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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 020 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 10 juin 2010

[Enregistrement électronique]

  (1035)  

[Traduction]

    Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre tient sa 20e séance sur les questions liées à la prorogation.
    Nous recevons aujourd'hui Patrick Monahan de l'Université York.
    Monsieur, j'ai appris ce matin ce que fait un vice-recteur à l'enseignement et à la recherche. On m'a dit que le recteur de l'université recueillait de l'argent et que le vice-recteur le dépensait. Est-ce exact?
    Ce n'est pas exactement la façon dont je l'aurais décrit, mais ce n'est pas très loin de la réalité.
    Bienvenue. Je n'avais pas l'intention de débuter en humour, mais je vous remercie de comparaître ce matin. Nous savons que vous avez un autre rendez-vous plus tard, et nous avons pris certaines mesures pour vous permettre de venir nous parler de la prorogation.
    J'ai eu l'occasion de faire le point avec M. Monahan et de lui dire un peu où nous en sommes et quels témoins nous avons entendus; mais sa déclaration préliminaire est assez longue, alors nous allons lui laisser la parole immédiatement.
    Comme je l'ai déjà dit, certains membres du comité vont manger pendant que vous présentez votre exposé et d'autres vont utiliser leur BlackBerry. Ce n'est pas par manque de politesse; cela semble tout simplement être la nature du travail que nous faisons.
    La parole est à vous, si vous voulez bien commencer.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous les membres du comité.
    J'aimerais tout d'abord remercier le comité d'avoir pris les mesures nécessaires pour s'adapter à mon horaire. Je me suis engagé à prendre part à une conférence qui a lieu ici, dans l'édifice de l'Ouest, à 12 h 15; je suis donc très heureux de pouvoir comparaître devant le comité pour présenter mon point de vue et peut-être formuler quelques conseils sur cet important sujet que vous étudiez.
    J'ai quelques commentaires de même qu'une présentation PowerPoint que je n'ai pas été en mesure de terminer suffisamment à l'avance pour pouvoir vous la distribuer. Je pourrais peut-être vous l'envoyer plus tard. Je ne sais pas si cela est permis, monsieur le président, mais je serais ravi de le faire si cela est approprié. Sinon, oublions cela.
    Permettez-moi de commencer en disant que j'ai été autorisé à révéler que le greffier du Conseil privé avait retenu mes services au moment de la prorogation de décembre 2008 et que je l'ai conseillé. Mais mon exposé d'aujourd'hui ne traitera pas des conseils que je lui ai donnés. Je vais parler uniquement de questions qui relèvent du domaine public, et je vais formuler des commentaires dans ce contexte.
    J'aimerais faire deux observations générales qu'il faut, à mon avis, garder présentes à l'esprit. Il s'agit de principes qu'on soulève et dont on discute souvent, mais qu'on applique rarement dans les affaires de l'État. Il y a tout d'abord ce qu'on appelle souvent la loi des conséquences imprévues dans les changements que nous apportons aux principes fondamentaux de la gouvernance. C'est-à-dire que, en raison des imperfections de la nature humaine et de notre incapacité de comprendre l'avenir et la façon dont certains changements vont toucher les autres, les changements que nous apportons avec les meilleures intentions pour améliorer notre façon de fonctionner ont souvent une incidence tout à fait différente de ce que nous avions prévu, et parfois même une incidence négative. Je veux vous en parler ce matin.
    La deuxième observation générale — et j'aborde le sujet en tant qu'avocat —, c'est qu'on suit souvent aussi la maxime selon laquelle « les cas d'exception portent atteinte à la règle de droit ». C'est-à-dire que nous prenons un cas complexe et nous disons: « Il faut résoudre ce cas complexe et en changer le dénouement d'une certaine façon, alors nous allons créer une nouvelle règle. » Mais ce changement a des répercussions dans d'autres secteurs. Cela illustre peut-être le concept des conséquences imprévues.
    À la suite de cette introduction, j'aimerais aborder quatre points ce matin. Tout d'abord, j'aimerais parler de principes: quelle est la portée de ce qu'on appellerait le pouvoir de réserve de la gouverneure générale? Je vais préciser ma pensée dans un moment.
    Deuxièmement, est-ce que les décisions prises par rapport à la prorogation en décembre 2008 et en décembre 2009 respectaient les principes constitutionnels établis?
    Troisièmement — et je pense que c'est la question qui préoccupe le comité —, devrait-on imposer de nouvelles limites ou restrictions, soit directement ou indirectement, relativement au pouvoir du premier ministre de demander une prorogation?
    Quatrièmement, si on répond négativement à la question précédente — ce qui constitue mon point de vue de façon générale —, quels sont les changements qu'il faudrait envisager pour améliorer le fonctionnement et la relation entre l'État et le pouvoir exécutif du gouvernement?
    Je vais traiter de chacune de ces questions à tour de rôle.
    Permettez-moi de parler brièvement des pouvoirs de réserve. Je sais que bien des témoins vous en ont parlé, donc je ne vais pas m'étendre sur le sujet; je veux simplement dire que le pouvoir de réserve doit être exercé librement par la gouverneure générale, plutôt que sur la recommandation du premier ministre.
    Nécessairement, comme la gouverneure générale n'est pas élue, l'exercice de ce pourvoir discrétionnaire doit être extrêmement rare. Il doit s'agir de circonstances exceptionnelles. Mais de telles circonstances existent, comme nous l'avons vu en décembre 2008, lorsque le premier ministre et le greffier se sont rendus à Rideau Hall pour demander une prorogation; la discussion ou la rencontre a duré plus de deux heures et demie. Pendant cette rencontre, la gouverneure générale est sortie de la salle pour aller consulter M. Hogg, son conseiller constitutionnel; la seule raison pour laquelle elle aurait fait cela, c'est si elle avait eu à exercer son pouvoir discrétionnaire, à prendre une décision elle-même.
    Ce qui nous amène à nous poser la question suivante: Dans quelles circonstances ce pouvoir de réserve peut-il être exercé? La réponse se trouve peut-être dans la simple proposition suivante. La gouverneure générale doit toujours suivre les conseils d'un premier ministre qui bénéficie de la confiance de la Chambre des communes, et il n'y a aucune exception à ce principe. Si le premier ministre a la confiance de la Chambre, alors la gouverneure générale doit accepter ses conseils et n'a aucun pouvoir à exercer ni aucune décision à prendre. Cependant, s'il y a un doute quant au fait que le premier ministre jouit de la confiance de la Chambre, il est alors possible que la gouverneure générale ait à exercer son pouvoir discrétionnaire. Dans ce sens, le doute n'est pas un élément absolu.
    Il y a divers degrés de doute. En droit, il y a ce qu'on appelle le « doute raisonnable ». Il y a d'autres concepts de doute. Ce n'est pas un élément absolu. Il n'est pas soumis à une règle catégorique. Il requiert l'exercice du jugement. Mais on pourrait dire que, à mesure que ce doute à l'égard de la confiance persiste, l'éventualité que la gouverneure générale ait à exercer son pouvoir discrétionnaire augmente; et comme les gouvernements minoritaires sont devenus la norme au cours des six dernières années, les situations pouvant faire naître le doute à l'égard de la confiance risquent d'être plus nombreuses. Mais nous savons cependant que, si le premier ministre jouit de la confiance de la Chambre, la gouverneure générale doit alors accepter ses conseils, et c'est ce que nous montre le deuxième précédent lié à la prorogation, celui du 30 décembre 2009; à ce moment-là, il n'y avait aucun doute que le premier ministre avait la confiance de la Chambre des communes.
    Comment peut-on évaluer s'il y a en fait un doute? On examine les déclarations des partis politiques. On examine le dénouement des votes à la Chambre. On examine les positions qu'elle a prises. Ce n'est pas une science; il y a un peu d'art dans tout cela. Mais en décembre 2009, j'estime qu'il n'y avait aucun doute que le premier ministre bénéficiait de la confiance de la Chambre et que, par conséquent, la gouverneure générale n'avait pas à exercer son pouvoir discrétionnaire relativement à la demande de proroger le Parlement le 4 mars 2010 et elle ne l'a pas fait. Pour ce qui est savoir maintenant si cette demande était fondée ou non, c'est aux politiciens d'en débattre, et c'est ce qu'ils ont fait.
    Alors la première proposition, c'est que, s'il y a un doute, la gouverneure générale devra exercer son pouvoir discrétionnaire. Mais le corollaire de cette proposition est le suivant. Même en situation de doute, la gouverneure générale devrait essayer de réduire au maximum les répercussions de sa décision sur les choix politiques; c'est-à-dire qu'elle devrait s'efforcer de prendre une décision qui ne déterminera pas les choix politiques ou qui, le cas échéant, les déterminera le moins possible. J'exprime cette proposition au moyen du principe de laisser les joueurs jouer.

  (1040)  

    La gouverneure générale est comme l'arbitre de la finale de la coupe Stanley lorsqu'il y a prolongation, comme hier soir. Dans ce genre de situation, l'arbitre ne doit pas, dans le mesure du possible, déterminer le dénouement de la partie. L'arbitre doit évaluer la situation et parfois donner des punitions; il doit prendre des décisions et faire des appels, mais il suit ce principe. C'est sur ce principe que devrait se fonder la gouverneure générale.
    Revenons au précédent de décembre 2008, que les membres du comité connaissent très bien. Je ne vais pas énumérer les circonstances, mais je veux simplement souligner, parce que je vais y revenir plus tard, que les trois partis de l'opposition avaient conclu une entente selon laquelle deux d'entre eux allaient former un gouvernement de coalition et le troisième allait l'appuyer pendant une période de 18 mois, sans toutefois en faire partie. Il s'agissait d'une entente écrite, ce qui était important. Selon cette entente, les membres des trois partis avaient l'intention de tenir un vote de défiance contre le gouvernement le jour désigné suivant, je crois. Je ne suis pas certain de ce qu'était le vote exactement, mais il devait y avoir un vote, je crois, le 8 décembre, et il devait s'agir d'un vote de défiance. Le chef de l'opposition de l'époque, M. Dion, devait présenter ou avait présenté une motion de défiance.
    Le 4 décembre, le premier ministre a demandé à la gouverneure générale de proroger le Parlement jusqu'au 26 janvier 2009, et s'est aussi engagé à présenter un budget le 27 janvier, puisque la confiance à l'égard du gouvernement était en jeu. Selon un rapport de presse publié peu après la rencontre, la gouverneure générale, le premier ministre et le greffier ont discuté de diverses questions comme la situation économique dans laquelle se trouvait le pays, l'humeur du Parlement et la viabilité de ce gouvernement de coalition. J'aimerais revenir sur ces questions et vous dire si, à mon avis, certaines parties de cette discussion étaient appropriées et pourquoi.
    Le gouvernement avait survécu à un vote de confiance à l'égard du discours du Trône la semaine précédente, mais je suis presque certain que, si les travaux de la Chambre avaient repris le 8 décembre et que la motion de défiance avait été mise au vote, elle aurait été adoptée. Je pense qu'il n'y a absolument aucun doute là-dessus. Les partis étaient fermement résolus à l'époque. Au total, 161 députés avaient indiqué leur intention d'appuyer la motion.
    Le gouvernement ne pouvait pas compter sur le fait que la division précédente, qui n'avait pas été observée à l'égard du discours du Trône, découlait d'une motion de confiance. À mon avis, il était clair qu'on mettait sérieusement en doute le fait que le premier ministre continuait d'avoir la confiance de la Chambre des communes à ce moment-là. Par conséquent, dans la logique de mon premier principe, la gouverneure générale devait porter un jugement et exercer son pouvoir discrétionnaire de façon autonome pour approuver ou rejeter la demande du premier ministre. On peut donc se demander quelle était la bonne décision. De mon point de vue, la gouverneure générale a pris la bonne décision, mais j'aimerais expliquer certains des facteurs dont elle pourrait tenir compte avant de prendre une décision.

  (1045)  

    Je dirais premièrement que la décision que la gouverneure générale prendrait dans cette situation ne pourrait être fondée sur une règle absolue, mais plutôt sur une étude des circonstances particulières dont elle devrait tenir compte.
    Avec le recul, on sait maintenant ce qui est arrivé à la suite de cette décision. Après une conférence qui a eu lieu à cette époque, de nombreux commentateurs ont dit que la gouverneure générale avait pris une mauvaise décision, mais aujourd'hui, avec le recul, presque tous les commentateurs affirment le contraire. Ils font souvent référence au fait que la coalition s'est dissoute dans la période du 4 décembre au 26 janvier, ce qui leur fait dire que la gouverneure générale avait probablement raison. Avec tout le respect que je vous dois, mesdames et messieurs, j'affirme que cette analyse est faussée. On ne peut juger ce type d'événement avec une analyse a posteriori. Nous devons évaluer la situation avec une analyse a priori.
    Si la gouverneure générale n'avait pas accédé à la demande, si le gouvernement avait été défait le 4 décembre et si M. Dion avait été nommé premier ministre, la suite des événements aurait été toute autre. On appelle ça parfois « l'effet lorenz », ce qui veut dire que si l'on modifie certaines conditions de départ alors il est impossible de supposer de la situation finale. Par conséquent, on ne peut juger cette décision en se fondant sur une analyse des événements subséquents, il nous faut revenir au contexte de départ.
    Il fallait tenir compte des facteurs suivants: premièrement, si le gouvernement était défait, la seule solution raisonnable était d'appeler M. Dion à former le gouvernement. Un accord avait été rédigé selon lequel une coalition serait formée, appuyée par un troisième parti, qui représenterait la majorité. C'était un engagement écrit, qui garantissait que ce gouvernement serait soutenu pendant une période de 18 mois. Deuxièmement, il y avait eu des élections moins de deux mois auparavant, la gouverneure générale ne pouvait donc refuser d'appeler M. Dion. Elle avait reçu des lettres de M. Dion ainsi que d'autres partis indiquant qu'ils avaient l'intention d'appuyer le gouvernement Dion.
    Par conséquent, un des facteurs clés à considérer à ce moment-là devait être la viabilité et la stabilité du gouvernement de remplacement. Il faut dire que si il y avait apparence d'instabilité pour le gouvernement, comme dans l'affaire King-Byng de 1926, la gouverneure générale ne pouvait faire appel à un gouvernement de remplacement à moins que ce gouvernement ait la possibilité de survivre pendant une période raisonnable. Personne ne cherche à voir le gouvernement se faire et se défaire au fil de plusieurs élections. Cela n'encourage pas la stabilité du gouvernement.
    Le premier facteur dont il faut tenir compte est donc la viabilité et la durabilité d'un gouvernement de remplacement et le deuxième facteur est la nature de la demande émanant du premier ministre. Le troisième facteur à considérer est celui du principe de « laissez jouer les joueurs ».
    Quelle décision respectait le mieux le principe de « laissez jouer les joueurs »? Je crois que des discussions concernant la situation économique n'auraient pas été pertinentes. Les facteurs pertinents étaient ceux en lien avec la Constitution et les principes constitutionnels.

  (1050)  

    Concernant la viabilité du gouvernement de remplacement, un certain nombre de facteurs portaient à conclure que le gouvernement était viable et stable. Il y avait entre autres un accord écrit. Ce n'était pas uniquement une entente entre trois parties, mais plutôt 161 députés qui manifestaient leur intention de procéder à un vote de censure et d'appuyer la coalition. De plus, cet accord garantissait une stabilité de 18 mois. Ce sont là les facteurs en faveur de la formation d'un nouveau gouvernement qui assureraient également sa stabilité.
    Cependant, d'autres facteurs jouaient contre la viabilité et la durabilité. Premièrement, la coalition avait été formée à la hâte. Elle s'était formée en trois ou quatre jours la fin de semaine précédente. Elle n'avait fait l'enjeu d'aucune campagne électorale.
    Si l'on observe les accords et les décisions conclus à la hâte, on peut constater que tous les éléments pertinents sont rarement considérés. Nous avons plusieurs exemples par le passé dans la vie politique qui démontrent que les décisions prises à la hâte viennent souvent hanter leurs auteurs plus tard.
    Donc, le premier facteur à considérer était le fait que la coalition avait été formée à la hâte et qu'elle n'avait pas été l'enjeu d'une campagne.
    Deuxièmement, il y avait une certaine ambivalence concernant le premier ministre proposé. La situation était assez inhabituelle du fait que M. Dion avait déclaré vouloir démissionner. Il avait déjà indiqué son intention de démissionner au mois de mai.
    Nous savons qu'en 1979, le chef de l'opposition de l'époque, Pierre Trudeau, avait dit qu'il se retirait en tant que chef du Parti libéral. Des élections avaient alors été déclenchées et M. Trudeau avait gagné ses élections. Mais dans ce cas-ci, M. Trudeau avait bien déclaré qu'il ne revenait pas pour seulement trois, quatre ou cinq mois. Il avait affirmé vouloir revenir pour de bon. Si les électeurs le choisissaient c'était pour être premier ministre durant le prochain mandat.
    C'était une situation différente. M. Dion disait souhaiter rester chef du parti pendant cinq mois, même s'il était nommé premier ministre, pour ensuite démissionner en mai. C'était une situation assez étrange, et tout à fait instable. Peut-être que M. Dion aurait changé d'idée s'il avait été élu premier ministre, car tout le monde sait qu'il est difficile de renoncer à ce poste une fois qu'on l'a obtenu. Mais nous ne savons pas ce qui aurait pu arriver.
    Nous avons encore une fois l'illustration de « l'effet lorenz »: il ne faut pas présumer des événements qui auraient suivi. Cependant, il faut tenir compte du statut incertain du premier ministre proposé.
    Le troisième facteur dont il faut tenir compte est que l'accord semblait très compliqué. Il s'agissait de deux partis qui devaient former le gouvernement, appuyés par un troisième parti qui ne pouvait y participer. Il n'avait aucun siège au Cabinet, mais il allait appuyer le gouvernement. C'est une situation très compliquée parce que les décisions prises par le gouvernement seraient débattues par les députés qui siégeaient au Cabinet. Ces décisions devaient ensuite être négociées avec le troisième parti, le Bloc Québécois; quand je dis troisième parti je le dis uniquement dans le sens du troisième parti de la coalition et non pas du troisième parti en terme de sièges. Tout cela est très compliqué.
    Cette situation était différente de celle qui prévalait en Ontario en 1985 alors qu'il y avait une entente entre les libéraux et les nouveaux-démocrates, et que la coalition ne comportait que deux parties. La situation de leadership était stable, et il était clair que leurs engagements seraient concrets et solides.
    Tout compte fait, la première considération tend à semer des doutes sérieux quant à la viabilité et la durabilité du gouvernement. Mais ce n'est pas tout à fait clair. Le gouvernement aurait pu durer.
    Le deuxième facteur à considérer, la nature de la demande du premier ministre, était importante parce que cette demande était limitée. Il s'agissait d'une demande de sept semaines, c'est-à-dire que la prorogation devait durer sept semaines. Un ajournement avait déjà été prévu entre le 12 décembre et — je ne suis pas certain de la date exacte, le vendredi suivant, peu importe — le 26 janvier. Concrètement, cette demande visait uniquement à sacrifier sept jours de travaux. Le gouvernement s'engageait à un vote de confiance dès la rentrée en déclarant qu'il allait présenter un budget qui serait alors soumis à un vote de confiance.
    La demande était donc limitée et suivie d'un vote de confiance. C'est un facteur important parce qu'il nous mène directement au troisième principe: le principe de « laissez les joueurs jouer ».

  (1055)  

    Si la gouverneure générale accède à la demande, il y aurait alors un vote de confiance sept semaines plus tard, alors que si la gouverneure générale refusait la dissolution du gouvernement, cela forcerait un changement au Bureau du premier ministre, un changement au gouvernement ainsi que toute une série d'autres événements incertains. Donc, en ce qui concerne le principe de « laissez jouer les joueurs » la tendance continue à être favorable à l'octroi de la demande. Au bout du compte, il est de mon avis que la gouverneure générale a rendu la bonne décision, mais c'est encore une question de jugement et sujet à ces considérations.
    Voyons voir maintenant les dernières propositions qui visent à limiter le pouvoir discrétionnaire du premier ministre de demander une prorogation au gouverneur général. Par exemple, une motion a été déposée et adoptée par la Chambre, elle exige que le premier ministre souhaitant demander une prorogation de plus de sept jours obtienne d'abord l'accord de la Chambre. Tout d'abord, je trouve très étrange de vouloir mettre l'accent sur un pouvoir particulier de la gouverneure générale — le pouvoir de proroger — et de vouloir légiférer un pouvoir très précis. Il me semble que cela soulève des doutes importants sur des conséquences inattendues et involontaires. Car de leur propre nature ces conséquences sont involontaires.
    D'un autre côté je crois qu'il est préférable de mettre l'accent sur des principes généraux et d'énoncer des principes généraux que nous pourrions suivre ou d'établir des mécanismes généraux que nous serions en mesure de respecter et qui ne seraient pas liés à un pouvoir en particulier. Je ferais donc les commentaires suivants: une demande d'un premier ministre envers un gouverneur général donne lieu à deux possibilités. La première, dans le cas où le premier ministre jouit de la confiance de la Chambre, est d'accéder à sa demande. Dans l'autre, si le premier ministre ne jouit pas de la confiance de la Chambre, un doute est soulevé.
    Prenons le premier cas. Si le premier ministre jouit de la confiance de la Chambre, à mon avis un premier ministre en fonction doit pouvoir demander à la gouverneure générale de proroger la Chambre. Le premier principe qui encadre un gouvernement responsable est le droit du premier ministre d'informer le gouverneur général et toute tentative de limiter le droit du premier ministre qui a la confiance de la Chambre de conseiller le gouverneur général serait indirectement une tentative de limiter les pouvoirs de la gouverneure générale. Je crois que cela pourrait soulever d'importantes questions constitutionnelles et qu'un amendement constitutionnel serait nécessaire. Je crois que cela aurait des conséquences très graves.
    Je dirais même que dans de telles circonstances il existe aujourd'hui des conséquences politiques importantes liées à une telle demande. En fait, la décision du premier ministre, sa demande ainsi que l'acquiescement à sa demande, ont souvent donné lieu à des controverses concernant l'usage de ce pouvoir. Toute future demande attirera inévitablement l'attention. Donc, le processus politique est déjà sous haute tension, non pas à cause d'une forme de règle absolue mais à cause des critiques du processus politique. De toute façon, je ne suis pas convaincu qu'il est nécessaire de changer la situation dans le cas où le premier ministre jouit de la confiance de la Chambre.
    Concernant la deuxième possibilité. Qu'arrive-t-il lorsque le premier ministre ne jouit pas de la confiance de la Chambre ou que son autorité est mise en doute? Dans ce cas, la gouverneure générale détient un pouvoir de réserve que j'ai déjà décrit. Le premier ministre ne peut exercer son pouvoir de façon unilatérale, la décision revient à la gouverneure générale qu'elle doit exprimer en respectant les principes que j'ai déjà décrits. Je ne crois donc pas que le pouvoir de la gouverneure générale devrait être éliminé; au contraire, je crois que c'est un chien de garde nécessaire au pouvoir du premier ministre. Encore une fois, dans ces circonstances, je suis d'avis qu'il ne devrait pas y avoir de limites à la demande.

  (1100)  

    Quoi qu'il en soit, si vous adoptez une règle de cette nature, ferez-vous une distinction entre les situations où la Chambre fait confiance au premier ministre, et où le gouvernement bénéficie ou non de la confiance de la Chambre? Tout ça ne me semble pas aussi simple qu'on pourrait le croire de prime abord.
    Si vous êtes d'accord avec moi et que vous estimez qu'il ne faut pas modifier officiellement le pouvoir du premier ministre de demander la dissolution du Parlement, cela signifie-t-il que le régime actuel fonctionne bien? Je n'en suis pas certain. Selon moi, le changement le plus bénéfique qu'on pourrait apporter — et il serait favorable au bon fonctionnement du Bureau du gouverneur général tout autant qu'à la relation entre le gouverneur général, le gouvernement et la Chambre — serait d'adopter une pratique ou une convention en vertu de laquelle le gouverneur général devrait être nommé sur recommandation conjointe des chefs des principaux partis, peu importe le nombre de ces derniers — qui n'arrête pas de changer.
    Le premier ministre devrait tâcher de s'informer de manière non officielle, comme il le fait actuellement, si je ne me trompe pas, pour les mandataires de la Chambre... Je crois que, selon le processus actuel, le premier ministre mène des consultations et qu'il ne procéderait pas à une nomination en faisant fi des objections de l'opposition. Ce serait une amélioration considérable d'appliquer la même règle à la nomination du gouverneur général. Cela reviendrait à dire que la personne nommée serait une personne de haute stature, qui bénéficierait de l'approbation de tous les membres de la Chambre, comme en bénéficie actuellement le président de la Chambre des communes.
    Avec le temps, nous en sommes arrivés à un régime dans lequel les membres de la Chambre votent pour un président. Auparavant, il y a de nombreuses années, le premier ministre choisissait le président, mais cette façon de procéder a été jugée inappropriée, puisqu'un arbitre ne doit pas être choisi par une des équipes qui s'affrontent. L'arbitre devrait être choisi par tous les joueurs en présence, ou par les différentes équipes qui vont s'affronter. Il serait injuste qu'une équipe puisse choisir l'arbitre, même si celui-ci s'acquittait de ses fonctions de manière parfaitement neutre et impartiale.
    Voilà donc ce qu'il faudrait faire. Si le gouverneur général était réputé au-delà... Et je ne suis pas en train de formuler une critique quelconque, ni de prétendre que certains gouverneurs généraux auraient agi de manière partisane ou inadéquate. C'est une question de légitimité, de perception. Ça serait donc un changement fondamental d'une grande importance et, bien entendu, c'est une décision qui ne relèverait pas seulement de ce comité. Le premier ministre devrait envisager cette façon de faire.
    Selon moi, votre comité devrait faire cette recommandation, et la Chambre devrait se pencher sur cette idée. Cela nous permettrait d'améliorer notre fonctionnement et notre régime gouvernemental. Il ne serait pas nécessaire de modifier quelque pouvoir que ce soit, de quelque manière que ce soit. Si vous ne vous préoccupez pas du principe sous-jacent, que vous vous attardez simplement à l'exercice d'un pouvoir dans un cas de figure particulier, sans agir sur le principe sous-jacent, je crois que les problèmes fondamentaux persisteront.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie infiniment pour votre attention. Il me fera plaisir de répondre à vos questions et de discuter plus amplement de ce sujet avec vous.

  (1105)  

    Merci beaucoup pour cet exposé, monsieur Monahan.
    Nous allons passer aux questions. Nous ferons des tours de cinq minutes pour pouvoir en poser autant que possible.
    Monsieur Proulx, à vous la parole.
    Je vais partager mon temps avec mon collègue, s'il souhaite intervenir.
    Bonjour, monsieur Monahan. Merci beaucoup de comparaître devant le comité ce matin.
    Le premier ministre Harper a déclaré que les partis qui perdent, ou les perdants, comme il les appelle, ne forment pas de gouvernements. Il a même parlé d'une « coalition de perdants » pour qualifier une coalition regroupant des partis dont aucun n'avait la majorité des sièges. M. Harper a également affirmé qu'une telle coalition était illégitime.
    Le gouvernement d'Israël est un gouvernement de coalition, dirigé par le Likoud, qui a terminé deuxième aux élections de 2009.
    Souscrivez-vous à la définition de M. Harper et aux qualificatifs qu'il emploie?
    Je vais répondre à votre question dans un instant, mais je dois d'abord dire que je suis très réticent à me prononcer sur des déclarations particulières, quand je ne suis pas au fait du contexte global dans lequel elles ont été prononcées. Je tiens à préciser cela avant de répondre. Pour ce qui est de votre question, qui, si je ne me trompe pas, revient à demander s'il aurait été légitime que la gouverneure générale demande à M. Dion de former un gouvernement — le gouvernement de coalition —, ma réponse est que ça aurait été entièrement légitime si, compte tenu des circonstances, la gouverneure générale avait conclu que le premier ministre n'avait plus la confiance de la Chambre, et qu'il n'y avait vraiment aucune autre option. Par exemple, si le premier ministre lui avait dit qu'il souhaitait dissoudre la Chambre et déclencher des élections, je crois qu'elle n'aurait pas dû suivre ce conseil, et que la seule option qui se serait offerte à elle, dans ces circonstances, aurait été de demander à M. Dion de former un gouvernement.
    Il est donc rigoureusement exact que, s'il y a un premier ministre ou un député potentiel, ou que si un autre gouvernement pourrait être formé, le gouverneur général se devrait, sous un régime gouvernemental, de demander au chef du parti en question d'exercer le pouvoir. C'est ce qui s'est passé en 1985 lorsque M. Peterson, qui était au second rang pour le nombre de sièges, a été appelé à exercer le pouvoir par M. Aird, le lieutenant gouverneur de l'époque, en dépit du fait qu'il n'avait pas la majorité des sièges. Je sais qu'à l'époque, certains conservateurs ont prétendu que c'était illégitime, car leur parti avait remporté 52 sièges, tandis que les libéraux en avaient seulement 48, mais c'était tout à fait approprié.
    Excusez-moi; je ne suis pas assez succinct.

  (1110)  

    Monsieur Monahan, vous nous avez parlé de toutes sortes de choses qui remontent au temps de la coalition. Vous nous avez même appris des choses que j'ignorais. Vous avez une excellente mémoire. Dans le contexte d'alors, à l'époque où M. Harper affirmait que la coalition était illégitime, souscriviez-vous à la description qu'il faisait de cette coalition?
    Eh bien! Vous savez...
    M. Marcel Proulx: Vous n'avez pas besoin de répondre.
    Merci.
    Monsieur Regan, voulez-vous prendre un peu de temps?
    J'interviendrai plus tard.
    Nous vous reviendrons. Continuons.
    Est-ce M. Reid qui prendra la parole au nom du gouvernement?
    M. Lukiwski parlera le premier, puis ce sera mon tour.
    Je vais partager mon temps avec M. Reid.
    Monsieur Monahan, je vous remercie beaucoup. J'ai trouvé votre exposé fort intéressant. Je l'ai beaucoup apprécié et j'aurais aimé que nous ayons plus de temps. Je sais que M. Reid aimerait également vous poser quelques questions.
    Je vais d'abord faire un commentaire, puis je vous poserai une question — ou j'aimerais, à tout le moins, que vous nous fassiez part de votre opinion.
    D'après ce que vous avez dit, je crois comprendre que, dans les circonstances présentes, où le gouverneur général est nommé par le premier ministre selon la procédure actuelle, vous estimez qu'il n'y a pas lieu de modifier les règles qui s'appliquent à la prorogation. Je dis cela parce que vous avez affirmé que, si le premier ministre bénéficie de la confiance de la Chambre, il est assurément en droit de demander la prorogation, et que le gouverneur général n'a aucun pouvoir discrétionnaire à exercer dans une telle situation. Par contre, si le premier ministre n'a pas la confiance de la Chambre, ou s'il y a un doute raisonnable à cet égard, le pouvoir discrétionnaire peut être invoqué. Si je comprends bien ce que vous avez dit, chacun des cas devrait cependant être évalué individuellement, car certains facteurs externes doivent être pris en considération. Dans ces circonstances, il me semble qu'il n'y a pas lieu de modifier le Règlement afin d'y inclure des mesures dissuasives ou quelque règle que ce soit pour limiter le pouvoir de prorogation, puisqu'il y a déjà des mécanismes régulateurs et que les circonstances sont prises en compte.
    C'est la première chose que j'aimerais voir consigner dans le compte rendu: si vous êtes d'accord... Mon opinion est qu'il n'y a pas lieu de modifier les règles actuelles.
    Par ailleurs, je vous ai écouté avec beaucoup d'intérêt quand vous avez dit que le changement que vous apporteriez — ou, à tout le moins, que vous recommanderiez — serait de faire en sorte que le premier ministre doive consulter de manière non officielle les chefs de tous les autres partis avant de nommer les prochains gouverneurs généraux, et qu'il faudrait qu'ils en arrivent à une entente à cet égard. Voulez-vous dire qu'il faudrait que les quatre chefs parviennent à un consentement unanime? Dans le cas contraire, n'importe quel chef pourrait opposer son veto à une nomination. Si trois partis approuvaient vivement une nomination mais que l'autre parti s'y opposait, pour une raison ou une autre, est-ce que cela devrait, selon vous, freiner le processus de nomination? Un consentement unanime serait-il nécessaire?
    Je ne m'étendrai pas davantage et je vais vous laisser répondre, puisque mon collègue, M. Reid, souhaiterait également vous poser quelques questions pendant ces sept minutes.
    Permettez-moi de répondre brièvement. Tout d'abord, si un changement doit être apporté... et je ne dis pas qu'on ne doit pas faire de changement aux règles en vigueur parce que je ne connais pas toutes les règles qui existent, alors je n'irai pas aussi loin. Je ne crois pas qu'une règle absolue qui prescrit que l'on peut demander une prorogation de plus de sept jours sans l'approbation de la Chambre serait une bonne chose. En général, parmi les propositions que j'ai vues, certaines ne me semblent pas très judicieuses.
    En ce qui a trait au processus de nomination du gouverneur général, je ne parle pas nécessairement d'un accord. Je crois qu'il devrait y avoir un processus selon lequel on peut obtenir le consensus des parties à la Chambre avant d'avancer le nom d'une personne. D'ailleurs, j'ai l'impression qu'une telle pratique existe pour la nomination des mandataires du Parlement. S'il est impossible d'obtenir l'assentiment des parties au sujet d'un candidat en particulier, alors, le nom de cette personne ne doit pas être proposé comme gouverneur général. Mais cela ne veut pas dire qu'on ne sera pas en mesure de trouver un candidat acceptable. Je ne crois pas qu'il serait sage de procéder par vote ou en se fondant sur un autre principe.

  (1115)  

    Merci de cette précision. Simplement pour que tout soit clair, on parle d'un consensus par opposition à un consentement unanime, n'est-ce pas?
    Oui. Je crois qu'il doit y avoir une certaine forme de consensus. Je ne sais pas très exactement quelle forme ce consensus peut avoir. Il faut qu'il y ait une entente générale et non pas simplement des consultations au sujet de la personne proposée.
    Merci.
    Je cède le reste de mon temps de parole à M. Reid.
    Je voulais poser cette question au cours de la deuxième ronde, mais rapidement, dans la foulée de la question de mon collègue, je veux préciser que la façon dont l'orateur est choisi est tout à fait différente. On procède par vote secret à la Chambre des communes. Il y a environ quatre ans, j'ai présenté une recommandation visant à faire adopter ce processus pour la nomination du gouverneur général, mais ce n'est pas ce genre de processus dont vous parlez. Croyez-vous que nous devrions avoir un processus plus informel.
    Oui. À mon avis, ce devrait être un processus informel semblable à celui utilisé pour les mandataires du Parlement qui, si je ne me trompe pas, ne requiert pas l'assentiment général ou un consensus. Je ne crois pas que nous devrions tenir un vote à la Chambre pour déterminer le prochain gouverneur général. Je crois qu'il serait inconvenant, voire inapproprié, de procéder ainsi. Bien franchement, ce serait embarrassant pour les éventuels candidats au poste.
    Tout à fait. Merci beaucoup.
    Madame Gagnon.

[Français]

    Bonjour. Merci beaucoup d'apporter certains éclairages.
    Au sujet du pouvoir de limiter le pouvoir discrétionnaire, je ne crois pas que le fait qu'il y aurait un consensus entre les trois chefs de parti réglerait la question de la prorogation et que la décision serait la meilleure.
    Éclairez-moi sur les raisons des décisions de la Gouverneure générale. Vous dites qu'elle a pris deux bonnes décisions. Vous avez analysé les situations qui ont mené aux deux prorogations, celles de 2008 et de 2009. En même temps, la Gouverneure générale a dû aussi, même si le premier ministre est allé la voir pour lui demander de proroger la Chambre, analyser dans quel contexte elle allait autoriser la prorogation. Vous avez énuméré certains principes; ces principes seraient-ils les mêmes? Vous avez dit qu'il peut y avoir un doute, qu'en cas de doute... Politiquement, quel serait l'impact?
    Dans le cas de la deuxième prorogation, vous dites qu'en effet, il y avait un impact politique parce que la coalition n'était pas assez solide. Je pense que je m'attendais à ce que vous nous parliez davantage de principes ou de règles de base plus définis ou plus larges pour essayer d'expliquer la décision de la Gouverneure générale.

[Traduction]

    Ce que j'essaie de faire valoir, c'est que lorsque la gouverneure générale doit prendre une décision concernant la prorogation de la session, elle doit nécessairement analyser tout le contexte particulier et je ne crois pas qu'il existe une règle absolue ou un ensemble de règles susceptible de lui donner la bonne réponse. Elle devra nécessairement s'appuyer sur des principes ou des éléments d'ordre général.
    Les éléments à prendre en considération que j'ai avancés aujourd'hui sont ceux qui s'appliquaient à ce moment-là. Dans un autre cas, il pourrait y avoir d'autres points à prendre en considération et je ne crois pas que nous puissions prévoir à l'avance ou établir une liste des principes à respecter. C'est pourquoi, à mon avis, le système actuel, qui prévoit une certaine latitude, convient tout à fait.
    On pourrait toujours demander à la gouverneure générale de justifier sa décision, mais ce ne serait pas vraiment plus judicieux. À mon avis, il est préférable de maintenir la pratique actuelle de façon à permettre à ces précédents d'évoluer au fil du temps.

[Français]

    Dans le fond, vous me dites que la Gouverneure générale a tout ce qu'il faut, tout l'éclairage et toute la latitude voulus, pour pouvoir décider si c'est une bonne décision de proroger la Chambre, à la demande du premier ministre et sur la foi de certains principes.

[Traduction]

    Et s'il y a un doute quelconque sur la confiance de la Chambre vis-à-vis du premier ministre, la gouverneur générale doit alors prendre du recul et évaluer le bien-fondé de la demande qui lui est présentée.

[Français]

    D'accord.
    On a prorogé la Chambre plus fréquemment que par le passé. La perception qui en a résulté, au sein de la population ainsi que dans tous les rapports des médias, c'est que le gouvernement ne voulait pas affronter la Chambre des communes. C'était donc une façon de contourner le problème, plutôt que de tenir un vote de confiance.
    Vous avez dit qu'on pouvait déterminer qu'il y avait une certaine confiance de la Chambre face au premier ministre. Je ne suis pas certaine de cela, mais, en même temps, la façon dont le pays était gouverné a déplu à la population et il y a eu des conséquences. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on se retrouve en comité.
    Pensez-vous que cette façon de faire, ou cette démarche, c'est-à-dire demander à la Gouverneure générale de proroger la Chambre, était sérieuse? On dit qu'on veut limiter le pouvoir du premier ministre de demander une prorogation, mais encore faut-il savoir dans quelles circonstances il peut la demander.

  (1120)  

[Traduction]

    Il revient au premier ministre de prendre une décision à la lumière de certains éléments notamment la pertinence de demander une prorogation, la nature de la demande et la confiance de la Chambre. Cependant, une telle décision a des conséquences réelles. D'ailleurs, nous avons pu constater les conséquences bien réelles de la dernière demande de prorogation présentée. En fait, aussi surprenant que cela puisse paraître, des étudiants de mon université ont manifesté contre cette prorogation. Lorsqu'un ministre du gouvernement est venu remettre un chèque à l'université, il y a eu manifestation au sujet de la prorogation. C'est la chose la plus bizarre que l'on puisse imaginer. Avant décembre 2008, personne ne savait même pas ce qu'était une prorogation.
    Donc, il y a bel et bien des conséquences réelles et je crois que nous devrions reconnaître ce fait et ne pas essayer de corriger une situation particulière en adoptant des règles qui pourraient avoir des conséquences plutôt inusitées.
    Merci.
    Monsieur Christopherson.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Monahan, merci pour cet exposé intéressant.
    Je veux revenir sur un commentaire, celui où vous trouvez bizarre que nous nous concentrions sur un pouvoir en particulier, compte tenu des conséquences imprévues qui peuvent en découler. Puis, vous ajoutez que, parce que ces conséquences sont involontaires, nous n'en connaissons pas la nature. Selon cette théorie, nous ne ferions jamais rien en raison d'éventuelles répercussions inconnues. Donc, si je vous suis bien, une personne raisonnable devrait connaître les répercussions involontaires de ses gestes afin de pouvoir les invoquer pour justifier le fait qu'elle ne pose pas ces gestes.
    C'est assez juste. Pour moi, la prochaine question à poser si nous voulons agir est la suivante: quel problème voulons-nous corriger? Quel est ce problème? Est-ce que le premier ministre, qu'il ait ou non la confiance de la Chambre, manoeuvre pour éviter de lui faire face? Est-ce là le problème? Si c'est bien là un problème, alors il peut être résolu en faisant appel aux pouvoirs de réserve de la gouverneure générale et il ne sert à rien d'essayer de régler un problème qui n'en est pas un.
    Si, par ailleurs, il n'y a aucun doute que le premier ministre jouit de la confiance de la Chambre, mais que l'on questionne sa capacité à demander une prorogation allant jusqu'à sept jours, alors le problème est plutôt d'ordre constitutionnel et, partant, la Chambre doit tenir immédiatement un vote de confiance au sujet de cette demande. Voilà quelle sera la conséquence. Ainsi, chaque fois que le premier ministre, qui bénéficie toujours de la confiance de la Chambre, voudra présenter une telle demande, celle-ci deviendra une question de confiance et pourra entraîner la tenue d'une élection sur une prorogation de deux mois. Vous demandez, quel est le problème? Peut-être qu'il n'y en a pas, mais nous ne savons pas.
    Je ne sais pas très bien pourquoi une demande de prorogation soulève automatiquement une question de confiance, mais c'est effectivement ce que cette proposition entraîne.

  (1125)  

    Évidemment, l'enjeu pour nous, c'est que le premier ministre bénéficie de la confiance de la Chambre mais que ses pouvoirs ne sont pas illimités. Nous ne sommes pas dans un régime monarchique; ce n'est pas au premier ministre de décider. Le Parlement détient toujours l'autorité suprême. Lorsque nous parlons de prorogation, nous visons la période où le Parlement siège. Vous pouvez toujours dire qu'aucune question plus fondamentale ne peut être présentée au Parlement que celle portant sur la période où il doit siéger.
    Je veux également commenter sur votre argument selon lequel limiter la capacité du premier ministre à conseiller la gouverneure générale restreint la capacité d'agir de celle-ci. J'aimerais simplement vous lire un extrait de l'exposé que le légiste nous a présenté:
Le rôle consultatif du premier ministre est fondé sur une convention politique constitutionnelle non écrite. Si une loi peut retirer un pouvoir juridique découlant d'une prérogative, on ne peut douter qu'elle puisse modifier une règle politique non écrite. Par conséquent, toute loi visant à réglementer la prorogation sans être assujettie aux dispositions de l'alinéa 41a), [ un amendement constitutionnel] discuté plus haut, pourrait régir uniquement le rôle consultatif du premier ministre et non le pouvoir de prorogation que détient le gouverneur général.
Cependant, le fait de ne pas se conformer aux restrictions législatives imposées au rôle consultatif du premier ministre n'invaliderait pas en soi l'exercice par le gouverneur général de son pouvoir de prorogation.
    Essentiellement, il soutient que les pouvoirs du gouverneur général ne sont pas visés. Même si le premier ministre enfreint les règles que nous lui imposons, le gouverneur général conserve ses pouvoirs. Par conséquent, nous ne cherchons pas à contourner la Constitution; nous avons le droit, d'un point de vue constitutionnel, de restreindre le rôle du premier ministre sans modifier le pouvoir du gouverneur général.
    C'est ainsi que j'interprète la proposition du légiste.
    Je n'ai pas lu la demande du légiste à ce sujet, mais il me semble que vous feriez face à une situation dans laquelle des mesures législatives indiqueraient que le premier ministre ne peut pas demander de prorogation. Il faudrait une disposition prévoyant que rien dans cette loi ne limite les pouvoirs de la gouverneure générale.
    Pourquoi faudrait-il ajouter cela si vous croyez que l'information est déjà là? Si vous croyez qu'elle est là en réserve, faut-il vraiment la répéter?
    Il faudrait l'ajouter, autrement il pourrait s'agir d'une modification constitutionnelle. En fait, ces dispositions étaient celles figurant dans la Loi sur la tenue d'élections à date fixe qui a été adoptée en 2008. Selon la loi, des élections devaient avoir lieu à une certaine date en 2009, mais rien dans cette exigence ne limitait les pouvoirs de la gouverneure générale, ce qui signifiait alors que le premier ministre pouvait, malgré cette loi, demander des élections à la gouverneure générale avant cette date. Cela est maintenant retenu par la Cour d'appel fédérale comme valable. Donc, cette proposition ferait en sorte que la loi ne permettrait pas au premier ministre de demander une prorogation, mais s'il le fait, c'est permis. Je ne vois pas l'utilité d'une telle loi.
    Nous étudions également des mesures.
    Merci.
    Monsieur Monahan, pouvez-vous nous consacrer encore 15 minutes?
    Oui.
    Allons-y alors pour une autre série de cinq minutes, si nous le pouvons, en commençant par l'opposition officielle.
    J'invoque le Règlement. On s'occupe des travaux du comité après.
    Nous avons laissé les travaux du comité au cas où nous aurions eu le rapport sur la technologie, mais nous n'avons pas encore reçu la traduction.
    Il n'y aura donc pas de travaux du comité.
    Nous n'avons pas de travaux du comité.
    Monsieur Reid.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur, pensez-vous que les principes de Lascelles qui ont été appliqués pour accepter ou refuser les demandes de dissolution de la Chambre s'appliquent ici?
    Comme vous le savez, en 1950, le secrétaire privé du roi George VI a publié une lettre dans The Times, dans laquelle il a abordé les principes qui, selon lui, s'appliquaient. Voici la traduction d'une partie de cette lettre:
[...] il est légitime de prétendre qu'aucun souverain, s'il est sage, est qu'il a à coeur l'intérêt du pays, de la constitution et de la monarchie, ne refuserait la dissolution au premier ministre, à moins que les circonstances ne l'exigent: 1) le Parlement existant est encore essentiel, viable et capable de faire son travail; 2) des élections générales porteraient atteinte à la santé économique de la nation; 3) le roi peut trouver un autre premier ministre disposant d'une majorité aux Communes, pour que son nouveau gouvernement ait une espérance de vie raisonnable.
    Le premier critère n'a aucun lien avec la prorogation par définition, puisque toutes les parties prétendent que le Parlement existant est viable. Mais qu'en est-il des points 2) et 3)? Si la gouverneure générale devait décider d'accepter ou de rejeter une demande de prorogation, pourrait-elle fonder sa décision sur ces critères?

  (1130)  

    Je crois qu'en principe il est difficile d'appliquer les principes pouvant répondre à une demande de dissolution à une de prorogation, parce qu'elles sont très différentes, comme nous le savons, ainsi que vous le savez et vous le laissez entendre.
    Dans une situation de dissolution, le premier ministre dit vouloir déclencher des élections immédiatement. Cette demande n'a été refusée qu'une fois, en 1926, et il y a des aspects qui restent incertains. Mais dans le cas d'une dissolution, la seule solution de rechange pour la gouverneure générale serait, il me semble, de demander s'il y a un autre premier ministre qui pourrait former un gouvernement. Dans la négative, il ne me paraît pas y avoir d'autre solution que d'accepter la demande de dissolution.
    La gouverneure générale aurait une évaluation à faire. Elle devrait également considérer depuis combien de temps ont eu lieu les dernières élections. Plus les dernières élections sont récentes, plus la gouverneure générale aura tendance à vouloir qu'un autre gouvernement soit formé.
    Je crois donc que les principes du scénario de dissolution sont plutôt différents de ceux du scénario de prorogation.
    Oui.
    Ce qui m'amène là, à faire des parallèles, c'est l'accent mis sur la volonté de trouver un autre premier ministre qui continuera de gouverner, bien évidemment, parce que le rejet d'une demande de prorogation — une des conséquences de refuser des conseils — signifie vraisemblablement que le premier ministre est destitué, non?
    Certains ont fait cette proposition et, en effet, M. King a immédiatement démissionné en 1926 lorsque le gouverneur général a refusé sa demande. Je ne suis pas certain que le premier ministre doit nécessairement démissionner. Cela dépendrait de la discussion tenue entre le gouverneur général et le premier ministre de l'époque.
    Si le gouverneur général ne veut pas qu'il y ait d'élections, mais qu'il n'y avait aucun autre gouvernement, je peux imaginer la gouverneure générale, si elle refuse la dissolution, demandant au premier ministre: « Voulez-vous néanmoins demeurer en fonction? » Et lui de répondre: « Je vais démissionner. » Il n'est pas certain qu'il soit tenu de démissionner.
    Donc, dans le cas d'une prorogation, revenons en 2008, j'ai pensé que — mais je peux très bien me tromper, d'après ce que vous dites — si la gouverneure générale avait dit au premier ministre: « Je ne vais pas suivre vos conseils et donc refuser votre demande de prorogation », je suppose qu'il n'aurait pas eu le choix de démissionner sur-le-champ.
    Aurait-elle pu dire: « Je refuse vos conseils, mais je veux que vous restiez en fonction pour voir le résultat du vote de confiance qui aura lieu la semaine prochaine »?
    Je ne vois pas pourquoi le premier ministre aurait dû démissionner à ce moment-là. Il aurait pu, mais la Chambre devait se réunir le lundi suivant. Je suppose que la Chambre se serait réunie, que le vote aurait eu lieu et, à la suite de ce vote, que le gouvernement aurait été défait. À ce moment-là, on aurait demandé à M. Dion de former le gouvernement.
    S'il avait démissionné à ce moment-là, j'imagine qu'elle aurait simplement demandé à M. Dion de former un gouvernement sans avoir eu à attendre.
    Je ne crois pas qu'il aurait dû démissionner à ce moment-là. À mon avis, il aurait été approprié qu'il reste en fonction jusqu'au lundi suivant.
    C'est très utile. Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Reid.
    Monsieur Guimond, madame Gagnon, non?
    Monsieur Christopherson, une autre question?
    Oui, s'il vous plaît.
    J'ai trouvé intéressant l'idée de demander à la gouverneure générale de justifier ses décisions. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi vous croyez que c'est une mauvaise idée?
    J'estime que c'est une mauvaise idée, parce que ce serait une tentative d'établir les raisons pour lesquelles la gouverneure générale a exercé son pouvoir à ce moment-là. La gouverneure générale n'est pas formée pour s'occuper des affaires de l'État. Elle suit des conseils; toutefois, il me semble qu'il faudrait que les raisons soient rédigées principalement par d'autres et non par elle personnellement.
    Je crois que l'exercice du pouvoir discrétionnaire constitue son pouvoir discrétionnaire personnel. Elle l'exerce en fonction des conseils qu'elle reçoit, mais je crois qu'elle l'exerce elle-même. À mon avis, il serait difficile d'exiger que la gouverneure générale rédige ou prépare ses raisons personnelles, et ce n'est pas nécessaire. L'éventail de facteurs à prendre en considération est complexe et ils peuvent avoir des conséquences par la suite.
    Encore une fois, des discussions ont été tenues sur cette exigence. Tout compte fait, je ne suis pas pour le fait qu'on exige des raisons.

  (1135)  

    Je voudrais poursuivre sur ce sujet. J’ai bien écouté votre premier raisonnement, mais je dois vous dire que de penser qu’elle rédigerait ses propres mémoires même si elle n'est pas avocate... Quand j’étais membre du Cabinet, je ne rédigeais pas mes propres mémoires s’ils étaient de nature juridique et technique, croyez-moi, et nous n’attendons pas d’un ministre de la Santé qu’il puisse rédiger un guide pratique de chirurgie cérébrale.
    Vous avez dit que cela occasionnerait des difficultés... J’essaie d’obtenir des précisions, si vous le voulez bien. Je n’ai entendu aucune bonne raison qui expliquerait les grandes difficultés que vous évoquez. N’oubliez pas qu'à notre époque, bon nombre de gens comme vous et moi sont de moins en moins enclins à s’en remettre aveuglément aux pouvoirs occultes de qui que ce soit, pas même du représentant de la Reine. J’ai peine à comprendre pourquoi nous ne pouvons à tout le moins demander à une personne dotée de pouvoirs incroyables de nous donner ne serait-ce qu’une raison qui explique pourquoi elle exerce ces pouvoirs. Je ne comprends pas pourquoi c’est un tel problème, monsieur.
    Vous pouvez peut-être me donner une explication.
    En premier lieu, je ne crois pas que ce soit un problème grave, mais plutôt une question de jugement. Tout bien pesé, vaut-il mieux ou non qu’elle explique ses raisons par écrit?
    Si elle présentait ses raisons, il faudrait qu’elles soient rédigées par d’autres. Mais elles deviendraient alors contraignantes, parce que tout le monde les étudierait et en conclurait que ce sont les raisons et la décision véritables, la justification, si l’on veut. Je ne vois pas pourquoi des personnes qui ne sont pas nommées, et encore moins élues... Elles ne sont même pas nommées; ce sont de simples conseillers. Mais qui sont ces conseillers? Qui leur donne le droit de rédiger ces raisons? Ce n’est pas comme à la Cour suprême du Canada, où des adjoints judiciaires et des conseillers appuient le travail des magistrats, mais où la décision revient en dernière analyse au juge, et ce n’est pas non plus comme un ministre, pour qui on peut rédiger des discours et d’autres documents, mais qui peut très bien rédiger les siens.
    Je parle ici d’une présentation au Cabinet. Un ministre a besoin d’une tonne de documents officiels, qu’il ne rédige pas lui-même. Ces documents sont rédigés par les services juridiques et vérifiés par le sous-ministre. Le ministre les parcourt et, s’ils sont adéquats sur le plan politique, il les signe.
    C’est exact, mais il s’agit de simples présentations ou mémoires qui n’exercent aucun effet contraignant. Ce qui est contraignant et exécutoire, en dernière analyse, c’est la mesure législative qui résulte de cette présentation, c’est le texte de loi adopté par le Parlement ou par l'organe législatif.
    Je prends cette proposition au sérieux et je crois qu’elle mérite une étude approfondie. Je sais que bien des gens l’appuient. Tout bien pesé, toutefois, je ne suis pas en sa faveur.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    C’est le tour de M. Albrecht, puis de M. Lukiwski.
    La parole est d’abord à M. Albrecht.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre présence parmi nous, monsieur Monahan.
    Vous avez fait des observations sur la coalition qui avait été proposée en 2008. Vous avez souligné ses faiblesses — une coalition fabriquée à la hâte et dont on n’avait pas discuté durant la campagne, l’incertitude entourant le mandat de M. Dion, la lourdeur d’une telle coalition —, mais vous semblez surtout attacher une grande importance au fait qu’elle a été mise par écrit. Je me demande, en termes politiques, quelle importance nous devons attacher à cette mise par écrit.
    Je crois que le fait qu'elle a été mise par écrit a été un facteur de grande importance. En l’absence d’un accord par écrit, il me semble que la gouverneure générale n’aurait guère pu prendre la chose au sérieux. Selon moi, c’est parce que cet accord était par écrit — et aussi parce qu’il portait sur une période de plus de 12 mois — que cette question revêtait une certaine importance, et qu’elle a fini par acquérir une très grande importance.
    J’aimerais revenir à la question du délai. Si l’une des parties à un accord par écrit décidait subitement de cesser de le reconnaître six mois ou deux mois après sa signature, quelle serait la force exécutoire de cet accord?
    C’est une question de jugement, qu’il est difficile de trancher. Mais comme l’accord était par écrit et qu’il portait sur 18 mois, il me semble plausible d’en conclure que le gouvernement aurait en fait survécu 18 mois. Nous n’en savons rien. Selon ce scénario, M. Dion aurait bien pu rester premier ministre pendant 18 mois ou plus — c’est impossible à prédire. Mais la présence d’un accord par écrit me paraît très importante, tout comme le fait qu’il portait sur plus de 12 mois.

  (1140)  

    Vous avez aussi soulevé un autre point, c’est-à-dire que vous avez supposé ou indiqué que des médias avaient relaté que trois sujets avaient été le centre de la discussion entre la gouverneure générale et le premier ministre...
    Comment le savons-nous, pour en revenir à ce que disait M. Christopherson sur les raisons qui ont été données?
    Nous ne le savons pas. J’ai simplement donné mon avis sur les sujets qu’il convenait ou non de discuter.
    Je voulais simplement mettre ce point en lumière. Il n’y a vraiment pas...
    J’ignore quels sujets ont été abordés lors de cette rencontre.
    Pour finir, je crois que ce que vous avez dit au sujet du vote de confiance promis par le premier ministre en janvier, quand la Chambre reprendrait ses travaux, a été un facteur assez important dans la décision de la gouverneure générale de suivre les conseils du premier ministre.
    Effectivement, le fait que cette demande était assortie de certaines modalités et qu’on s’était engagé à tenir un vote de confiance a joué un rôle déterminant. Je ne crois pas qu'on aurait accédé à la demande si le premier ministre n’avait pas pris cet engagement. J’irai plus loin. Supposons que le premier ministre se soit présenté le 25 janvier à Rideau Hall pour demander qu'on prolonge la prorogation, qu'on modifie l’ordonnance et qu’on lui accorde plus de temps. Dans un tel cas, sa demande aurait été illégitime et inappropriée, et il est clair que la gouverneure générale l’aurait rejetée et qu’elle aurait exigé que la Chambre siège le 26 janvier, comme convenu.
    Merci.
    Reste-t-il un peu de temps pour M. Lukiwski?
    En quelques mots, monsieur Monahan — je sais que les minutes vous sont comptées —, des témoins précédents ont parlé de la capacité, du droit et du pouvoir du Président de la Chambre de conseiller la gouverneure générale sur la confiance de la Chambre. J’aimerais entendre votre opinion sur la question, et plus particulièrement sur la question de savoir si le Président du Sénat dispose du même droit de donner des conseils que le Président de la Chambre.
    Le cas échéant, qu’arriverait-il si les deux présidents donnaient des conseils contradictoires? Que pourrait-on faire?
    Je n’avais pas envisagé une telle situation. La gouverneure générale reçoit des conseils des conseillers qui ont été nommés à cette fin.
    C’est vers ces personnes qu’elle doit se tourner. Bien entendu, elle doit analyser les circonstances pour voir s’il est certain que le premier ministre a la confiance de la Chambre. Je suppose que les déclarations du Président — que ce soit de la Chambre ou du Sénat — seraient alors pertinentes. Mais ils ne sont pas les conseillers de la gouverneure générale, pas plus que les conseillers des partis de l’opposition.
    Le fait que les partis de l’opposition aient écrit à la gouverneure générale est important, parce qu’il montre tout d’abord qu’on doutait fort que le gouvernement jouisse de la confiance de la Chambre — en réalité, il était certain que le gouvernement tomberait — et, en deuxième lieu, parce qu’il est probable qu’un autre gouvernement aurait pu être constitué dans les circonstances.
    Le Président n’est pas ce genre de conseiller, et tout conseil qu’il donnerait ne serait pas exécutoire — en fait, aucun principe constitutionnel n’obligerait la gouverneure générale à suivre de tels conseils.
    Je crois que je vais devoir...
    Merci. Je vais vous permettre de nous quitter.
    J’en profite pour vous remercier. Nous avons beaucoup appris aujourd’hui, et nous sommes heureux d'avoir entendu des opinions différentes sur le sujet.
    Monsieur Monahan, je vous remercie de votre présence. Vous pouvez partir.
    Merci.
    Chers collègues, nous n’avons pas de points à traiter en comité aujourd’hui. Mardi prochain, nous accueillons le professeur Bradley Miller de l’Université Western Ontario. Après son exposé et les questions qui lui seront posées, nous espérons passer aux travaux du comité concernant les technologies.
    C’est donc notre ordre du jour pour mardi. Je vous rappelle que dans une semaine exactement, nous serons en déplacement pour rencontrer des représentants d’Élections Canada.
    Nous nous revoyons mardi. Merci infiniment.
    La séance est levée.
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