement y avoir deux sessions lors d'une législature, en précisant ou non quand la deuxième session...
    Dans le cas d'un gouvernement minoritaire ou majoritaire...?
    Oui. Il y aurait donc deux sessions de deux ans lors d'une législature. Ce serait tout simplement systématique et le Parlement devrait poursuivre ses travaux. On permettrait la prorogation en situation d'urgence mais il s'agit tout simplement de désamorcer la situation et de s'assurer que le Parlement poursuit ses travaux.
    Bien. Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à une série de questions de cinq minutes. Nous allons tenter de faire en sorte que tous ceux qui voulaient poser une question aujourd'hui puissent le faire.
    Madame Jennings, allons-y et voyons si nous pouvons faire cela.
    Merci.
    Je voulais tout simplement m'assurer de bien comprendre certaines des suggestions que vous avez faites, à la fois à M. Guimond et à M. Christopherson.
    La Chambre pourrait adopter une motion en vue de modifier le Règlement, je suppose, et indiquer que la Chambre considère que le recours à la prorogation sans son consentement constitue une obstruction à sa capacité de poursuivre normalement ses travaux. Une deuxième motion — ou est-ce que cela pourrait être inclus dans la même motion — stipulerait que ce n'est pas une question de confiance. Et une autre motion modifiant le Règlement dirait: « Que la Chambre des communes approuverait une décision du gouverneur général de ne pas acquiescer à la demande de prorogation d'un premier ministre sans le consentement de la Chambre ». Soit dans cette motion, soit dans une motion distincte, il serait stipulé que cela ne devrait pas non plus constituer une question de confiance.
    Ai-je bien compris?
    C'est à peu près cela. Oui.
    Très bien. Donc, c'est à peu près cela: Est-ce que cela veut dire 90 p. 100 ou 60 p. 100?
    Des voix: Oh, oh!
    Je fais une distinction entre peut-être une motion ordinaire qui donnerait tout simplement l'opinion de la Chambre et qui serait consignée aux fins du compte rendu et qui pourrait être libellée de façon à constituer une déclaration permanente quant à la position de la Chambre, pas constituer l'opinion du jour. Je crois que la Chambre peut adopter une motion ordinaire pour faire une déclaration définitive et en quelque sorte permanente. Les déclarations à l'effet qu'une prorogation non autorisée constituerait une obstruction de la Chambre pourraient être faites dans ce genre de contexte.
    On pourrait inscrire ces déclarations dans le Règlement. Je préférerais que le Règlement se limite davantage à une question de procédure, mais la Chambre peut inclure ce qu'elle veut dans le Règlement. L'Assemblée nationale du Québec a tenté l'an dernier d'inclure une définition des questions de confiance dans son règlement, de sorte que vous pouvez inscrire ce que vous voulez dans le Règlement, peut-être dans un préambule d'un article qui précise quand et comment la Chambre des communes devrait donner son consentement.
    Vous pourriez le faire d'une façon ou d'une autre. En l'inscrivant dans le Règlement, il ne fait aucun doute alors que cela est censé constituer une déclaration permanente. S'il s'agit d'une motion qui a été adoptée lors de la 40e législature, alors à la 44e législature le gouvernement pourrait dire: « C'est une motion qui a été adoptée lors de la 40e législature et nous sommes passés à autre chose depuis ».

  (1145)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Albrecht.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Heard, d'être ici avec nous aujourd'hui également.
    J'ai lu votre article en date de décembre 2008. Au milieu de cet article vous déclarez que: « ... l'on pourrait tout à fait faire valoir qu'il serait tout à fait inconstitutionnel de conseiller la prorogation du Parlement ». Pourtant, au début de l'article, vous soulignez que « la gouverneure générale a pris une décision très difficile et historique... », et vous ajoutez, « une décision difficile signifie qu'il y a de bonnes raisons de décider dans un sens ou dans l'autre... ». Vous dites que « ... la gouverneure générale a le devoir d'intervenir le moins possible dans le processus politique. »
    Votre deuxième point dit ce qui suit:

... la gouverneure générale est tenue d'agir normalement selon les conseils constitutionnels donnés par un premier ministre qui a la confiance d'une majorité à la Chambre des communes. Étant donné que le gouvernement conservateur a gagné les votes de confiance à la suite du discours du Trône au cours de la dernière semaine du mois de novembre, M. Harper serait apparemment autorisé à s'adresser à la gouverneure générale.
    À mon avis, ces deux pensées au milieu de votre article et celles qui se trouvent au début sont en quelque sorte aux deux extrémités du spectre. Cela confirme ce que nous avons observé au cours des dernières semaines alors que nous tentons d'examiner cette question. Nous entendons une large gamme d'opinions divergentes de différents experts de partout au pays.
    Ma question est la suivante. Si vous rédigiez cet article aujourd'hui, est-ce que vous modifieriez vos positions à la lumière de ce qui s'est produit depuis cette prorogation? Ou est-ce que vos positions seraient à 99 p. 100 les mêmes que dans ce que vous avez écrit en 2008? Je ne sais pas si vous comprenez le sens de ma question. C'est une longue question.
    J'ai en fait rédigé deux autres articles sur la prorogation de 2008 dans lesquels j'élabore un certain nombre de questions. J'en arrive essentiellement à la même conclusion, mais je pense que je comprends les nuances et que l'on puisse être justifié de faire valoir des arguments opposés... Et c'est l'un des avantages d'être un universitaire: on peut dire que l'autre position est brillante, mais je préfère tout simplement davantage mon opinion, ou je la trouve tout simplement un peu plus convaincante.
    En ce qui concerne la prorogation de 2008, il est très clair que l'on peut faire valoir que la gouverneure générale aurait dû agir selon les conseils. La position normale c'est que tant que le gouvernement a reçu un mandat de confiance relativement récent de la part de la Chambre des communes, il peut insister sur la plupart des questions qu'il soumet à la gouverneure générale. L'exception dans ce cas était, selon moi, que le conseil de proroger la Chambre était inconstitutionnel puisqu'il était clair qu'une motion de confiance était à l'ordre du jour et allait être mise aux voix dans quelques jours. C'est là où cela posait problème pour moi.
    Ce que je tente de souligner ici, c'est que le discours du Trône avait été adopté très récemment, ce qui voulait dire — tout au moins sur le plan politique — que le Parlement accordait sa confiance au premier ministre et au gouvernement.
    Oui, et normalement cela aurait été définitif, et je pense que la gaffe politique depuis la Confédération a été commise par l'opposition officielle qui n'est pas intervenue ce jeudi après-midi pour demander au Président de reporter le vote au lundi. À mon avis, cela n'avait aucun sens que les trois différents partis se lèvent pour dénigrer l'énoncé économique et dire qu'ils allaient voter contre et qu'une heure plus tard ils accordent leur vote de confiance au même gouvernement à la Chambre. C'était un numéro de théâtre parlementaire qui j'ai apprécié de loin.

  (1150)  

    Merci.
    Monsieur Guimond, pour terminer ce que vous aviez à dire...?
    Madame Gagnon.

[Français]

    Je voudrais que vous nous informiez du mode opératoire relatif aux travaux parlementaires en Grande-Bretagne. Car vous dites que la prorogation du Parlement y est déjà décidée.
    Cela annule-t-il tous les travaux ou cela a-t-il une influence sur la quantité des travaux du Parlement? Vous imaginez s'il y a des prorogations à date fixe qui reviennent plus souvent! Parlez-nous un peu de la mécanique. Dites-nous comment ça fonctionne.

[Traduction]

    Si je comprends bien, la plupart des travaux sont rétablis systématiquement; ils ne le sont pas tous, mais en grande partie. Les travaux entamés au cours d'une session sont repris à la session suivante à peu près là où ils avaient été suspendus. C'est ce que je comprends.
    J'ai peut-être tort, mais il me semble que cela est semblable à la procédure qui prévaut ici à la Chambre des communes, puisque ces dernières années un grand nombre des mesures qui sont mortes au Feuilleton ont été présentées à nouveau à la session suivante, et on a repris les travaux à peu près là où ils avaient été suspendus. Je pense qu'on fonctionne ainsi dans la plupart des parlements modernes; on reprend la plupart des travaux.
    Par contre, ce qui est plus inhabituel, c'est que dans certains cas, un parlement peut indiquer qu'il désire que certains travaux soient rapportés à la session suivante. Il sera donc possible, là où il y a régulièrement prorogation, que la Chambre adopte auparavant une motion selon laquelle, par exemple, les projets de loi 34, 36, et 59 soient présentés à nouveau, ce qui ne laisserait pas le choix à la Chambre ni au gouvernement à la session suivante.
    En Nouvelle-Zélande, c'est ce qu'a fait le Parlement. On pouvait faire reporter des mesures d'un parlement à l'autre, ce qui était étrange, parce qu'une élection pouvait être déclenchée entre-temps, laquelle pouvait avoir comme enjeu le rejet par la population des politiques qui ont été proposées par l'ancien Parlement.
    C'est l'une des raisons pour lesquelles, en 2005, la Nouvelle-Zélande a pris des mesures pour empêcher un parlement de déclarer que les travaux seront repris durant le prochain parlement. En effet, on croyait que c'était au nouveau Parlement de décider de la reprise de ces travaux. Ce n'est pas du tout comme une nouvelle session au sein d'une même législature, puisque dans ce cas, en théorie, le fait qu'un parlement s'engage à présenter à nouveau certaines mesures ne pose pas problème.

[Français]

    Merci.
    Je pense que Michel avait une autre question.
    Oui, je serai bref, monsieur le président.
    Je veux seulement en finir avec la question que je voulais vous poser à la fin du précédent tour de table.
    L'effet du hasard a fait en sorte que, lors des deux dernières années, le premier ministre a utilisé la prorogation à la fin de l'année, en décembre. Rappelez-vous, il y a deux ans. C'était pour éviter de faire face à une coalition libérale–néo-démocrate appuyée par le Bloc québécois. Il a utilisé la prorogation. Et, cette fois-ci, le 30 décembre 2009, c'était pour éviter toute la question des prisonniers afghans, etc.
    Si, comme en Angleterre, le Parlement était prorogé le 31 décembre de chaque année, faudrait-il alors modifier en conséquence divers instruments légaux et législatifs pour éviter que...? L'événement s'est produit à la fin de décembre. Or s'il est certain que la Chambre soit prorogée en décembre de chaque année, et qu'en mars ou en septembre, il arrive un autre événement, une autre coalition ou d'autres documents que le gouvernement ne veut pas montrer, le premier ministre pourrait encore une fois utiliser la prorogation si l'on avait pas circonscrit ce pouvoir.

  (1155)  

[Traduction]

    C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai proposé que le Règlement soit modifié pour stipuler que tous les travaux soient rapportés d'une session à l'autre, donc en cas de prorogation systématique à date fixe, toutes les mesures seront automatiquement présentées à nouveau. Le gouvernement tire avantage de la pause engendrée par la prorogation, en quelque sorte, puisqu'il peut laisser les choses se tasser, prononcer un nouveau discours du Trône, rétablir sa position et présenter une motion de confiance, mais par la suite reprendre la plupart des travaux déjà à l'ordre du jour, avec quelques ajouts.
    S'il voulait faire table rase, alors au début d'une nouvelle session, il faudrait déterminer si tous les travaux devaient être rétablis ou si l'on devait choisir quelles mesures seraient présentées à nouveau. Toutefois, je crois que l'effet d'une prorogation régulière faite en présumant que toutes les mesures législatives seraient présentées à nouveau, à moins que la Chambre n'en décide autrement, serait dissuasif et empêcherait l'utilisation à des fins tactiques de la prorogation, tout en permettant au Parlement de poursuivre ses travaux ou de reprendre à zéro si la majorité à la Chambre en convient.
    Merci, monsieur Guimond.
    Monsieur Cuzner, avez-vous une ou deux brèves questions?
    En effet. je suis convaincu qu'elles ne feront pas progresser notre étude, mais je suis tout simplement curieux.
    Juste avant la prorogation de 2008, la coalition a donné lieu à une levée de boucliers. En tant que politicologue imminent, avez-vous été surpris de constater qu'un grand nombre d'électeurs débattant de la légitimité ou de l'illégitimité de la coalition ne connaissaient pas bien le système parlementaire canadien?
    Je le répète, je ne crois pas que cela contribue d'une quelconque façon à notre discussion, mais j'aimerais connaître votre opinion.
    Il s'agit là d'une question intéressante. Cela va droit au but, puisqu'il s'agit de savoir si on peut se fier uniquement aux conventions constitutionnelles et aux ententes officieuses qui avaient en quelque sorte structuré les pouvoirs à l'égard de la prorogation. Jusqu'à il y a environ 15 ou 20 ans, je pense qu'on comprenait très bien l'importance et la nature de ces conventions et de ces règles morales, du moins au sein de la classe dirigeante.
    Or, au cours des 15 à 20 dernières années, j'ai observé une érosion du consensus sur la valeur de ces règles, et l'émergence d'une conviction chez de nombreux intervenants, et même chez des universitaires, selon laquelle les conventions ne sont qu'un guide pouvant être adaptées à volonté, et qu'advienne que pourra — ces règles ne sont pas considérées comme étant contraignantes, à quelques exceptions près.
    Au sein de l'élite, on a donc constaté une érosion du consensus sur ces règles, qui reflète la compréhension de la population en général. Cette compréhension de ce qui se passe au Parlement et en cas d'élection a été minée par des messages tout à fait contradictoires en provenance des classes dirigeantes et des commentateurs politiques, notamment.
    Par conséquent, le niveau d'éducation politique est extrêmement bas. Cela ne me surprend pas, parce que je donne un cours de sciences politiques de première année chaque an, et je suis toujours grandement étonné de voir ce que mes étudiants considèrent comme étant les règles du jeu. En outre, au cours de l'épisode de 2008, j'ai participé à un certain nombre de tribunes téléphoniques à la radio, et je dois dire que j'ai été amusé par les opinions farouches présentées, surtout celles concernant la légitimité de la coalition et la question de savoir si un nouveau gouvernement pouvait véritablement être formé si peu de temps après une élection. J'ai été particulièrement exalté par les attaques à l'encontre de la légitimité de la participation du Bloc québécois à la coalition.
    Je me suis bien amusé au cours d'une tribune téléphonique à la radio en Alberta à essayer de convaincre les Albertains que le Bloc québécois contribuait en fait de façon constructive à notre système politique, et que nous étions très chanceux qu'un parti comme celui-ci ait la possibilité de réaliser ses rêves grâce au processus électoral. Il est par conséquent extrêmement important que notre processus électoral soit de la plus grande intégrité et que les règles qui l'entourent soient respectées autant que possible.

  (1200)  

    Merci, monsieur Cuzner.
    Monsieur Reid.
    J'aimerais vous faire remarquer que tout le monde a posé une question aujourd'hui. Nous avions le contrôle de la situation jusqu'à ce que M. Lauzon revienne, alors il faudra peut-être lui donner la parole lorsque vous aurez terminé.
    Merci, monsieur Heard. Vous dites que le Bloc québécois est un acteur permanent qui joue un merveilleux rôle sur la scène politique canadienne, mais je ne sais pas si les députés de ce parti voudront en rire ou en pleurer.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Scott Reid: Enfin, j'ai lu votre livre. J'ai avec moi une vieille édition de celui-ci. Y en a-t-il une plus récente ou s'agit-il...
    Je suis en train de rédiger la deuxième édition, c'est donc à point nommé.
    Je suppose qu'il était préférable que vous ne publiez pas votre livre juste avant la prorogation de 2008.
    C'est exact.
    C'est vrai.
    Enfin, je l'ai lu il y a déjà de nombreuses années, et je l'avais beaucoup apprécié. Je suis convaincu que j'aimerai tout autant votre mise à jour.
    J'ai comparé vos observations à l'égard des pouvoirs du gouverneur général avec ceux d'autres auteurs. Par exemple, voici un article de Bradley Miller, de l'Université de Western Ontario, qui porte sur les conventions à l'égard de la prorogation du Parlement.
    Vous avez déjà abordé l'une des questions que je voulais soulever, je ne crois pas que cela ait été concluant. Il est question de savoir si les gouverneurs généraux ou les lieutenants-gouverneurs, selon le cas, devraient être considérés comme ayant certains véritables pouvoirs discrétionnaires ou comme des personnes qui ne font que suivre les règles, ce qui implique que n'importe qui pourrait faire le travail — ils n'ont qu'à trouver la règle qui s'applique et à la respecter jusqu'au bout.
    C'est presque aussi compliqué que les règles au golf, c'est-à-dire qu'il y a une règle pour absolument tout ce que vous faites, et on présume que chaque golfeur doit être en mesure de le faire.
    Vous donnez l'exemple de la décision de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse de 1986, selon laquelle le lieutenant-gouverneur aurait pu rejeter un avis, ce qui laisse entendre qu'il aurait pu le rejeter ou l'accepter. Je vous pose donc la question. Qu'en pensez-vous? Y a-t-il un certain pouvoir discrétionnaire dans les situations telles que la prorogation?
    J'ai en fait beaucoup réfléchi et j'ai réécrit ce chapitre sur le gouverneur général plus tôt au cours de l'année.
    Je dirais que oui: le gouverneur général a tout de même un important pouvoir discrétionnaire. Toutefois, il convient de nuancer cet énoncé: bien que le gouverneur général ou que le lieutenant-gouverneur puissent prendre des décisions en certaines circonstances, il ne s'agit pas complètement d'une décision personnelle.
    Pour qu'un gouverneur général puisse prendre une décision, il faut que le gouvernement donne son accord. Donc le gouverneur général n'a pas la prérogative de faire ce que bon lui plaît. Le gouverneur général peut faire ce qui lui plaît si le gouvernement y consent, qu'il s'agisse du gouvernement actuel ou d'un nouveau gouvernement.
    Si le gouverneur général refuse l'avis du premier ministre, il pourrait y avoir démission. Avant de refuser un tel avis, le gouverneur général doit donc déterminer si elle peut former un gouvernement viable qui assumerait ses responsabilités politiques. J'insiste là-dessus: les politiciens élus doivent être prêts à assumer les responsabilités politiques et des décisions prises par le gouverneur général, qu'il s'agisse du gouvernement du jour ou d'un nouveau gouvernement.
    Le gouverneur général dispose donc d'un certain pouvoir discrétionnaire, mais cela ne veut aucunement dire qu'il ou elle peut faire comme bon lui semble. Il ou elle ne peut faire que ce que le gouvernement actuel ou son remplaçant accepterait, et, au bout du compte, pourrait justifier auprès de la population.
    D'accord.
    J'ai une deuxième question, que je poserai brièvement parce que je sais qu'il ne me reste que peu de temps. Dans chacun des cas, il s'agit d'une prorogation dans le contexte d'un gouvernement minoritaire — évidemment, c'est merveilleux que d'être majoritaire —, ce qui veut dire que lorsque que la Chambre va reprendre ses travaux, elle peut choisir de faire tomber le gouvernement.
    M. Andrew Heard: C'est exact.
    M. Scott Reid: Il me semble que cela a des conséquences considérables, puisque, s'il y a prorogation parce que... Supposons tout d'abord que c'est parce que les électeurs n'appuient pas le gouvernement; ce n'est qu'une façon de repousser l'inévitable.
    Or, en 2008-2009, la Chambre des communes n'appuyait pas, ou du moins si elle avait eu la chance de voter, elle n'aurait pas appuyé le gouvernement, mais s'il y avait eu des élections, les électeurs, eux, semblerait-il, auraient réélu le gouvernement, en lui donnant peut-être une majorité, étant donné les enjeux à l'époque pour l'électorat et les résultats des sondages...
    J'ai de la difficulté à comprendre comment on peut, en modifiant les règles, donner davantage de pouvoir à la Chambre des communes, sans en retirer aux électeurs. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, s'il vous plaît.

  (1205)  

    Il n'y a pas de réponse facile. Ça revient à une question précédente sur la perception que la population a du système politique, des règles et des faits. Ce qui est malheureux, c'est que je pense que beaucoup de gens ont une conception fragmentée du rôle de la Chambre des communes dans le système politique.
    Une longue succession de gouvernements majoritaires au XXe siècle a porté à croire que le gouvernement avait mainmise sur tout et que la Chambre n'était qu'une tribune devant approuver les travaux du gouvernement. Toutefois, au XXIe siècle, nous avons connu plus de gouvernements minoritaires, ce qui nous rappelle que le gouvernement a le droit d'établir des politiques, mais que la Chambres des communes a le choix de donner ou non son approbation et de décider qui a, légitimement, le droit de gouverner, plus particulièrement après une élection.
    Je pense que l'une des façons de réaffirmer la primauté de la Chambre dans le système politique serait d'exiger son consentement en cas de prorogation, parce qu'on affirmerait ainsi de façon concrète et symbolique que la Chambre est l'organe ayant été élu par la population, et que c'est donc elle qui, au bout du compte, est maître de ses travaux et du processus parlementaire. Le gouvernement au pouvoir a le droit primordial de proposer des idées, mais il incombe à la Chambre de les approuver ou non, ou de les modifier.
    Si je propose que le Règlement prévoit certaines mesures en cas de prorogation, c'est ce que je crois qu'il est important de réaffirmer publiquement l'importance de la Chambre des communes dans le processus politique.
    Je suis désolé. Il s'agit là d'une réponse très alambiquée et tarabiscotée à ce qui était à l'origine une bonne question.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Lauzon, vous pouvez poser une brève question, puis nous allons conclure.
    Ma question est très brève, puisque nous n'avons plus de temps.
    Merci d'être ici monsieur Heard. D'autres universitaires ont comparu devant nous et ont tenu des propos tout aussi intéressants.
    Vous avez dit dans votre déclaration préliminaire que la prorogation est habituellement un exercice purement administratif. Dans notre histoire récente, très peu de prorogations ont soulevé de vastes contreverses.
    Après avoir discuté avec différents professeurs et universitaires, je paraphrase, mais au bout du compte, après de longues discussions, je pense qu'au moins certains d'entre eux ont dit qu'il fallait être très prudent, parce que l'on pouvait s'engager sur une pente glissante, ouvrir une boîte de Pandore. Peut-être que l'on réagit de manière exagérée à l'exception, alors que la règle n'est pas si mal. Il faut éviter de réagir exagérément à cette exception.
    Je pense que c'est M. Franks qui a dit que ça n'en vaut probablement pas la peine, qu'il est préférable de maintenir le statu quo. Qu'en pensez-vous?
    Oui. Je comprends les circonstances extraordinaires qui ont mené à cette situation, mais comme il est probable que nous continuerons d'avoir des gouvernements minoritaires, dans l'avenir immédiat du moins, il est important que la Chambre examine son rôle dans la gouvernance et dans l'établissement du programme parlementaire.
    Il est très intéressant pour la Chambre de préciser si elle doit consentir à la prorogation. Cela fait partie de son travail pour établir l'identité et la légitimité de la Chambre dans sa relation avec le gouvernement au pouvoir. Il sera très important de rappeler aux gouvernements futurs que la Chambre est maître de sa procédure et que le gouvernement doit obtenir le consentement de la Chambre.
    J'estime que c'est important. La proposition que j'ai faite devrait offrir un certain degré de souplesse pour composer avec les circonstances imprévisibles, mais en ce qui concerne l'exécution quotidienne du travail parlementaire, il faudrait insister sur le fait que la Chambre doit faire autant de travail que possible. Si elle souhaite siéger plus longtemps, il faudrait peut-être lui en laisser la liberté. Il peut y avoir des sessions de durées fixes, soit, mais c'est la Chambre qui devrait décider, tout ensemble, combien de temps elle siège et à quel moment elle estime avoir terminé son travail.
    M. Guy Lauzon: Merci.

  (1210)  

    Merci.
    Monsieur Heard, merci d'être venu nous rencontrer aujourd'hui. J'ai une petite question. Je sais que le comité me permettra de la poser, car je n'en ai posé qu'une aujourd'hui, et normalement, je n'en pose pas.
    M. Lauzon a déclaré que dans la plupart des cas, ce problème se pose lorsque le gouvernement est minoritaire. Il n'y a pas vraiment de problèmes de prorogation lorsque les gouvernements sont majoritaires. Mais vous avez formulé votre opinion à ce sujet.
    D'autres témoins nous ont dit cependant que ce que vous demandez, ou ce dont nous discutons, crée de nouvelles conventions, soit au moyen de motions ou... vous avez fourni une assez longue liste de moyens de créer cette nouvelle convention. Bon nombre de personnes nous ont toutefois dit que cette convention ne peut être adoptée par une minorité et, pour reprendre les termes du professeur Russell — il faudra que tous les intervenants y mettre du leur pour que nous puissions mettre en place une nouvelle convention.
    Est-il possible à votre avis de faire cela lorsque le gouvernement est minoritaire? Parce que dans un tel cas, ce ne sont peut-être pas tous les intervenants qui pourraient contribuer à la création de la convention.
    En fait, c'est une très bonne question, une question pointue.
    Merci. C'est la deuxième fois qu'on me dit cela aujourd'hui. Quelqu'un en prend note?
    Des voix: Oh, oh!
    Il y a deux réponses à cette question. Pour ce qui est de mettre en place une nouvelle convention, le professeur Russell a dit qu'il serait suffisant que les quatre chefs des partis politiques donnent leur accord à un énoncé quelconque. Ce serait en gros la façon normale de créer instantanément une nouvelle convention, avec le consentement de tous les principaux intervenants.
    Mais il y a une autre façon de créer une convention relative au Parlement. Il suffit que la majorité adopte une motion pour décréter une règle. Cette règle pourrait porter sur ce qui constitue ou non une question de confiance, par exemple. Dans un tel cas, j'estime qu'il n'est pas nécessaire que le gouvernement donne son agrément. Si une majorité de la Chambre décide qu'une question est une question de confiance ou non, il s'agit d'un énoncé définitif qui modifie la convention constitutionnelle en matière de questions de confiance. La Chambre pourrait adopter une telle règle car c'est elle qui décide qu'une question de confiance en est une ou non.
    En ce qui concerne la prorogation et les autres questions de ce genre, c'est l'opinion de la Chambre qui est la plus déterminante, en fin de compte. Si la majorité adopte la règle malgré la dissidence du gouvernement, j'estime que la majorité aura adopté une convention qui est contraignante pour le gouvernement.
    Merci du temps que vous nous avez accordé.
    Nous avons dépassé un peu notre horaire, car je sais que vous avez parcouru beaucoup de chemin pour venir nous rencontrer et je voulais donner à tous l'occasion de vous exprimer. Merci d'avoir répondu à toutes nos questions. Cela a vraiment ajouté à notre confusion... Non...
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Votre témoignage s'ajoute à tout ce que nous avons entendu pour examiner ce sujet.
    Merci encore.
    Nous allons suspendre brièvement la réunion, puis nous passerons aux travaux du comité. Allons-nous siéger à huis clos? Nous devons simplement discuter des autres témoins pour cette étude et des questions de technologies. Alors si vous êtes d'accord, nous allons siéger à huis clos pour cela.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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