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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 058 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 12 février 2013

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Français]

    Bonjour et bienvenue à la 58e séance du Comité permanent de la condition féminine. Aujourd'hui, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur le harcèlement sexuel dans les milieux de travail fédéraux.
    Aujourd'hui, nous recevons deux témoins. Nous recevons d'abord Mme Shanna Wilson, de l'Organisation consultative des femmes de la Défense. Elle est maître de 1re classe et coprésidente militaire nationale. Nous parlerons aussi par vidéoconférence à Mme Karen Davis, qui comparaît aujourd'hui à titre personnel. Mme Davis est scientifique de la défense en recherche et analyse à l'Institut de leadership des Forces canadiennes.
    Je vous souhaite la bienvenue. Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation.
    Nous allons commencer avec Mme Wilson et nous poursuivrons par la suite avec Mme Davis. Vous disposez chacune de 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, nous passerons à la période de questions.
    Madame Wilson, vous avez la parole.

[Traduction]

    Bonjour à tous, je me présente, maître de 1re classe Shanna Wilson. Je suis analyste au Centre de coordination du personnel des Forces maritimes du Pacifique. En tant que coprésidente militaire du Groupe consultatif de la Défense nationale, je représente aujourd'hui l'Organisation consultative des femmes de la Défense ou OCFD. Je vous remercie de m'avoir invitée aujourd'hui.
    Les groupes consultatifs de la Défense nationale, dont l'OCFD, constituent le mécanisme de premier choix du ministère de la Défense nationale (MDN) et des Forces canadiennes (FC) pour respecter leurs obligations en vertu de la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Les groupes consultatifs offrent des conseils à la haute direction quant aux problèmes systémiques liés à l'équité en matière d'emploi afin d'éliminer les obstacles à l'emploi et à la sous-représentation de groupes désignés. Les quatre groupes désignés dans la loi sont les femmes, les personnes handicapées, les minorités visibles et les Autochtones.
    Je suis ici pour expliquer le rôle de l'OCFD en ce qui concerne le harcèlement sexuel dans les milieux de travail fédéraux.
    La mission de l'OCFD consiste à déceler et à chercher à résoudre les problèmes systémiques qui peuvent miner la pleine contribution des femmes pour faire du MDN et des FC des organisations solides, efficaces et représentatives. En collaboration avec les groupes consultatifs locaux et régionaux ainsi que les femmes du MDN et des FC, l'OCFD conseille et informe les dirigeants sur les difficultés à relever à l'échelle nationale pour que les femmes puissent faire carrière au sein de leur organisation.
    Les FC et le MDN figurent parmi les employeurs mentionnés dans la loi en 1996, année où la loi a commencé à s'appliquer à la fonction publique fédérale. Les FC sont devenues un employeur en vertu de la Loi sur l'équité en matière d'emploi en décembre 2002, après approbation d'une demande reçue aux termes du Règlement sur l'équité en matière d'emploi dans les Forces canadiennes. Selon les critères établis par la Commission canadienne des droits de la personne, l'observation de la loi consiste également à déceler et à éliminer les obstacles à l'emploi.
    La Loi sur l'équité en matière d'emploi prescrit l'obligation d'établir des politiques et des programmes visant à corriger la sous-représentation et de prendre des mesures d'adaptation raisonnables. L'OCFD assume un rôle consultatif pour ce qui est de l'élaboration de politiques et de programmes. À ce titre, l'OCFD est en mesure de confirmer si les mesures proposées permettront de résoudre le problème de la sous-représentation et d'éclairer les décisions sur les mesures d'adaptation jugées raisonnables.
    La Loi sur l'équité en matière d'emploi définit les représentants comme « les personnes que les salariés ont désignées pour les représenter ou, le cas échéant, les agents négociateurs des salariés ». Par conséquent, des groupes consultatifs ont été établis pour représenter les employés comme les membres des FC lorsqu'il s'agit de soulever des problèmes systémiques liés à l'emploi au MDN ou dans les FC et de formuler des conseils quant à la manière de les résoudre.
    D'ailleurs, j'ai été élue représentante militaire nationale par les membres de l'OCFD. Les groupes consultatifs de la Défense, ou GCD, sont composés de représentants militaires et civils aux niveaux régional et national. À titre de coprésidents, nous participons à l'établissement des groupes consultatifs de la Défense dans les établissements du MDN et des FC partout au Canada.
    Les huit coprésidents nationaux des quatre groupes consultatifs constituent le Conseil des coprésidents. En tant que base ou élément fondamental de la structure de gouvernance de l'équité en matière d'emploi, les groupes consultatifs, dont l'OCFD, fournissent aux gestionnaires administratifs des ressources humaines de niveau 1, aux agents d'équité en matière d'emploi et aux membres du personnel ministériel de l'équité en matière d'emploi de la Direction - Diversité et mieux-être et de la Direction - Droits de la personne et diversité les renseignements dont ils ont besoin pour orienter la résolution de problèmes systémiques.
    Le rôle du Groupe consultatif est de conseiller et d'informer les dirigeants du MDN et des FC au sujet des questions que ses membres jugent pertinentes et qui touchent la mise en oeuvre efficace des mesures d'équité en matière d'emploi.
    Plus précisément, les groupes consultatifs doivent formuler des conseils au sujet de l'élaboration de politiques, de procédures et de mécanismes liés au recrutement, au maintien en fonction et à l'instruction. Les groupes consultatifs prodiguent des conseils au sujet des initiatives, des plans d'action à des activités de sensibilisation liés à l'équité en matière d'emploi. Nous décelons les obstacles systémiques à l'emploi et recommandons des solutions.
    Ainsi, les groupes consultatifs se penchent sur les obstacles d'ordre systémique plutôt qu'individuel. Les obstacles individuels relèvent de la chaîne de commandement, mais les groupes consultatifs peuvent être consultés et ils peuvent fournir des conseils et des recommandations aussi bien aux individus qu'à la chaîne de commandement. Il est recommandé que les groupes consultatifs soient organisés par formation, par base ou par unité afin de créer une masse critique.
    Les coprésidents des groupes consultatifs nationaux sont chargés d'orienter et de surveiller le Comité exécutif national, les membres de leurs conseils consultatifs respectifs et leurs groupes consultatifs en tant que tels. En ce qui se rapporte à la discussion d'aujourd'hui, les coprésidents nationaux assistent à des réunions périodiques avec les dirigeants du MDN et des FC, entre autres celles du Conseil sur la diversité de la Défense et du groupe de travail sur la diversité et l'équité en matière d'emploi à la Défense, les réunions nationales des groupes consultatifs et le Conseil national des coprésidents des groupes consultatifs. Nous entretenons également une communication efficace avec les membres des groupes consultatifs ainsi qu'avec les dirigeants et la chaîne de commandement du MDN et des FC, puis nous collaborons avec les quartiers généraux de divers niveaux afin de résoudre les problèmes systémiques.

  (1110)  

    Bien qu'en temps normal, les coprésidents nationaux civils s'occupent des affaires civiles et que les coprésidents nationaux militaires s'occupent des affaires militaires, des communications et des consultations ouvertes se déroulent entre les deux puisque de nombreuses questions touchent aussi bien les militaires que les civils.
    Il existe également la possibilité, dans les cas de harcèlement, que le plaignant et l'intimé soient tous deux civils, tous deux militaires ou que l'un soit civil tandis que l'autre est militaire. Cela peut compliquer le processus de signalement puisqu'il y a deux manières de s'attaquer aux problèmes sous-jacents. Les questions civiles peuvent être renvoyées au chargé de dossier compétent de la Direction - Diversité et mieux-être du MDN, et des copies conformes du dossier, transmises à la Direction - Doits de la personne et diversité. Parallèlement, les questions militaires peuvent être renvoyées au chargé de dossier compétent de la Direction - Droits de la personne et diversité des FC et des copies conformes du dossier, transmises à la Direction - Diversité et mieux-être.
    Les renseignements portant sur ces questions peuvent être acheminés par diverses voies, notamment le syndicat, la chaîne de commandement pertinente, les ressources humaines civiles et le chef du personnel militaire. Ces renseignements sont saisis dans une base de données commune. Ainsi, le chargé de dossier de la Direction - Droits de la personne et diversité et le directeur, Diversité et mieux-être ne reçoivent pas les plaintes de harcèlement directement, mais ils peuvent intervenir lorsqu'il faut régler les questions qui ont donné lieu à la plainte.
    Les questions qui ne peuvent pas être réglées à l'échelle régionale peuvent être envoyées au coprésident national, qui les soulèvera à l'échelle ministérielle, où il sera déterminé s'il s'agit d'un problème systémique. Si le problème n'est pas jugé d'ordre systémique, le groupe consultatif en est informé. Il peut ensuite accepter ou refuser la décision. Le groupe consultatif peut renvoyer la question au Groupe de travail sur la diversité et l'équité en matière d'emploi à la Défense, au Conseil sur la diversité de la Défense ou à son champion de l'équité en matière d'emploi, qui peut à son tour réviser la décision ou déterminer que l'affaire est close.
    Au niveau national, l'OCFD bénéficie de l'appui de la haute direction, sous la forme d'un champion bénévole. Le champion est un employé du MDN ou un membre des FC qui occupe un poste très élevé, généralement de niveau un ou supérieur.
    Lorsque la question est jugée d'ordre systémique, elle est renvoyée à l'organisation responsable, et une nouvelle politique, un nouveau processus ou un nouveau service est créé. Puisqu'à titre de coprésident militaire, nous sommes des membres du Groupe de travail sur l'équité en matière d'emploi des FC de la Direction - Droits de la personne et diversité et que les coprésidents nationaux civils sont des membres du Groupe de travail sur l'équité en matière d'emploi du MDN du directeur, Diversité et mieux-être, nous avons l'occasion de participer au processus de résolution.
    Le groupe consultatif en serait informé et invité à examiner le projet de politique. Au niveau national, les questions pouvant avoir des répercussions sur les politiques sont analysées en collaboration avec le directeur, Droits de la personne et diversité, le personnel du directeur, Diversité et mieux-être et le Groupe de travail sur la diversité et l'équité en matière d'emploi à la Défense.
    L'organisation responsable doit ensuite s'occuper de créer une nouvelle politique ou de modifier une politique existante en vue de résoudre la question soulevée. Quoi qu'il en soit, les groupes consultatifs doivent être consultés au cours du processus d'élaboration jusqu'à ce que l'on arrive à une résolution acceptable.
    Lors de sa comparution devant le Comité permanent de la condition féminine, le 22 novembre 2012, M. Karol Wenek, directeur général du personnel militaire, a indiqué quatre sources de données d'où proviennent les informations systémiques sur le harcèlement sexuel dans les Forces canadiennes: un mécanisme de suivi des plaintes de harcèlement déposées à l'interne, la base de données sur le mode alternatif de résolution des conflits, les statistiques sur les plaintes relatives aux droits de la personne déposées à l'externe auprès de la Commission canadienne des droits de la personne et des enquêtes périodiques auprès des militaires.
    L'OCFD constitue un outil supplémentaire qui permet de relever des problèmes systémiques, y compris ceux qui se rapportent au harcèlement sexuel en milieu de travail fédéral. À titre de mécanisme consultatif, l'OCFD suit la plus récente version de la politique en matière de harcèlement et de résolution du MDN et des FC, qui date de décembre 2000 et privilégie la prévention et la résolution rapide grâce au mode alternatif de résolution des conflits. Par exemple, l'OCFD peut être appelée à participer à l'examen de politiques et de règlements en vigueur au MDN et dans les FC. Elle peut se pencher, entre autres, sur les politiques liées aux activités de soutien aux victimes, sur l'incidence des politiques sur la probabilité qu'un incident en matière de harcèlement soit signalé ou non, ou encore sur l'effet de ces facteurs sur le recrutement et le maintien en poste.

  (1115)  

    Concernant le fondement des objectifs d'équité en matière d'emploi, l'OCFD joue un rôle pour que les femmes puissent profiter d'un avancement professionnel équitable au MDN et dans les FC, sans craindre d'être harcelées et sachant qu'il existe des processus et des politiques efficaces.
    Pour terminer, l'OCFD offre des conseils aux dirigeants quant aux décisions prises pour que les femmes soient respectées et considérées comme des membres à part entière du MDN et des FC. Pour cela, il faut relever les tendances, les problèmes systémiques et les obstacles auxquels sont confrontées les femmes au MDN et dans les FC, puis établir des priorités dans les domaines du recrutement, du maintien en poste et de la qualité de la vie, puisque ces aspects ont une incidence sur les femmes au MDN et dans les FC.
    Voilà qui met fin à ma déclaration d'ouverture. Merci de votre attention.

[Français]

    Merci, madame Wilson.
     Je vais maintenant céder la parole à Mme Davis, pour 10 minutes.

[Traduction]

    Bonjour. Je m'appelle Karen Davis et je suis scientifique de la défense pour le directeur général de la Recherche et de l'analyse (personnel militaire), une organisation qui relève de Recherche et développement pour la Défense Canada et effectue des recherches pour le chef du personnel militaire.
    Je fais de la recherche en sciences sociales au sein des Forces canadiennes depuis 20 ans. J'ai fait mes premières armes comme agente de sélection du personnel militaire, et depuis 12 ans, je suis scientifique de la Défense à RDDC.
    Je suis actuellement scientifique de la Défense à l'Institut de Leadership des Forces canadiennes, une unité de l'Académie canadienne de la Défense, qui est située à Kingston. L'Institut de Leadership des Forces canadiennes effectue de la recherche et élabore des concepts afin de favoriser le développement professionnel au sein des Forces canadiennes.
    Mon bref exposé d'aujourd'hui s'appuie sur mon expérience des 20 dernières années de recherches en sciences sociales sur les différences entre les expériences vécues par les hommes et celles vécues par les femmes au sein des Forces canadiennes. Ainsi, l'interprétation et les points de vue que je présente aujourd'hui sont les miens et ne reflètent pas nécessairement la position du ministère de la Défense nationale.
    Pendant les années 1990, les femmes étaient beaucoup plus susceptibles de quitter les rangs des Forces canadiennes que leurs homologues masculins. Les recherches que j'ai menées en 1993 et 1994 portaient sur l'expérience des femmes occupant divers postes dans divers milieux militaires, qui avaient quitté les Forces canadiennes après plus de 10 ans, mais moins de 20 ans de service. À l'époque, c'était un paramètre important, parce que les membres des FC avaient accès à la pension militaire après 20 ans de service complets, et le taux d'attrition des femmes était supérieur à celui des hommes parmi les militaires qui comptaient entre 10 et 20 ans de service à l'époque.
    Mes recherches m'ont permis de conclure que les femmes qui avaient quitté les FC étaient très susceptibles d'avoir vécu beaucoup de harcèlement et que c'est ce qui les avait fait choisir de quitter l'armée, parce qu'elles avaient épuisé tous leurs recours pour obtenir réparation par le processus de plaintes et fuir le harcèlement dont elles étaient victimes.
    En 1997, le chef d'état-major de l'Armée de terre, qui est le commandant de l'armée, a demandé à l'unité de recherche appliquée sur le personnel des Forces canadiennes de chercher à comprendre pourquoi la proportion de femmes qui quittaient les armes de combat était beaucoup plus grande que celle de leurs homologues masculins. Les recherches que nous avons menées à l'époque nous ont portés à confirmer que la plupart des femmes n'étaient alors pas valorisées dans les armes de combat et qu'elles vivaient fréquemment de la discrimination, du harcèlement lié à leur sexe et du harcèlement sexuel. De plus, l'expérience de ces femmes était souvent sous-évaluée par la direction, qui refusait d'en tenir compte.
    L'expérience des femmes dans les armes de combat dans les années 1990 montre très clairement l'importance suprême d'une gestion efficace. Même si une femme était la seule de son sexe d'un groupe assez important dans une unité d'armes de combat, la qualité de son expérience dépendait essentiellement de la philosophie de son chef.
    Il faut souligner que ces conclusions ne s'appliquent pas de manière générale à l'expérience des femmes dans les Forces canadiennes aujourd'hui. Beaucoup de femmes choisissent maintenant de rester au sein de l'armée et d'y mener toute leur carrière avec beaucoup de succès dans divers milieux et diverses fonctions. Aujourd'hui, la plupart des femmes au sein des FC sont traitées avec justice et équité et reçoivent de l'appui professionnel et social de leur chef ainsi que des membres de leur équipe, quel que soit leur sexe, même si elles évoluent souvent dans des théâtres d'opérations isolés et exigeants. De plus, les taux d'attrition chez les hommes et les femmes au sein des Forces canadiennes sont beaucoup plus comparables depuis une dizaine d'années qu'ils ne l'étaient avant 2000.
    Comme l'a souligné M. Karol Wenek en novembre dernier, tout indique que les femmes sont moins susceptibles d'être victimes de harcèlement au sein de l'armée depuis 1992. Les données du sondage sur le harcèlement recueillies au sein des FC en 1992 et en 1998 montrent que même si les femmes restent beaucoup plus susceptibles que leurs homologues masculins de signaler des incidents de harcèlement sexuel, le taux de signalement des incidents de harcèlement sexuel chez les femmes en service est passé de 26,2 p. 100 en 1992 à 14 p. 100 en 1998.
    Comme M. Wenek l'a mentionné, deux points de données ne constituent pas une tendance, donc les résultats de l'étude de 2012 sur le harcèlement seront très importants pour évaluer la fréquence du harcèlement au sein des Forces canadiennes de nos jours.
    En 2001, dans notre analyse des sondages sur le harcèlement menés dans les États membres du TTCP, Nicki Holden et moi avons avancé que la meilleure méthode disponible pour évaluer l'ampleur du harcèlement que vivent les femmes au sein de l'armée sont les sondages anonymes sur la perception de harcèlement .

  (1120)  

    Les femmes peuvent choisir de ne pas soumettre de plainte pour harcèlement, et les plaintes soumises peuvent être jugées non fondées à l'issue du processus d'évaluation des plaintes, mais la perception de harcèlement est bien réelle pour ces femmes, elles croient avoir subi du harcèlement, et c'est un indicateur important de la qualité de leur expérience au sein de l'armée.
    Dans les secteurs de l'armée où les femmes sont le plus faiblement représentées, comme les armes de combat ou les équipages de navires, elles sont très susceptibles d'être la seule femme ou une des très rares femmes à être déployées dans un théâtre d'opérations. Il est possible que ce petit nombre de femmes soit d'autant plus vulnérabilisé par l'isolement géographique et sexuel associé à leur emploi, de même que par la rareté, voire l'absence complète de femmes occupant des postes de direction dans ces environnements.
    Cela dit, beaucoup de femmes qui vivent ce genre de situations au sein des Forces canadiennes sentent beaucoup d'appui positif de leurs subordonnés, de leurs pairs et de leurs chefs masculins, et le nombre de femmes qui occupent des postes de direction dans les théâtres d'opérations est plus élevé qu'il ne l'était dans les années 1990.
    Entre 2003 et 2007, l'Institut de Leadership des Forces canadiennes a produit une série de manuels de doctrine en matière de leadership. Selon cette doctrine, l'efficacité du leadership dépend d'un modèle de valeurs fortement influencé par l'éthos militaire; ce sont des valeurs, des principes et des priorités qu'on retrouve à la fois dans l'armée et chez les Canadiens en général. Bien que le modèle de leadership des FC n'aborde pas directement la question du harcèlement, il met l'accent sur les valeurs qui contribuent au succès des missions, dont l'adaptabilité externe, l'intégration interne, la détermination des membres et leur bien-être. La doctrine et les valeurs qui s'en dégagent orientent la formation des chefs militaires d'aujourd'hui.
    J'étudie actuellement l'expérience de déploiement des hommes et des femmes au sein des Forces canadiennes. Bien que je n'aie pas encore terminé ma collecte de données ni mon analyse, j'ai déjà mené plus de 50 entrevues en profondeur. Les données de cette étude sont toutes recueillies par entrevues qualitatives et ne sont statistiquement pas représentatives des FC. Cependant, l'expérience de harcèlement et de harcèlement sexuel n'est pas un thème récurrent d'une entrevue à l'autre, mais dans les cas où il y a eu perception de harcèlement au cours des dernières années, il y a des femmes militaires qui ont été frustrées dans leur recherche de solution. Si le problème est lié à leur chaîne de commandement, le défi est encore plus grand. Autrement, les commandants arrivent à redresser rapidement la situation.
    Pour la plupart des militaires, la plainte en matière de harcèlement est un dernier recours. Dans tous les cas, il est clair que le leadership exerce une influence importante sur la gestion et la prévention du harcèlement dans le milieu de travail.
    Pour conclure, il y a toutes les raisons de croire que les femmes sont moins susceptibles de subir du harcèlement ou du harcèlement sexuel aujourd'hui qu'elles ne l'étaient il y a plus de 10 ans. Il existe toujours des attitudes négatives à l'égard des femmes dans l'armée, mais elles sont moins présentes qu'avant. Il y a de plus en plus de femmes qui exercent des fonctions de leadership, et les chefs, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes, sont de plus en plus susceptibles d'accepter leur responsabilité d'établir un climat de respect pour les hommes et les femmes dans leur milieu de travail.
    Quel que soit le nombre d'incidents qui ont lieu, le grand défi demeure de veiller à ce que toutes les personnes en position d'autorité au sein de l'organisation mettent efficacement en oeuvre la politique des Forces canadiennes.
    Merci.

  (1125)  

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, madame Davis. C'était très intéressant.
    Nous allons maintenant passer à la période des questions et réponses.
    Madame James, vous avez la parole pour sept minutes.

[Traduction]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je souhaite la bienvenue à nos deux témoins, le maître de première classe Wilson et Mme Davis.
    Je vais commencer par poser quelques questions à Mme Wilson. J'ai bien écouté votre exposé et j'ai vos notes ici. Vous avez mentionné que le rôle du groupe consultatif était de conseiller et d'informer la haute direction du MDN et des Forces canadiennes. Pouvez-vous nous expliquer comment? Le MDN et les Forces canadiennes sont deux entités liées, mais vraiment distinctes. Les deux ont des fonctions et des rôles différents à certains égards. Je me demande comment le groupe consultatif compose avec les différences qu'il peut y avoir entre ces deux entités.
    J'ai effectivement une homologue qui joue à peu près le même rôle dans le civil. C'est la même chose pour tous les groupes consultatifs de la défense. Si un problème se pose dans le secteur militaire, c'est le coprésident militaire national qui intervient, et réciproquement.
    Nous travaillons donc en équipe... chacune tire parti de l'expérience de l'autre à la faveur de nombreux échanges. Très souvent, lorsqu'un problème survient, nous nous consultons de manière à pouvoir déterminer ensemble si tout le monde est concerné, ou s'il s'agit d'une problématique particulière aux Forces canadiennes — car nos activités sont uniques — ou qui ne touche que le côté civil.
    Vous dites que votre situation est unique, mais est-ce à cause de la très grande prédominance des hommes? Je ne sais pas si vous pourriez me donner des exemples de cas où les conseils des deux coprésidents seraient semblables, car les deux secteurs seraient touchés, par rapport à d'autres où la différence serait plus marquée.
    D'accord. La conciliation travail-vie personnelle dans les Forces canadiennes serait un exemple de cas où la situation est différente. Les militaires doivent se soumettre à des rotations que l'on ne voit pas nécessairement dans le secteur civil. Ce serait donc spécifique aux Forces canadiennes. Les préoccupations relatives à la conciliation travail-vie personnelle peuvent aussi se manifester chez les civils, mais la situation demeure particulière au sein des Forces.
    Je pourrais vous donner comme exemple de problématique touchant les deux secteurs de façon comparable la proportion de femmes occupant un poste à la haute direction. On note un déséquilibre à cet égard au sein des Forces canadiennes. La situation évolue, mais c'est toujours le cas. Le problème est présent dans une même mesure au sein de la fonction publique.

  (1130)  

    Merci.
    Dans vos définitions des rôles des différents groupes, je note que la fonction de conseil revient à plusieurs reprises. Dans quelle mesure ces conseils sont-ils vraiment pris en considération? Pensez-vous qu'ils influent souvent sur les politiques établies?
    La notion de conseil revient maintes fois, car c'est l'essence même de notre travail. Il s'agit d'offrir aux dirigeants un point de vue externe fondé sur une observation attentive. Je ne suis en poste que depuis le mois d'août dernier, mais je peux vous dire que tous les avis qu'on m'a demandés ont bel et bien été pris en considération.
    La plupart des questions soulevées ne concernaient pas le harcèlement, mais plutôt des éléments comme les fournitures et les uniformes, mais on a prêté une oreille attentive à tous nos conseils, et nous commençons à constater que l'on y donne suite.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez aussi indiqué que votre mission consiste à chercher à résoudre « les problèmes systémiques qui peuvent miner la pleine contribution des femmes pour faire du MDN et des FC des organisations solides, efficaces et représentatives ».
    Comment déterminez-vous qu'un problème est systémique? Pouvez-vous nous fournir des exemples?
    Parallèlement aux problèmes systémiques, il y a ceux qui ne touchent qu'un seul individu qui doit trouver les solutions auprès de sa chaîne de commandement. Un problème devient systémique lorsqu'on commence à déceler une tendance ou une constante. C'est une situation qui découle généralement du système lui-même, plutôt que des relations que peuvent entretenir deux ou plusieurs individus.
    Lorsque nous commençons à détecter une tendance de la sorte, on nous dit souvent que le problème est attribuable à la structure d'une politique, d'un programme ou d'un service, et qu'il ne peut pas être réglé à l'échelon régional. Il est donc soumis à la coprésidence nationale. C'est alors qu'il faut déterminer s'il s'agit ou non d'un cas isolé.
    Est-ce que le harcèlement sexuel, ou même le harcèlement en général, est toujours considéré comme un problème systémique, ou est-ce qu'il y a des cas qui sont jugés isolés?
    Tout dépend de la situation.
    Si un membre dépose une plainte de harcèlement, qu'il soit ou non de nature sexuelle, et qu'il n'y a pas d'autres incidents semblables, on considérera qu'il s'agit d'un cas isolé. Si l'on voit un certain modèle se développer, nous envisagerons le problème dans une perspective systémique. C'est pourquoi il est indiqué que le cas de harcèlement doit être soumis à la chaîne de commandement de la présumée victime.
    On peut toutefois faire appel à nous en tout temps pour obtenir des avis relativement aux aspects d'ordre plus général.
    Lorsqu'un employé du MDN ou un militaire des Forces canadiennes dépose une plainte de harcèlement sexuel, participez-vous directement au traitement de cette plainte? Est-il possible d'obtenir un soutien quelconque auprès de vous ou des autres groupes consultatifs, ou est-ce que votre rôle consiste davantage à observer la situation dans une perspective générale?
    Si quelqu'un dépose une plainte de harcèlement, de nature sexuelle ou non, l'OCFD n'intervient pas systématiquement. Nous pouvons avoir un rôle à jouer si, par exemple, la chaîne de commandement estime qu'il existe une culture favorable à des comportements de ce type. Nous pouvons alors agir dans un rôle consultatif, mais il n'y a pas de processus qui se déclenche automatiquement pour entraîner la participation de l'OCFD ou des autres groupes consultatifs.
    Il me reste une minute.
    Je vais revenir à mes questions concernant les avis que vous formulez.
    D'où tirez-vous votre information et vos connaissances pour pouvoir intervenir dans le cadre d'une approche plus générale en fournissant des conseils éclairés? Avez-vous suivi une formation particulière à cette fin? Est-ce le fruit de vos consultations auprès de diverses instances du ministère? Qu'est-ce qui vous permet de donner les conseils que vous jugez nécessaires?
    Généralement, ceux qui accèdent à un rôle à l'échelon national ont déjà fait le même travail au niveau régional, car il s'agit d'un processus de progression par étapes. Comme mon homologue du côté civil occupe ce rôle depuis un bon moment déjà, elle me sert en quelque sorte de mentor.
    Tous les membres des Forces canadiennes doivent suivre une formation concernant la diversité et l'équité en matière d'emploi; il y a aussi différents cours de base en plus des cours de leadership.
    Nous avons également accès aux cours offerts par la fonction publique. Il faut aussi dire que les gens qui occupent un rôle comme le mien s'intéressent déjà au départ à ces questions-là. Nous travaillons d'ailleurs à l'élaboration d'un manuel de formation qui va structurer tout le processus.

[Français]

    Merci.
    Je cède maintenant la parole à une représentante de l'opposition officielle.
    Madame Hassainia, vous disposez de sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Tout d'abord, madame Davis et madame Wilson, je vous remercie de votre présence et de vos précieux témoignages.
    Ma première question s'adresse à Mme Wilson. Les conseils et les études que vous faites se terminent-elles souvent par des politiques qui sont mises en oeuvre? Avez-vous des chiffres et des statistiques à cet égard?

  (1135)  

[Traduction]

    Non, nous ne tenons pas de statistiques à ce sujet. Ce serait plutôt quelqu'un de l'extérieur qui s'en chargerait; M. Karol Wanek, par exemple.
    Quelle était la seconde partie de la question?

[Français]

    Vos conseils ou vos études mènent-elles souvent à des politiques concrètes et appliquées?

[Traduction]

    Nous ne menons pas d'études à proprement parler. Notre rôle consiste à offrir de l'orientation et des conseils. Les études permettant de dégager de telles statistiques sont réalisées par une entité extérieure à l'OCFD.

[Français]

    Merci.
    On sait qu'un examen périodique obligatoire des règlements des Forces canadiennes sur l'équité en matière d'emploi a eu lieu en 2011-2012. Votre organisation a-t-elle pris part à cet examen et pouvez-vous nous dire quels ont été les résultats de cet examen?

[Traduction]

    Nous n'avons pas participé directement à cet exercice. Il est possible que certains l'aient fait dans le cadre de leurs fonctions à l'extérieur de l'OCFD, comme membres des Forces canadiennes. Nous n'avons joué aucun rôle. Je suppose que cela a dû être fait par un conseil de recherche extérieur à l'OCFD.

[Français]

    Si je ne me trompe pas, les femmes représentent environ 10 % des officiers haut gradés de la force régulière et la grande majorité de ces femmes se trouvent au quartier général de la Défense nationale, à Ottawa. Qu'est-ce qui explique cette situation? Pourquoi la majorité des femmes sont-elles à Ottawa? Pouvez-vous nous dire quels sont les chiffres exacts quant au nombre de femmes dans les forces armées et plus particulièrement sur le nombre de celles qui ont un grade élevé au Canada?

[Traduction]

    Si l'on retrouve davantage de cadres supérieurs à Ottawa, c'est sans doute parce que les postes de ce niveau sont basés au quartier général de la Défense nationale. Il y a donc forcément un certain regroupement des cadres supérieurs ici à Ottawa alors que les autres postes plutôt reliés aux opérations peuvent être dispersés davantage.
    Quant aux statistiques d'ensemble concernant les Forces canadiennes, la proportion de femmes serait d'environ 15 p. 100 dans la force régulière, et un peu plus dans la réserve. Ces chiffres peuvent bien sûr varier si l'on considère un corps d'armes ou de métier en particulier. Il serait toutefois préférable que vous vous adressiez à l'organisation qui compile ces statistiques pour obtenir tous les chiffres précis.

[Français]

    De façon générale, avez-vous remarqué ou entendu parler de certains effets des compressions au ministère de la Défense nationale ou dans les forces armées? Je parle des effets de ces compressions en ce qui a trait aux services qui sont offerts aux femmes dans les bureaux traitant de la condition féminine ou en ce qui concerne la recherche sur les questions de genres.

[Traduction]

    Si j'ai pu voir que ces études ont eu un impact? J'ai certes pu observer qu'au fil de la croissance et de l'évolution de notre organisation, nous prenons davantage conscience des questions liées aux différences entre les sexes et nous modifions nos politiques en conséquence.
    Je dois toutefois vous rappeler que je ne suis entrée en fonction qu'en 1998 et que bon nombre de ces mesures étaient déjà en place. Mais je peux vous dire qu'il fut une époque où les politiques touchant la capacité de travailler des femmes enceintes étaient bien différentes, comme c'était le cas aussi dans d'autres organisations. À mon arrivée, la plupart de ces façons de faire avaient déjà changé. Une grande partie des obstacles ont été supprimés et je fais partie de celles qui en bénéficient largement.

[Français]

    Merci.
    On croit comprendre que les Forces canadiennes procèdent à des entrevues de fin de service et que ces entrevues devraient être analysées pour déterminer les facteurs qui incitent les femmes à quitter les Forces canadiennes. Cela servirait de base à des recommandations au chapitre des mesures correctives visant à inciter les femmes à compléter la totalité de leur période de service. Quel rôle votre organisation joue-t-elle dans l'analyse de ces résultats d'entrevue?

[Traduction]

    Je pense que toutes les entrevues de fin de service devraient faire l'objet d'une évaluation. Il n'est jamais facile de conserver nos effectifs. Les militaires sont notre principale ressource. S'il est possible de dégager des constantes touchant uniquement les femmes, je crois certes que nous devrions essayer de les analyser.
    On ne nous a pas encore demandé de nous pencher sur la question, mais l'avis de l'OCFD pourrait assurément être sollicité si l'on estime qu'un problème devient systémique.

[Français]

    Merci, madame Wilson.
    Je vais maintenant m'adresser à Mme Davis.
     Bonjour et bienvenue, madame Davis.
    Il est fréquemment relevé dans la documentation que la culture du guerrier est l'un des problèmes liés à l'intégration des femmes dans les Forces canadiennes.
     Pouvez-vous nous expliquer plus précisément en quoi cela consiste, si ce problème est reconnu par les principaux responsables et quelles mesures pourraient enrayer cette culture qui tend à rabaisser les femmes et les autres minorités?

[Traduction]

    La culture du guerrier évoque généralement ces valeurs que l'on considérait essentielles à l'efficacité opérationnelle, surtout dans le domaine des armes de combat. On se disait notamment que l'homme et la femme sont différents; l'homme est fort, la femme est faible; la femme doit être protégée, l'homme protège la femme; la femme est émotivement instable, l'homme a une plus grande stabilité qui lui permet de livrer bataille; et toutes sortes d'hypothèses de ce genre. Jusqu'à ce que le Tribunal canadien des droits de la personne décide en 1989 que les femmes devaient être intégrées dans tous les environnements et tous les rôles, cette culture du guerrier et les valeurs qui y sont associées dans un milieu entièrement masculin étaient considérées comme essentielles à l'efficacité au combat. Nous avons appris depuis que cette exclusivité masculine n'est pas essentielle, mais il persiste encore des attitudes marquées en ce sens, surtout dans les opérations de combat terrestre.

  (1140)  

[Français]

    Pour votre part, trouvez-vous que les responsables des Forces canadiennes prennent suffisamment de mesures pour mettre fin à ce phénomène qui est néfaste pour les femmes et les autres minorités? Avez-vous des recommandations à faire à ce sujet?

[Traduction]

    Désolée, pourriez-vous répéter la question?

[Français]

    Trouvez-vous que les Forces canadiennes font assez d'efforts pour résoudre ce problème? Ave-vous des recommandations à faire à ce sujet?

[Traduction]

    Il y a beaucoup de travail qui est entrepris à ce sujet par des chercheurs dans le civil. J'estime que le domaine des armes de combat tout particulièrement est encore fortement dominé par les hommes et toujours guidé par cette culture du guerrier. Les femmes sont tout à fait les bienvenues dans cet environnement si elles parviennent à s'adapter et à s'y intégrer, mais nous constatons qu'elles jouent un rôle essentiel au sein des équipes de combat pour différentes raisons, dont plusieurs se sont manifestées en Afghanistan. Je crois que les hauts gradés commencent à prendre davantage conscience de l'importance de la mixité des équipes et de la valeur ajoutée qu'y apportent les femmes. Il n'est plus question simplement d'assimiler les femmes au sein de la culture en place. Au fil de l'évolution des dirigeants qui commencent à mieux comprendre la valeur associée à une diversité accrue, le changement va s'enclencher.

[Français]

    Je vais devoir vous interrompre ici. Merci, madame Davis.
    Nous allons maintenant passer à une représentante du parti gouvernemental.
    Madame Ambler, vous disposez de sept minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Merci également à nos deux témoins pour leur participation et leurs exposés fort intéressants.
    Madame Wilson, vous avez parlé de l'importance du respect de la diversité. J'aimerais savoir pourquoi vous jugez cela primordial, surtout dans le contexte de la prévention du harcèlement.
    Je crois que le respect à l'égard de la diversité est sans doute une des bases, une pierre angulaire en quelque sorte, de l'équité en milieu de travail. Comme nous le savons tous, bien des organisations peuvent faire état par écrit de l'importance de l'équité en matière d'emploi, mais tant que le respect de la diversité et la compréhension de son importance ne sont pas intégrées à la culture organisationnelle, cela ne reste que des mots sur du papier. J'estime donc primordial d'instaurer une culture fondée sur ce respect de la diversité pour qu'une organisation puisse vraiment s'acquitter de ses obligations relativement à l'équité en emploi.
    Merci.
    Vous avez parlé toutes les deux de changement de culture. Plusieurs témoins nous ont dit qu'il y avait eu une certaine évolution au fil des ans. Vos expériences remontent respectivement à 1998 et 1978, je crois, au moment où vous avez joint les forces, madame Davis.
    Dans ce contexte de changement de culture, pourriez-vous nous dire, madame Davis, pour quelle raison le nombre de cas de harcèlement sexuel a diminué comme le soulignait M. Karol Wenek? On nous a également indiqué que 8 p. 100 de toutes les plaintes de harcèlement déposées au sein des Forces canadiennes sont de nature sexuelle. En fait, je ne sais plus trop si c'est 8 p. 100 ou 3,7 p. 100. D'une manière ou d'une autre, c'est moins de 10 p. 100. Pouvez-vous nous dire pourquoi, à la lumière de votre expérience... Est-ce que le changement de culture a contribué à cette diminution?
    C'est à moi que vous posez la question?
    Oui.
    Comme de plus en plus de femmes font partie des forces et accèdent à des rôles de leadership, il y a certes d'après moi un impact sur la culture.
    Quant à savoir si le nombre de cas de harcèlement sexuel a véritablement diminué, je ne me prononcerai pas avant d'avoir vu les résultats de l'enquête de 2012, car je sais pertinemment, pour avoir mené des entrevues avec près d'une centaine de femmes ayant servi dans les Forces canadiennes, que la plainte officielle est pour ainsi dire la solution de dernier recours. L'enquête anonyme est la meilleure façon d'obtenir un portrait plus réaliste des cas perçus de harcèlement. Quant à savoir si ces perceptions sont fondées, c'est une autre histoire.
    Dans l'ensemble, sans doute... Il y a certaines indications à cet égard. Je crois par exemple que notre doctrine de leadership et la formation de nos dirigeants ont évolué considérablement. Tout au long des années 1990, de nombreuses enquêtes et commissions ont permis d'examiner de près la situation des Forces canadiennes. En 1997, le ministre de la Défense nationale de l'époque a rendu public un rapport sur le leadership et la gestion au sein des forces. Il en est résulté une transformation en profondeur de la manière dont nous formons nos leaders militaires. Nous avons alors adopté dans une large mesure un modèle fondé sur des valeurs, en mettant l'accent sur les valeurs canadiennes afin de répondre aux attentes de nos concitoyens.

  (1145)  

    Est-ce que l'une de ces valeurs est la tolérance zéro à l'égard du harcèlement, et du harcèlement sexuel tout particulièrement?
    Certainement, mais l'expérience nous a montré qu'une approche fondée sur la tolérance zéro peut avoir des effets négatifs dans le contexte opérationnel. On se retrouve avec des chefs qui ne peuvent plus diriger parce qu'ils craignent trop d'être accusés de harcèlement sexuel. Nous avons grandement investi dans la formation des leaders de telle sorte qu'ils comprennent bien comment ils peuvent assurer la discipline, la motivation et la formation d'une équipe sans verser dans le harcèlement.
    Je crois que l'on a réussi à adopter une approche équilibrée en application de la nouvelle politique, en misant notamment sur le mode alternatif de règlement des conflits.
    C'est intéressant. Il y a bien des témoins qui ne seraient pas de votre avis lorsque vous affirmez que la tolérance zéro n'est pas nécessairement la meilleure approche à adopter. Je pense comme vous que c'est une question de nature très personnelle; ce que je pourrais considérer comme du harcèlement peut être un comportement courant pour quelqu'un d'autre. C'est ce qui rend les choses difficiles.
    Vous nous dites que la formation des gradés des Forces canadiennes les aide à faire la part des choses et à faire bon usage de leur logique et de leur jugement.
    Et à déterminer en fonction d'un certain ensemble de valeurs ce qu'il convient de faire dans un contexte opérationnel.
    Il n'est pas question pour autant de tolérer les cas flagrants de harcèlement. Ce n'est pas du tout ce que je dis. Il s'agit simplement de créer un environnement où des équipiers peuvent apprendre à travailler et à évoluer ensemble sans craindre d'être accusés de harcèlement.
    Merci.
    En 2009, vous avez publié un ouvrage intitulé Cultural Intelligence: A Summary for Canadian Forces Leaders. De toute évidence, vous croyez que la solution du problème doit passer par le leadership. Je n'ai pas lu votre livre — et je vous prie de m'en excuser — mais diriez-vous qu'il faut partir du principe qu'il faut d'abord et avant tout exercer un bon leadership et prêcher par l'exemple?
    Effectivement, au sein d'une organisation comme les Forces canadiennes, la chaîne de commandement est essentielle à l'efficacité opérationnelle, et le leadership exercé à l'intérieur de cette chaîne de commandement est également primordial pour que justice soit rendue au besoin. J'estime donc que le leadership est crucial. Il est également important de pouvoir compter sur des politiques valables, mais en l'absence de leaders compétents pour mettre en oeuvre ces politiques, on n'est pas à l'abri des problèmes.
    Si on pense à la mixité des nouvelles équipes de gestion, croyez-vous que la culture du guerrier existe toujours, mais que l'ajout de femmes dans un rôle de leadership fait décroître les risques de harcèlement et de harcèlement sexuel?
    Très brièvement.
    Oui, je dirais que les leaders sont plus conscients du fait que l'efficacité opérationnelle s'en ressent lorsqu'on permet du harcèlement au sein de son équipe. Y sommes-nous parvenus dans tous les secteurs? Je pense qu'il y a encore du chemin à faire, mais la direction est plus consciente de cette problématique qu'elle ne l'était il y a une dizaine d'années, par exemple.

  (1150)  

[Français]

    Merci, madame Davis.
     Madame St-Denis, vous disposez de sept minutes.
    Madame la présidente, veuillez m'excuser. J'étais absente au cours des réunions précédentes. Je n'ai pas assisté à toutes vos discussions, mais je trouve le sujet très intéressant et j'ai quelques questions à poser.
    Ma première question s'adresse à Mme Davis.
    Un peu plus tôt, vous avez parlé de culture guerrière. Vous avez dit que les femmes étaient les bienvenues si elles pouvaient s'adapter. Ma question porte donc sur la culture. Que veut-on dire quand on dit que les femmes doivent s'adapter? Cela veut-il dire qu'elles doivent adopter la même attitude que celle des hommes pour que ceux-ci acceptent leur présence? J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur cette question. Qu'entend-on quand on dit qu'une femme sur le terrain doit s'adapter?

[Traduction]

    Lorsqu'une femme se joint au groupe des armes de combat en particulier — en quelque sorte le dernier domaine que les femmes intègrent —, ce que je veux dire, c'est qu'il y a certains éléments qui sont considérés comme très importants dans ce groupe, comme la force physique, la capacité d'affronter des situations très difficiles, etc. Les femmes doivent donc être en mesure de s'adapter à la culture qui sous-tend ce type de ténacité, de force de caractère du combattant.
    Si une femme se joint à un groupe comme celui-là et se plaint, par exemple, qu'on jure en sa présence, elle perdra vite toute crédibilité. Il faut donc qu'elle apprenne à accepter l'environnement tel qu'il est pour être acceptée par ses pairs et faire partie intégrante de l'unité.
    Au fil des ans, on a souvent remarqué qu'une femme qui débarque dans un milieu auparavant réservé aux hommes se sent acceptée lorsqu'elle devient l'un des leurs. Les femmes n'ont pas la possibilité de changer les valeurs ou les façons de faire du groupe, mais elles sont acceptées si elles sont en mesure de fonctionner de manière efficace dans un environnement donné.

[Français]

    Je vous remercie.
    Ma deuxième question s'adresse à Mme Wilson.
    On dit que les femmes sont acceptées par les hommes si elles adoptent une certaine attitude. Quel est le comportement des femmes à l'égard des femmes dans ce milieu? Y a-t-il beaucoup de compétition entre elles? Sinon, se protègent-elles les unes les autres? Forment-elles des groupes séparés? Tentent-elles de s'intégrer complètement aux groupes d'hommes?

[Traduction]

    Comme Mme Davis l'a mentionné, je crois que cela dépend. Dans un environnement très masculin comme celui des armes de combat, le besoin d'intégration est sans doute plus fort que, disons, dans celui de la logistique, où les qualités masculines sont moins nécessaires et moins importantes.
    Mon expérience de travail avec d'autres femmes dans le secteur privé et l'armée a été très similaire. Cela dépend de la nature des gens. Cela dépend également de la façon dont les dirigeants gèrent les différents types de personnalité.
    Même au sein des forces, lorsque je devais travailler dans un environnement très physiquement compétitif, j'étais souvent entourée d'autres femmes très compétitives, par exemple, au sein des équipes de la base. On voit cela simplement dans les intérêts du groupe.
    J'ai aussi travaillé dans des environnements dominés par les femmes qui offraient un très grand soutien, en particulier les femmes qui m'ont précédée au sein de l'armée, disons, d'une dizaine d'années. Le rôle de mentor s'est adapté.

[Français]

    Parlons des plaintes. J'ignore laquelle de vous deux peut répondre à cet égard.
    Que font les femmes dans les cas d'intimidation et de harcèlement sexuel? Avez-vous l'impression que celles-ci portent facilement plainte? Sinon, ont-elles peur ou craignent-elles qu'on les méprise à cause cela? Ont-elles peur de perdre des occasions d'emploi? Qu'en est-il de leur attitude envers le fait de porter plainte?
    Ce matin en Chambre, j'ai entendu un député dire que 200 plaintes attendaient d'être résolues. Est-ce que toutes les femmes qui ont des problèmes en parlent? Osent-elles toutes le faire?

  (1155)  

[Traduction]

    Je vais répondre brièvement, et je vais laisser du temps à Mme Davis pour qu'elle réponde également.
    Je crois qu'il faut être prudent dans... Les femmes ont des réflexes un peu différents, et nous aimons discuter. Nous aimons discuter des problèmes, mais les hommes sont un peu différents sur ce point. Lorsque j'ai vu des femmes avoir un problème, leur façon de composer avec le problème qu'elles avaient était d'en parler. Je crois qu'il faut éviter de confondre la réticence à porter plainte pour harcèlement, et la façon dont les femmes gèrent habituellement un problème.
    Selon ce que j'ai pu constater, encore une fois, les femmes ne sont pas réticentes à porter plainte pour harcèlement. Je pense qu'elles sentent qu'elles ont du soutien, et nous sommes en train de roder le système pour leur permettre de signaler plus facilement les problèmes. Je sais toutefois que même à l'extérieur des FC, peu importe où, la question du harcèlement sexuel en est une délicate. Bien des femmes trouvent les procédures éprouvantes.

[Français]

    J'ai une dernière question à poser.
    Les plaintes sont-elles résolues rapidement? Ce processus est-il semblable à ce qui se passe dans n'importe quel autre domaine ou est-il beaucoup plus long?

[Traduction]

    Je ne sais pas si je suis la personne la mieux placée pour répondre à cette question. Je pense que cela dépend de la situation et s'il s'agit d'une plainte officielle. Le maître Wilson aimerait peut-être ajouter quelque chose.
    Le harcèlement sexuel est traité comme un problème de harcèlement tout court. La procédure est la même.
    Lorsque le harcèlement est de nature sexuelle, tout dépend du type de plainte. S'il s'agit d'un commentaire, la procédure sera beaucoup plus rapide et différente que s'il s'agit d'un harcèlement physique et s'il y a d'autres parties concernées, notamment la police militaire. La procédure sera donc plus ou moins rapide en fonction de la gravité et de la nature de la plainte, et même des personnes concernées.

[Français]

    Merci.
    Étant donné que nous avons commencé avec un peu de retard, il nous reste trois minutes.
    Madame Bateman, vous disposez de trois minutes.
    Merci, madame la présidente.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup de votre présence. Vos commentaires sont très encourageants, maître Wilson. Vous avez entrepris votre carrière en 1998 et vous avez constaté des changements. Madame Davis, corrigez-moi si j'ai tort, mais je crois que la dernière étude que vous avez citée date de 1998, et vous avez parlé aussi d'une datant de 1992 et de 1989. Il est remarquable que votre expérience couvre toute cette période, madame Wilson. Il est formidable de vous entendre dire toutes les deux que le monde fait des progrès.
    J'aimerais en savoir un peu plus sur les organismes que vous représentez. Vous êtes élues pour servir vos collègues au conseil. Est-ce le cas?
    C'est exact.
    Je suis impressionnée de voir, en particulier, que la direction rende cela possible, car vous avez raison: les 51 p. 100 d'entre nous qui sommes des femmes avons besoin de discuter des problèmes, et il est formidable qu'il existe un mécanisme officiel pour le faire. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur sa structure et quand il a été créé.
    J'aimerais aussi en savoir un peu plus, madame Mme Davis, au sujet de... Je suis également très impressionnée de voir que l'armée finance... J'aimerais simplement que vous me disiez si c'est l'armée canadienne qui finance les travaux que vous menez à titre de scientifique de la défense. Vous relevez du directeur général, Recherche et analyse, Personnel militaire, et vous travaillez pour l'Institut de leadership qui appuie le travail de nos militaires. Est-ce exact?
    Oui.
    Je suis vraiment impressionnée.
    Maître Wilson, vous avez accès à l'information que Mme Davis prépare, ou à ses études.
    C'est exact.
    C'est une autre ressource dont vous disposez pour faire votre travail.
    C'est exact, et c'est une autre source d'information où je peux puiser pour me renseigner sur les préoccupations qui peuvent m'échapper et dont je dois aussi être au courant.
    Excellent. Comme nous n'avons pas beaucoup de temps, pouvez-vous nous dire en quelques mots comment cela fonctionne?
    C'est un très beau mécanisme en théorie. Donnez-nous un exemple de son mode de fonctionnement pour améliorer les choses.

  (1200)  

    Je vais vous parler de mon expérience.
    Je suis entrée en poste en 1997. C'est l'année où cela a été approuvé.
    En montant dans la hiérarchie, j'ai été en contact avec d'autres femmes plus expérimentées et c'est à ce moment que j'ai appris l'existence de l'OCFD.
    Ce qui est intéressant, c'est que l'unité au sein de laquelle je travaille est composée à 50 p. 100 d'hommes et de femmes, y compris dans les rangs supérieurs de la petite section à laquelle j'appartiens. Toutes les femmes qui en font partie, à l'exception d'une, ont été à un moment où l'autre coprésidente régionale. Elles occupent maintenant d'autres fonctions. Certaines l'ont été à l'école des recrues ou ailleurs.
    On voit donc qu'il y a de plus en plus de sensibilisation sur le sujet et qu'avec elle s'accroît la popularité du groupe et de ses activités. J'ai souvent entendu l'expression: « Parles-en à l'OCFD ». C'est la tierce partie que les femmes connaissent. Il n'est pas nécessaire de passer par la chaîne de commandement. Si la personne a le sentiment que son supérieur ne comprendra pas la situation, elle peut compter sur un groupe externe, une sorte d'antenne sur le terrain, qui offre du soutien aux femmes.

[Français]

    Je vais devoir vous arrêter ici, madame Bateman. J'en suis désolée.
    Merci, madame la présidente.
    Madame Wilson, madame Davis, je vous remercie d'avoir accepté de comparaître devant le comité. C'était très intéressant.
    Je vais maintenant suspendre la séance pendant quelques instants. Nous allons ensuite poursuivre celle-ci à huis clos pour traiter des travaux du comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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