Passer au contenu
Début du contenu

CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 035 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er mai 2012

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Il s'agit de la séance no 35 du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Nous sommes le mardi 1er mai 2012, et, conformément à l'ordre de renvoi du lundi 23 avril 2012, nous examinons le projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et d'autres lois.  La séance est télévisée.
    Nous recevons deux témoins aujourd'hui. Le premier vient de Vancouver, en Colombie-Britannique, et il est avocat.
    Andrew Wlodyka, vous pouvez parler pendant 10 minutes, monsieur, si vous le souhaitez.
    Merci.
    Les membres de l'autre groupe sont les représentants de Human Rights Watch. M. Bill Frelick vient de Washington. Il est directeur du Programme pour les réfugiés. Mme Jennifer Egsgard vient de Toronto.
    Bonjour.
    Vous allez partager une période de dix minutes maximum.
    Monsieur Wlodyka, vous avez la parole. Merci de votre participation.
    Merci beaucoup.
    Mesdames et messieurs, c'est avec plaisir que je m'adresse à vous cet après-midi. Je suis avocat. J'ai déjà été commissaire à la Commission d'appel de l'immigration et vice-président adjoint à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Je m'adresse à vous en tant qu'avocat représentant des demandeurs d'asile et d'autres gens qui doivent passer par le système d'immigration, ainsi que comme décideur ayant eu à composer avec la difficulté de rendre une décision qui touche la vie des gens.
    Je sais également, par expérience, qu'il est difficile de mettre en place un système de détermination du statut de réfugié qui soit expéditif et équitable. Je crois qu'il faut féliciter le gouvernement des efforts qu'il déploie pour réformer le système de détermination du statut de réfugié. Il est à mon avis clair que le maintien du statu quo n'est pas une solution. Il est malheureux que les changements qui sont en cours n'aient pas été apportés après que la décision Singh a été rendue au milieu des années 1980. Les contribuables auraient pu épargner beaucoup d'argent, et on aurait pu éviter de constituer un énorme arriéré dans le traitement des cas. À mon sens, c'est toutefois un cas où l'on peut dire mieux vaut tard que jamais.
    Une autre chose que je veux dire, c'est que la détermination du statut de réfugié doit être envisagée dans le contexte de la protection, et non dans celui de l'immigration. Ce sont deux systèmes très différents. Nous devrions tenir compte des différences autant que possible. Lorsque les gens souhaitent immigrer au Canada, ils se soumettent à un processus de sélection. Il y a aussi la possibilité de faire valoir des motifs d'ordre humanitaire. Les deux sont possibles au Canada comme à l'étranger. La détermination du statut de réfugié est un processus très différent. On devrait maintenir la distinction entre ces deux choses autant que possible.
    Pour moi, le fait d'exiger des gens qu'ils choisissent une voie ne pose pas de problème. L'interdiction de un an concernant la présentation d'une demande pour motifs d'ordre humanitaire n'est pas déraisonnable à mes yeux.
    J'encouragerais également le gouvernement à rendre le processus de détermination du statut de réfugié à l'extérieur du Canada aussi transparent qu'il l'est au Canada, autant que possible. Il est clair que l'article 99 du projet de loi C-31 permet la présentation de demandes d'asile au Canada comme à l'étranger.
    Malheureusement, l'expérience amère que j'ai vécue m'a amené à comprendre que les demandeurs d'asile qui présentent leur demande depuis l'étranger ne sont pas traités de la même façon que ceux qui présentent une demande au Canada. L'examen des décisions est beaucoup plus difficile, et c'est un énorme défi. Les gens ou les organisations qui aident les demandeurs d'asile à l'étranger ne savent que trop bien à quel point il est difficile de contester les décisions rendues par les agents des visas à l'étranger. Je recommanderais assurément que ces agents suivent la même formation que les commissaires, ceux qui sont fonctionnaires comme ceux qui sont nommés par décret.
    J'ai d'autres observations à formuler, et elles concernent la perte du statut de résident permanent.
    C'est sûr que je ne pense pas que la perte du statut de résident permanent pose problème si la demande d'asile est annulée pour cause de fraude. À mes yeux, les dispositions sur la question sont équitables et raisonnables.
    Ce qui pose problème à mon sens, c'est qu'il y a une disposition concernant la perte du statut de résident permanent aux termes de l'article 19, en cas de perte du statut de réfugié. Une demande est présentée, et une décision est ensuite rendue en fonction de différents critères qui sont définis, y compris un changement de situation.
    Dans les cas du genre, je pense qu'il serait tout à fait injuste d'enlever le statut de résident permanent à une personne à moins qu'il y ait un lien avec un motif d'interdiction de territoire, comme les fausses déclarations ou la criminalité. Dans ces cas, les résidents permanents devraient avoir un recours devant la Section d'appel de l'immigration, laquelle devrait examiner l'affaire en fonction des motifs juridiques et des motifs d'ordre humanitaire, aux termes du paragraphe 63(3) de la loi en vigueur.

  (1535)  

    En ce qui concerne le délai de traitement des demandes d'asile, il semble que nous mettons davantage l'accent sur le traitement expéditif des cas de demandeurs d'asile provenant des pays désignés — les demandes d'asile manifestement sans fondement, et ainsi de suite. Cela pose un problème très important. Je pense que tous les demandeurs d'asile, qu'ils viennent d'un pays désigné ou non, devraient disposer du même temps pour présenter leur demande. À mon sens, le délai de 28 jours est déjà suffisamment strict. Imposer un délai encore plus serré, compte tenu surtout de l'état précaire de l'aide juridique au pays... Cela varie d'une province à l'autre. Dans la nôtre, la Colombie-Britannique, l'aide juridique est assez difficile à obtenir.
    J'encouragerais assurément le gouvernement à envisager un autre processus, plutôt que de se contenter de verser de l'argent aux provinces, et de créer un système dans le cadre duquel on offrirait de l'aide au départ. À mon avis, plus on offre d'aide au début, plus il est probable que le processus demeure entièrement équitable jusqu'à la toute fin.
    Quant au pouvoir de désigner un pays ou une région ou encore une catégorie de ressortissants, le fait que le ministre dispose de ce pouvoir ne pose pas de problème, tant et aussi longtemps que les critères seront transparents. À mon avis, le processus entrepris devrait s'apparenter à la prise d'un règlement. Ce que je veux dire par là, c'est que les parties intéressées devraient pouvoir formuler des commentaires; il ne suffit pas de simplement publier la désignation dans la Gazette du Canada. Le ministre doit rendre des comptes au Parlement et à la population. Je n'ai pas vraiment confiance en ces « experts »; je ferais davantage confiance aux parlementaires et aux ministres qui, au bout du compte, sont responsables. La disposition en question ne pose donc pas de problème à mes yeux.
    Je sais qu'il y a toujours une préoccupation concernant les critères qui ne sont pas pertinents par rapport à la décision, comme des considérations de nature commerciale ou militaire ou les alliances. Aucune de ces choses n'est mentionnée dans le règlement proposé, et, à mon sens, les décisions fondées sur ces considérations seraient susceptibles de faire l'objet d'une contestation devant les tribunaux. Franchement, je pense que cela devrait suffire à dissuader le ministre de s'engager sur cette voie.
    Je ne vois pas non plus comme un problème le fait qu'il y ait différents régimes de détermination du statut de réfugié pour différents groupes de demandeurs d'asile. Après tout, même les personnes provenant d'un pays désigné ont accès à la Cour fédérale, ce qui est le cas depuis 2002, sous réserve de l'obtention d'une autorisation. Ce sont seulement les autres demandeurs d'asile qui bénéficient d'un accès supplémentaire au régime de détermination du statut de réfugié. Je pense toutefois que le régime actuel de contrôle judiciaire par la Cour fédérale est tout à fait adéquat dans ce genre de cas.
    La disposition réglementaire concernant la procédure de sursis a été supprimée, mais l'accès à la Cour fédérale existe toujours, pour autant que le critère en trois volets soit respecté; ainsi, il est encore possible d'obtenir une ordonnance de sursis. Ce serait autre chose s'il n'y avait pas de droit à un contrôle judiciaire ou encore aucune audience pour les gens provenant d'un pays désigné, et ce n'est assurément pas le cas ici.
    Après tout, nous cherchons à mettre au point un système permettant d'accélérer le renvoi des personnes qui ne satisfont pas aux critères de demande d'asile. Le laisser tel qu'il est actuellement aurait pour seul effet de perpétuer le problème, et nous ne serions jamais en mesure d'avoir un système fonctionnel, à moins de le financer à un coût énorme, ce que la population n'est clairement pas disposée à tolérer.
    En ce qui concerne l'interdiction de présenter une demande de résidence permanente dont font l'objet des gens qui arrivent illégalement au pays, à mon avis, l'interdiction de cinq ans est excessive; trois ans, ce serait plus que suffisant. Après tout, il s'agit de gens qui ont présenté une demande d'asile fondée. Les empêcher de présenter une demande pendant cinq ans est à mon avis exagéré.
    Si une personne souhaite demander la résidence permanente, d'autres possibilités s'offrent à elle que celle de présenter une demande d'asile. Tout d'abord, elle peut présenter une demande d'asile depuis l'étranger; à ce moment-là, rien n'empêcherait la réunion des membres de la famille. Elle pourrait présenter sa demande à l'étranger ou au Canada pour des motifs d'ordre humanitaire sans avoir à passer par le volet des réfugiés. Elle pourrait aussi choisir le système de sélection des immigrants pour tenter d'obtenir le statut d'immigrant.

  (1540)  

    Il est clair que nous devons mettre en place un mécanisme quelconque pour dissuader les gens de choisir la clandestinité. Il est toujours facile de dire que nous pouvons poursuivre les passeurs...
    Monsieur Wlodyka...
    ... mais jusqu'à maintenant, cela n'a pas très bien fonctionné.
    Monsieur, vous pourriez peut-être conclure.
    C'est assez désastreux.
    Votre temps est écoulé.
    Je n'ai que deux ou trois autres observations à faire.
    Vous le promettez?
    L'une de celles-ci concerne les détentions.
    Je demanderais au comité d'examiner l'article 82 de la LIPR, qui porte sur la Cour fédérale, les questions de sécurité et le régime de détention. Ce devrait être amplement suffisant. Je pense qu'une détention de un an, c'est excessif.
    Enfin, je veux dire quelque chose concernant la SAR, de la disposition concernant les appels. La SAR ne devrait que confirmer ou ne pas confirmer des décisions rendues. Il ne devrait pas y avoir de cas présentés à celle-ci comme deuxième essai après la SPR. Cela ne fait qu'allonger le processus.
    Merci, monsieur.
    Je m'excuse d'avoir légèrement dépassé le temps prévu.
    Merci beaucoup de m'avoir invité à m'adresser à vous.
    Merci.
    Madame Egsgard, monsieur Frelick, est-ce que l'un de vous deux va prendre la parole, ou les deux? Voulez-vous que je tire à pile ou face?
    D'accord. Nous allons vous accorder cinq minutes, monsieur Frelick.
    D'accord.
    Je m'appelle Bill Frelick. Je suis directeur du Programme pour les réfugiés de Human Rights Watch. Nous sommes un organisme non gouvernemental international, une organisation entièrement privée qui ne reçoit aucun financement gouvernemental. Nous ne représentons pas de clients devant les tribunaux. Nous sommes des observateurs indépendants dans le domaine des droits de la personne, et non des fournisseurs de services.
    Je dirige le Programme pour les réfugiés depuis six ans. J'ai été avant cela directeur du programme pour les réfugiés d'Amnistie internationale. Avant cela, j'étais directeur du comité pour les réfugiés et les immigrants des États-Unis, et j'ai dirigé la publication du World Refugee Survey de 1986 à 2002.
    Je vais aborder les questions des enfants et du modèle australien, et je vais parler brièvement des pays d'origine désignés. Jennifer Egsgard, avocate et membre de notre comité canadien, va parler des dispositions concernant la détention et la résidence permanente.
    En ce qui concerne les enfants, la Convention relative aux droits de l'enfant précise qu'« enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans ». Le projet de loi C-31, en ce qui a trait aux dispositions concernant la détention, précise qu'« étranger désigné » s'applique aux personnes « âgées de 16 ans ou plus à la date de l'arrivée ».
    Il n'y a aucune explication dans le projet de loi, ni dans le commentaire sur celui-ci formulé par le gouvernement, à l'égard de l'inclusion des personnes de 16 et 17 ans, qui sont définies comme étant des enfants dans la Convention relative aux droits de l'enfant.
    Ce qui nous préoccupe particulièrement, c'est que l'article 37 de la Convention relative aux droits de l'enfant dit essentiellement qu'il ne devrait jamais y avoir détention arbitraire d'enfants, et que, si les enfants doivent être détenus, ce devrait « n'être qu'une mesure de dernier ressort, et être d'une durée aussi brève que possible ».
    À nos yeux, dans le projet de loi C-31, la détention d'enfants est le premier choix plutôt qu'une mesure de dernier ressort. Au lieu qu'elle dure le moins de temps possible, il est en fait prévu qu'elle dure un an, à quelques exceptions près qui, en réalité, ne semblent pas susceptibles de se produire.
    Nous croyons également que cette détention est arbitraire, ce qui est interdit par l'alinéa 37d) de la Convention relative aux droits de l'enfant, en raison de l'absence d'un droit de contestation devant un tribunal ou une autre autorité indépendante et impartiale, malgré le contrôle de portée limitée par la Cour fédérale prévu dans le projet de loi C-31.
    Je pense que la chose la plus importante à garder en tête lorsqu'il s'agit de la Convention relative aux droits de l'enfant, et en fait, des droits humains garantis aux enfants, c'est l'article 3 de cette convention, qui précise ce qui suit: « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants [...], l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. »
    Je pense qu'il vous faut réellement vous demander, lorsque vous examinez les objectifs du projet de loi C-31 à l'égard des enfants, si c'est l'intérêt supérieur des enfants qui est visé. Si vous consultez la documentation sur les répercussions de la détention chez les enfants en particulier... Nous citons dans notre mémoire des études du College of General Practitioners concernant les effets sur la santé mentale des enfants, qui sont très profonds.
    Je peux peut-être profiter de l'occasion pour parler de l'Australie. La commission parlementaire réunie là-bas en mars dernier a publié une vaste étude concernant les répercussions des politiques de détention dans ce pays, et celle-ci contient des citations tirées de multiples études sur les effets négatifs ressentis en particulier par les enfants.
    La question se pose donc de savoir si l'Australie devrait être un modèle pour le Canada dans le domaine du traitement des migrants. La réponse est non. En fait, l'Australie n'est même pas un modèle pour elle-même. La détention obligatoire, entrée en vigueur en 1999, a été à peu près levée en novembre 2011, et des visas spéciaux ont été délivrés pour ramener les gens détenus dans les établissements des territoires retranchés.

  (1545)  

    Il a été démontré que le nombre de personnes en situation irrégulière qui arrivaient par bateau en 1999, soit à l'époque de l'adoption de la loi, était de 1 000. Deux ans plus tard, une fois que la loi a été pleinement en vigueur, il y a eu plus de 5 000 arrivées.
    Monsieur Frelick, si vous voulez laisser du temps à Mme Egsgard, vous allez devoir conclure bientôt.
    D'accord, très bien.
    Il y a un rappel au Règlement, monsieur Frelick. Attendez. Désolé.
    C'est simplement que je ne suis pas sûr de bien comprendre. S'agit-il de deux témoignages distincts... ou est-ce que c'est un sous-ensemble d'une même organisation?
    En passant, monsieur Trudeau, bon retour parmi nous. Je suis heureux de vous voir.
    Je suis content d'être ici.
    Les deux témoins représentent Human Rights Watch. L'un vient de Washington, et l'autre de Toronto, mais c'est une seule et même organisation.
    Human Rights Watch et Human Rights Watch Canada sont des organisations distinctes.
    Effectivement, mais nous accordons environ cinq minutes à chacun des témoins.
    Non.
    Eh bien, nous allons voir comment les choses vont se passer.
    Monsieur Trudeau, ce que je pense, c'est que nous recevons deux témoins. L'un d'entre eux est M. Wlodyka, qui témoigne à titre personnel, et l'autre est Human Rights Watch. Ce ne sont pas trois groupes.
    D'accord? Sinon...
    Désolé de vous avoir interrompu, monsieur. Vous avez encore la parole.
    J'invoque le Règlement.
    Madame Sims.
    Monsieur le président, il est très clair qu'il s'agit de deux organisations distinctes. S'il ne s'agissait que d'une seule organisation, le nom des deux témoins figurerait sous Human Rights Watch, mais il y a deux noms différents. Si vous jetez un coup d'oeil, vous allez constater qu'il y a Human Rights Watch et Human Rights Watch Canada. Je prierais donc la présidence d'avoir l'indulgence de leur permettre à tous les deux de prendre la parole.

  (1550)  

    Ce sont vos témoins, et c'est vous qui avez proposé qu'ils viennent témoigner ensemble.
    Dans ce cas-là, je vous présente toutes mes excuses, monsieur le président, et je retire mon rappel au Règlement.
    Je ne vous en estime pas moins.
    Merci.
    Désolé, monsieur Frelick. Il y a des interludes du genre de temps à autre, et je vous présente mes excuses.
    Vous avez toujours la parole.
    Je suis heureux de préciser que nous ne formons qu'une seule organisation. Là-dessus, j'espère pouvoir aborder les autres parties de la déclaration que j'avais préparée durant la période de questions. Bien entendu, vous avez reçu notre mémoire, mais je vais céder la parole à Jennifer Egsgard.
    Merci, monsieur.
    Madame Egsgard, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis membre de Human Rights Watch Canada depuis 10 ans. Je suis actuellement avocate chez Sills Egsgard SRL, mais, jusqu'à janvier dernier, j'ai travaillé dans le domaine du droit des réfugiés dans un bureau d'aide juridique spécialisé, ce que j'ai fait pendant quatre ans. Mon travail dans ce bureau consistait entre autres à représenter des clients au contrôle des motifs de détention, ce que j'ai fait des centaines de fois, ainsi qu'à contester la décision à l'issue de certains de ces contrôles devant la Cour fédérale. Je vais donc puiser aussi dans ma propre expérience lorsque je vais parler de la position de Human Rights Watch.
    Human Rights Watch est préoccupé par le fait que la détention obligatoire de un an et l'obtention tardive du statut de résident permanent dans le cas des personnes désignées sera contraire aux obligations internationales prévues par l'article 31.2 de la Convention relative au statut des réfugiés. Cet article interdit l'imposition de sanctions aux réfugiés qui sont entrés dans un pays où ils sont présents illégalement. La disposition se justifie bien évidemment par le fait que les réfugiés qui se sauvent pour rester en vie n'ont souvent pas le luxe de passer par des recours juridiques pour échapper à leur situation.
    Human Rights Watch est aussi préoccupé par le fait que la disposition concernant la détention obligatoire de un an est contraire au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L'article 9 de ce pacte prévoit ce qui suit:
Quiconque se trouve privé de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.
    Cela n'est évidemment pas possible s'il y a une détention obligatoire de un an.
    Je suis d'avis que la détention obligatoire de un an est exagérée par rapport à l'objectif déclaré du gouvernement, c'est-à-dire de régler les problèmes d'admissibilité et d'identité. Comme d'autres témoins l'ont dit, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés du Canada prévoit déjà un système de détention des ressortissants étrangers pour ces motifs de façon conforme aux normes internationales. La loi en vigueur permet au gouvernement de détenir les ressortissants étrangers si leur identité est incertaine, s'il y a un risque de fuite et s'il peut y avoir un danger pour la population.
    Dans le cadre du régime actuel, lorsqu'une personne est détenue pendant 48 heures, elle a droit à un contrôle des motifs de détention. Si elle n'est pas libérée, il y a un autre contrôle au bout de 7 jours, et si elle n'est toujours pas libérée, il y a un contrôle tous les 30 jours. J'ai assisté à de nombreux contrôles, et, tant que le gouvernement est en mesure de convaincre le décideur qu'il prend avec diligence les mesures nécessaires pour vérifier l'identité, l'admissibilité et toute autre chose demeurée en plan, le décideur ordonne que la détention soit maintenue, et il fait preuve d'une grande déférence à l'égard du conseil du ministre.
    J'ai pu constater dans le cadre de mon travail qu'à ces audiences de contrôle des motifs de détention, c'est un agent d'audience qui représente le ministre. J'ai souvent vu l'agent d'audience recevoir un compte rendu par courriel avant l'audience de la part de l'employé du ministre à l'Agence des services frontaliers du Canada qui s'est occupé du cas en attendant l'audience. L'agent d'audience fait alors un compte rendu au commissaire à partir de cette information quant aux mesures qui sont prises. D'après ce que j'ai vu, tant que le dossier avance bien, le commissaire est susceptible d'ordonner le maintien de la détention.
    Lorsqu'il y a une arrivée massive de gens, j'ai pu constater que, tant que l'ASFC agit avec diligence et est en mesure de fournir ce compte rendu mensuel à l'agent avant la tenue de l'audience, le commissaire est habituellement convaincu que la détention est justifiée, et il ordonne qu'elle soit maintenue. D'après ce que je sais, cette façon de faire découle des cas liés au Sun Sea, où de nombreuses personnes ont été détenues pendant plusieurs mois. En fait, vous avez entendu dans les témoignages d'hier que six personnes qui étaient sur ce bateau sont encore détenues. On vous a aussi dit qu'aucune des personnes libérées ne s'est soustraite à la surveillance des autorités. L'ASFC a témoigné qu'elle sait où chacune des personnes concernées se trouve.
    Je sais également pour avoir examiné des cas de détention à long terme que la surveillance est nécessaire. Certains cas passent à travers les mailles du filet, et il arrive qu'on ne présente aucun élément de preuve concernant les mesures prises par le ministre pour régler les problèmes pendant des mois. Lorsque c'est le cas, si la personne concernée est représentée par un conseil en mesure d'attirer l'attention d'un commissaire sur la situation, le commissaire commence alors habituellement à poser de plus en plus de questions à l'ASFC sur les mesures qu'elle prend pour déterminer l'identité de la personne ou son admissibilité, ainsi que pour régler tout autre problème qui demeure.
    Sans cette surveillance et sans la représentation par un conseil, les gens peuvent demeurer en détention pendant des mois, voire des années, et c'est souvent ce qui arrive. Je suis très préoccupée par la possibilité que cela se produise s'il y avait une détention obligatoire de un an, c'est-à-dire que personne ne fasse le suivi des mesures prises pour déterminer l'admissibilité ou l'identité. Si le contrôle des motifs de détention tenu après un an se solde par un échec, la personne doit attendre encore six mois, et ainsi de suite.

  (1555)  

    Madame Egsgard, pourriez-vous conclure, s'il vous plaît?
    Oui. Merci.
    La détention coûte très cher. Il est clair que davantage de ressources pourraient être consacrées à la détermination de l'identité et de l'admissibilité dans le cas d'arrivées massives, ce qui permettrait d'éviter la détention obligatoire.
    Je serai également heureuse de répondre aux questions concernant les préoccupations de Human Rights Watch concernant l'interdiction de présenter une demande de résidence permanente, laquelle est également contraire au droit international.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Optitz a des questions à poser.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais adresser mes questions à M. Wlodyka.
    Monsieur, je vais commencer par vous citer. Vous avez fait une déclaration sur les ondes d'une radio de Vancouver, CKNW-AM. Je vais lire une citation, parce que celle-ci va être pertinente par rapport aux questions que je veux vous poser.
    Voici:
Je ne trouve franchement rien de mal à cela en ce sens que le ministre est tenu de rendre des comptes au public. S’il ne fait pas du bon travail pour choisir les pays, il y a toujours les élections pour régler cela au lieu que ce soit des experts anonymes qui décident ce genre de choses alors qu’ils ne rendent pas réellement compte à qui que ce soit. Je n’ai donc pas vraiment de problème avec le fait que ce soit le ministre. Il y a une responsabilisation au niveau politique au final.
    Est-ce que c'est juste?
    Oui. Je maintiens ce que j'ai dit.
    D'accord, excellent. Je voulais m'assurer que la citation était exacte, monsieur.
    Est-il juste, dans ce cas, de dire que la désignation de pays sûrs est une démarche équitable, selon vous?
    Oui. À mon avis, c'est une démarche équitable, pour autant que le ministre s'en tienne à des critères transparents. Il y a des pays — des pays d'Europe, les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande — qui ont un régime similaire au nôtre. Ils ont un système de détermination du statut de réfugié similaire au nôtre. Les demandeurs d'asile provenant de ces pays ne devraient pas nécessairement être traités de la même façon que ceux qui viennent de la Somalie, du Libéria ou d'autres pays. Nous cherchons à maximiser l'utilisation que nous faisons de ressources très limitées, et ces ressources devraient être consacrées aux besoins les plus importants. Nous ne disposons pas de fonds inépuisables.
    Je suis convaincu que, si le ministre rend des décisions à partir de critères transparents établis dans la loi, le processus va être équitable. J'aimerais entendre l'avis de la population là-dessus. C'est la raison pour laquelle il devrait y avoir un processus réglementaire prévoyant la publication au préalable de commentaires dans la Gazette, plutôt qu'un simple décret.
    Si le ministre suit bel et bien le processus adéquat défini par le Parlement, je pense que cela suffira à protéger l'intérêt public.
    Excellent.
    Globalement, donc, quel effet croyez-vous que le projet va avoir sur le délai d'attente pour les audiences et sur les arriérés?
    Il devrait améliorer le processus, puisqu'on supprime le choix pour ce qui est du recours devant la Cour fédérale, c'est-à-dire qu'on permet seulement aux gens de s'adresser à la Cour fédérale. Ils n'ont plus accès à la SAR. On supprime aussi les dispositions réglementaires relatives au sursis.
    Les personnes qui perdent le statut de réfugié auront à convaincre la Cour fédérale que leur cause est défendable en fonction du critère en trois volets et que la prépondérance des inconvénients et des préjudices irréparables joue en leur faveur, sans quoi elles seront expulsées du Canada. Le renvoi expéditif agira comme mesure de dissuasion. Si c'est une mesure de dissuasion, il y aura moins de demandes d'asile en provenance de pays qui ne sont habituellement pas sources de réfugiés, et davantage de ressources seront donc consacrées aux pays dont les réfugiés sont habituellement citoyens.
    Si le ministre applique cette démarche de façon uniforme, certaines choses pourraient poser problème. Les ressortissants de pays comme le Mexique, et les Roms, qui viennent de pays comme la République tchèque, la Hongrie et d'autres régions de l'Europe de l'Est, constitueront des cas difficiles parce qu'il y a des demandes d'asile accueillies dans les deux cas.
    Il sera intéressant de voir comment le ministre va déterminer la chose. C'est la raison pour laquelle je préconise un processus permettant la participation de la population, de façon à garantir que la décision concorde avec la loi établie par le Parlement, et que tout est juste pour toutes les personnes concernées. L'adoption du projet de loi devrait toutefois avoir des répercussions favorables.

  (1600)  

    Très bien, monsieur.
    Compte tenu de ce que vous venez de dire, seriez-vous d'accord pour dire que l'effet sur les véritables réfugiés serait généralement positif, et qu'ils pourraient passer par le système plus rapidement et être traités de façon plus équitable?
    Oui, parce que davantage de ressources seraient consacrées à ce système. Les gens profiteraient aussi de la présence de la SAR; ainsi, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pourrait repérer les erreurs, parce qu'elle a le pouvoir de casser les décisions. Lorsque des erreurs seraient commises en première instance, elles seraient corrigées en deuxième instance, et nous disposerions d'un moyen d'utiliser la majeure partie de nos ressources — qui sont limitées — là où elles seront le plus utile.
    À mon avis, ce serait dans l'intérêt public.
    Selon vous, les dispositions du projet de loi C-31 concernant les pays désignés comme étant sûrs vont-elles suffisamment loin?
    À mon sens, elles sont justes pour ce qui est des critères. Ce qui pose problème à mes yeux, c'est que le ministre a l'intention de simplement publier un décret dans la Gazette. Pour moi, c'est insuffisant.
    La démarche relative aux pays désignés devrait être similaire à la démarche de prise de règlement. Il devrait donc y avoir une liste de pays concernés publiée à l'avance. Il devrait aussi y avoir une justification comme il y en a une pour la réglementation. La population devrait avoir l'occasion de formuler des commentaires, et il y aurait donc à ce moment-là des mécanismes de protection comme dans le cas de n'importe quel règlement. C'est une mesure très importante. On enlève des droits à certaines personnes. Le processus devrait donc être le plus transparent possible, en ce sens que, pour les personnes qui viennent de pays qui ne sont pas à l'origine d'un grand nombre de demandes d'asile, la décision devrait être rendue de façon transparente par les gens qui doivent rendre compte au Parlement et à la population.
    D'accord, monsieur. Merci.
    Pourriez-vous nous donner des exemples concrets des failles du régime actuel?
    Tout d'abord, c'est un régime d'accès pour tous. Tout le monde y a accès, et les gens présentent des demandes d'asile manifestement fondées ou manifestement sans fondement. C'est un système qui commence par un processus de détermination du statut de réfugié en première instance, ce qui serait également le cas après l'adoption du projet de loi. La seule différence, c'est que la décision rendue en première instance dans le cadre de la nouvelle loi le serait par des fonctionnaires plutôt que par des personnes nommées par décret.
    Il n'y a pas de SAR à l'heure actuelle. Il n'y a que le contrôle judiciaire effectué par la Cour fédérale. La Loi sur la Cour fédérale prévoit des critères stricts, mais le contrôle ne peut remplacer une audience de novo.
    Mme Simms a des questions à poser.
    Merci beaucoup.
    Mes questions vont porter davantage sur les pays désignés, alors peut-être que Bill ou Jennifer vont vouloir y répondre.
    Chaque fois que nous commençons à parler des pays désignés, il semble que certaines personnes aient des idées par rapport aux pays qu'elles considèrent comme étant sûrs. Nous avons souvent entendu dire que les pays qui ont un régime démocratique sont sûrs, mais nous savons que ce n'est pas toujours vrai.
    Pouvez-vous parler des problèmes qui ont été soulevés à l'égard des pays dont le nom pourrait figurer sur la liste des pays sûrs, comme le Mexique, et des obstacles auxquels font face certains groupes, comme les femmes, les minorités ethniques ou religieuses et les personnes qui s'identifient comme étant GLBT?
    Oui, j'aimerais répondre à la question. C'est une très bonne question.
    En fait, le travail que j'effectue à titre de directeur de notre Programme pour les réfugiés est de portée mondiale, mais la majeure partie des recherches que j'ai menées moi-même ont trait à l'Europe. J'ai travaillé sur le terrain en Italie, à Malte, en Grèce, en Turquie, en Slovaquie, en Hongrie et en Ukraine, et j'oublie probablement quelques pays.
    Ce que j'ai constaté, vu l'objet de mes travaux, c'est-à-dire les demandeurs d'asile, les migrants et les réfugiés, c'est qu'il y a beaucoup de xénophobie et de violence dans les rues, à l'endroit des gens de couleur dans bien des cas, et surtout les migrants.
    J'ai également visité les centres de détention de la plupart des pays que je viens de nommer — et j'aimerais insister sur la Grèce, qui est un pays de l'UE —, et les conditions de détention sont extrêmement inhumaines et dégradantes. J'ai moi-même documenté le cas de gens qui ont été brutalement repoussés de l'autre côté de la frontière de la Turquie. J'ai également visité les centres de détention de la Turquie, et ils sont horribles.
    Nous avons publié il y a deux ou trois mois un rapport sur la violence raciale et la xénophobie en Italie. La semaine dernière, nous avons publié un rapport sur la discrimination à l'endroit des Roms, des Juifs et des autres minorités ethniques en Bosnie. Ce sont des rapports qui sortent tout juste des presses et qui portent, dans le cas de l'Italie, sur les actes de violence perpétrés en particulier contre les gens de couleur. C'est quelque chose que nous voyons aussi en Hongrie et dans de nombreux autres pays.

  (1605)  

    D'autres personnes qui ont témoigné devant nous nous ont beaucoup parlé du fait que l'un des éléments du projet de loi va faire en sorte que, premièrement, les gens vont être maintenus en détention pendant une période maximale de un an, et que, deuxièmement, pendant cinq ans, ils ne vont avoir ni statut ni accès à des titres de voyage. On nous a dit que c'est contraire au droit international.
    Pouvez-vous nous expliquer ce qui est contraire au droit dans ce cas-ci?
    Les deux dispositions en question vont s'appliquer lorsqu'il sera déterminé qu'un réfugié est une personne désignée. À nos yeux, on punit ainsi les réfugiés qui sont en situation irrégulière à leur arrivée, puisque la désignation a lieu dans les cas d'arrivées irrégulières. C'est une chose qui, en soi, est interdite en droit international.
    Quant à l'interdiction de cinq ans concernant le statut de résident permanent, celle-ci est contraire à l'article 34 de la Convention relative au statut des réfugiés, qui précise ce qui suit:
Les États contractants faciliteront, dans toute la mesure possible, l'assimilation et la naturalisation des réfugiés. Ils s'efforceront notamment d'accélérer la procédure de naturalisation et de réduire, dans toute la mesure possible, les taxes et les frais de cette procédure.
    Une interdiction de présenter une demande de résidence permanente pendant cinq ans, qui engendrerait par la suite un délai de sept à dix ans avant la réunion des membres de la famille, serait donc contraire à cette disposition. Elle porterait préjudice au droit des réfugiés séparés des autres membres de leur famille de se réunir, puisqu'elle retarderait la réunification de sept à dix ans. Le droit à l'unité familiale est considéré par le HCNUR comme étant un aspect fondamental de la protection efficace des enfants réfugiés. On sait que les enfants, surtout les enfants non accompagnés, comptent parmi les migrants les plus vulnérables qui soient. Le retard dans la réunification de la famille pourrait nuire au bien-être des enfants et des membres de leur famille, ainsi qu'à la possibilité d'intégration des migrants concernés.
    Le retard dans la réunification de la famille ainsi créé serait également contraire à la Convention des NU relative aux droits de l'enfant. L'article 10 de cette convention précise ce qui suit:
[...] toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un État partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les États parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence. Les États parties veillent en outre à ce que la présentation d'une telle demande n'entraîne pas de conséquences fâcheuses pour les auteurs de la demande et les membres de leur famille.
    Le retard dans l'obtention de la résidence permanente, et ensuite le retard supplémentaire avant que la personne ne puisse parrainer les membres de sa famille, seraient aussi contraires à la Convention des NU relative aux droits de l'enfant.
    D'autres personnes ayant témoigné devant le comité, notamment Sean Rehaag, ont décrit le manque d'uniformité extrême dans les décisions de la CISR. Certains juges refusent de croire qu'il existe des demandes d'asile valables.
    Si un réfugié authentique n'obtient pas d'audience équitable au départ, que pourrait-il se passer s'il était renvoyé dans son pays sans pouvoir exercer un droit d'appel?

  (1610)  

    Le cas qui me vient immédiatement à l'esprit est celui que nous venons de voir au Sri Lanka, où le Royaume-Uni a renvoyé un groupe de demandeurs d'asile déboutés en justifiant essentiellement sa décision par le fait que la guerre là-bas est terminée et qu'il est sécuritaire de rentrer dans ce pays. Nos chercheurs au Sri Lanka ont été en mesure de documenter le fait que les demandeurs d'asile en question ont été détenus et brûlés avec des cigarettes. Ce que je vous décris s'est passé au cours des derniers mois. En fait, nous avons diffusé deux communiqués, dont un hier, parce que le ministre Bowen, de l'Australie, se trouve au Sri Lanka en ce moment.
    Il y a des enjeux de vie ou de mort liés aux décisions négatives qui sont rendues. Ce sont de graves décisions. C'est la raison pour laquelle nous avons beaucoup de réserves au sujet des pays d'origine désignés, puisque les gens qui vont être désignés n'auront pas droit à un appel ni à un sursis à leur renvoi pendant ce temps-là.
    Merci, monsieur Frelick.
    Monsieur Trudeau.
    Monsieur Wlodyka, les députés du gouvernement vous ont demandé directement si vous appuyez l'idée des pays d'origine désignés, et vous avez répondu qu'il s'agit d'une façon intelligente d'utiliser les ressources si cela se fait de façon adéquatement transparente et responsable à la lumière des choix qui seront faits et des décisions qui seront rendues.
    Trouvez-vous les mécanismes de protection prévus par le projet de loi C-31 suffisamment transparents et adéquats pour appuyer la disposition en question?
    À mon sens, les critères sont suffisants. Le processus de désignation d'un pays, ou d'une région d'un pays, ou encore d'un groupe de ressortissants n'est pas adéquat. Comme je l'ai dit déjà, un processus apparenté au processus de modification réglementaire et permettant à la population de formuler des commentaires dans le cadre d'une publication préalable dans la Gazette constituerait un mécanisme plus robuste pour garantir que la désignation soit le plus transparente possible, en permettant une rétroaction de l'extérieur.
    À mes yeux, la simple publication d'un décret dans la Gazette ne suffit pas.
    Merci beaucoup d'avoir précisé cette réserve quant à votre soutien à l'égard de la disposition.
    J'ai une autre question. Lorsque des bateaux pleins de migrants arrivent, comme le Sun Sea et le Ocean Lady, est-il juste de nous dire que ce sont des demandeurs d'asile sont des resquilleurs?
    Est-ce que c'est à moi que vous parlez?
    Oui, désolé, je poursuis avec vous, monsieur.
    Très bien. Parfois je ne suis pas sûr.
    Non, je ne pense pas que ce serait juste. S'ils présentent une demande d'asile qui est accueillie, ce ne sont assurément pas des resquilleurs. Toutefois, ce sont des gens qui ont choisi de recourir aux services de passeurs. Il faut qu'il y ait un quelconque mécanisme de dissuasion pour les empêcher de le faire. Il y a deux moyens d'y parvenir. Le premier, c'est de faciliter le processus de demande d'asile à l'extérieur du Canada. Le deuxième, c'est de garantir que les dispositions relatives à la détention des gens qui choisissent ce moyen soient le plus humaines possible. J'ai remarqué que même à l'égard d'un risque lié à la sécurité prévu dans la loi en vigueur, c'est un meilleur régime permettant un contrôle des motifs de détention des migrants illégaux.
    Merci. Désolé de vous interrompre. Le temps dont je dispose est extrêmement limité, et j'ai obtenu la réponse que je voulais: ce ne sont pas des resquilleurs.
    Lorsque des politiciens disent des demandeurs d'asile que ce sont des resquilleurs, qui refusent de faire la file, ce n'est donc pas vrai, parce qu'il y a un processus pour les réfugiés, et non une file comme c'est le cas dans le système d'immigration.
    Concernant la dissuasion — ceci peut s'adresser à l'un ou l'autre des trois experts que nous avons devant nous — la détention pendant un an, ou encore le fait de ne pas reconnaître les droits liés à la citoyenneté pendant cinq ans ou peut-être même pendant trois ans, comme vous l'avez suggéré, monsieur Wlodyka, est-ce suffisant pour dissuader une personne qui présente, pour reprendre l'expression que vous avez utilisée, monsieur, une demande fondée? Dans le cas de véritables réfugiés, de gens qui se sauvent de la torture et de la persécution contre lesquelles leur pays ne peut les protéger, est-ce que l'idée qu'ils puissent passer un an en prison ou voir leur statut de citoyen limité à certains égards peut constituer un facteur de dissuasion important? Dans le cas de gens qui se sauvent vraiment pour rester en vie, est-ce que ce serait vraiment efficace?

  (1615)  

    Je vais répondre à cette question en premier, et je vais laisser mes collègues y répondre eux aussi.
    Si la demande est fondée, il est clair qu'il devrait y avoir en place un système permettant qu'une décision soit rendue le plus rapidement possible par le tribunal concerné. Si l'on surcharge le système de gens qui présentent des demandes sans fondement, les ressources ne vont pas pouvoir être affectées à ces gens assez rapidement. Nous pouvons donc les faire sortir du système. En ce sens, il faut envisager les pays d'origine désignés et tout le reste d'un point de vue global, c'est-à-dire que je m'assurerais d'abord et avant tout que les ressources du système de détermination du statut de réfugié servent aux gens qui en ont besoin.
    Dans le cas que nous avons évoqué en particulier, ce sont des arrivées illégales, et les gens vont probablement arriver sur le bateau de toute façon, mais au moins si leur demande est fondée... Pour moi, ce ne sont pas toutes les personnes qui arrivent illégalement ici qui présentent une demande fondée. En fait, il y en a beaucoup qui ne présentent pas une demande d'asile légitime, mais pour ceux qui le font et qui sont prêts à prendre le risque, tant que notre système permet de les repérer rapidement, c'est la meilleure façon de procéder.
    Merci beaucoup.
    M. Menegakis a des questions à poser.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.
    Monsieur Wlodyka, j'aimerais continuer de vous poser des questions dans la même veine, si vous me permettez, monsieur. Il y a beaucoup de choses dans le projet de loi C-31 visant à régler le véritable problème qui consiste à essayer de raccourcir le délai de traitement des demandes d'asile légitimes présentées par des gens qui viennent au Canada après être partis de pays où, bien entendu, ils font face à la persécution sous une forme quelconque. Les nouvelles mesures prévues dans le projet de loi permettent de traiter une demande d'asile en 45 jours plutôt qu'en 1038 jours, ce qui est la moyenne actuelle, pour les demandeurs qui viennent d'un pays désigné, et en 216 jours pour l'ensemble des autres demandeurs. Il est clair que les personnes qui s'enfuient de leur pays parce qu'elles craignent pour leur vie bénéficieraient grandement de la réduction du temps qu'elles passeraient dans le système au Canada. Je pense que c'est l'un des objectifs clés du projet de loi.
    Selon vous, quel est l'effet de la présence de faux réfugiés sur les réfugiés authentiques, qui doivent attendre pendant plus longtemps?
    Je vois cela comme l'aspect en quelque sorte fondamental de ce que j'ai dit jusqu'à maintenant. L'idée, c'est de consacrer le plus de ressources possible à l'objectif consistant à faire sortir au plus tôt du système les demandeurs d'asile légitimes, parce qu'ils ne méritent pas de rester pris dedans. Nous devons nous doter d'un moyen de filtrer les demandes illégitimes, lesquelles sont essentiellement présentées par des gens qui utilisent notre système de détermination du statut de réfugié pour immigrer. Nous devons nous doter d'un système qui nous permette de faire cela, mais de façon transparente et juste.
    Une question a été posée tout à l'heure par l'opposition, je crois, concernant les cas où les gens, qu'il s'agisse de resquilleurs ou pas, ont recours à des moyens illicites pour entrer au pays. Nous savons que le passage de clandestins est une activité très lucrative. L'idée de traiter différemment tout le monde qui entre au pays illégalement soulève des préoccupations très importantes. J'ai par exemple entendu le député de Papineau parler du Sun Sea et du Ocean Lady. Dans ces deux cas particuliers, 41 personnes au total se sont vu refuser l'entrée au pays: il a été conclu que 23 d'entre elles posaient des risques pour la sécurité et que 18 avaient commis des crimes de guerre dans leur pays d'origine. Je ne crois pas que les Canadiens veuillent que 41 personnes ayant commis des crimes dans leur pays d'origine vivent dans leur quartier et côtoient leurs enfants.
    Il faut qu'il y ait un processus établi, ainsi qu'une période d'évaluation de leur admissibilité, et il est clair que la sécurité des Canadiens est d'une importance capitale.
    J'ai une autre question pour vous, monsieur Wlodyka. Trouvez-vous sensé que 25 p. 100 des demandes d'asile présentées au Canada le soient par des citoyens de l'Union européenne, c'est-à-dire que la proportion soit plus importante que dans le cas de l'Afrique et de l'Asie? Quelle conclusion pouvons-nous en tirer à l'égard de notre système, lorsque les gens ont le choix d'aller dans 26 autres pays — il y a 27 pays au sein de l'UE — mais choisissent quand même de venir au Canada?

  (1620)  

    La réponse que je vais vous donner, c'est qu'il est clair que le projet de loi présente cette situation comme étant un problème grave. Il y a des gens qui viennent au Canada et qui utilisent le système de détermination du statut de réfugié, et celui-ci est engorgé pendant des années. Au bout du compte, même si leur demande d'asile est rejetée, ils peuvent présenter une demande pour motifs d'ordre humanitaire, et il faut utiliser les ressources très limitées pendant des années pour les renvoyer. Les gens qui ont désespérément besoin d'aide, même les gens qui, parfois, arrivent sur un bateau comme dans les cas que vous avez évoqués... les gens qui présentent une demande légitime demeurent très longtemps en attente parce que le système ne permet pas de traiter rapidement les demandes légitimes.
    Merci.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste deux ou trois minutes.
    Excellent.
    J'aimerais revenir sur la question des resquilleurs. Il y a des gens qui viennent au Canada, qui engorgent le système et qui, dans une très grande proportion, finissent par abandonner et par retirer leur demande. Monsieur Wlodyka, selon vous, est-ce qu'un véritable réfugié qui craint vraiment de rentrer dans son pays d'origine serait prêt à retirer ou à abandonner sa demande?
    À mon sens, les demandeurs d'asile qui présentent une demande légitime ne seraient pas prêts à abandonner ni à retirer leur demande. Pourquoi le feraient-ils s'ils demandent une protection? Il est clair que cela fait partie des critères qui montrent que la demande n'était pas légitime au départ. Un système qui dissuade les gens de présenter ce genre de demandes est à mon avis nécessaire. Toutefois, le choix des critères doit être transparent, et la désignation des pays, des régions ou groupes doit être transparente, de façon à ce que la population puisse véritablement appuyer le système et affecter les ressources nécessaires pour ensuite accélérer le renvoi de ces gens, ce qui va ensuite en dissuader d'autres de choisir ce moyen.
    Voici la dernière question que je vais vous adresser, je crois, monsieur.
    Qu'avez-vous entendu dire au sujet de l'annonce récente du gouvernement selon laquelle il va s'assurer que les réfugiés ne touchent pas de prestations de soins de santé et de soins dentaires plus généreuses que les contribuables canadiens?
    Pour moi, les gens sont tous égaux. Tous devraient bénéficier du même traitement. Le Canada est un pays très généreux, et je ne pense pas que nous devrions nous engager sur cette voie, c'est-à-dire de commencer à traiter les demandeurs d'asile ou d'autres gens comme s'ils avaient moins de valeur que les autres. Ce serait une erreur. Que nous soyons Canadiens ou résidents permanents, ou que nous soyons des demandeurs d'asile légitimes craignant d'être persécutés, selon la loi, nous devons tous être traités de la même façon, et c'est ma position là-dessus.
    Merci beaucoup.
    Madame Groguhé.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue aux témoins.
    Monsieur Frelick, vous avez parlé des effets dévastateurs de la détention sur les enfants et relevé le fait que l'intérêt supérieur de l'enfant n'est pas respecté. On comprend également que pour l'Australie, le programme de détention obligatoire a eu pour principal effet de créer des dommages chez les réfugiés, plutôt que de dissuader les arrivées massives.
    Selon vous, quelles autres dispositions devrions-nous adopter ou envisager?

[Traduction]

    D'abord, il est clair qu'il y a une obligation découlant de la Convention relative aux droits de l'enfant. L'idée que l'âge limite soit de 16 ans plutôt que de 18 ans sort de nulle part.
    Lorsque j'ai jeté un premier coup d'oeil sur le projet de loi, je me suis demandé ce qui se passait. Qu'est-ce que le Canada est en train de faire? Il y a clairement des conséquences qui ne toucheront pas que le Canada.
    Il y a beaucoup de documentation concernant l'effet négatif de la détention sur les enfants, surtout les enfants qui ne sont pas accompagnés. Bien entendu, plus ils sont jeunes, pire c'est. Je pense qu'il faut aussi se hâter d'ajouter que si la détention n'est pas obligatoire pour les enfants de 15 ans et moins, le projet de loi la permet quand même, ce qui veut dire que les enfants peuvent quand même être détenus à la suite d'une décision discrétionnaire.
    L'autre solution, c'est de suivre ce que dit la Convention relative aux droits de l'enfant, c'est-à-dire qu'il faut agir dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Il faut rendre une décision fondée sur l'intérêt supérieur: quel est l'intérêt supérieur de l'enfant? Il s'agit non pas d'utiliser les enfants comme moyen de dissuader les passeurs, mais plutôt de protéger les enfants — de les protéger contre les passeurs, en fait. Il s'agit de prendre les moyens appropriés — le placement dans un foyer d'accueil ou quoi que ce soit du genre — à la suite d'une décision fondée sur l'intérêt supérieur de l'enfant prise par des spécialistes du bien-être des enfants qui peuvent fonder leur décision sur ce qui convient le mieux à l'enfant.

  (1625)  

[Français]

    Merci.
    Le régime de détention pour les étrangers désignés prévu dans le projet de loi C-31 a suscité un intérêt considérable chez nos témoins. Certains d'entre eux estiment qu'il s'agit d'une violation des droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés et par les obligations internationales. Qu'en pensez-vous, monsieur Frelick?

[Traduction]

    En ce qui concerne la Charte canadienne, je peux peut-être laisser Jennifer répondre, puisqu'elle est Canadienne. Comme je suis citoyen américain, j'aurais un peu l'impression d'être un imposteur si je portais ce jugement.
    Jennifer, aimeriez-vous dire quelque chose au sujet de la Charte canadienne?

[Français]

    Madame Egsgard, qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Oui. Évidemment, je serais d'accord pour dire que la chose serait contraire à la Charte aussi, et contraire en particulier aux articles 7 et 12. Je pense que la Cour suprême, lorsqu'elle a tranché l'affaire Charkaoui il y a plusieurs années, a précisé que la détention indéfinie sans contrôle des motifs est inconstitutionnelle et contraire à la Charte, et c'est précisément ce qui est proposé dans le projet de loi C-31.

[Français]

    Pensez-vous que les dispositions touchant les arrivées irrégulières et les étrangers désignés constituent une réponse stratégique à l'immigration irrégulière?

[Traduction]

    Encore une fois, nous vous donnons le point de vue d'une organisation de défense des droits de la personne, mais je pense qu'il nous faut d'abord nous demander si le recours à la détention comme moyen de dissuasion est approprié. Je pense que vous devez y réfléchir. Est-ce que la personne est identifiée? Est-ce qu'elle pose un danger pour la collectivité, pour la population? Est-ce qu'elle est susceptible de se soustraire à la surveillance des autorités? Collaborera-t-elle si elle présente une demande d'asile ou si elle doit être renvoyée? Si ces conditions sont respectées, il n'y a pas vraiment de motifs raisonnables de détention.
    Dire simplement que nous allons mettre les gens en détention obligatoire pendant un an est arbitraire, et, franchement, je trouve que c'est punitif. C'est le problème qui se pose dans ce cas-ci.
    Ce n'est pas une très bonne stratégie. En fait, si l'on prend l'exemple de l'Australie, qui a essayé d'appliquer la détention obligatoire, on s'est rendu compte là-bas — et je cite le chef du département de l'immigration australien: « La détention de gens pendant des années n'a dissuadé personne de venir. » Je peux aussi citer des déclarations du ministre de l'Immigration à l'appui.
    Merci, monsieur Frelick.
    Monsieur Weston, vous avez du temps pour une brève question.
    Eh bien, la séance se termine à 16 h 30.
    D'accord.
    Andrew, non seulement parce que vous venez de la belle province de la Colombie-Britannique, mais aussi parce que beaucoup de membres du Barreau vous tiennent en haute estime pour ce que vous faites, j'avais cinq questions, mais nous allons les résumer en une seule.
    La question de la détention de un an sans mandat revient souvent. Nous avons entendu d'autres avocats qui ont témoigné, ainsi que Mme Egsgard aujourd'hui, dire que cela serait contraire au principe établi dans l'affaire Charkaoui.
    Vous pensez cependant qu'une détention de un an serait raisonnable. Pouvez-vous nous donner une idée des raisons pour lesquelles vous trouvez que ce serait raisonnable et des raisons qui font que ce n'est pas contraire au principe établi dans l'affaire Charkaoui?
    Je trouve qu'il est important de distinguer la question de la durée de la détention de celle du processus de contrôle. Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, les dispositions relatives à la sécurité de l'article 82 prévoient un contrôle des motifs de détention tous les six mois même pour les gens qui sont de présumés terroristes. La nouvelle mesure est encore plus draconienne.
    Je pense qu'il doit y avoir un processus de contrôle. Je crains effectivement que la détention obligatoire, même pendant un an seulement, soit inconstitutionnelle si elle ne s'assortit pas d'un processus du genre et qu'elle soit abolie. Il devrait à tout le moins y avoir un processus de contrôle apparenté aux dispositions relatives à la sécurité de l'article 82, afin que le projet de loi puisse résister à l'examen.
    Par ailleurs, il est clair que la détermination rapide du statut de réfugié dans le cas des demandes d'asile légitimes mènerait à la fin de la détention des gens concernés. Il s'agit là au bout du compte de la meilleure solution: consacrer les ressources aux demandes légitimes et les faire sortir du système le plus rapidement possible.

  (1630)  

    Merci, monsieur Wlodyka, monsieur Frelick et madame Egsgard. Nous avons été très attentifs à ce que vous avez dit, et nous vous remercions de votre témoignage.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques instants.

    


    

    Nous reprenons nos travaux avec notre second groupe de témoins. Nous recevons deux témoins.
    Il s'agit du Dr Meb Rashid, qui pratique à la Crossroads Clinic et qui représente le Women's College Hospital. Nous recevons également M. David Matas, avocat.
    Vous avez jusqu'à 10 minutes chacun pour présenter votre exposé.
    Docteur Rashid, je vous souhaite la bienvenue. Vous avez la parole.
    Je voudrais commencer par vous remercier de l'invitation et du travail que vous faites pour déterminer les répercussions du projet de loi C-31 sur l'arrivée de réfugiés au Canada.
    Pour vous donner quelques renseignements de base, je suis médecin de famille, et je travaille beaucoup auprès de réfugiés de fraîche date depuis une dizaine d'années. J'ai fait mes études de premier cycle en médecine à l'Université de Toronto, fait ma résidence à l'Université McGill et suivi une formation à l'Université Johns Hopkins de Baltimore. Je suis membre du comité directeur de la North American Refugee Health Conference, et j'étais membre du groupe qui a publié récemment les lignes directrices axées sur des données scientifiques pour l'examen des immigrants et des réfugiés nouvellement arrivés.
    À l'heure actuelle, je suis directeur médical à la Crossroads Clinic du Women's College Hospital de Toronto. Il s'agit d'une nouvelle clinique qui offre des services aux réfugiés nouvellement arrivés à Toronto. Le Women's College Hospital est un centre hospitalier universitaire, et je suis affilié au département de médecine familiale et communautaire de l'Université de Toronto.
    Je dirais que j'ai vu au cours des 10 dernières années des milliers de patients qui venaient d'arriver à Toronto à titre de réfugié. J'ai pris part assez activement, par exemple, au dossier des réfugiés karens de la Thaïlande. Plus récemment, j'ai examiné de nombreux patients roms en provenance de la Hongrie. J'ai ainsi rencontré des réfugiés qui s'étaient réétablis et des demandeurs d'asile, et je pense que je suis bien placé pour parler des problèmes de santé de ces populations. Je me sens aussi suffisamment à l'aise pour parler des répercussions de certains éléments du projet de loi C-31 et des effets qui en résultent sur la santé des réfugiés nouvellement arrivés.
    Je veux commencer par dire que, de mon point de vue, les Canadiens devraient être très fiers de leur politique à l'égard des réfugiés. Malgré les commentaires négatifs qui ont été largement diffusés dans les médias récemment, nous sommes nombreux à penser que le Canada a excellé dans son rôle consistant à offrir un refuge à certains des groupes les plus vulnérables du monde. Le Canada a vraiment permis à des gens de se réétablir en fonction de leur besoin de changer de pays, et non seulement en fonction de leur capacité d'intégration. Je pense que nous devrions être fiers de ce legs. Nous avons fait cela de façon conforme à nos obligations internationales, et en offrant aux gens une occasion valable de raconter leur histoire.
    Le Canada a toujours été l'allié des peuples persécutés du monde, et je pense que c'est une relation qui est réciproque. Je crois sincèrement que de nombreuses vagues de réfugiés ont mené une vie prospère ici après leur migration et ont apporté une contribution significative à la société canadienne. Je pense au succès des réfugiés vietnamiens ou des réfugiés sud-asiatiques de l'Ouganda, pour évoquer des exemples assez récents.
    Le projet de loi C-31 est un projet de loi d'une très grande importance qui va probablement modifier en profondeur le système de détermination du statut de réfugié au Canada pour beaucoup de gens. En guise d'introduction à ce que je m'apprête à dire, je voudrais insister sur une chose que nous savons, c'est-à-dire que beaucoup des gens qui vont être touchés par le projet de loi vont finir par devenir des citoyens canadiens. Ainsi, le maintien en santé des demandeurs d'asile semble être non seulement une question d'ordre moral, mais également, dans bien des cas, une question de coûts des soins de santé pour les gens qui vont devenir de nouveaux Canadiens à un moment donné. Les modifications apportées à la politique qui vont exacerber les problèmes de santé existants vont nuire au potentiel d'intégration en douceur des demandeurs d'asile au sein de la société canadienne.
    Quoique les problèmes de santé varient beaucoup lorsqu'il y a une vague de réfugiés, une chose qui est constante, c'est le fait que la migration accentue le risque que les réfugiés aient des troubles de santé mentale, comme le trouble du stress post-traumatique, la dépression et l'anxiété. Je dirais que nous devons garder cela en tête lorsque nous examinons les aspects particuliers du projet de loi qui vont toucher les réfugiés.
    Il y a quelques années, j'ai rencontré un homme qui arrivait d'un pays d'Afrique. C'était une figure imposante, qui dépassait largement les six pieds. Il s'exprimait extrêmement bien. Il avait une bonne formation. Il avait fait son doctorat dans un pays voisin et était ensuite rentré dans son pays pour participer à la vie politique à titre de membre d'un parti de l'opposition.
    Le jour où je l'ai rencontré, cet homme imposant s'est assis dans mon fauteuil et a pleuré pendant une heure. Ce qui lui était arrivé, c'est que, quelques jours avant son arrivée au Canada, il avait été placé sous garde par des fonctionnaires dans son pays. C'était en fait la troisième fois qu'il était incarcéré. Cette fois-là, on l'a battu jusqu'à ce qu'il en perde conscience. Il s'est retrouvé à l'hôpital et, par chance, l'infirmière qui s'occupait de lui était gentille et lui a dit que ses assaillants l'attendaient dehors et allaient l'enfermer de nouveau dès qu'il reprendrait conscience pour continuer à le questionner. Elle lui a alors souri et lui a dit qu'il y avait une porte de service et qu'elle partait en pause. Il est donc sorti par derrière, dans le vêtement dont on l'avait vêtu à l'hôpital, et s'est enfui vers la frontière. Heureusement, lorsqu'il y est parvenu, il se trouvait là-bas un membre de sa famille ayant des moyens qui a pris des dispositions auprès d'un passeur pour qu'il puisse quitter le pays en avion. Cet homme était certain qu'il aurait pu mourir en prison comme beaucoup de ses collègues s'il n'avait pas été en mesure de fuir le pays.
    Je cite ce cas pour mettre en relief le problème du recours aux passeurs par des gens qui fuient la persécution. Nous connaissons tous les actes d'extrême violence qui sont souvent commis par les criminels de cette espèce. Les récits que font les gens qui ont été arnaqués par des passeurs sont bien documentés. Mon patient n'a pas eu le choix. Il a été chanceux de réussir à arriver au Canada et d'être reconnu ici comme réfugié au sens de la Convention.
    Des histoires du genre ne sont malheureusement pas rares. Je pense que nous ferions tout ce qui est nécessaire pour échapper à la persécution si notre vie ou la vie d'un membre de notre famille était en danger. Les gens n'ont parfois d'autre choix que de recourir à un passeur. Bien sûr, ce n'est pas idéal, et beaucoup de gens sont victimes de leur désespoir.

  (1635)  

    Néanmoins, le projet de loi C-31 semble porter un nouveau coup aux personnes qui ont dû risquer leur vie en recourant à un passeur. Parce qu'il tient compte du recours aux passeurs, le projet de loi autorise la détention des réfugiés pendant une période maximale de un an. Il les empêche de parrainer les membres de leur famille pendant cinq ans, ce qui fait que les réfugiés demeurent séparés de leur conjoint et de leurs enfants encore plus longtemps.
    Le projet de loi tient compte à juste titre du risque énorme posé par les passeurs. Malheureusement, il ne tient pas compte du fait que, pour beaucoup de gens, les passeurs sont le seul moyen de fuir la persécution. Le projet de loi prévoit des peines plus sévères pour les passeurs, mais les conséquences pour les réfugiés eux-mêmes sont très importantes. Nous avons entendu dire qu'il s'agit d'une mesure de dissuasion visant les personnes qui envisagent de recourir à un passeur. Selon mon expérience, les gens qui fuient véritablement une menace imminente ne seront pas dissuadés. Lorsqu'on sent qu'on est en danger, on fait ce qu'il faut pour pouvoir partir. Nous ferions tous la même chose.
    Le projet de loi C-31 autorise la détention des personnes soupçonnées d'avoir eu recours à un passeur. Les répercussions du placement en détention de personnes vulnérables sont bien documentées. Nous savons que cela est à l'origine de troubles de santé mentale et que la gravité de ses troubles est proportionnelle à la durée de la détention. Les études montrent que l'effet est particulièrement profond chez les enfants. Le projet de loi C-31 va forcer les familles à décider si elles veulent garder leurs enfants avec elles en détention ou les placer dans un foyer d'accueil dans un pays et au sein d'un système qu'elles ne connaissent habituellement pas du tout.
    J'ai un autre patient. Il s'agit d'une femme que je suis actuellement. Elle vient d'un pays hispanophone, pays qui pourrait très bien figurer sur la liste des pays désignés. Elle était procureure publique dans son pays et s'occupait des affaires criminelles. Après avoir eu gain de cause dans le cadre d'une poursuite concernant des membres d'un gang, elle a été prise en otage, battue et agressée sexuellement. Elle est restée au pays jusqu'à ce que ses voisins lui disent que des gens étaient venus la chercher un jour qu'elle n'était pas à la maison. Elle s'est enfuie et est venue au Canada dans l'espoir de pouvoir y faire venir ses enfants dans un avenir proche.
    Je suis convaincu qu'elle va être considérée comme une personne ayant besoin de protection et une réfugiée au sens de la Convention. Son principal problème, en ce moment, ce n'est cependant pas sa sécurité. Elle est séparée de ses deux fils, qui sont sous la garde son mari. Elle a des raisons de croire qu'ils pourraient aussi être menacés, et était si inquiète lorsque nous en avons parlé qu'elle a évoqué la possibilité de rentrer dans son pays malgré la possibilité bien réelle qu'elle se fasse tuer. Le père des enfants s'en occupe bien, d'après ce qu'elle dit, mais, pour reprendre son expression, tous les enfants ont besoin de leur mère.
    Les tourments que vit une mère séparée de ses enfants n'ont rien d'unique. Malheureusement, j'en vois trop souvent dans mon travail.
    Certaines dispositions du projet de loi C-31 vont empêcher les réfugiés de parrainer les membres de leur famille pendant cinq ans. Il s'agit de réfugiés dont la demande a été accueillie et qui ont été reconnus comme étant des réfugiés au sens de la Convention ayant besoin de protection. Je n'arrive pas à comprendre ce qui motive l'adoption d'une telle politique. La plupart de mes patients qui se sont enfuis sans les membres de leur famille l'ont fait parce qu'ils se trouvaient dans une situation extrêmement difficile. La plupart vivent isolés au sein de notre société. Empêcher les résidents permanents de voir les membres de leur famille pendant cinq ans me semble inutilement cruel. Il ne fait aucun doute que cette séparation sera une source de problèmes affectifs intenses pour des gens qui ont déjà souffert énormément. Je ne pense pas que le fait de séparer de leur famille des gens qui vont bientôt devenir citoyens canadiens soit dans l'intérêt de quiconque.
    Enfin, je veux dire quelque chose au sujet de la liste des pays désignés. Au fil des ans, j'ai vu beaucoup de gens réussir à obtenir l'asile malgré le fait qu'ils venaient de pays auxquels on ne pense pas habituellement lorsqu'on pense aux réfugiés. Je pense à un dénonciateur mexicain qui a été menacé et presque tué malgré ses multiples déménagements d'une ville à l'autre. La précaution avec laquelle la CISR tranche chaque affaire selon le bien-fondé de celle-ci m'a toujours impressionné. Il me semble inutile d'accélérer le traitement des demandes de gens provenant de pays qui ne semblent pas, au premier abord, être source de réfugiés.
    Mon expérience auprès des Roms hongrois m'a beaucoup éclairé. Je n'avais pas vu beaucoup de réfugiés européens avant d'être en contact avec ces migrants. Je dirais que j'ai vu jusqu'à maintenant plus d'une centaine de réfugiés roms et j'ai entendu le récit de nombreux cas similaires de violence gratuite perpétrée par des groupes organisés de néo-Nazis. Il est clair que je n'ai aucunement l'expertise nécessaire pour parler de la situation politique actuelle de la Hongrie. Néanmoins, j'ai écouté ce que m'ont raconté beaucoup de mes patients roms. Leur crainte m'a semblé bien réelle. Des récits qu'ils m'ont faits, quoiqu'ils étaient différents les uns des autres, ressortent de nombreux thèmes apparentés et liés à la violence systématique.
    Le message qui se dégagerait de la création de deux groupes de demandeurs d'asile distincts, c'est que certains groupes font face à la persécution même si ce n'est pas le cas de la population en général. J'ai rencontré beaucoup de patients qui ont obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention et qui venaient de pays d'où ne viennent pas beaucoup de réfugiés. Établir une distinction en fonction du pays d'origine semble miner la crédibilité des minorités qui peuvent être véritablement victimes de persécution.
    En tant que médecin ayant eu le privilège de travailler auprès de patients réfugiés pendant de nombreuses années, j'ai toujours dit que j'ai travaillé auprès des héros de ce monde. Je suis épaté par la grande résilience de l'esprit humain. Chaque jour, je viens en aide à des gens qui ont enduré des traumatismes inimaginables. Ils arrivent toujours ici remplis d'optimisme et du désir de contribuer à la société canadienne. Je suis profondément inquiet quand je pense que le projet de loi C-31 va inutilement engendrer un nouveau traumatisme pour beaucoup de ces réfugiés. J'applaudis les efforts visant à accélérer le processus de détermination du statut de réfugié. Néanmoins, cela ne peut se faire aux dépens de la santé mentale d'une population si vulnérable.

  (1640)  

    Pour terminer, je vais citer un extrait d'un article de nature médicale rédigé par Steel publié dans l'Australian and New Zealand Journal of Public Health. Les auteurs terminent leur analyse des répercussions de la détention sur la santé mentale en déclarant ce qui suit:
Il est important que, au moment où ils tentent de maîtriser la crise internationale en matière de droit d'asile, les pays occidentaux ne mettent pas en œuvre, par inadvertance, des politiques qui causent d'autres torts.
    Je crains que le projet de loi C-31 ne contienne trop d'éléments qui causeront des torts à des populations vulnérables.
    Merci.

  (1645)  

    Merci beaucoup, docteur Rashid.
    Monsieur Matas, allez-y.
    Merci de m'avoir invité.
    J'aimerais me pencher sur un seul des multiples changements proposés dans le cadre du projet de loi C-31, à savoir celui qui a trait aux dispositions relatives aux étrangers désignés, dont vous avez entendu parler précédemment.
    Dans le passé, j'ai assumé les fonctions de président de la section du droit de l'immigration de l'Association du Barreau canadien, de président du Conseil canadien pour les réfugiés et de coordonnateur du réseau juridique d'Amnistie internationale, et je souscris à la position qu'ont adoptée ces organisations à l'égard du projet de loi.
    Je me propose non seulement d'exposer de nouveau les préoccupations qu'elles ont formulées, mais également d'aborder la question selon un angle différent. De fait, j'entends montrer que les éléments du projet de loi touchant les étrangers désignés sont incompatibles avec d'autres politiques du gouvernement.
    Comme il a été présenté par un gouvernement majoritaire, le projet de loi C-31 sera adopté dans sa forme actuelle, sauf si au moins quelques membres du gouvernement souhaitent que des modifications y soient apportées. Ainsi, la tâche surhumaine, je le reconnais, que je me suis fixée consiste à tenter, cet après-midi, de convaincre les membres du gouvernement de la nécessité de modifier le projet de loi C-31, vu que les dispositions relatives aux étrangers désignés contredisent et compromettent les politiques du gouvernement.
    Comme les autres dispositions du projet de loi C-31, les dispositions touchant les étrangers désignés sont de nature générale, mais tirent leur origine de faits très particuliers. Les premières propositions en la matière ont été présentées dans le cadre du projet de loi C-49, qui avait été déposé au Parlement en octobre 2010 après que des réfugiés tamouls sont arrivés au pays à bord des naviresOcean Lady et Sun Sea. Le ministre de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme avait invoqué l'arrivée de ces réfugiés pour justifier les dispositions législatives proposées, lesquelles s'appliquaient de façon rétroactive à une date antérieure à l'arrivée des réfugiés tamouls, ce qui mettait en évidence l'importance de cet événement.
    En mai 2009, la longue guerre civile qui sévissait au Sri Lanka et qui a fait quelque 80 000 morts a pris fin. Vers la fin de ce conflit, on s'en est pris avec fureur aux civils tamouls, dont un très grand nombre ont été tués ou mis en détention. Au Sri Lanka, les vainqueurs de la guerre continuent de s'en prendre aux Tamouls, et la discrimination, le harcèlement et la persécution systématiques de la minorité tamoule par des membres de la majorité se poursuit de plus belle.
    La politique gouvernementale sur les droits de la personne au Sri Lanka, à laquelle je souscris, est la première politique avec laquelle, selon moi, le projet de loi C-31 entre en conflit. Avant la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth d'octobre 2011, qui s'est tenue à Perth, le premier ministre Stephen Harper avait déclaré que, à moins que l'on constate des progrès au chapitre du respect des droits de la personne au Sri Lanka, le sommet des pays du Commonwealth devant se tenir ultérieurement dans ce pays devrait faire l'objet d'un boycott.
    Le gouvernement du Sri Lanka a institué une commission d'enquête, qui s'est révélée être une imposture. C'est plus ou moins de cette façon que le gouvernement du Canada l'a qualifiée, et après avoir pris connaissance du rapport des autorités sri lankaises, il a maintenu sa position en ce qui concerne le boycott. Le gouvernement du Canada a rejeté le rapport en question, indiquant qu'il ne parvenait pas à dissiper les préoccupations relatives aux droits de la personne découlant de la fin de la guerre civile. Cela est fort bien, mais si nous voulons faire la promotion des droits de la personne, nous devons offrir une protection aux réfugiés. De toute évidence, cela vaut pour chaque demandeur d'asile pris isolément, mais nous devons également adopter une perspective globale. La protection des réfugiés a pour effet d'accroître le respect des droits de la personne dans le pays que les réfugiés ont fui. Le fait de ne pas offrir une protection à des réfugiés revient à faire preuve d'indifférence à l'égard de la situation critique dans laquelle se trouvent les victimes.
     Lorsque les États où les réfugiés tentent de se réinstaller refusent l'entrée à ces derniers ou leur mènent la vie dure, le message qu'ils envoient aux États qui violent les droits de la personne, c'est qu'ils peuvent faire ce qu'ils font en toute impunité, sans aucune conséquence. Le projet de loi C-31 est mauvais en théorie, et il est encore plus mauvais en pratique. Le message qu'il envoie au gouvernement du Sri Lanka est le suivant: « Allez-y, maltraitez la minorité tamoule. Nous nous en lavons les mains. »
    La deuxième politique avec laquelle le projet de loi C-31 entre en conflit renvoie à une déclaration qu'a faite le ministre Jason Kenney devant le Parlement en octobre 2010 et avec laquelle, une fois de plus, je suis d'accord. Voici ce qu'il a déclaré:
[…] nous avons entamé des discussions préliminaires avec nos partenaires internationaux, dont l'Australie qui, bien sûr, s'intéresse grandement à la question, et avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en vue de la possible élaboration d'une certaine forme de protection dans l'Asie du Sud-Est.
Pour cela, il faudra notamment inciter les pays qui servent actuellement de lieu de transit pour l'immigration clandestine et la traite de personnes à protéger au moins temporairement les personnes qui, selon les Nations Unies, ont besoin de protection. Il faudra ensuite que les pays comme le Canada offrent, dans une certaine mesure, des possibilités raisonnables de réinstallation pour les réfugiés jugés véritables, ce que nous envisageons déjà.
    Là encore, cela est fort bien, mais pour l'essentiel, cette politique qui consiste à soutenir les pays servant actuellement de lieu de transit pour l'immigration clandestine et la traite des personnes, aussi louable soit-elle, n'est pas appliquée.

  (1650)  

    L'une des raisons pour lesquelles les demandeurs d'asile font l'objet de mauvais traitements en Asie tient à la pression qu'exercent sur ces pays les pays de réinstallation. Une autre raison tient au piètre exemple fourni par les pays de réinstallation.
    La logique qui sous-tend les dispositions relatives aux étrangers désignés consiste à décourager les gens de tenter d'entrer au pays de la manière que l'ont fait les personnes arrivées ici à bord de l'Ocean Lady et du Sun Sea. Outre le fait qu'elles sont cruelles, de telles dispositions sont également susceptibles d'avoir des effets pervers, c'est-à-dire d'inciter les pays situés à proximité et pouvant constituer un refuge à faire preuve d'une cruauté semblable à celle du Canada et de pousser les demandeurs d'asile à prendre la fuite sensiblement par le même moyen qu'ont utilisé les personnes arrivées ici à bord de l'Ocean Lady et du Sun Sea.
    Dans une certaine mesure, le ministre Kenney a reconnu l'existence du problème, mais il a affirmé que nous avions besoin d'une solution à court terme et d'un cadre régional assorti d'une solution à moyen terme. Voilà maintenant 17 mois que cette déclaration concernant un cadre régional a été faite et, pour autant que je sache, rien n'a été réalisé.
    En attendant, si nous voulons décourager les gens de fuir leur pays, nous devons non seulement prendre des mesures dissuasives, mais également inciter les gens à rester. En donnant un mauvais exemple aux pays servant de refuge transitoire, nous anéantissons la possibilité de prendre des mesures incitatives, ou nuisons à leur élaboration.
    Le contraste entre les diverses politiques gouvernementales touchant les réfugiés tamouls du Sri Lanka et le respect des droits de la personne au Sri Lanka est si frappant que nous pouvons légitimement nous demander ce qui est en train de se passer. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cela dénote une certaine désorganisation.
    L'une des réponses tient à la manière dont sont élaborées les politiques gouvernementales. Au sein du gouvernement, les questions relatives aux droits de la personne et celles touchant les réfugiés relèvent de services distincts. La promotion des droits de la personne à l'échelle internationale relève du ministère des Affaires étrangères, et la protection des réfugiés, du ministère de l'Immigration ou de celui de la Sécurité publique. Une logique de nature administrative sous-tend une telle séparation bureaucratique, mais elle rend bien trop facile l'établissement d'une distinction entre la promotion du respect des droits de la personne et la protection des réfugiés.
    Les dispositions touchant les étrangers désignés devraient être supprimées du projet de loi C-31 pour toutes les raisons qu'ont mentionnées mes collègues, mais également parce qu'elles ne concordent pas avec la stratégie globale du gouvernement. Elles entrent en conflit de façon si directe avec d'autres politiques qu'il n'y a d'autre choix que de les revoir.
    Le gouvernement devrait adopter une stratégie coordonnée en matière de droits de la personne et de protection et de réinstallation des réfugiés. J'espère que le gouvernement renoncera à ses politiques contradictoires, et qu'il présentera plutôt au Parlement une politique où le respect des droits de la personne à l'étranger va de pair avec la protection des réfugiés.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur.
    Monsieur Dykstra.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Matas, je ne peux pas résister à l'envie de vous poser la question suivante. Vous avez fondé votre argumentation sur le fait que le ministère des Affaires étrangères et Citoyenneté et Immigration ne travaillaient pas de concert en ce qui a trait à... Vous avez cité l'exemple du Sri Lanka. Saviez-vous qu'une délégation du gouvernement comptant en ses rangs un représentant de Citoyenneté et Immigration, un représentant du ministère de la Défense et un représentant du ministère des Affaires étrangères s'était rendue au Sri Lanka?
    Oui, je le savais.
    Dans une certaine mesure, je présente mes excuses aux parlementaires, car sur ces questions, les relations entre les parlementaires sont certainement plus nombreuses que celles entre les bureaucrates.
    Avez-vous pris connaissance des résultats de ce voyage et du message qui a été livré au ministre des Affaires extérieures du Sri Lanka? Ce message était très compatible avec notre position à l'égard des droits de la personne, à savoir que nous croyons que ces droits existent, qu'ils devraient exister et que l'on devrait mettre l'accent sur eux.
    Oui.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Excusez-moi, monsieur Matas.
    Madame Sims, vous invoquez le Règlement.
    Je tiens simplement à rappeler à mon honorable collègue d'en face que nous sommes ici pour discuter du projet de loi C-31.
    Je tiens à rappeler à mon honorable collègue que David Matas a fondé son argumentation sur la manière de modifier le projet de loi C-31 sur l'exemple du Sri Lanka.
    J'estime que le rappel au Règlement n'est pas valide.
    Poursuivez, monsieur.
    Ma réponse est la suivante: oui, je suis entièrement d'accord avec la campagne en faveur du respect des droits de la personne au Sri Lanka. Je crois que cela est valable et important, et que ce qu'ont fait les parlementaires est bon. Le hic, c'est que le projet de loi C-31 entre en conflit avec cela. C'est là que le bât blesse.
    Pouvez-vous m'expliquer en quoi le fait que nous respections les droits de la personne au Canada est contradictoire avec le fait de respecter les droits de la personne au Sri Lanka? Vous affirmez que cela est contradictoire.

  (1655)  

    C'est contradictoire parce que nous ne respectons pas les droits de la personne des Sri Lankais qui viennent ici. Voilà le problème.
    Je vois. Et pourquoi cela?
    Nous détenons ces personnes pendant de longues périodes sans leur donner l'occasion de faire l'objet d'un contrôle judiciaire. Nous leur refusons la réunification familiale. Nous mettons des enfants en détention. Nous refusons de corriger d'éventuelles erreurs. Nous traitons mal les réfugiés.
    Êtes-vous allé au Sri Lanka?
    Non.
    Êtes-vous conscient des difficultés auxquelles les Tamouls font face dans le Nord du pays, et du fait qu'ils peuvent venir ici, et choisir de le faire en traversant un océan, en dépit des grands risques que cela comporte pour eux, et du fait qu'ils comprennent que les principes énoncés par le projet de loi leur procureraient tout de même une bien meilleure vie, à long terme, que celle qu'ils auraient menée s'ils étaient arrivés ici il y a plus de trois ans, à la fin de la guerre civile?
    Le fait que des personnes et leurs enfants sont mieux en détention au Canada, où elles n'ont pas l'autorisation d'interjeter appel, qu'elles ne le seraient si elles se trouvaient au Sri Lanka, ne constitue pas, à mes yeux, un argument qui justifie le projet de loi.
    C'est vous, et non pas moi, qui formulez cet argument.
    Je ne suis pas en train de dire que le projet de loi est justifié. Ce n'est pas ce que je suis en train de faire valoir.
    Non, mais vous faites valoir que, d'une façon ou d'une autre, il y a une différence entre le traitement accordé à un Sri Lankais en ce qui a trait aux droits de la personne... entre nos positions à cet égard à l'échelle internationale et la manière dont nous traitons ces personnes au Canada. Je ne comprends pas le lien que vous établissez entre ces deux éléments.
    Lorsqu'on dit à des réfugiés qui viennent ici pour fuir un pays où les droits de la personne sont bafoués que nous refusons de leur offrir une protection, que leur présence n'est pas désirée ici et que nous prenons des mesures pour tenter de les dissuader de venir au Canada, cela revient à dire que nous n'avons que faire des violations commises dans leur pays d'origine.
    En fait, cela est faux, car du moment où une personne ou une famille se verra reconnaître la qualité de réfugié au Canada, elle obtiendra immédiatement la résidence permanente.
    Non, elle ne se verra pas immédiatement accorder la résidence permanente — elle devra attendre que cinq années se soient écoulées.
    Non, ce n'est pas vrai.
    Cinq années doivent s'écouler à compter de la date de la présentation de la demande. Sous le régime du projet de loi, une personne n'obtient pas le statut de résident permanent dès qu'elle se voit reconnaître la qualité d'étranger désigné.
    Ce que ces personnes obtiennent, c'est la possibilité de voir leur demande d'asile approuvée. Elles obtiennent temporairement... elles obtiennent l'autorisation de vivre au pays durant cinq ans. Par la suite, elle obtiennent la résidence permanente, et sont autorisées à réaliser leur objectif, si tel est le cas, de faire venir ici les membres de leur famille. Rien n'empêche les membres de la famille de ces personnes de présenter comme elles une demande d'asile.
    Si elles se trouvent à l'extérieur du pays.
    Elles peuvent le faire depuis leur pays d'origine.
    Si elles se trouvent à l'extérieur du pays. En outre, comme elles ne peuvent pas détenir de titres de voyage durant ces cinq années, elles ne peuvent même pas rendre visite à leur famille à l'étranger. Il s'agit d'une séparation familiale forcée.
    Ainsi, quelqu'un qui fuit son pays d'origine parce que sa vie est en danger là-bas devrait être autorisé à retourner... Vous conseilleriez à une personne de retourner dans son pays d'origine et de s'exposer au risque éventuel qu'elle a fui en venant ici?
    Non, mais si ces personnes étaient en mesure de voyager, elles pourraient au moins rendre visite aux membres de leur famille dans un autre pays.
    Merci.
    Monsieur Rashid, le comité n'a pas encore entendu de témoin abordant la question sous l'angle des soins de santé. J'aimerais savoir si vous avez eu l'occasion de traiter un patient dans l'un des établissements de détention du pays.
    Non, je n'ai jamais eu l'occasion de travailler dans un établissement de détention.
    Ainsi, votre expérience est ultérieure... En règle générale, lorsque vous avez affaire à un réfugié, il s'agit d'une personne qui s'est vu reconnaître le statut de réfugié.
    J'ai travaillé auprès de réfugiés qui en étaient à différents stades de leur processus de migration. À coup sûr, j'ai eu affaire à bien des gens qui venaient d'arriver ici et de présenter une demande d'asile. J'ai eu affaire à beaucoup de réfugiés réinstallés au pays depuis deux ou trois jours, de même qu'à un nombre moindre de personnes ayant été détenues pendant une courte période.
    Est-ce que l'une ou l'autre de ces personnes vous a dit que, en ce qui concerne les soins de santé, elle avait eu l'impression d'être en prison, ou qu'elle estimait avoir été traitée de façon équitable durant sa détention?
    Il est intéressant que vous mentionniez cela. Il y a à peu près trois ou quatre semaines, j'ai reçu un patient originaire d'un pays d'Afrique qu'il avait fui pour des raisons liées à la persécution. Il n'avait pas encore fait l'objet d'une audience, mais possédait des éléments de preuve très évidents en ce qui a trait aux actes de violence qu'il avait subis. Il a été détenu pendant un mois seulement, puis il est venu me consulter. Je lui ai posé quelques questions, et il a assurément pris soin de souligner qu'il avait été très bien traité. Il a dit que les gens étaient gentils. Toutefois, cela l'a abattu. Il versait des larmes en me racontant son histoire, non pas en raison de ce que les gens lui avaient fait, de la nourriture qui lui avait été offerte ou des conditions de détention, mais parce qu'il n'avait jamais cru qu'il serait mis en détention ici. Il avait été détenu dans son pays d'origine, et était choqué que cela se produise à son arrivée au Canada.

  (1700)  

    Merci, docteur Rashid.
    Madame Sims.
    Merci à vous deux d'être venus ici pour nous présenter un exposé.
    Sous le régime des nouvelles dispositions législatives contenues dans le projet de loi C-31, une personne pourrait être détenue pendant un maximum de un an, puis être dans l'impossibilité de détenir des titres de voyage ou de présenter une demande au cours des cinq années suivantes. À première vue, les dispositions législatives sont très claires là-dessus. S'il y a quelque chose d'autre en préparation, on ne nous a assurément rien dit à ce sujet.
    Vous avez peut-être entendu certaines annonces qui ont été faites récemment. On dirait que le gouvernement a pris l'habitude de faire des proclamations, car il s'agit d'annonces ou d'arrêtés ministériels. L'annonce dont je veux parler concernait des compressions au chapitre des prestations pour soins de santé offertes aux réfugiés, lesquelles ont été intégrées au budget. À votre avis, quelles répercussions — dans un sens ou dans l'autre — ces compressions auront-elles sur les réfugiés qui arrivent ici, et quels arguments pourrait-on présenter pour faire valoir que ces réfugiés doivent obtenir de bonnes prestations pour soins de santé de manière à ce qu'ils puissent avoir une incidence positive à long terme sur le Canada et notre société?
    Je peux peut-être répondre à cette question. Je crois que l'annonce de la semaine dernière a bouleversé beaucoup de cliniciens qui travaillent auprès des réfugiés.
    J'ai du mal à comprendre ce qui a motivé une telle décision, mais de la manière dont elle a été présentée, il semble s'agir d'une mesure visant à dissuader les gens de venir ici. Je ne peux pas m'empêcher d'y voir une mesure visant spécifiquement les Roms de Hongrie. À coup sûr, la plupart des personnes auxquelles j'ai affaire proviennent de ce groupe. Il y a beaucoup de cas de maladie cardiopulmonaire au sein de cette population, d'après ce que je peux constater, et cela entraîne assurément des coûts élevés en matière de soins de santé.
    Ce que je trouve intéressant, c'est que, lorsqu'elles arrivent ici, les personnes de ce groupe vident sur le comptoir des sacs pleins de médicaments, et ont fait l'objet d'une multitude de diagnostics différents. Je ne pense pas qu'elles ont eu de la difficulté à obtenir des soins de santé dans leur pays; je ne sais pas quelle était la qualité de ces soins, mais je peux dire que je ne considère pas que l'accès à des soins de santé représente un facteur les ayant attirés ici.
    Ce qui m'inquiète, et je sais que cela entrera en vigueur après le 30 juin... il y a des gens qui sont atteints du diabète ou d'hypertension artérielle qui cesseront de prendre leurs médicaments et aboutiront dans les salles d'urgence; j'espère que cela n'aura pas d'horribles conséquences. À mon avis, les économies ne seront pas aussi importantes que celles prévues, à savoir 20 millions de dollars. Je pense que cela pourrait avoir des effets dévastateurs. Notre clientèle comprend des femmes enceintes qui n'auront plus accès à des soins de santé. Je ne sais pas ce qu'elles vont faire. Certains de nos patients sont des enfants malades qui n'auront plus personne à qui s'adresser.
    Merci.
    Ces femmes pourraient finir par accoucher sur le coin d'une rue ou à un autre endroit du genre. Cela s'est déjà produit.
    J'aimerais également entendre ce que vous avez à dire à propos des répercussions que cela aura sur les demandeurs d'asile ne provenant pas de pays, disons, aisés. Certains de ces demandeurs d'asile sont en cavale depuis un bon moment. Certains d'entre eux ont déjà été réinstallés dans un, deux ou trois pays, ou en sont à leur troisième pays. Ils laissent derrière eux une situation très difficile. Bien souvent, ils présentent des problèmes de malnutrition ou des troubles psychiatriques.
    Quelles répercussions ces mesures auront-elles sur la santé de ces personnes si nous les incarcérons aussitôt qu'elles posent le pied ici, car elles le font dans le cadre d'une arrivée irrégulière?
    Nous nous sommes penchés sur cette question précise en consultant les éléments probants disponibles. Si je ne m'abuse, vous recevrez demain deux ou trois intervenants qui vous présenteront en bonne et due forme une partie de la littérature touchant la détention des réfugiés.
    Un médecin résidant et moi venons tout juste de rédiger un article qui est sur le point d'être publié dans la revue Médecin de famille canadien. Un certain nombre d'études menées, par exemple, en Australie, aux États-Unis et en Europe montrent — et cela n'est peut-être pas surprenant — que la détention a des effets sur la santé mentale des personnes détenues. Je crois que, même si les conditions de détention sont idéales, le fait pour une personne de ne plus jouir de la liberté de se promener dans la rue ou d'aller à l'extérieur a des effets, particulièrement sur les personnes qui ont subi un traumatisme. Il semble exister une corrélation entre l'ampleur de la contrainte et la durée de la détention. En Australie, on a mené quelques petites études intéressantes dans le cadre desquelles on a examiné un groupe au sein de la collectivité et un groupe de nature semblable au sein d'un établissement de détention, et on a observé que l'incidence des troubles de santé mentale était beaucoup plus élevée au sein de ce dernier groupe, même si les deux groupes étaient très semblables.
    Oui, je suis tout à fait d'avis que nous devons être préoccupés par le fait que nous risquons de faire subir un nouveau traumatisme à des personnes qui ont déjà montré qu'elles étaient très vulnérables.

  (1705)  

    Cette mesure pourrait constituer un exemple d'économie de bouts de chandelle, si l'on tient compte des effets à long terme qu'elle pourrait avoir sur notre bien-être économique.
    Monsieur Matas, j'estime que vous avez très éloquemment attiré l'attention sur le fait que nous sommes actuellement coupés de la réalité. D'une part, le Canada affirme très clairement qu'il défend les droits de la personne. D'autre part, il est en train de ratifier toutes sortes d'ententes avec des pays où — nous le savons — de très graves violations des droits de la personne sont commises.
    D'une part, le Canada veut projeter l'image d'un grand défenseur des droits de la personne, et, d'autre part, il dit aux personnes qui fuient une situation très difficile — et je ne vais pas de nouveau mentionner toutes ces situations — que, si elles arrivent ici par avion, si elles ont la chance d'avoir suffisamment d'argent pour payer un billet d'avion ou de connaître quelqu'un en mesure de le faire, nous les traiterons d'une certaine manière, mais que, si elles débarquent ici au sein d'un groupe, elles seront envoyées en prison. Nous allons créer un système à deux vitesses qui fera de ces personnes des victimes, une fois de plus.
    J'estime que le fait d'incarcérer des gens qui cherchent à obtenir l'asile ne constitue pas une façon de dissuader les passeurs de clandestins, qui évolueront et adopteront des méthodes plus raffinées. Toutefois, quel message ce projet de loi envoie-t-il aux personnes un peu partout dans le monde qui cherchent désespérément un asile?
    Merci. Nous allons devoir poursuivre cela durant le prochain tour.
    Monsieur Trudeau.
    Peut-il réagir brièvement à cela?
    Non, il ne peut pas le faire. Je suis désolé. On ne peut pas parler pendant sept minutes et ensuite poser une question.
    J'aimerais revenir sur l'échange que vous avez eu, monsieur Matas, avec un membre du parti gouvernemental. Vous avez affirmé très fermement que le projet de loi avait pour effet que le Canada ne respecterait pas — ou pourrait ne pas respecter — les droits de la personne des réfugiés sri lankais qui arrivent au Canada. Le membre du parti gouvernemental a naturellement répliqué que les violations des droits de la personne que subissent ces personnes au Sri Lanka sont bien pires que celles qu'elles subiront ici par suite de leur détention illégitime.
    Pourriez-vous nous dire quelques mots à propos de ce qui se produit lorsqu'un pays comme le Canada — qui passe, un peu partout dans le monde, pour un bon pays et un asile sûr — montre qu'il n'est pas disposé à respecter la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant puisqu'il détient arbitrairement des jeunes de 16 ou 17 ans? En adoptant le projet de loi, le Canada rejetterait les décisions de sa propre Cour suprême. Comme nous l'avons appris dans le cadre de l'affaire Charkaoui, on ne peut pas détenir quelqu'un pendant plus de 120 jours sans suivre le processus approprié et sans offrir un recours judiciaire à cette personne. Le Canada pourrait se trouver dans une position où il viole une convention des Nations Unies dont il est signataire et qui énonce que les demandeurs d'asile devraient se voir offrir un accès rapide à la citoyenneté, ce qu'empêchera la disposition selon laquelle une personne doit attendre cinq ans qu'elle puisse obtenir le statut de résident permanent.
    Que se passe-t-il lorsqu'un pays censé défendre les droits de la personne à l'échelle mondiale ne s'acquitte plus de cette tâche parce qu'il ne lui plaît pas que des personnes arrivent ici par des moyens irréguliers?
    Je suis heureux de répondre à votre question. Je vais tenter de répondre à la question précédente puisque, dans une certaine mesure, elle était semblable à la vôtre. Quel message transmettons-nous, et que se passe-t-il lorsque nous agissons de la sorte?
    Le message que nous transmettons est le suivant: le fait de violer les droits de la personne n'est pas grave. Nous ne protégeons pas les personnes, nous violons nous-mêmes leurs droits — plutôt que de donner l'exemple de ce qu'il faut faire, nous donnons l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire. Lorsque nous faisons quelque chose de bien, les autres pays font de même, et cela a des effets positifs sur le respect des droits de la personne; lorsque nous faisons quelque chose de mal, les autres pays font également de même, et cela a des effets négatifs sur le respect des droits de la personne.
    Les dispositions relatives aux étrangers désignés du projet de loi C-31 visent à régler un réel problème. Le passage de clandestins est un fléau, et nous devons réfléchir aux moyens de nous y attaquer. Le ministre a affirmé qu'il s'agissait de faire de la « désincitation »; ce terme un peu lourd désigne quelque chose qui, selon moi, ne représente pas le meilleur moyen de faire face au problème. En plus de réfléchir aux mesures que nous pouvons prendre pour dissuader les gens de venir ici — ou même plutôt que de faire cela —, nous devons réfléchir aux mesures incitatives que nous pouvons prendre pour empêcher les gens de venir ici. Ces mesures incitatives consistent en l'amélioration de la situation au chapitre du respect des droits de la personne dans le pays d'origine de ces personnes, et en l'accroissement de la protection qui leur est offerte dans les lieux de transit comme la Malaisie, l'Indonésie ou Bangkok. Le problème que pose le projet de loi tient à ce qu'il nuit à ces mesures incitatives. Il constitue un piètre modèle qui porte atteinte aux mesures incitatives visant à renforcer le respect des droits de la personne.

  (1710)  

    Merci beaucoup.
    L'un des principaux arguments qu'utilise le gouvernement pour justifier bon nombre des mesures dont nous parlons tient à ce qu'il lui en coûte cher de se présenter devant un tribunal aux 30 jours pour justifier le maintien en détention, à ce que les coûts liés aux soins de santé prodigués aux réfugiés qui arrivent ici sont prohibitifs et à ce qu'il y a toutes sortes de choses qui rendent très coûteux le fait d'accueillir des gens ici. Toutefois, ce que les gens nous disent, particulièrement ceux de la communauté médicale... je sais que, mercredi ou jeudi, des représentants de la communauté médicale de Montréal nous présenteront des exposés portant sur les coûts astronomiques qui découlent des décisions que nous sommes sur le point de prendre.
    Docteur Rashid, pouvez-vous nous dire quelques mots à propos de la mesure dans laquelle les coûts que nous devrons assumer par suite de l'adoption du projet de loi seront plus élevés que ceux que nous assumons actuellement?
    Oui. Je suis médecin de famille, et je suis donc un ardent partisan de la prévention. Depuis quelques années, par suite de mon travail auprès des nouveaux arrivants et des réfugiés, l'une de mes obsessions consiste à tenter de prendre en charge ces personnes de façon précoce. De toute évidence, on veut traiter la tuberculose avant qu'elle ne devienne active, et on veut immuniser les gens avant qu'une maladie ne se manifeste.
    L'orientation que nous fait prendre, selon moi, le projet de loi C-31 en ce qui concerne la détention obligatoire aura assurément pour effet d'aggraver des troubles de santé mentale existants. Je crois qu'il y a de la littérature portant là-dessus.
    Merci, docteur Rashid.
    Je suis désolé, monsieur, mais votre temps est écoulé. Nous allons devoir attendre le prochain tour pour connaître la suite.
    Monsieur Weston.
    Messieurs, je vous remercie tous les deux d'être ici et de ce que vous faites. J'ai travaillé sur le terrain au Burundi, au Congo et au Rwanda pour le compte de Food for the Hungry, et je me suis récemment rendu en Irak et au Pakistan dans le cadre de missions relatives aux droits de la personne. J'aime donc rencontrer des gens qui se dévouent à travailler auprès de ceux qui n'ont pas la possibilité de se faire entendre et qui ont subi des choses comme celles dont vous avez parlé.
    Cela dit, je tiens à réfuter l'idée selon laquelle il existe une certaine forme de division au sein du gouvernement, comme M. Matas l'a laissé entendre. Comme de nombreux Canadiens de toutes allégeances politiques, je suis fier du Minister Kenney, qui est renommé partout dans le monde pour ses activités de défense des droits de la personne, pour être allé en Chine et en Birmanie — à tout le moins, le ministre des Affaires étrangères s'est rendu là-bas récemment — et pour sa connaissance de la situation des réfugiés qui ont franchi la frontière de l'Irak pour se rendre en Syrie ou en Jordanie. Le ministre est un célèbre défenseur des droits de la personne.
    Ainsi, on peut être en désaccord avec certains éléments de la politique, mais je crains que, en posant les mauvaises questions, nous n'obtenions les mauvaises réponses. Je soupçonne que vous êtes favorable à l'idée d'accélérer le processus visant les réfugiés légitimes. Par conséquent, même si, comme vous le mentionnez, le projet de loi C-31 pouvait avoir des conséquences négatives sur certaines personnes, on ne doit pas pour autant jeter le bébé avec l'eau du bain.
    Ce que je vous demande, c'est de ne pas affirmer que nous sommes en présence d'une alternative, d'une situation où l'on doit choisir de deux choses l'une.
    Docteur Rashid, vous pouvez peut-être formuler des commentaires sur l'importance que revêt le fait d'accélérer le processus. À l'heure actuelle, une personne qui présente une demande d'asile authentique doit attendre en moyenne 1 000 jours avant de se voir reconnaître la qualité de réfugié, et tous les Canadiens veulent que l'on accorde à cette personne le statut de réfugié le plus rapidement possible. Nous allons réduire ce délai de manière substantielle. Que pensez-vous de cette amélioration, qui aura pour effet que ces personnes seront traitées de façon plus humaine?

  (1715)  

    Comme je l'ai mentionné durant mon exposé, j'estime que l'idée de tenter d'accélérer le processus est assurément louable. Pour les personnes qui doivent passer par là, il s'agit d'une épreuve très difficile, et l'attente peut certainement se révéler très traumatisante.
    Ce que vous dites à propos de l'accélération du traitement des demandes d'asile légitimes est fantastique. Toutefois, à mes yeux, cela soulève toujours la question suivante: comment nous y prenons-nous pour savoir qu'une demande est véritablement légitime? J'ai rencontré des gens originaires de Somalie qui ne possédaient peut-être pas des éléments de preuve aussi solides que ceux d'une personne du Mexique à l'appui de leur demande d'asile. Ainsi, ce qui me préoccupe, c'est que le fait de nous en remettre au pays d'origine peut parfois nous mener sur la mauvaise voie.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je crois que le processus est beaucoup trop long, et que cela ajoute un énorme fardeau sur les épaules des gens. L'an dernier, lorsque le projet de loi initial a été présenté — et approuvé par les trois partis — et qu'il a été question d'accélérer le processus, tout le monde s'entendait pour dire, si je ne m'abuse, qu'il s'agissait assurément d'un progrès.
    Si vous le permettez, je vais vous poser une question semblable à la précédente. En ce qui concerne la détention — et je constate que cela vous préoccupe tous les deux —, le sous-ministre adjoint du ministère, M. Linklater, a indiqué au comité que la détention obligatoire avait pour but de nous permettre de mener une enquête sur des éléments liés à la sûreté, à la sécurité et à l'identité des personnes. Je suis certain que M. Linklater se soucie de la situation critique dans laquelle se trouvent les réfugiés et qu'il fait preuve de compassion à leur égard, mais il est également soucieux de la sécurité des Canadiens dans un monde où des terroristes nourrissent de noirs desseins à l'encontre de la sûreté, de la paix et de l'ordre qui règnent au Canada, et de son bon gouvernement.
    Qu'avez-vous à dire à propos de l'évaluation de ces considérations contradictoires que nous devons prendre en considération au moment d'élaborer des politiques?
    Je ne suis pas avocat, mais je suis assurément d'accord avec cela, qui a toujours été un élément de la politique canadienne en matière d'immigration. Nous voulons savoir qui entre au pays.
    Ce qui me préoccupe, c'est le fait que nous liions le contenu du projet de loi en tant que tel au recours aux passeurs de clandestins. Comme je l'ai mentionné durant mon exposé, il ne fait aucun doute que les passeurs de clandestins figurent parmi les pires criminels de la planète. Les répercussions du recours à un passeur de clandestins ont été... Les points de vue à ce sujet sont d'une nature telle que l'on en vient parfois à minimiser le fait que certaines personnes n'ont d'autre choix que d'avoir recours aux services de ces passeurs — ils le font parfois en désespoir de cause.
    Le fait que nous mettions tous les gens dans le même panier — c'est-à-dire que, si une personne a eu recours aux services d'un passeur de clandestins pour entrer ici, elle sera automatiquement mise en détention — me préoccupe.
    La conséquence, c'est que nous pourrions nous tromper...
    J'espère que non.
    ... mais il se peut aussi que nous ne fassions pas erreur, et que nous interdisions l'accès à des gens véritablement malfaisants qui, pour leur propre bénéfice, font courir des risques à certaines personnes de manière à ce qu'elles puissent entrer au Canada. Nous procédons à une évaluation, n'est-ce pas? Nous avons des éléments contradictoires à prendre en considération, et nous sommes manifestement préoccupés par l'arrivée de navires comme le Sun Sea et l'Ocean Lady.
    Si vous le permettez, j'aimerais réagir aux divers commentaires que vous avez formulés. Tout d'abord, je tiens à souligner que mes observations ne constituaient pas une attaque personnelle à l'endroit du ministre. J'admire et approuve totalement bon nombre de choses qu'il a dites ou faites — je ne suis simplement pas d'accord avec tout ce qu'il fait.
    De même, le projet de loi C-31 comprend de nombreuses bonnes dispositions, par exemple celles qui concernent la procédure d'appel, et qui figurent depuis de nombreuses années dans la législation en tant que disposition officieuse. Je suis ravi qu'elles soient enfin adoptées. Cela dit, si j'insiste uniquement sur les détails entourant les dispositions relatives aux étrangers désignés, c'est parce que je les trouve particulièrement problématiques.
    Le problème que posent les dispositions touchant la détention, c'est leur absence de souplesse. Nous pourrions constater que certaines personnes ne posent aucun risque. Nous pourrions établir leur identité. Nous pourrions conclure qu'elles ne présentent aucun risque de fuite, mais malgré tout cela, nous devons les mettre en détention.
    Quelqu'un a avancé que le contrôle périodique des motifs de détention s'assortissait d'un coût. Toutefois, il est beaucoup plus coûteux de maintenir des gens en détention alors qu'il n'est pas nécessaire de les garder ici au seul motif que cela constitue une mesure qui dissuadera d'autres personnes de venir au pays.
    Vous dites que l'on devrait mettre en place un mécanisme permettant d'exempter des personnes des dispositions relatives à la détention minimale obligatoire de un an.
    Exactement.
    Puis-je vous poser des questions à propos de la biométrie? Avez-vous des connaissances à ce sujet? Aucun de vous n'a parlé...
    Non. Nous n'avons pas suffisamment de temps pour cela, monsieur. Vous devrez être très bref.
    Très bien.
    La biométrie permet d'établir l'identité d'une personne au moyen du même genre de technologie que celle utilisée pour les cartes NEXUS. Avez-vous des commentaires à formuler là-dessus?
    Cela ne me pose aucun problème.
    À coup sûr, je ne suis pas expert en la matière, mais tout ce qui peut contribuer à extirper plus rapidement des gens de diverses situations, par exemple la détention...
    À mes yeux, les seules préoccupations que cela soulève ont trait à la protection des renseignements personnels. Cela dit, pour autant que ces renseignements sont protégés, on ne devrait pas considérer comme un problème l'identification en tant que telle des personnes.
    Il est justifié d'accélérer l'entrée au Canada des personnes et des voyageurs qui arrivent ici de façon légitime.

  (1720)  

    Merci, monsieur Weston.
    Madame Sitsabaiesan.
    Merci, monsieur le président.
    Comme je n'ai que cinq minutes, je tenterai d'être brève, et je vous demanderai de faire de même.
    J'aborderai le thème de la différence entre les actes et les paroles. D'une part, le gouvernement affirme que les droits de la personne et la protection de ces droits sont des choses importantes, et, d'autre part, il pose des actes qui montrent que les sanctions sont ce qui l'intéressent réellement.
    Des gens ont laissé entendre ici que les personnes du Sri Lanka ou les demandeurs d'asile devraient s'estimer heureux d'être détenus au Canada pendant possiblement un an, et éventuellement d'être incarcérés dans l'un de nos établissements avec des gens faisant partie de la population du pays. Des agents de l'ASFC ont indiqué au comité qu'il arrivait parfois que des personnes détenues pour des motifs liés à l'immigration soient placées dans des prisons provinciales, ce qui, de toute évidence, risque de causer un nouveau traumatisme à des gens qui ont déjà passé des années de leur vie — dans certains cas, quelque 30 années — dans une zone de conflit. Vous pourriez peut-être nous parler des répercussions que cela peut avoir sur la santé de ces personnes, de même que des répercussions globales que cela peut avoir sur elles.
    Je vais maintenant poser mes deux questions, puis je vous donnerai à tous deux l'occasion d'y répondre.
    Monsieur Matas, vous avez beaucoup parlé de la situation qui règne au Sri Lanka. Je suis l'unique parlementaire du Canada originaire du Sri Lanka, de sorte qu'il s'agit d'un sujet qui me touche de façon très personnelle.
    Le projet de loi C-31 s'appliquera de façon rétroactive aux événements survenus en 2009 et antérieurement. Nous savons tous que c'est en 2009 que l'Ocean Lady, le navire transportant des migrants, a accosté au Canada, et bien sûr, nous savons que c'est en 2010 que le Sun Sea est arrivé au pays.
    Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il semble que le projet de loi vise spécifiquement les migrants sri lankais qui sont arrivés ici et ont présenté des demandes d'asile. Nous savons que, au cours de la dernière législature, le ministre a présenté un exposé durant lequel il a affirmé que le projet de loi avait été élaboré en raison des migrants sri lankais.
    Vous pourriez peut-être nous dire si cela est compatible avec la Constitution. Quant à vous, docteur Rashid, vous pourriez nous parler des répercussions sur la santé et des nouveaux traumatismes que l'on pourrait faire subir à ces gens.
    Pouvez-vous nous dire combien de temps il nous reste, de manière à ce que chaque témoin sache de combien de temps il dispose?
    Vous avez parlé pendant deux minutes. Les témoins disposent donc de trois minutes.
    D'accord.
    Vous avez donc une minute et demie chacun.
    Je prendrai un peu moins de temps que cela, car je pense que nous avons déjà fait observer...
    Il semble que la littérature contienne un nombre considérable d'écrits qui tendent à indiquer que la détention, même dans des conditions idéales, peut assurément occasionner de nouveaux traumatismes aux personnes détenues. Si je ne m'abuse, deux ou trois collègues vous présenteront demain un exposé sur cette question.
    Au Manitoba, toutes les personnes détenues pour des motifs liés à l'immigration sont incarcérées avec la population carcérale générale, car il n'y a pas de... Dans les petits centres urbains, c'est la règle.
    Pour ce qui est de la validité sur le plan constitutionnel, eh bien, il s'agit d'un sujet que je n'ai pas vraiment abordé, mais je suis avocat. Cette année, j'ai joué le rôle d'un juge dans le cadre d'un tribunal fictif qui a tenu des débats dans toutes les régions du Canada. Pour ma part, je n'ai assumé ces fonctions de juge qu'au Manitoba. Le débat portait sur la validité constitutionnelle du projet de loi dont nous parlons. Le tribunal était également constitué d'avocats et de juges qui ne s'étaient pas occupés d'affaires liées à l'immigration, et je peux vous dire qu'ils étaient stupéfiés de constater que ce projet de loi avait été déposé — ils étaient convaincus de son inconstitutionnalité.
    Ce que je veux dire, c'est que je serais surpris qu'il soit adopté. Cela dit, de toute évidence, il ne s'agit pas de ma seule préoccupation.
    Ainsi, vous estimez que le projet de loi vise spécifiquement les Sri Lankais et les personnes qui viennent ici pour présenter une demande d'asile. Cette généralisation est-elle exacte?
    Ce n'est pas exactement comme cela que je formulerais les choses.
    Mme Rathika Sitsabaiesan:D'accord.
    M. David Matas: Ce que je pense, c'est que le projet de loi est incohérent. Comme je l'ai mentionné, le gouvernement a fait du très bon travail en ce qui concerne les droits de la personne au Sri Lanka. Cependant, le projet de loi envoie un message discordant. Il va à contre-courant d'autres choses que nous faisons. En outre, en ce qui a trait à la réinstallation ou aux politiques régionales, le gouvernement a fait quelques déclarations valables, mais qui ne concordent pas avec le contenu du projet de loi.
    Ainsi, je constate que, à ce chapitre, la main gauche ignore ce que fait la main droite.
    Pour l'essentiel, vous dites que le gouvernement envoie des messages ambivalents, c'est-à-dire que, d'une part, il affirme qu'il appuie la protection des droits de la personne et qu'il condamne les violations commises au Sri Lanka, mais, d'autre part, il pose des actes qui, dans les faits, laissent entendre qu'il tolère ces mêmes violations. Est-ce exact, monsieur?
    Cela n'a rien à voir avec le projet de loi C-31.
    Le président: Arrêtez le chronomètre.
    Vous savez...
    M. Rick Dykstra: Cela n'a rien à voir avec le projet de loi C-31. Il s'agit d'une allégation. Si vous voulez la formuler à l'extérieur d'ici, sur la place publique, allez-y.
    Mme Rathika Sitsabaiesan: Monsieur le président, est-ce que...
    M. Rick Dykstra: Abstenez-vous de formuler des allégations totalement fausses.
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Non, nous sommes déjà au milieu d'un rappel au Règlement.
    Mme Rathika Sitsabaiesan: Je n'ai entendu personne invoquer le Règlement.
    Le président: Attendez que nous en ayons terminé avec son rappel au Règlement — vous pourrez ensuite nous présenter le vôtre.
    Monsieur Dykstra.
    Si Mme Sitsabaiesan souhaite faire des allégations à l'appui de son point de vue à propos du gouvernement ou du parti gouvernemental, cela ne me pose aucun problème, mais cela n'a rien à voir avec le projet de loi C-31 — si elle veut faire cela, elle peut le faire sur la place publique et obtenir toute la couverture médiatique qui lui chante, car je sais que c'est exactement ce qu'elle tente de faire. Ces propos sont tout à fait déplacés ici, où nous tentons d'examiner un projet de loi.
    Que l'on soit d'accord ou non avec le projet de loi C-31 ne change rien au fait que nous avons affaire à un texte législatif dont l'étude est très difficile à mener à bien, et je saurais gré au membre de bien vouloir s'en tenir au sujet de notre discussion et de s'abstenir de faire des digressions sur des questions qui n'ont rien à voir avec le projet de loi, par exemple les droits de la personne.

  (1725)  

    Madame Sitsabaiesan, votre rappel au Règlement porte-t-il là-dessus ou sur un autre point?
    Il porte là-dessus, mais j'aurai un autre point à soulever par la suite.
    Commençons par le premier.
    D'accord.
    Monsieur le président, vous vous rappelez peut-être que l'exposé du témoin portait principalement sur le Sri Lanka. Je suis revenue sur des choses qu'il a mentionnées durant sa déclaration préliminaire, et j'ai répété des observations qu'il a formulées. Par conséquent, monsieur le président, j'estime que mes commentaires étaient appropriés.
    Je suis d'accord avec vous. Le hic — et je conviens du fait que le rappel au Règlement du membre est irrecevable —, c'est que les membres des deux camps se provoquent les uns les autres. Nous devrions garder cela présent à l'esprit.
    Monsieur Karygiannis, vous invoquez le Règlement.
    Je suis ravi de vous entendre dire que le rappel au Règlement de M. Dykstra est irrecevable. Vous l'avez dit, et je ne le ferai donc pas.
    D'accord. Bien.
    Eh bien, allez-y, madame Sitsabaiesan. Il vous reste quelques secondes.
    S'agit-il de mon rappel au Règlement ou...
    Je croyais que nous en avions terminé avec cela. Tout le monde s'est réconcilié.
    D'accord.
    Nous allons redémarrer le chronomètre.
    Monsieur le président, j'ai invoqué le Règlement parce que je n'ai pas entendu M. Dykstra dire qu'il invoquait le Règlement. Je l'ai simplement entendu se mettre à hurler dans la salle de réunion.
    Ce sont des choses qui arrivent.
    Votre temps s'écoule.
    Mon temps s'écoule?
    Eh oui.
    D'accord.
    Je vais me contenter de vous donner l'occasion de répondre à la question que j'ai posée.
    Je crois que vous avez raison de dire que le gouvernement envoie des messages ambivalents. Je suis de cet avis. À mes yeux, les messages que nous entendons sont ambivalents.
    J'encourage le gouvernement à envoyer un message cohérent, et à adopter une orientation claire à tous les égards.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Menegakis.
    Je cède mon temps à M. Leung.
    Monsieur Leung.
    Merci, monsieur le président.
    Mes préoccupations ont trait à des questions d'ordre médical.
    Docteur Rashid, vous avez probablement dû faire face à l'éclosion du SRAS en 2003. C'est probablement à cette époque qu'il a dû être nécessaire d'isoler des gens dans un environnement sûr. Ce que je veux vous faire observer, c'est que, dans un cas d'arrivées massives de réfugiés, il nous incombe tout d'abord d'identifier ces gens au moyen de leurs papiers d'identité, et ensuite de leur faire subir au moins une évaluation médicale pour nous assurer qu'ils ne seront pas à l'origine d'une pandémie au sein de notre société. J'estime qu'il est juste que nous prenions des mesures pour protéger la santé et le bien-être des Canadiens.
    Cela dit, pour cette raison, si nous avons affaire à une foule d'arrivées massives illégales, il n'est pas possible de distinguer les réfugiés authentiques de ceux qui ne le sont pas, car ils doivent tous être mis en détention de manière à ce que nous puissions effectuer le processus médical.
    Êtes-vous d'accord avec cela?
    Je présume que vous voulez en venir à la question de l'examen de santé des immigrants.
    J'invoque le Règlement.
    Monsieur Karygiannis.
    Merci, monsieur le président.
    Je ne vois pas du tout à quoi le membre veut en venir en évoquant le SRAS et en posant cette question, vu que nous n'avons jamais enfermé des gens dans une prison ou un quelconque lieu de détention durant l'épisode du SRAS. Aux fins du compte rendu, je tiens à affirmer très clairement que, durant cet épisode, on a demandé aux personnes atteintes de demeurer volontairement chez elles. Il n'y avait absolument et catégoriquement aucune raison que ces personnes soient mises en détention aussitôt descendues de l'avion.
    Merci.
    Je tenais à ce que cela soit parfaitement clair, et je veux que mon collègue fasse une mise au point à ce sujet.
    Je prends bonne note de vos commentaires.
    Ma question s'adresse à vous. Ne croyez-vous pas que nous avons besoin d'un lieu centralisé où nous pourrons à tout le moins nous assurer que ces gens ne provoqueront pas une pandémie au pays?
    À ma connaissance, et même si, je le répète, je ne suis pas expert en la matière, je peux vous dire qu'il existe un examen de santé des immigrants que les gens doivent subir avant de migrer ici. Les gens qui arrivent au pays par d'autres moyens subissent un examen de santé après qu'ils ont déposé une demande d'asile. Une personne qui vient au pays à titre de visiteur pour une période de moins de six mois n'a pas à subir un examen de santé.
    À l'heure actuelle, le scénario que l'on nous présente n'est probablement pas fondé sur l'idée d'utiliser les dispositions législatives en matière d'immigration pour exercer un contrôle sur les maladies infectieuses. Cela ne serait peut-être même pas très efficace. Le cas échéant, nous prendrions pour cible les 500 millions de personnes qui viennent au Canada pour de courtes périodes, car je crois que les risques liés aux maladies infectieuses s'étendent à l'ensemble de la planète, et...

  (1730)  

    C'est exact, mais dans la situation actuelle, si... [Note de la rédaction: difficultés techniques]
    Pourriez-vous répéter cela, s'il vous plaît?
    J'ai dit que les personnes qui arrivent au pays en tant qu'immigrants en bonne et due forme subissent une évaluation médicale préliminaire avant d'arriver au Canada, mais que les personnes qui viennent dans le cadre d'une arrivée irrégulière ne subissent pas cette évaluation préliminaire, et doivent subir une telle évaluation... [Note de la rédaction: difficultés techniques]
    La lumière rouge doit être allumée. Il semble que nous éprouvions quelques difficultés avec tout le monde. Je vous demande donc de vous assurer que votre lumière rouge est allumée lorsque vous prenez la parole.
    Il s'agit de ma première présence devant un comité.
    Je vais vous répondre de manière plus succincte. Tous les demandeurs d'asile que j'ai vus, lorsqu'ils arrivent... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... que l'examen de santé des immigrants... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... dépister le VIH, la tuberculose active, et que... [Note de la rédaction: difficultés techniques]
    Cela met fin à la réunion, et c'est une bonne chose, car nous semblons éprouver des difficultés techniques.
    Docteur Raschid, monsieur Matas, je vous remercie de vos commentaires.
    Je vais suspendre la séance, et j'espère que nous pourrons réparer ces appareils.

    


    

  (1740)  

    Nous reprenons nos travaux.
    Je m'adresse aux représentants du ministère du Travail de la Nouvelle-Zélande. Bonjour. J'imagine que chez vous, c'est le matin.
    M'entendez-vous?
    Chez vous, c'est mercredi, mais ici, c'est encore mardi.
    Nous sommes heureux que vous participiez à la réunion, et je vous remercie de prendre le temps de vous adresser à nous. Je crois comprendre que le gouvernement de la Nouvelle-Zélande est en train d'élaborer ou a adopté un projet de loi semblable à celui qui a été déposé par le gouvernement du Canada.
    Je vais demander à chacun de vous de se manifester après que je l'aurai présenté.
    Christine Hyndman, vous êtes directrice, Politique en matière d'immigration, Groupe de la politique et de la recherche. Je crois deviner qui vous êtes.
    En effet. Bonjour.
    Stephen Dunstan, vous êtes directeur général, Division de l'établissement et de l'attrait, Groupe de l'immigration.
    Enfin, Fraser Richards, vous êtes directeur par intérim, Juridique des affaires, Groupe juridique.
    Au nom du comité de l'immigration, je tiens à vous remercier de nouveau d'avoir accepté de nous parler du projet de loi. En règle générale, nous demandons à l'un ou à l'ensemble des témoins d'un groupe de présenter un exposé d'une durée maximale de 10 minutes. Nous passons ensuite à des tours de questions. Le comité est composé de membres de trois partis, à savoir le Parti conservateur, le NPD et le Parti libéral, qui auront des questions à vous poser.
    Tout d'abord, est-ce que l'un d'entre vous est prêt à présenter un exposé d'une durée maximale de 10 minutes?
    Je le suis.
    Merci. Allez-y, s'il vous plaît, madame Hyndman.
    Tout d'abord, je tiens à souligner que nous sommes très honorés d'avoir l'occasion de prendre la parole devant le comité permanent. Vous avez raison de dire qu'un projet de loi vient d'être déposé ici. Il fera sous peu l'objet d'une première lecture. Il a été déposé lundi, soit avant-hier, il fera l'objet d'une première lecture, et demain, c'est-à-dire jeudi, il sera renvoyé par le Parlement à un comité restreint aux fins d'examen.
    Je tiens d'abord à mentionner que la Nouvelle-Zélande se trouve dans une situation différente de celle du Canada. De toute évidence, les deux pays ont de nombreuses choses en commun, notamment leur régime politique et le fait qu'ils sont tous deux signataires de la Convention relative au statut des réfugiés. Cela dit, la Nouvelle-Zélande se trouve dans la situation inusitée d'être le pays le plus isolé au monde. Son plus proche voisin, l'Australie, se trouve à 1 600 kilomètres d'elle. En outre, la Nouvelle-Zélande est entourée d'eaux extrêmement dangereuses. Par conséquent, la personne qui traverse nos frontières à pied ou en voiture, et celles qui arrivent ici par bateau, de façon légitime ou non, sont très rares. Presque tous ceux qui viennent en Nouvelle-Zélande arrivent ici par la voie des airs, et nos frontières sont sûres puisqu'il faut au moins trois heures de vol, et même généralement quelque 10 heures de vol, pour atterrir à l'un de nos aéroports internationaux depuis tout aéroport étranger.
    Nous partageons vos préoccupations en ce qui concerne le mouvement non autorisé de personnes. Comme le Canada, la Nouvelle-Zélande est un pays qui s'est bâti en grande partie grâce à l'immigration, et qui est accueillant à l'égard des migrants qui arrivent ici en toute légalité, que ce soit pour devenir des résidents permanents du pays, pour y faire du tourisme, pour y étudier ou y travailler. Notre préoccupation consiste à veiller à améliorer le plus possible la situation dans les pays d'origine de manière à ce que les gens qui habitent dans ces pays ne soient pas incités à les quitter par des facteurs intolérables à un point tel qu'ils tenteront désespérément de trouver asile dans un autre pays.
    Comme le Canada, la Nouvelle-Zélande est très intéressée à collaborer avec d'autres pays pour contribuer à améliorer la situation des gens vivant dans les pays dont proviennent plus souvent qu'autrement les demandeurs d'asile. Cependant, l'autre côté de la médaille, c'est que nous devons dissuader les passeurs de clandestins cupides d'exploiter des gens qui aspirent désespérément à une vie meilleure et qui ne sont peut-être pas en mesure d'obtenir ce qu'ils souhaitent.
    En ce qui concerne le projet de loi, je mentionnerai brièvement qu'il vise spécifiquement à empêcher les arrivées massives par la mer. La Nouvelle-Zélande n'a jamais eu à faire face à un tel problème, mais nous savons que des gens ont eu l'intention de venir ici d'une telle façon. À notre connaissance, tous ceux qui ont essayé de le faire ont fait naufrage ou sont morts noyés. Nous estimons que personne ne devrait être poussé à tenter de mener à bien un tel projet, de sorte que le projet de loi est très axé sur la dissuasion, et comprend une série de mesures qui visent à faire en sorte que nous puissions composer le mieux possible avec une arrivée massive, mais également à nous assurer que les personnes auxquelles est reconnue la qualité de personne à protéger ne puissent pas bénéficier de toutes les possibilités en matière de réunification familiale qui sont offertes aux personnes qui migrent ici par d'autres moyens, et ce, tout en respectant les dispositions de la Convention concernant le traitement à accorder aux personnes à protéger.
    À la lumière de ce que j'ai dit, vous avez probablement compris que la Nouvelle-Zélande reçoit beaucoup moins de demandes d'asile que le Canada. L'an dernier, quelque 300 personnes ont demandé la protection du pays. Dans la plupart des cas, ces demandes étaient présentées à l'arrivée au pays; en général, il s'agissait de demandes soumises par des gens qui s'étaient vu accorder un visa ou qui étaient arrivés ici sans visa et qui ont présenté une demande à leur arrivée. Environ le tiers ou le quart des demandes ont été présentées à la frontière. Lorsque nous ne sommes pas en mesure d'établir l'identité d'une personne, elle est mise en détention, généralement dans un établissement à sécurité minimale, jusqu'à ce que nous puissions le faire.

  (1745)  

    Bien entendu, les personnes qui, selon nous, posent des risques sont mises en détention dans un établissement à sécurité moyenne ou maximale. Le pays ne dispose pas d'établissements de détention destinés aux cas liés à l'immigration puisque le nombre de cas de cette nature sont très peu nombreux. Par conséquent, de façon générale, les gens sont détenus dans une prison.
    Nous approuvons environ le quart ou le tiers des demandes, ce qui représente la proportion de demandes considérées comme bien fondées. La vaste majorité des personnes dont la demande a été approuvée présenteront ensuite une demande de résidence permanente.
    Ce qui changera sous le régime du projet de loi, c'est que ces personnes se verront accorder un visa de travail d'une durée de trois ans. Pendant cette période, elles seront admissibles aux programmes d'aide sociale si elles ne parviennent pas à trouver un emploi. À l'issue de cette période, on procédera à une nouvelle évaluation de leur situation — évaluation fondée sur les motifs prévus par la Convention —, et si l'on conclut qu'elles ont toujours besoin d'une protection, à ce moment-là, elles se verront accorder la résidence permanente, et leurs proches parents seront autorisés à venir les rejoindre.
    J'essaie de penser à d'autres éléments qui pourraient présenter un intérêt pour vous.
    Vous n'êtes pas obligée d'utiliser les 10 minutes qui vous ont été allouées.
    Très bien. D'accord.
    Durant le premier tour, chaque membre disposera d'un maximum de sept minutes.
    M. Menegakis, qui fait partie du gouvernement conservateur, va vous poser quelques questions.
    Merci.
    Bonjour à tous. Merci infiniment de prendre part à la réunion d'aujourd'hui. À coup sûr, nous sommes heureux d'entendre nos amis de la Nouvelle-Zélande, même s'ils se trouvent très loin de nous. Je suis certain que, grâce aux moyens techniques dont nous disposons, nous serons en mesure de communiquer convenablement.
    J'ai quelques questions à vous poser. Nous éprouvons, bien sûr, quelques difficultés au moment de régler des problèmes liés aux périodes d'attente, à l'arriéré et au traitement des demandes qui sont soumises. Nous tentons d'apporter quelques changements au moyen du projet de loi C-31.
    Le pouvoir de désigner des pays d'origine conféré par la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés habilitait le ministre à désigner des pays, des régions de pays et des catégories de ressortissants. Cette nuance permettait de tenir compte du fait qu'un pays sûr n'est peut-être pas sûr pour tout le monde. Par suite du projet de loi, le pouvoir de désigner ne s'appliquera qu'aux seuls pays.
    Le gouvernement de la Nouvelle-Zélande dispose-t-il d'une liste de pays d'origine désignés? Le cas échéant, est-ce que la désignation doit porter sur le pays en entier, ou peut-elle s'appliquer à des régions de pays et à des catégories de ressortissants?

  (1750)  

    Merci de votre question.
    Nous ne classons pas les pays par catégorie, car le nombre de personnes qui migrent ici est vraiment trop faible pour justifier une telle orientation. Notre loi sur l'immigration est relativement récente — elle date de 2009. Cette loi nous accorde le pouvoir de désigner des pays tiers sûrs, c'est-à-dire, bien sûr, un lieu de transit situé dans un pays signataire de la Convention et où les personnes qui s'y arrêtent auraient pu présenter une demande d'asile. Cela devrait faire l'objet d'une entente avec le pays, et nous n'avons pas modifié la loi à cette fin.
    Ainsi, pour répondre à votre question principale, je vous dirai que, non, nous n'avons pas le pouvoir juridique de faire cela, et nous n'envisageons pas, à ce moment-ci, de prendre des mesures en ce sens.
    L'un des phénomènes auxquels nous nous heurtons, et auxquels, bien honnêtement, nous ne nous attendions pas à faire face, tient à ce que le Canada reçoit un nombre inhabituel de demandes d'asile de personnes originaires de pays membres de l'Union européenne. En fait, la proportion de demandes de personnes provenant de ces pays est beaucoup plus élevée que celle de personnes originaires de pays de l'Asie ou de l'Afrique. À nos yeux, cela est quelque peu insolite, vu que l'Union européenne est composée de 27 pays démocratiques, et que, à coup sûr, une personne qui veut ou doit quitter son pays pour obtenir une protection dans un autre pays ou se sentir en sécurité là-bas pourrait choisir spontanément, si je peux dire, d'aller s'installer dans l'un des 26 autres pays de l'UE.
    J'aimerais savoir si un phénomène semblable est observé en Nouvelle-Zélande, ou si vous pouvez formuler des observations à ce sujet.
    Nous ne sommes pas aux prises avec un tel phénomène. Dans le passé, nous avons reçu un certain nombre — très faible — de demandes de personnes généralement originaires d'Europe centrale ou d'Europe de l'Est. À l'heure actuelle, nous constatons une hausse importante de demandes en provenance des Fidji, qui se trouve évidemment beaucoup plus près de nous, à seulement trois ou quatre heures d'avion. Ainsi, la réponse est donc non.
    Merci.
    Si le projet de loi est adopté et mis en oeuvre au Canada, nous pourrons accélérer le traitement des demandes d'asile — au lieu de mettre 1 038 jours en moyenne pour traiter ces demandes, comme c'est le cas actuellement, il ne nous faudra que 45 jours pour traiter les demandes soumises par des personnes originaires d'un pays d'origine désigné, ou 216 jours pour traiter toute autre demande.
    J'aimerais que vous établissiez une comparaison entre notre système et le vôtre. Pouvez-vous nous fournir quelques statistiques à propos du temps qu'exige le traitement d'une demande en Nouvelle-Zélande?
    Nous procédons très rapidement. Le point de référence a été fixé à 140 jours, et nous tentons de le respecter. Les personnes dont la première demande d'asile est rejetée peuvent interjeter appel de cette décision. La procédure d'appel peut prendre jusqu'à un an.
    Eh bien, 140 jours, cela équivaut à peu près à 15 p. 100 du temps qu'exige actuellement le traitement d'une demande d'asile au Canada. Ainsi, c'est assurément très admirable.
    Combien me reste-t-il de temps, monsieur le président?
    Il vous reste deux ou trois minutes.
    Si vous êtes d'accord avec cela, monsieur le président, j'aimerais céder à ma collègue, Roxanne James, le temps qu'il me reste.
    Bien sûr.
    Merci, monsieur le président, et merci à mon collègue.
    J'ai deux ou trois questions à poser.
    Vous avez parlé d'un nouvel ensemble de politiques et de modifications législatives visant à dissuader le passage de clandestins et qui a été déposé hier ou aujourd'hui — en raison du décalage horaire, je ne le sais plus. Vous avez mentionné que ces dispositions allaient faire l'objet d'une première lecture. En outre, vous avez souligné que le problème n'avait pas nécessairement la même importance en Nouvelle-Zélande et au Canada, mais les deux pays reconnaissent que les passeurs de clandestins exercent leurs activités pour diverses raisons de nature criminelle. De plus, ils mettent en danger la sûreté et la sécurité des personnes qui font appel à leurs services pour entrer dans un pays donné.
    J'aimerais que vous nous en disiez davantage à propos des modifications apportées aux politiques et faisant l'objet d'une première lecture. Pourriez-vous nous fournir des détails à ce sujet?
    Merci.

  (1755)  

    Bien sûr.
    Il s'agit d'une série de modifications législatives et stratégiques. Les modifications législatives ont trait au pouvoir de détenir un groupe de personnes pour une période pouvant aller jusqu'à six mois grâce à un mandat visant l'ensemble de ce groupe. À l'heure actuelle, les personnes détenues dans un établissement à sécurité minimale ou maximale doivent être visées par un mandat individuel, et ces mandats sont valides durant une période maximale de 28 jours. Pour l'essentiel, nous demandons au Parlement de nous accorder le pouvoir de détenir des gens pendant un maximum de six mois grâce à un mandat visant un groupe de personnes, groupe qui pourrait être composé de 500 personnes.
    Puis-je seulement...
    Non, votre temps est écoulé. Autant la laisser terminer.
    J'ai une brève question à poser à ce sujet.
    Est-ce que le fait de détenir des gens pendant six mois soulève des préoccupations relatives aux obligations à l'échelle internationale?
    Non, non, ne...
    Vous m'avez dit que mon temps était écoulé, et le témoin n'aura peut-être pas la possibilité de répondre à ma question, mais je tenais simplement à la formuler, car je crois qu'elle est très importante.
    Vous pouvez poser votre question, mais le temps est écoulé.
    Merci beaucoup.
    La prochaine personne à poser des questions est la critique de l'opposition officielle, le Nouveau Parti démocratique, Mme Sims.
    Bonjour, et merci d'avoir pris une partie de votre temps pour nous parler de ce qui se passe chez vous.
    Si j'ai bien compris, le nombre de personnes qui tentent d'entrer en Nouvelle-Zélande par la mer est très faible parce que les eaux du littoral du pays sont extrêmement dangereuses — celles qui ont tenté de le faire sont mortes en cours de route, et celles qui ont réussi à entrer au pays l'ont fait par d'autres voies que la voie maritime. Par conséquent, si vous n'avez pas eu affaire à des arrivées massives, qu'est-ce qui a motivé l'élaboration de ce texte législatif?
    Il vise effectivement à faire en sorte que nous n'ayons pas affaire à une arrivée massive. Il s'agit essentiellement d'un ensemble de mesures dissuasives.
    Bien sûr, nous avons été témoins d'arrivées. En Australie, notre plus proche voisin, un nombre élevé de migrants arrivent par bateau, de taille beaucoup plus modeste, et on éprouve là-bas beaucoup de difficulté à composer avec ce nombre élevé de personnes. Les bateaux qui ont accosté au Canada sont de la taille de ceux qui pourraient arriver en Nouvelle-Zélande — leur taille leur permettrait de se rendre jusqu'en Nouvelle-Zélande. Nous espérons fortement que cela ne se produira pas.
    J'ai lu quelques-uns des articles parus dans la presse à propos du projet de loi dont vous parlez. Entre autres choses, le ministre a fait allusion aux resquilleurs. Nous entendons parler de cela ici aussi. Parmi les personnes qui arrivent ici par bateau, on compte un certain nombre de resquilleurs.
    Savez-vous s'il existe une liste internationale de réfugiés indiquant dans quel ordre ces personnes devraient se voir accorder l'asile?
    De toute évidence, une telle liste n'existe pas, et si c'était le cas, elle serait anonyme.
    Je m'en réjouis, car...
    La Nouvelle-Zélande est l'un des 17 pays qui acceptent un quota annuel de réfugiés. Nous acceptons environ 750 réfugiés chaque année. Je crois que le ministre voulait dire que la Nouvelle-Zélande cherche en très grande partie à remplir ses obligations internationales en accueillant un certain nombre de réfugiés, principalement ceux qui en ont le plus besoin. Nous avons tendance à accepter les réfugiés qui sont particulièrement désavantagés.
    Merci.
    Lorsque je regarde les demandeurs d'asile qui fuient souvent une situation très violente et traumatisante, étant donné qu'ils se sont embarqués sur un bateau pour aller dans un endroit comme la Nouvelle-Zélande, qu'ils ont affronté les dangers qui existent en mer et toutes sortes d'épreuves pendant leur voyage... Ne croyez-vous pas qu'ils avaient une raison légitime de fuir leur pays? Ils ne partent certainement pas en croisière, n'est-ce pas?

  (1800)  

    Eh bien, dans ce cas, comme nous n'avons jamais eu d'arrivée par bateau, je ne peux probablement pas faire de commentaires à ce sujet. Mais je crois que nous reconnaissons bel et bien le droit des personnes de demander l'asile. Il s'agit d'un droit international inscrit dans la Convention et dans le protocole dont la Nouvelle-Zélande est signataire.
    Nous ne voulons pas que les gens pensent que le fait de prendre un bateau pour venir en Nouvelle-Zélande est une bonne idée, surtout parce que nous croyons qu'il est fort possible qu'ils ne s'en sortent pas vivants.
    L'une des meilleures façons de contrer le passage de clandestins est de collaborer avec d'autres pays pour lutter contre les violations des droits de la personne qui se produisent dans différents pays — autrement dit, il faut s'attaquer à la cause première du problème. D'un autre côté, pour ce qui est de votre projet de loi, croyez-vous que vous pouvez justifier la détention massive de personnes qui cherchent déjà à fuir pour sauver leur vie? Elles ne mettraient pas leur vie en danger pour aller dans votre pays si elles n'avaient pas peur pour leur vie dans leur pays d'origine.
    Nous sommes convaincus qu'il faut collaborer avec les autres pays pour s'attaquer aux problèmes qui existent dans les pays d'origine. La Nouvelle-Zélande participe très activement au processus de Bali, à l'instar du Canada. Ce processus vise justement à combattre les problèmes qui amènent des personnes à demander l'asile.
    Il me semble qu'il y a là... Je suppose que le mobile du projet de loi me laisse un peu perplexe. Il ne vous appartient pas de le justifier parce que je sais que vous faites partie du personnel. Il semble que, pour un pays où il n'y a jamais eu d'arrivées par bateau, pas une seule, vous privilégiez une approche très extrême, une approche qui s'est d'ailleurs révélée inefficace.
    Prenons l'Australie. En Australie, on a constaté, ou des données probantes ont démontré — et un certain nombre de témoins ont abondé en ce sens — que la détention n'a aucun effet dissuasif. Cette mesure ne fait que punir davantage les personnes qui souffrent déjà et qui sont des victimes.
    Évidemment, notre situation et nos politiques sont quelque peu différentes de celles qui ont cours en Australie. Toutefois, vous avez raison: en elle-même, la détention ne constitue pas la mesure de dissuasion la plus importante. La détention fait en sorte que nous pouvons héberger en toute sécurité des personnes le temps qu'il nous faut pour confirmer leur identité. Mais la situation est très différente en Australie.
    Dès que vous aurez confirmé l'identité de ces personnes et qu'elles auront reçu leur statut, pourront-elles obtenir des titres de voyage et parrainer la venue des membres de leur famille?
    Non. Dès que nous aurons déterminé que ces personnes ont qualité de réfugié au sens de la Convention — ou de la Convention contre la torture et le reste des choses qui sont visées —, nous leur accorderons un statut temporaire de trois ans, leur situation sera réévaluée après ces trois années, et, à ce moment-là, elles pourraient obtenir la résidence permanente.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Karygiannis, vous avez cinq minutes.
    M. Karygiannis est député d'un parti de l'opposition, le Parti libéral.
    Merci, et bonjour à vous qui vous trouvez aux antipodes, si je peux m'exprimer ainsi.
    Pendant la préparation du projet de loi que vous avez déposé à votre Parlement aujourd'hui, avez-vous eu l'occasion d'en discuter avec le ministère canadien ou notre ministre?
    Je n'ai pris part à aucune discussion sur le projet de loi. Il y a peut-être eu des discussions générales sur des mesures envisagées par d'autres pays, mais, à ma connaissance, nous n'avons pas procédé à des consultations.

  (1805)  

    Est-ce que vos collègues, MM. Richards et Dunstan, savent si des discussions ont eu lieu entre notre ministre, votre ministre et le ministère canadien?
    Non, il n'y en a pas eu.
    Nous sommes évidemment au fait du projet de loi canadien, mais le nôtre a été préparé à la lumière des circonstances propres à la Nouvelle-Zélande.
    Votre pays accueille quelque chose comme 300 réfugiés par année, si je me souviens bien du nombre?
    Actuellement. Ce nombre tournait autour de 2 500 il y a 10 ans...
    Et le nombre a chuté.
    Oui, il est beaucoup plus faible.
    Pourquoi ce nombre a-t-il chuté? Qu'avez-vous fait?
    Nous avons mis en place certains mécanismes. L'un des plus importants est le préfiltrage des voyageurs à l'étranger: toutes les personnes qui embarquent sur un vol et dont la destination finale est la Nouvelle-Zélande fait l'objet d'une vérification dans le système informatique de l'immigration.
    Je comprends.
    Des quelque 2 500 personnes qui ont demandé l'asile il y a une dizaine d'années, combien ont été considérées comme des réfugiés légitimes?
    Moins de 10 p. 100. À l'époque, de 80 à 90 p. 100...
    Ils ont été considérés comme des réfugiés légitimes?
    Non, c'est le contraire. Je crois que, à l'époque, chaque année, environ 10 p. 100 des demandeurs d'asile obtenaient le statut de réfugié, alors peut-être de 200 à 250 d'entre eux.
    D'accord.
    J'ai entendu ma collègue du NPD dire que votre ministre appelle les migrants des « resquilleurs ». Votre ministre a-t-il employé ce terme?
    Il a effectivement employé ce terme.
    Il l'a fait.
    Est-ce que votre ministre a utilisé les termes « migrants clandestins » et « faux demandeurs d'asile »?
    Je ne peux le confirmer, désolée.
    On ne s'attendrait pas à ce qu'un ministre utilise des termes semblables, n'est-ce pas, et permettez-moi de les répéter: « migrants clandestins » et « faux demandeurs d'asile ».
    Excusez-moi, j'invoque le Règlement.
    Il y a un rappel au Règlement.
    Attendez une minute, madame Hyndman. Nous avons une petite dispute ici.
    Madame James.
    Arrêtez le chronomètre.
    Le chronomètre est arrêté, monsieur Karygiannis.
    Madame James.
    J'invoque le Règlement; merci, monsieur Karygiannis.
    On pose des questions sur un ton vraiment accusateur à nos invités, qui ont la gentillesse de témoigner par téléconférence, et on leur demande si leur ministre a mentionné certaines choses... Je ne vois pas où on veut en venir avec cette question.
    Peut-être que vous auriez dû suivre nos travaux, car vous n'êtes pas un membre en titre du comité, alors...
    Oh, non, madame James, je ne m'aventurerais pas sur ce terrain.
    Mais je dois invoquer le Règlement pour dénoncer ce genre de questions. Je ne crois pas que cela est honnête à l'égard des témoins. Les questions que nous leur posons doivent porter sur leur système d'immigration, pas sur des termes ou des mots qu'une personne aurait ou non entendus. Je ne vois juste pas où on veut en venir ici.
    Merci.
    Nous verrons. Je crois qu'il a le droit d'utiliser ces mots.
    Monsieur Karygiannis, poursuivez.
    Permettez-moi de répéter ma question. Votre ministre a-t-il employé les termes « migrants clandestins » et « faux demandeurs d'asile »?
    Je suis dans l'impossibilité de vous le dire, désolée. Je ne peux ni le confirmer ni le nier.
    Mais si un ministre employait des termes semblables, vous, à titre personnel, en seriez offusquée, n'est-ce pas?
    Je ne crois pas pouvoir vous répondre dans les circonstances, excusez-moi.
    C'est très bien.
    Je veux vous remercier. Vos propos étaient très instructifs.
    Je dois vous dire que sur le site Web de notre ministre, on peut voir les mots « migrants clandestins  et « faux demandeurs d'asile ». C'est vraiment honteux.
    Merci.
    Madame James.
    Merci, monsieur le président.
    Encore une fois, j'ignore à quoi on voulait en venir, mais je vous remercie, monsieur le président, de me donner l'occasion de conclure mes questions.
    Tout à l'heure, j'ai abordé la question de vos obligations internationales dans le cas de la détention jusqu'à six mois. Vous alliez nous dire si vous estimiez que cette politique vous permettait de remplir vos obligations internationales. Je sais que vous avez déclaré que vous êtes assujetti à la Convention des Nations Unies et à la Convention contre la torture et ainsi de suite.
    Pourriez-vous nous dire si vous croyez que la Nouvelle-Zélande remplit ses obligations internationales grâce à cette politique?
    Merci.
    Nous sommes convaincus de les remplir. Fraser pourra vous en dire plus au sujet de la conformité avec notre déclaration des droits.
    Pour ceux qui l'ignoreraient, la Nouvelle-Zélande a une déclaration des droits. ll ne s'agit pas d'une constitution à proprement parler, mais toutes les lois gouvernementales sont évaluées par rapport à la déclaration des droits par un autre ministère et par le bureau des avocats de la Couronne.
    L'une des dispositions de la déclaration des droits porte que nul ne fera l'objet d'une détention arbitraire. Jusqu'à maintenant, on a conclu que notre projet de loi était conforme à la déclaration des droits pour ce qui est de la détention arbitraire.

  (1810)  

    Merci beaucoup.
    Je voudrais que vous confirmiez que j'ai bien entendu. Vous avez déclaré que la détention vise non pas à dissuader les passeurs, mais à vous permettre de découvrir l'identité de ces personnes.
    Encore une fois, votre pays n'a pas connu beaucoup d'arrivées massives d'immigrants, mais, au Canada, habituellement, des gens arrivent en gros groupes, et ils n'ont aucun papier d'identité. La détention est nécessaire pour qu'on puisse découvrir qui sont ces personnes. Est-ce le raisonnement qui sous-tend votre politique relative à la détention?
    Oui.
    Merci.
    Juste un dernier point: vous avez mentionné que vous remettez un visa de travail de trois ans aux réfugiés et que, après ces trois années, ils font l'objet d'une nouvelle évaluation. Est-ce bien ce que vous avez dit? Peut-être que je vous ai mal comprise.
    Non, il ne s'agit que d'une mesure proposée dans le projet de loi et qui ne s'appliquerait qu'aux immigrants qui arrivent en groupe par bateau. Actuellement, les demandeurs d'asile dont on ne peut confirmer l'identité sont détenus, généralement dans un établissement à sécurité minimale, qui n'héberge que des réfugiés. Dès que leur identité est attestée, si on juge qu'ils ne constituent pas une menace, alors ils obtiennent un visa de travail et peuvent travailler ou recevoir de l'aide sociale.
    Merci.
    Avez-vous dit qu'ils font l'objet d'une nouvelle évaluation après trois ans? Qu'est-ce que cela signifie?
    Non. L'évaluation peut avoir lieu avant qu'on détermine qu'ils ont qualité de réfugié ou après qu'ils ont obtenu le statut de réfugié. Dès qu'ils obtiennent ce statut, ils peuvent obtenir la résidence permanente. Ils peuvent l'obtenir immédiatement ou dès que les documents sont approuvés.
    Cette mesure ne s'appliquerait qu'aux arrivées massives. Nous la gardons en réserve, mais nous espérons n'avoir jamais à nous en servir. Ces personnes obtiendraient un statut temporaire pendant trois ans, et leur situation serait réévaluée après cette période.
    J'ai peut-être mal compris, mais j'ai cru vous entendre dire que, si on détermine qu'ils ont encore besoin de protection... Je ne sais pas si nous parlons des arrivées massives ou seulement des réfugiés qui arrivent par la voie habituelle. Parlons-nous du processus habituel?
    Non. Dans le cadre du processus habituel, nous n'évaluons qu'une seule fois leur besoin de protection, et si nous concluons qu'ils en ont besoin, alors ils peuvent obtenir la résidence permanente.
    Dans le cas des personnes qui arrivent en groupe, nous procéderions à deux évaluations. Si nous déterminions, à la première évaluation, qu'elles ont besoin de protection...
    Qu'arrive-t-il si, après trois ans, vous réévaluez leur situation et vous concluez qu'elles n'ont plus besoin de protection? Je ne sais pas si vous avez répondu à cette question.
    Nous prendrions des dispositions pour les renvoyer dans leur pays d'origine comme nous le faisons dans le cas d'une personne réputée ne pas avoir besoin de protection dans le cadre de notre processus habituel.
    D'accord. Je vous remercie beaucoup.
    Je me suis d'abord attardée aux obligations internationales, mais y a-t-il d'autres aspects de la politique que vous entendez mettre en oeuvre qui pourraient nous aider à améliorer la situation ici?
    Nous pouvons vous fournir une copie du projet de loi et des documents de communications qui s'y rattachent. Nous serions très heureux de les faire parvenir à la greffière de votre comité.
    Merci.
    Je crois que vous avez dit que vous ne dressez pas forcément une liste de pays d'origine sûrs d'où vous n'accepteriez pas normalement de réfugiés, mais vous avez parlé des pays tiers sûrs. Comment cela fonctionne-t-il?
    Nous avons ce pouvoir. Fraser peut vous en parler.
    Oui, aux termes de notre loi sur l'immigration de 2009, nous sommes habilités à conclure des ententes avec des pays tiers par où pourraient passer des demandeurs d'asile à destination de la Nouvelle-Zélande. Si nous concluons de telles ententes, nous pourrons retourner ces personnes vers ces pays tiers sûrs pour qu'elles y demandent l'asile, etc.
    Bien sûr, pour l'instant, nous n'avons conclu aucune entente avec un pays tiers sûr, et je crois savoir que nous ne prévoyons pas le faire à cette étape-ci. Il s'agit simplement d'une mesure de facilitation qui existe dans l'actuelle loi sur l'immigration.
    Je voudrais juste poser une dernière question, s'il me reste du temps.
    Je me demande simplement si vous traitez toutes les demandes d'asile de la même façon. Est-ce que le processus d'audience, le traitement, etc., sont exactement les mêmes, toutes catégories de demandeurs d'asile confondues? Je suis juste curieuse de savoir si vous faites une distinction entre les réfugiés qui ont besoin d'aide en premier, les réfugiés légitimes dont la demande doit être traitée en premier, etc. Je sais que vous avez dit que cet aspect ne touche pas vraiment votre pays, mais je me demande si vous pourriez nous dire si on établit quelque priorité que ce soit dans l'octroi de l'asile en Nouvelle-Zélande.

  (1815)  

    Malheureusement, Stephen a dû partir et je crois qu'il aurait été mieux informé que moi sur ce sujet. Mais je crois savoir que la direction du statut de réfugié accorderait la priorité à certains demandeurs d'asile. Plus particulièrement, les personnes détenues en prison subiront une entrevue en priorité pour qu'on puisse déterminer si elles ont qualité de réfugié, car cela permet de réduire la durée de leur séjour dans des centres de détention de niveau de sécurité plus élevé.
    Toutefois, je crois que la fixation des priorités s'arrête là. Il y a peut-être d'autres personnes qui peuvent bénéficier d'un traitement de faveur, lorsque la situation est très exceptionnelle, mais, à part cela, nous procédons principalement par ordre chronologique, si je ne me trompe pas.
    Merci.
    Le prochain intervenant est M. Giguère, qui est un député de l'opposition officielle, le Nouveau Parti démocratique.
    Monsieur Giguère.
    Bonjour à vous en Nouvelle-Zélande.

[Français]

    Bonjour.

[Traduction]

    Ma première question porte sur la détention. Une personne en détention a-t-elle droit à l'habeas corpus?
    Oui. Cela fonctionne de la façon suivante: tous les 28 jours, au maximum, la personne doit être emmenée devant le tribunal pour qu'on puisse obtenir un nouveau mandat de détention d'au plus 28 jours.
    Toutefois, à tout moment, la personne a le droit de demander un bref d'habeas corpus en vertu de la loi sur l'habeas corpus de la Nouvelle-Zélande.
    Merci.
    Combien de réfugiés non sélectionnés arrivent dans votre pays par année?
    Par avion?
    Non, par année.

[Français]

    Par avion?

[Traduction]

    Vous pouvez parler en français, monsieur.
    Combien de réfugiés avez-vous accueillis l'an dernier?
    L'an dernier, désolée. L'accent m'a dérouté.
    Vous vous en sortez très bien.
    Il y en a eu 287 en 2010-2011. Jusqu'à maintenant, c'est-à-dire du 1er juillet de l'an dernier au 14 avril de cette année, il y en a eu 234, dont 21 étaient présentées pour la deuxième fois, alors nous parlons de 213 nouvelles demandes.
    La situation est différente dans mon pays. ll faut multiplier ce nombre par 10.
    Mais votre pays a une superficie presque 10 fois supérieure à celle du nôtre. Nous comptons une population de 4,33 millions d'habitants. Notre pays est donc beaucoup moins peuplé que le vôtre aussi.
    Avez-vous des renseignements sur la situation en Australie? La situation est très difficile en Australie, et je ne comprends pas pourquoi le gouvernement a du mal à appliquer la nouvelle solution.
    Nous accueillons demain un témoin qui vient de l'Australie. Le saviez-vous?
    Oui.
    J'ai reçu des renseignements de cet endroit. Votre projet de loi s'inspire probablement de ce qui se passe en Australie. Les deux gouvernements communiquent entre eux.

  (1820)  

    Oui. Bien entendu, la situation en Australie est très différente, car, contrairement à nous, il n'y a pas une aussi grande distance qui la sépare de son voisin le plus proche. En effet, l'Indonésie ne se trouve qu'à 200 ou 300 kilomètres de là, alors la distance est très courte. Il est beaucoup plus facile pour les gens de se rendre en Australie dans de petits bateaux.
    Je crois comprendre que l'immigration et les réfugiés ne constituent pas réellement un problème pour la Nouvelle-Zélande.
    Je crois que tous les problèmes sont de réels problèmes dans les pays qui sont touchés.
    Mais cela n'entraîne pas de dépenses importantes pour votre gouvernement.
    En raison de la crise financière mondiale, je crois que tous les problèmes constituent des problèmes pour les gouvernements en ce moment, mais je ne peux probablement pas faire de commentaires...
    Quel pourcentage de votre budget annuel cela représente-t-il?
    Un pourcentage moins élevé que celui d'autres pays; peut-être un pourcentage plus élevé que celui d'autres pays. Je l'ignore. Désolée, je n'ai pas fait la comparaison.
    Vous n'avez pas les chiffres exacts?
    Non. Cela représente une partie du budget global alloué à l'immigration, qui va de 200 à 300 millions de dollars, alors il s'agit d'une portion de ce montant, et cela ne représente pas la plus grosse portion de ce budget, mais je ne saurais vous dire... Je peux vous trouver cette information.
    Merci, monsieur Giguère.
    Monsieur Opitz. M. Opitz fait partie du gouvernement conservateur.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à vous, et merci d'être avec nous aujourd'hui. C'est fantastique. Je sais qu'il y a un décalage horaire énorme entre nous.
    Je voudrais commencer par aborder brièvement la question de la biométrie. Votre gouvernement recueille-t-il des données biométriques?
    Nous recueillons une certaine quantité de données biométriques, et notre loi nous habilite à en recueillir davantage, mais nous en sommes encore à l'étape de la mise en oeuvre, car nous installerons sous peu un nouveau système informatique qui nous permettra de mieux gérer les données biométriques que ce que nous pouvons faire avec le système actuel.
    Donc, la loi actuelle nous autorise, nous ou un de nos représentants, à recueillir et à utiliser les données biométriques du visage, des empreintes ou de l'iris d'étrangers qui souhaitent entrer ou demeurer en Nouvelle-Zélande ou quitter le pays, y compris les réfugiés et les demandeurs d'asile.
    Merveilleux. Donc, dans la mesure dans laquelle vous les utilisez actuellement, trouvez-vous qu'elles sont un outil efficace?
    Je crois savoir qu'elles se sont révélées très utiles, particulièrement dans le cas du traitement des demandes d'asile. Sous réserve de contrôles très strict qui ont été convenus avec nos cinq pays partenaires de la conférence — le Canada en est un —, nous pouvons procéder à un échange bilatéral de données sur les empreintes digitales et effectuer des comparaisons. Je crois savoir que nous avons obtenu un taux de correspondance de loin supérieur à ce à quoi nous nous étions attendus pour les personnes qui avaient déjà demandé l'asile dans d'autres pays, et, dans certains cas, elles y avaient obtenu l'asile, mais avaient décidé de s'installer quand même en Nouvelle-Zélande.
    Utilisez-vous un protocole relatif à l'entrée et à la sortie?
    Pas dans le cas des données biométriques, mais nous appliquons des mécanismes de contrôle très stricts à l'entrée et à la sortie. C'est le grand avantage d'être un pays ayant des frontières aussi bien délimitées. À ce que je sache, nous exerçons des contrôles à l'entrée et à la sortie depuis toujours, du moins depuis les dernières décennies, et le système informatisé de mise en correspondance des déplacements à la frontière — c'est-à-dire l'information de la douane — et des renseignements d'immigration remonte à environ 1994.
    Échangez-vous des renseignements avec l'Australie?
    Nous échangeons une quantité considérable d'informations avec l'Australie, mais pas strictement avec elle. Nous ne recueillons pas de données biométriques à la frontière, et, même si nous le faisions, je ne sais pas si nous échangerions ce type de données. Il faudrait que cela fasse l'objet d'un protocole d'entente entre les commissaires à la protection de la vie privée des deux pays. Toutefois, nous échangeons bel et bien des renseignements avec l'Australie.

  (1825)  

    En ce qui a trait au passage de clandestins et à la traite de personnes, quels genres de situations peuvent se produire dans votre pays? Vous dites que personne n'arrive dans votre pays par bateau, mais je présume que les gens arrivent sans doute par avion ou par d'autres moyens et qu'ils réussissent probablement à entrer dans le pays. Pouvez-vous nous faire part de vos expériences à ce chapitre?
    Vous avez raison: il est évidemment très difficile d'obtenir de bons renseignements, vu la nature des activités liées à l'immigration clandestine et à la traite de personnes. C'est une de ces choses où plus on cherche, plus on tend à en découvrir.
    Il y a effectivement un certain nombre de personnes qui prolongent indûment leur séjour dans le pays. Actuellement, il y a peut-être de 15 000 à 16 000 personnes qui se trouvent illégalement dans le pays, et nous pouvons le savoir à cause des contrôles que nous exerçons à l'entrée et à la sortie. Nombre de ces personnes avaient au départ l'intention de prolonger leur séjour et peut-être de travailler au noir, et, souvent, elles sont entrées avec l'aide de gens qui savaient ce qu'elles devaient dire et qui leur ont fourni des renseignements leur permettant de ne pas être repérées par nos contrôles.
    Pour ce qui est de la traite de personnes, à notre connaissance, il y a peu d'activités de ce genre dans notre pays. Néanmoins, la traite de personnes est certes une préoccupation d'envergure, car aucun pays ne tient à être complice de l'exploitation d'êtres humains.
    Nous essayons de lutter contre ces deux types d'activités principalement sur le plan international grâce au processus de Bali et à l'interne à l'aide des meilleurs processus de conformité que nous pouvons appliquer. La loi actuelle prévoit des pénalités sévères pour les gens qui aident d'autres personnes à contourner sciemment nos procédures de contrôle des visas.
    Ce sont probablement les grandes lignes de mon commentaire.
    Veuillez m'excuser, mais à moins qu'il ne souhaite vous céder son temps, le dernier intervenant est M. Weston.
    Merci.
    Monsieur Dykstra, je croyais que vous alliez poser la prochaine question.
    Je vous laisse la place.
    D'accord.
    Permettez-moi de commencer en disant que je ne suis pas étonné que le pays ayant produit les All Blacks puisse réduire le délai de traitement des demandes d'asile aussi rapidement.
    Je vous remercie de nous consacrer de votre temps et de faire preuve d'autant d'ouverture et de transparence dans vos réponses.
    J'ai été très intrigué par ce que vous avez dit au sujet de la détention et du fait qu'il s'agissait explicitement d'une mesure parmi tant d'autres visant à dissuader les gens de se présenter illégalement à vos frontières.
    Nous avons entendu des témoins soutenir que cette mesure était inefficace, bien que le bon sens donne tout simplement à penser que, si on impose des pénalités, les gens qui en auront connaissance et qui craindront qu'on les leur impose seront peut-être enclins à aller ailleurs.
    Souhaitez-vous ajouter quelque chose à ce sujet, madame Hyndman?
    Je dirais que l'ensemble des mesures sont prises à des fins de dissuasion. La détention n'est probablement pas la plus importante d'entre elles. La mesure liée à l'obtention d'un statut temporaire de trois ans en est le point saillant, suivie de l'application de restrictions sur le parrainage des membres de la famille élargie.
    Je crois qu'il est vrai que, en elle-même, la détention n'est probablement pas ce qui dissuade le plus les gens. Toutefois, nous souhaitons vivement que l'ensemble de ces mesures décourage les passeurs de clandestins, qui ne pourraient alors plus considérer le passage d'immigrants vers la Nouvelle-Zélande comme des occasions d'affaires.
    Nous sommes constamment à la recherche d'un équilibre dans ce domaine. D'une part, les Néo-Zélandais et les Canadiens témoignent clairement de la compassion pour les personnes qui vivent dans des conditions difficiles ailleurs, et ils veulent leur venir en aide. D'autre part, nous voulons veiller à ce que la sécurité soit une valeur qui est primordiale de notre politique à l'égard des réfugiés.
    Selon vous, en quoi la détention contribue-t-elle à assurer la sécurité dans le cadre de la politique que vous essayez de mettre en place?
    Je crois que la détention vise avant tout la sécurité publique. Elle nous permet principalement de disposer du temps nécessaire pour identifier les personnes.
    Bien sûr, l'un des problèmes — et je crois comprendre que le Canada y a fait face — c'est que, advenant une arrivée massive, l'équipage, les organisateurs, c'est-à-dire ceux qui sont impliqués dans ce genre de trafic, ont probablement passé une partie du voyage à détruire leurs propres documents et à forger des histoires pour qu'ils puissent avoir l'air de personnes ayant besoin de protection. Donc, la vérification de l'identité pendant leur détention nous permettrait entre autres de démêler le vrai du faux.

  (1830)  

    C'est terminé, monsieur Weston.
    Madame Hyndman et monsieur Richards, je vous remercie beaucoup. J'espère que nous n'avons pas été trop durs avec vous. Nous vous avons posé des questions difficiles, mais nous sommes heureux d'avoir pu vous entendre au sujet du projet de loi que vous proposez.
    Encore une fois, au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de discuter avec nous.
    Merci.
    Merci.
    Avant de lever la séance, mesdames et messieurs, je voudrais vous rappeler que la réunion de demain aura lieu de midi à 14 heures. Mme Sims assurera la présidence parce que je ne pourrai malheureusement pas être présent. La deuxième réunion se tiendra de 15 h 30 à 18 h 30, dans cette salle.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU