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ERRE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur la réforme électorale


NUMÉRO 013 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 22 août 2016

[Enregistrement électronique]

  (1400)  

[Français]

     Bonjour et bienvenue chers collègues. Je vous prierais de prendre place.
    C'est un plaisir de vous retrouver après une pause d'environ deux semaines. Comme vous le savez, nous entamons une phase un peu plus intense de nos travaux. Nous allons tenir quatre séances cette semaine. Elles seront suivies, la semaine prochaine, de quatre séances en présence de témoins. Par la suite, vers la mi-septembre, nous partirons en tournée pour trois semaines dans l'ensemble du pays afin de consulter les Canadiens et les Canadiennes sur le terrain.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Dubé, qui est parmi nous pour la première fois, ainsi qu'à M. Ste-Marie avec qui, je crois, M. Thériault va partager son temps de parole lors de la période des questions.

[Traduction]

    Nous accueillons aujourd'hui deux éminents témoins: le professeur Arend Lijphart, qui est à San Diego et que nous aurons par vidéoconférence; et le professeur Benoît Pelletier.

[Français]

qui, il va sans dire, est bien connu au Canada et au Québec.
    Nous allons commencer par le professeur Lijphart, mais d'abord, je vais vous donner quelques détails à son sujet ainsi que sur son travail et ses intérêts dans le cadre des ses travaux universitaires.

[Traduction]

    M. Lijphart est politologue et a pour spécialité la politique comparée, les élections et les systèmes électoraux, les institutions démocratiques et l'ethnicité en politique. Il est titulaire d'un doctorat en sciences politiques de Yale et est actuellement professeur émérite, chargé de recherche en sciences politiques à l'Université de Californie, à San Diego.
    M. Lijphart a été président de l'American Political Science Association de 1993 à 1996 et, en 1999, il a publié un ouvrage très connu, Patterns of Democracy. M. Lijphart a reçu de nombreux prix dans le domaine des sciences politiques et il détient des doctorats honoris causa de plusieurs universités, notamment de l'Université de Leiden, de l'Université Queen's de Belfast et de l'Université de Ghent, outre qu'il est fellow à titre honoraire de l'Université de Coventry.
    Monsieur, vous avez 20 minutes pour votre témoignage après quoi nous céderons la parole au professeur Pelletier pour 20 minutes également. Nous aurons deux séries de questions et chaque député pourra poser une question à chaque fois dans les cinq minutes qui lui seront réservées en tout, cela comprenant les réponses. Les questions et réponses devront être limitées à cinq minutes par député.
    Sans plus attendre, monsieur, je vous cède la parole. Merci beaucoup de témoigner par vidéoconférence.

  (1405)  

    Je vous parle depuis San Francisco et non pas depuis San Diego, mais je ne pense pas que cela fasse une grande différence pour vous, puisque c'est loin d'Ottawa de toute façon. Monsieur le président, j'apprécie beaucoup de pouvoir m'exprimer par téléconférence devant votre comité. Je me sens très honoré d'avoir été invité à vous parler.
    Je suis très heureux de vous faire part de mes conclusions et constatations concernant les avantages de la représentation proportionnelle, ou la RP, et le genre de démocratie qu’une telle représentation engendre. Personnellement, je dois admettre que durant mes études au cycle supérieur et dans mon travail de jeune instructeur dans les années 1960, j’admirais le système gouvernemental britannique et son système électoral uninominal majoritaire à un tour, ou SMUT. Je crois que c'est ainsi que vous l'appelez le plus souvent au Canada et je me tiendrai donc à cet acronyme, SMUT.
    Toutefois, avec le temps, j’en suis venu à la conclusion que la RP constitue la meilleure option. On observe également cette tendance en général chez les politicologues. La grande majorité des preuves empiriques viennent désormais appuyer fermement cette conclusion. La RP est un élément essentiel de ce que j’appelle la « démocratie consensuelle », surtout quand elle est combinée à un régime gouvernemental parlementaire. Elle entraîne habituellement un pluripartisme, qui, à son tour, mène à des cabinets de coalition ainsi qu’à des parlements plus forts et à des cabinets moins dominants. Par ailleurs, elle a tendance à être associée à un système plus coopératif de groupes d’intérêts.
    Comme exemples types de démocratie consensuelle, mentionnons la Suisse, l’Allemagne, la Finlande ainsi que la Nouvelle-Zélande depuis la mise en place de la RP en 1996. Ces caractéristiques contrastent avec celles des démocraties majoritaires, comme la Grande-Bretagne et la Nouvelle-Zélande avant qu’elle ne passe à la RP en 1996: le système électoral uninominal majoritaire à un tour, les régimes de dualité de parti, les cabinets majoritaires à parti unique, les cabinets dominants vis-à-vis de leurs parlements ainsi que les systèmes de groupes d’intérêts plus compétitifs. Les démocraties consensuelles visent à gouverner au moyen d’un consensus général et non par une faible majorité.
    Les démocraties ne cadrent pas toutes avec les deux modèles parfaits de démocratie majoritaire et consensuelle. Elles se situent sur un continuum entre ces deux types absolus. Par exemple, le Canada est du côté de la démocratie majoritaire, mais ne se trouve pas dans une position extrême. L’une des raisons pour expliquer cette situation est que le Canada s’est retrouvé à l’occasion avec des cabinets minoritaires, ce qui ne cadre pas avec la définition idéale de la majorité à parti unique que l’on retrouve dans une démocratie majoritaire.
    Je dois apporter trois précisions.
    Premièrement, on peut ajouter une seconde dimension à la différence entre les deux types de démocratie. La principale différence dans ce cas se situe entre les régimes unitaires et centralisés par opposition aux régimes fédéraux et décentralisés. Le Canada appartient à la seconde catégorie. Je ne souhaite pas élaborer davantage sur ce sujet, puisque celui-ci n’est pas lié au système électoral et que ce point n’est donc pas pertinent dans le cadre de vos discussions. De toute façon, je suppose que le Canada n’est pas sur le point de modifier son système fédéral.
    Deuxièmement, comme je l’ai déjà mentionné, les avantages de la RP dépendent grandement du fait qu’on l’associe à un régime gouvernemental parlementaire. Le Canada a la chance de pouvoir déjà compter sur un régime parlementaire. Les politicologues s’entendent pratiquement pour dire qu’ils n’aiment pas le régime présidentiel, qui présente de nombreuses faiblesses majeures. Je suppose que très peu de Canadiens seraient en faveur de l’adoption d’un régime présidentiel. C’est rassurant de savoir que nous n’avons pas à avoir d’inquiétudes à cet égard.
    Troisièmement, j’aimerais aborder rapidement le terme « démocratie consensuelle ». Il ne faut pas voir cette notion comme un genre de démocratie en place dans des pays qui sont fortement consensuels et homogènes. Il faut plutôt comprendre que la RP et la démocratie consensuelle conviennent à n’importe quel pays, mais surtout à des pays qui présentent des divisions religieuses, linguistiques et ethniques et où il faut chercher à obtenir un consensus. Il est intéressant de noter que la RP a d’abord été mise en place dans les années 1890 dans des pays comme la Belgique où l’on observait de profondes différences religieuses et linguistiques. Certains de mes collègues en science politique parlaient également de la démocratie consensuelle comme d’une « démocratie de négociation », d’une « démocratie de compromis », d’une « démocratie de pacification » et d’une « démocratie proportionnelle ». Le dernier terme convient particulièrement, puisqu’il fait ressortir le rôle essentiel de la RP.

  (1410)  

    Pendant longtemps, on a surtout pensé que la RP présentait de légers avantages pour ce qui est d’assurer une représentation politique plus précise et une représentation des minorités, mais que le SMUT et les cabinets à parti unique étaient beaucoup plus avantageux pour assurer l’efficacité du gouvernement. Les cabinets à parti unique ont été présentés comme étant plus décisifs et plus capables à la fois de prendre des décisions rapides et d’élaborer des politiques cohérentes que les cabinets de coalition. Cet argument semble logique, mais il ne tient pas compte de quelques arguments contraires également logiques. Tout d’abord, les décisions rapides ne sont pas nécessairement des décisions intelligentes. De plus, en alternant entre un gouvernement de gauche et un gouvernement de droite, on diminue grandement le niveau de cohérence. Voilà la principale raison pour laquelle le célèbre politicologue britannique Samuel Finer, qui était un ardent défenseur du SMUT, a changé d’avis et s’est rangé derrière la RP dans un livre influent publié dès 1975. Enfin, les politiques appuyées par un vaste consensus sont plus susceptibles de connaître du succès et de maintenir le cap que les politiques imposées par un gouvernement qui prend des mesures décisives allant à l’encontre de ce que souhaitent d’importants secteurs de la société.
    Heureusement, nous pouvons désormais compter sur de très bonnes méthodes pour trancher en cas de divergence, surtout depuis les environs de l’an 2000, depuis qu'on publie des quantités de données d’excellente qualité portant sur les gouvernements efficaces et la qualité de la démocratie. J’ai opté pour des sources gouvernementales officielles, des organisations internationales comme les Nations Unies et l’Union interparlementaire, l’Economist Intelligence Unit et le projet de gouvernance mondiale — dirigé par des experts de la Banque mondiale et de Brookings Institution. Les preuves tendent à démontrer que la démocratie consensuelle est supérieure à la démocratie majoritaire en ce qui a trait à la mise en place d’un gouvernement efficace et à l’élaboration de politiques et qu’elle est largement supérieure quant à la qualité de la démocratie.
     Pour démontrer la solidité de ces constats bien établis, j’aimerais faire quelques remarques concernant les conclusions tirées de mon livre Patterns of Democracy, d'abord publié en 1999, puis réédité en 2012. Je vais vous citer des extraits de la réédition de 2012.
    Premièrement, les 36 démocraties que je compare dans mon livre ne forment pas qu’un simple échantillon de démocraties; elles représentent toutes les démocraties qui cadrent avec la définition de démocratie continue sur une période d’au moins 20 ans, de 1990 à 2010, selon les critères couramment utilisés de la Freedom House.
    Deuxièmement, j'évalue à la fois l’élément gouvernement efficace et l’élément qualité de la démocratie non seulement à l’aide de quelques indicateurs, mais bien d’un large éventail d’indicateurs. Pour ce qui est du gouvernement efficace, j’examine le rendement à partir de critères aussi fondamentaux et évidents que la croissance économique, l’inflation, le chômage et l’équilibre budgétaire; j’utilise aussi les mesures générales du projet de gouvernance mondiale que sont l’efficacité gouvernementale, la qualité de la réglementation, la primauté du droit et la lutte contre la corruption. Pour mesurer la qualité de la démocratie, je me penche sur la participation électorale, sur la représentation des femmes au sein des parlements et des cabinets, sur l’inégalité entre les genres, sur l’inégalité économique et sur les réponses à des enquêtes sur la satisfaction à l’égard de la démocratie. Par ailleurs, j’utilise aussi l’indice de démocratie général de l’Economist Intelligence Unit en plus des différentes catégories qui composent cet indice, comme la qualité du processus électoral, la participation politique et les libertés civiles.

  (1415)  

    Troisièmement, j'observe des corrélations positives entre la démocratie consensuelle et le gouvernement efficace pour 16 de mes 17 indicateurs; ces corrélations sont tellement solides qu’elles sont même statistiquement significatives pour 9 des mesures. En ce qui a trait à la qualité de la démocratie, je compte aussi 19 indicateurs; ces indicateurs démontrent tous sans exception que la démocratie consensuelle fonctionne mieux. Par ailleurs, les 19 corrélations sont très solides et statistiquement significatives.
    Quatrièmement, on peut se poser légitimement la question suivante: le bon rendement de la démocratie consensuelle pourrait-il s’expliquer par d’autres facteurs et non par la démocratie consensuelle en soi? Il existe en réalité deux facteurs qui peuvent effectivement influer à la fois sur l’efficacité du gouvernement et sur la qualité de la démocratie. Il s’agit du niveau de développement économique et de la taille de la population. Les pays les plus riches ont tendance à mieux s’en tirer que les pays moins aisés, tandis que les petits pays, soit les moins peuplés, ont tendance à faire mieux que les gros pays. Par contre, ces facteurs peuvent être contrôlés et les résultats que j’ai mentionnés les contrôlent déjà. Cela signifie que les corrélations positives sont encore solides, même après qu'on eut pris en compte les conséquences du développement économique et de la taille de la population.
    Permettez-moi d’aborder trois enjeux particuliers concernant la mise en place possible de la RP au Canada. D'abord, il est important que les défenseurs de la RP s’entendent sur le genre de RP qu’ils veulent mettre en place. On risque de ruiner les chances de la RP si ses défenseurs se divisent en camps hostiles en se basant sur la forme de RP qu’ils préfèrent.
    Deuxièmement, quelle serait la meilleure forme de RP? Je suis plutôt libre penseur sur ce sujet. Mon pays d’origine, les Pays-Bas, a opté pour la RP à scrutin de liste, et je crois que cela a bien fonctionné. La plupart des pays européens continentaux aussi ont choisi la RP à scrutin de liste. Toutefois, dans le cas du Canada, il serait probablement préférable de suivre l’exemple d’autres pays qui sont majoritairement ou partiellement anglophones. On parlerait ainsi, du système mixte avec compensation proportionnelle, le SRPM, mis en place en Nouvelle-Zélande dans les années 1990, qui a également été adopté pour les assemblées législatives de l’Écosse et du Pays de Galles. Il y a aussi le vote unique transférable, ou VUT, en vigueur en Irlande, à Malte et en Australie pour les élections sénatoriales, et cela depuis 1949.
    Troisièmement, il faut s’assurer que, dans les faits, le système est en proportion raisonnable et que la barre n’est pas trop haute pour les petits partis. Pour le SRPM en Nouvelle-Zélande, le seuil minimal est de 4 %, ce qui est raisonnable selon moi. Dans le cas du VUT, aucun seuil officiel n’est nécessaire, car il utilise des circonscriptions électorales relativement petites. En Irlande, les circonscriptions doivent élire entre trois et cinq représentants chacune. À Malte, cinq membres sont élus dans chaque circonscription. En Australie, les six États deviennent les principales circonscriptions électorales, et chacune doit élire six sénateurs. À l’occasion, lorsqu’il y a ce que l’on appelle une « double dissolution », comme ce fut le cas récemment, ce nombre augmente et passe à 12, mais je dirais que cinq ou six est un nombre raisonnable.
    Enfin, j’aimerais répondre à la question suivante: la RP convient-elle à un pays comme le Canada, qui est un vaste territoire et qui présente une diversité linguistique, ethnique et religieuse? La réponse est oui, sans aucun doute. En réalité, comme je l’ai déjà souligné, la RP convient particulièrement aux pays qui sont hétérogènes. Qu’en est-il de sa vaste étendue géographique? La superficie du Canada est inhabituelle, mais pas unique. L’Australie est comparable et recourt à la RP dans le cadre de ses élections sénatoriales depuis 1949. Selon moi, aucune raison logique ne permet de croire que la RP ne pourrait pas bien fonctionner dans un grand pays comme le Canada. L’élément le plus important dont il faut peut-être tenir compte est que la RP constitue la règle tandis que le SMUT représente l’exception parmi les démocraties contemporaines.

  (1420)  

    Des 36 démocraties abordées dans mon livre, on en compte quatre qui ne sont ni une pure RP ni un pur SMUT. Les autres sont réparties comme suit: 10 SMUT contre 22 RP. Il s’agit encore d’une exagération de l’utilisation du SMUT, car six des pays qui appliquent un tel système sont très petits, comme les Bahamas, la Barbade et le Botswana. Évidemment, il y a aussi de très petits pays qui utilisent la RP: l’Islande, le Luxembourg et Malte. Si l’on ne tient pas compte de ces très petits pays, la répartition est la suivante: 4 SMUT, le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Inde, contre 19 RP. Donc, quatre pays avec SMUT et 19 avec RP.
    Par ailleurs, et enfin, je crois qu’il est important de mentionner que, dans ces quatre pays qui ont choisi le SMUT, on observe la présence d’importantes organisations qui défendent ardemment un changement en faveur de la RP. En revanche, on ne recense aucune organisation semblable qui fait la promotion du passage au SMUT dans l’ensemble des pays qui appliquent la RP.
    Merci de votre bienveillante attention.
    Merci beaucoup, monsieur Lijphart. Merci énormément d'avoir modulé votre exposé en fonction de l'expérience canadienne.
    Écoutons maintenant

[Français]

le professeur Benoît Pelletier. Le professeur Pelletier est avocat, universitaire et homme politique. Il a été député à l'Assemblée nationale du Québec de 1998 à 2008 et a été nommé ministre des Affaires intergouvernementales, ministre de la Francophonie, ministre des Affaires autochtones et ministre de la Réforme des institutions démocratiques au sein du gouvernement de Jean Charest.
     Le professeur Pelletier enseigne actuellement le droit à l'Université d'Ottawa. Il a récemment reçu la médaille de l'Ordre du mérite de la Fédération des commissions scolaires du Québec et a été élu membre par la Société royale du Canada.
    Sans plus tarder, professeur Pelletier, vous disposez, tout comme le professeur Lijphart, de 20 minutes. Nous poursuivrons par la suite avec deux rondes de questions.
    Merci, monsieur le président. Je remercie beaucoup les membres du comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.

[Traduction]

    Je m'exprimerai principalement en français, mais je prononcerai mes premiers mots en anglais.
    Je tiens à souligner que je ne suis pas un spécialiste de la réforme électorale, bien que j'ai étudié ce domaine d'un point de vue de constitutionnaliste. Je voulais savoir jusqu'où le Parlement pourrait pousser la réforme électorale sans apporter d'amendement constitutionnel. J'apporte donc le point de vue d'un constitutionnaliste en matière de réforme électorale et pas celui d'un expert de la réforme comme telle.
    Cela étant posé, j'ai été ministre de la Réforme des institutions démocratiques au Québec de 2005 à 2008 et, surtout de 2005 à 2007, quand nous avons beaucoup parlé de réforme électorale au Québec.
    Je tiens à mentionner la contribution, à l'époque, d'un de vos députés — qui est aussi membre de ce comité — Luc Thériault, qui était alors porte-parole de l'opposition officielle quand je siégeais en face de lui à l'Assemblée nationale.
    J'ai préparé un sommaire de mon exposé qui, je pense, vous a été distribué. Du moins je l'espère. Je l'ai rédigé dans les deux langues officielles. Je vais donc faire mon exposé en français, mais les députés anglophones de ce comité seront en mesure de suivre l'essentiel de mon exposé grâce à la version anglaise de mon résumé.
    Commençons donc par mon exposé officiel.

  (1425)  

[Français]

     Monsieur le président, dans le cadre de mon analyse, j'ai examiné différentes dispositions constitutionnelles. Je les mentionne ici parce que celles dont je vais parler sont sans doute selon moi les dispositions constitutionnelles les plus importantes afin de déterminer dans quelle mesure le Parlement du Canada peut procéder à une réforme du mode de scrutin sans apporter de modification constitutionnelle.
    Dans la Loi constitutionnelle de 1867, j'ai examiné entre autres l'article 37, qui porte sur la constitution de la Chambre des communes, l'article 40, qui touche les districts électoraux, l'article 41 sur la continuation des lois d'élection, l'article 51 sur les révisions électorales, l'article 51A sur le droit d’une province d’avoir un nombre de députés qui n'est pas inférieur au nombre de sénateurs qu'elle a ainsi que l'article 52, qui porte sur l'augmentation du nombre de députés à la Chambre des communes.
    Dans la Loi constitutionnelle de 1982, j'ai examiné plus particulièrement l'article 3, qui porte sur le droit de vote, ainsi que le paragraphe 52(2), qui donne une définition de la Constitution du Canada. C'est une définition non exhaustive qui — et cela doit être précisé dès maintenant — ne fait aucune mention de la Loi électorale du Canada. J'aurai d'ailleurs l'occasion d'y revenir. J'ai également examiné l'ensemble de la partie V de la Loi constitutionnelle de 1982, qui contient la procédure de modification de la Constitution du Canada.
    Par ailleurs, j'ai examiné l'alinéa 41a) de la Loi constitutionnelle de 1982 concernant la charge de Reine et celle de gouverneur général. Cette charge ne peut être modifiée qu'avec l'unanimité du fédéral et des provinces. J'ai aussi examiné l'alinéa 41b) concernant le droit d’une province d’avoir un nombre de députés qui n'est pas inférieur au nombre de sénateurs qu'elle a. L'unanimité est également requise pour apporter un modification à cet égard. En outre, j'ai examiné l'alinéa 42(1)(a) concernant le principe de la représentation proportionnelle des provinces à la Chambre des communes. Celui-ci est soumis à la procédure 7/50, soit le consentement de la Chambre des communes et du Sénat, sous réserve du fait que le Sénat n'a qu'une veto suspensif de 180 jours, et d'au moins sept provinces représentant au moins 50 % de la population de toutes les provinces.
    J'ai aussi, bien entendu, examiné l'article 44 qui confère une compétence au Parlement pour apporter unilatéralement des modifications constitutionnelles. Toutefois, ces modifications doivent être relatives au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat et à la Chambre des communes. Il y a quand même d’importantes exceptions qui s'appliquent par rapport à l'article 44. En fait, ce qui est intéressant quant à cet article, c'est que le Parlement peut modifier seul la Constitution du Canada. Comme je viens de le mentionner, il peut également apporter des modifications relatives au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat et à la Chambre des communes, sous réserve néanmoins entre autres de l'article 41 et de l'article 42 dont j'ai parlé précédemment, lesquels requièrent l'unanimité et la procédure 7/50, respectivement.
    En examinant la jurisprudence, les causes juridiques qui m'ont semblé les plus pertinentes ont été les suivantes: Figueroa c. Canada; le Renvoi relatif à la réforme du Sénat; Le procureur général de l'Ontario c. SEFPO, la décision du Comité judiciaire du Conseil privé dans In re Initiative and Referendum Act; ainsi que le Renvoi relatif à la sécession du Québec.
    À la lumière de tout ce que j'ai lu, mon analyse m'amène à dire qu'aux yeux de la Cour suprême du Canada, le système uninominal majoritaire à un tour, soit the first-past-the-post system, est constitutionnel, et ce, malgré ses défauts.

  (1430)  

[Traduction]

    Il est bon de savoir que le système actuel est conforme à la constitution canadienne, malgré ses faiblesses que nous constatons tous.

[Français]

    Deuxièmement, et ce que je dis ici s'inscrit toujours essentiellement dans la perspective de la Cour suprême du Canada, la Constitution n’exige pas un système électoral démocratique en particulier et ne prévoit pas que ce système soit immuable. En d'autres termes, la Cour suprême s'est montrée ouverte à un changement du mode de scrutin et a mentionné que notre Constitution ne requérait pas un mode de scrutin en particulier.

[Traduction]

    Donc, le scrutin majoritaire uninominal à un tour respecte la constitution, mais ce n'est pas le seul dans cette situation, et ce n'est pas le seul à être conforme aux valeurs canadiennes.

[Français]

     Les Canadiens sont acquis à une forme démocratique de gouvernement. Il faut donc respecter le principe démocratique. La Cour suprême a dit que les Canadiens sont acquis politiquement et constitutionnellement à une forme démocratique de gouvernement. En d'autres termes, il y a une protection constitutionnelle au sujet du maintien d'une forme démocratique de gouvernement au Canada sans que la Cour n'ait précisé de quelle forme de gouvernement il puisse s'agir.
     La Cour suprême semble aussi vouloir dire que le choix d'un mode de scrutin par rapport à un autre exprime une option entre des valeurs politiques concurrentes. Le gouvernement dispose d'une assez grande latitude en la matière et il ne convient pas que la Cour intervienne en ce qui concerne la réforme du mode de scrutin ou, du moins, il ne convient pas qu'elle intervienne trop.

[Traduction]

    Quant à moi, cela est fondamental. La Cour suprême a dit que la réforme électorale relève des représentants élus, du Parlement, du gouvernement. Ce n'est pas un aspect dans lequel la Cour suprême souhaiterait intervenir.
    Il est possible que, si elle avait à le faire, si certains des principes dont je vais vous parler dans deux minutes risquaient d'être compromis, elle le ferait, mais la Cour suprême ne souhaite pas intervenir à ce stade. A priori, elle souhaite ne pas le faire. En fait, la Cour a confirmé que tout ce dossier est essentiellement une question de décision politique et non de décision du judiciaire.

[Français]

    Quelles sont donc les principales conditions devant être respectées par le Parlement en ce qui concerne la réforme du mode de scrutin? En élaborant ces conditions, je dis que le Parlement peut agir seul en matière de réforme du mode de scrutin, mais à la condition de ne pas toucher à l'un des principes que je vais mentionner dans un instant.
    Le premier principe est bien établi par la jurisprudence. Il s'agit de la notion de représentation effective. La Cour suprême parle d'une égalité relative entre les électeurs. Il ne s'agit donc pas d'une égalité totale ou parfaite. Toutefois, il doit y avoir une égalité relative en ce qui concerne le poids de chaque vote dans l'ensemble politique canadien. Si on outrepassait le principe de la représentation effective, cela amènerait vraisemblablement la Cour suprême à intervenir.

[Traduction]

Cela étant, tant que le principe de l'égalité relative est respecté, la Cour suprême du Canada ne souhaite pas intervenir dans le débat.

[Français]

    Le deuxième principe est le suivant. La réforme ne doit modifier ni la charge de Reine ni celle de gouverneur général. Comme je l'ai dit précédemment, la charge de Reine et celle de gouverneur général sont soumises à la règle de l'unanimité, soit la procédure de modification par consentement unanime.

  (1435)  

[Traduction]

    Est-il possible d'envisager une réforme électorale qui n'ait pas d'incidence sur le cabinet de la Reine ou sur celui du gouverneur général? La réponse est oui. Les principales fonctions du gouverneur général et de la Reine devront être respectées dans toute réforme électorale appliquée au Canada, de quelque nature qu'elle soit.

[Français]

    Le Parlement ne peut pas porter atteinte au droit des provinces d'avoir un nombre de députés au moins égal à celui des sénateurs.

[Traduction]

    C'est là une limite très intéressante. Pour le moment, elle ne s'applique qu'à de très petites provinces qui ne comptent pas beaucoup de députés et qui ont même plus de sénateurs que de députés. Elle leur permet d'avoir autant de députés que de sénateurs. Cependant, si le nombre de circonscriptions au Canada devait être modifié, il faudrait veiller à ne pas modifier le nombre de sénateurs attribué à chaque province, compte tenu de l'état actuel de la constitution canadienne.

[Français]

     Bien entendu, le Parlement ne peut pas toucher au principe de la représentation proportionnelle des provinces à la Chambre des communes parce que cela est couvert par la formule 7/50. Or on aborde ici quelque chose de beaucoup plus délicat, qui découle vraisemblablement de la jurisprudence. Je crois que le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 protège le parlementarisme de type britannique et le principe du gouvernement responsable.

[Traduction]

    D'après la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, il est établi que le préambule de la loi de 1867 confirme ou protège le modèle de gouvernement de Westminster et confirme ou protège le principe du gouvernement responsable.
    La question qui se pose en premier lieu est donc de savoir jusqu'où va cette protection. Pour être franc avec vous, je ne suis pas en mesure de répondre à cette question, et personne ne le peut. Il incomberait à la Cour suprême du Canada de préciser elle-même ce qu'elle entendait en fixant cette limite, en cas de litige ou de problème, ou encore si elle devait être saisie d'un renvoi sur ce sujet.

[Français]

    La première question consiste donc à savoir jusqu'où va cette protection, qui découle du préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 et qui n'est pas explicite. Elle est implicite

[Traduction]

parce que le préambule dit que nous voulons d'une constitution qui soit fondée sur les mêmes principes que la constitution du Royaume-Uni. La jurisprudence a repris cette affirmation et conféré une forme de protection au modèle de gouvernement de Westminster et de gouvernement responsable.

[Français]

    La première question vise donc à savoir jusqu'où va cette affirmation des tribunaux et la deuxième consiste à savoir quel est le contenu du

[Traduction]

Le modèle de gouvernement de Westminster. Que signifie ce concept?

[Français]

    Il y a un risque à vouloir définir un tel concept, mais il me semble qu'un certain nombre de principes font partie du parlementarisme de type Westminster.
     Le premier principe veut que les pouvoirs exécutifs soient officiellement et théoriquement conférés au chef de l'État et qu'ils soient concentrés sous sa gouverne.
    En vertu du deuxième principe, ces pouvoirs exécutifs sont exercés en pratique par le premier ministre et les ministres.
    En vertu du troisième principe, le pouvoir exécutif fait partie de l'assemblée législative. En d'autres termes, non seulement l'exécutif contribue-t-il à l'exercice du pouvoir législatif, mais il fait partie intégrante de l'assemblée législative.
    Selon le quatrième principe, le pouvoir exécutif doit rendre des comptes à l'assemblée législative. Il doit répondre des politiques gouvernementales devant l'assemblée législative.
     Le principe suivant veut que la légitimité démocratique du pouvoir exécutif dépende de l'assemblée législative et qu'elle soit octroyée par celle-ci.
     En vertu du dernier principe, qui rejoint le principe du gouvernement responsable, le premier ministre doit remettre la démission de son gouvernement au gouverneur général ou doit demander la dissolution de la Chambre s'il ne dispose pas de la confiance des élus du peuple.
    Pour ma part, c'est la définition que je donne au parlementarisme de type britannique. Cela dit, il est évident que d'autres experts pourraient vouloir raffiner cette définition ou la compléter.
    Une dernière contrainte pour le Parlement du Canada découle d'un arrêt du Comité judiciaire du Conseil privé datant de 1919, soit In re Initiative and Referendum Act. Cela a été repris en 1987 par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Le procureur général de l'Ontario c. SEFPO. Le Comité judiciaire du Conseil privé parlait des provinces, et le même principe s'applique vraisemblablement au Parlement canadien. En fait, le Parlement ne peut pas provoquer des bouleversements profonds par l'introduction d'institutions politiques étrangères et incompatibles avec le système canadien. En anglais, on dirait que le

  (1440)  

[Traduction]

    Le Parlement ne peut introduire des institutions politiques étrangères et incompatibles avec le système canadien.

[Français]

     Vous allez me demander ce que cela veut dire exactement. Or cela mérite d'être défini de nouveau par la jurisprudence. Ce que nous savons, c'est que le Parlement ne pourrait pas, par exemple, confier au peuple la totalité des pouvoirs législatifs. Le référendum ne pourrait pas devenir le seul mécanisme pour l'adoption des lois. Il reste qu'au-delà de cela, nous ne savons pas ce que cette expression veut dire.
    Je répète que le Comité judiciaire du Conseil privé parlait des législatures provinciales et renvoyait au paragraphe 92(1) de la loi de 1867. Or le parallèle est valable également pour l'ancien paragraphe 91(1) de la loi de 1867 et le Parlement du Canada.

[Traduction]

    Enfin, je dirais qu’il se trouvera peut-être des experts pour dire que le Parlement n’a pas de prise sur le fait qu’il y a des circonscriptions électorales au Canada. L'article 40 de la Loi constitutionnelle de 1867 fait référence aux circonscriptions électorales. Certains experts peuvent dire que les circonscriptions électorales sont du ressort de la Constitution et ne peuvent être modifiées par le Parlement unilatéralement, mais je ne partage pas ce point de vue. Je pense que l'article 44 de la loi de 1982 autorise le Parlement à abolir des circonscriptions électorales ou à en réduire le nombre de manière unilatérale.

[Français]

    Merci beaucoup, professeur Pelletier.
    Nous avons entendu deux témoignages extrêmement pertinents, intéressants et clairement exprimés. Nous vous en remercions.
     Nous débutons maintenant la première série de questions. Je rappelle aux députés que ces cinq minutes comprennent aussi les réponses. J'ai remarqué, à certains moments, qu'une question très complexe était posée alors qu'il ne restait que trente secondes. Or si cela se produit, la réponse va malheureusement devoir être livrée dans le cadre d'une question formulée par un autre député.
    Nous commençons par M. DeCourcey, qui dispose de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    C'est bon d'être de retour à l'école avec tous mes collègues. Je remercie nos témoins pour les présentations qu'ils nous ont livrées aujourd'hui.
    J'aimerais d'abord m'adresser au professeur Lijphart.

  (1445)  

[Traduction]

    Monsieur Lijphart, dans votre mémoire vous parlez de la nécessité de ne pas prendre en considération divers aspects de notre système de gouvernement fédéral. J'ai été frappé par ce point de vue qui tranche avec tous les témoignages des nombreux universitaires et experts que nous avons entendus, disant qu’il nous faut considérer le système électoral dans le cadre plus général du système de gouvernement et de la culture politique, que tous sont liés.
    Pourriez-vous nous expliquer pourquoi, selon vous, dans un pays aussi vaste et unique que le Canada, compte tenu des considérations constitutionnelles exposées plus tôt aujourd'hui, il serait normal pour nous de simplement considérer le système électoral sans tenir compte de ses répercussions sur le système de gouvernement et de notre culture politique.
    Je pense que c'est une excellente question.
    Le système fédéral au Canada et dans plusieurs autres pays fédéraux est assurément un aspect important à prendre en considération. Mais je pense que la représentation proportionnelle est compatible aussi bien avec les systèmes fédéraux comme celui du Canada qu’avec les systèmes unitaires comme ceux de la Suède, de la Norvège, du Danemark et des Pays-Bas. Il importe, je pense, d’examiner la situation des autres pays fédéraux qui ont opté pour la représentation proportionnelle. L'Allemagne est, bien sûr, un système fédéral; si elle n’est pas aussi étendue que le Canada, elle est beaucoup plus peuplée, et elle utilise la représentation proportionnelle. La Suisse est un pays fédéral et elle utilise la représentation proportionnelle. L'Autriche est un pays fédéral et elle utilise la représentation proportionnelle. J'ai déjà mentionné l'Australie comme exemple d'un pays à la fois vaste et relativement peu peuplé, beaucoup moins que le Canada. Elle utilise la représentation proportionnelle aux élections sénatoriales.
    Je pense donc que ces deux facteurs peuvent vraiment être considérés séparément et je ne vois pas pourquoi un pays fédéral n’obtiendrait pas de bons résultats avec la RP.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Monsieur  Pelletier, croyez-vous qu'on peut aborder le système électoral sans parler des considérations constitutionnelles? On parle de garanties touchant un certain nombre de sièges dans les provinces plus petites, comme le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse. Ces considérations présentent-elles des défis en ce qui a trait à la représentation proportionnelle?
    Le principe de la représentation proportionnelle implique que les provinces ont droit à une représentation équivalente au poids de leur population dans l'ensemble canadien. Cela peut être fait par différents systèmes électoraux. Cela peut être fait en élisant directement des gens dans des circonscriptions. Cela peut également être fait en désignant des représentants autrement. Je pense ici à des députés qui proviendraient de listes dans le cas d'un mode de scrutin proportionnel mixte, par exemple.
    À mon avis, dans la mesure où chaque province a droit à un nombre de représentants à la Chambre des communes assez équivalent à son poids démographique, le principe de la représentation proportionnelle est sauvegardé. D'ailleurs, c'est assez intéressant parce que l'article dont j'ai fait mention un peu plus tôt parle du principe de la représentation proportionnelle et n'aborde pas la question des modalités mêmes de cette dite représentation.
    Cela étant dit, je suis convaincu qu'un autre mode de scrutin — par exemple, le mode de scrutin proportionnel mixte — serait aussi compatible avec le système fédéral. Le fédéralisme est une caractéristique du Canada, tout comme la monarchie constitutionnelle en est une autre. Le parlementarisme de type britannique en est une également tout comme notre mode de scrutin. Il peut y avoir une combinaison de ces différentes caractéristiques ou une modification de ces caractéristiques sans changer la nature fédérale de l'État canadien.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Deltell.

  (1450)  

    Monsieur le président et chers amis, il est toujours agréable de vous revoir.
    M. DeCourcey faisait peut-être référence à l'école parce que deux éminents professeurs sont avec nous, mais je trouve l'analogie très bonne.
     Je souhaite aussi la bienvenue au professeur de la Californie.
    Welcome to our committee.
     Évidemment, je tiens à saluer plus personnellement M. Pelletier, un ex-collègue de l'Assemblée nationale. J'étais journaliste lorsqu'il était député et ministre. Quelques mois plus tard, j'ai siégé au même endroit que lui.
     Je tiens à faire remarquer qu'il y a actuellement 13 députés autour de la table et qu'il y en a sept du Québec. Le Québec est donc majoritaire aujourd'hui. C'est de quoi réjouir mes amis du Bloc québécois. Je tiens tout de même à rappeler que nous ne sommes pas ici pour jouer pour le Canada — je me permets ici de paraphraser une publicité que l'on a beaucoup vue récemment —, mais bien pour travailler pour lui. Je présume que mes amis du Bloc québécois formuleront quelques réflexions plus tard. Il sera intéressant de les entendre.
    Monsieur Pelletier, j'aimerais parler de votre expérience. Vous avez beaucoup étudié ces questions et vous êtes maintenant avocat constitutionnaliste. Vous faites partie des rares politologues qui ont pratiqué le métier de politicien. Vous avez été à la fois témoin ou observateur et aussi un acteur au sein de la vie politique. Cela vous permet de bien juger les deux rôles. Il n'y en a pas beaucoup comme vous. On en connaît bien un autre, soit l'actuel ministre des Affaires étrangères, l'honorable Stéphane Dion. J'aurai peut-être l'occasion d'y faire référence plus tard aujourd'hui.
    Monsieur Pelletier, le gouvernement nous invite à réfléchir à un changement important. Selon vous, ce type de changement doit-il recevoir l'appui de la population? La population doit-elle être consultée à cet égard? Doit-on tenir un référendum si, d'aventure, on changeait le mode de scrutin?
     Je dois vous dire, monsieur le président, que je suis très favorable à la tenue d'un référendum en pareille matière. L'une des raisons principales est que si l'on veut faire une réforme du mode de scrutin, c'est pour la population elle-même et pour qu'elle ait davantage confiance en ses institutions démocratiques. Dans ce contexte, je vois mal comment on pourrait effectuer une réforme du mode de scrutin digne de ce nom, autrement dit, quelque chose de signifiant et de substantiel, sans demander l'opinion de la population.
    Le Québec a pour sa part eu recours à un avant-projet de loi. Ce dernier a été examiné sous toutes ses coutures entre 2003 et 2007. En ce qui me concerne, même lorsque j'occupais le poste de ministre, j'aurais appuyé la tenue d'un référendum au Québec sur cette question si le processus était allé plus loin, ce qui n'a pas été le cas.
    Cela dit, je ne m'exprime ici qu'à titre personnel. Je n'avais aucun mandat du Conseil des ministres à cet égard. En outre, nous n'avons pas discuté de cette question parce qu'elle ne s'est jamais posée. La tentative de réformer le mode de scrutin a échoué essentiellement en 2006. Il n'en demeure pas moins que j'avais toujours en tête la possibilité ou plutôt l'importance de tenir un référendum sur cette question. Ce dernier aurait pu avoir lieu en même temps qu'une élection québécoise ou à un autre moment.
    Il faut aussi se rappeler qu'au Québec, la réforme envisagée était de taille. Je parle ici de la proportionnelle mixte, qui implique deux types de députés, soit des députés de circonscription et des députés qui proviennent d'une liste. C'était un changement considérable à la culture politique. Dans ce contexte, j'étais favorable à la tenue d'un référendum.
     Il va sans dire que nous partageons ce point de vue. Il n'y a rien de plus important, au sein de nos institutions, que le système électoral. C'est ce qui détermine qui est en position de prendre des décisions. Il n'y a rien de plus essentiel. Tout découle de la façon dont on élit les gens, qu'il s'agisse de la politique extérieure, des budgets, des taxes ou d'autres choses encore. Nous faisons nôtre votre propos voulant que la population doive absolument avoir le dernier mot à cet égard.

  (1455)  

    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à M. Boulerice.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à toutes et à tous. Je suis heureux de vous revoir en ce magnifique mois d'août. Je remercie nos témoins. Ce sont deux éminents professeurs qui ont pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui. Je veux d'abord m'adresser au professeur Lijphart, qui se trouve en Californie.
    Comme vous le savez sans doute, en 149 ans, nous n'avons eu au Canada qu'un seul mode de scrutin. En anglais, on utilise le terme first-past-the-post voting pour décrire ce système. Je traduirais pour ma part ce terme par l'expression « Le premier prend tout ».
     Ce mode de scrutin crée des distorsions très importantes. Comme nous l'avons vu ici, les deux derniers gouvernements ont été élus avec moins de 40 % des voix, mais ont obtenu plus de 50 % des sièges. Lors des dernières élections au Royaume-Uni, l'Écosse a voté à près de 50 % pour le Parti national. Or ce dernier a obtenu 95 % des sièges. Cela cause un petit problème de représentation aux électeurs travaillistes, conservateurs ou libéraux-démocrates écossais. La représentation est également un problème pour nous ici. Je vais surprendre des gens en parlant des électeurs conservateurs dans le centre de Toronto ou même à Montréal.
    Selon vous, comment un mode de scrutin proportionnel pourrait-il corriger la distorsion que subit la volonté exprimée par les électeurs et les électrices? Comment pourrait-on assurer une représentation plus juste et équitable?

[Traduction]

    L'objectif principal de la représentation proportionnelle est d'obtenir des résultats proportionnels afin que les partis, ou des groupes de représentants, représentent à peu près d’égales proportions d’électeurs. Les systèmes de RP diffèrent en termes de proportionnalité. Certains ne sont pas tout à fait proportionnels et font barrage aux petits partis, et ainsi de suite. Les résultats des systèmes de RP montrent qu’il n'y en a pas un qui soit complètement à 100 % proportionnel. Il reste que les systèmes de représentation proportionnelle font beaucoup mieux que le SMUT. Le SMUT provoque des distorsions extrêmes entre le nombre de voix et le nombre de sièges que les partis obtiennent.
     Il y a plusieurs années, j'ai écrit un article intitulé Qui pratique réellement le gouvernement majoritaire? J’examinais les pays pratiquant le SMUT et la RP en comparant le soutien obtenu par les cabinets, les gouvernements et les hauts responsables. Les systèmes de représentation proportionnelle ont tendance à donner des gouvernements qui ont l'appui de la majorité des électeurs, ou d’une presque majorité. Dans les exemples que vous avez mentionnés, dans les pays recourant au SMUT, il n'est pas rare que le parti gagnant remporte les élections avec seulement 30 % à 40 % des voix, résultat qui n’est pas l’expression d’une majorité.

[Français]

     Merci, monsieur Lijphart.
    Parfois, les adversaires des modes de scrutin proportionnel ou proportionnel mixte avancent l'argument selon lequel ces régimes, ces types de démocratie ou ces modes électoraux amèneraient beaucoup d'instabilité politique, des élections à répétition et une certaine inefficacité des gouvernements. Par la suite, ils lancent un mot très chargé, un mot qu'ils projettent comme une bombe, soit le mot« Italie ».
    Que répondriez-vous à ces gens?

[Traduction]

    C'est une bonne question, je pense, car l’argument est fréquemment repris. Il est vrai que les gouvernements des pays à système majoritaire ou pays SMUT ont tendance à être plus stables en ce sens qu’ils durent plus longtemps que ceux des pays à RP. On suppose que ces cabinets plus durables et plus stables réussissent mieux sur le plan des politiques. Mais il se trouve — même si je dois dire que j’ai longtemps été partisan de cet argument — que nous pouvons maintenant examiner les résultats. Nous pouvons voir que ces gouvernements, qui ne durent pas aussi longtemps que certains des gouvernements SMUT, obtiennent de meilleurs résultats. Bien qu'il soit raisonnable de penser que les gouvernements plus stables, ou moins instables, réussissent mieux, les faits montrent que ce n'est pas le cas.

  (1500)  

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Thériault.
    Merci, monsieur le président. Je remercie beaucoup les professeurs Lijphart et Pelletier de leur présentation.
    Je vais d'abord m'adresser au professeur Lijphart. Par la suite, je m'adresserai au professeur Pelletier.
    J'aimerais aborder la question de la démocratie consensuelle.
    On a consulté l'ensemble des régions du Québec. Dans ce cadre, la question principale qui était soulevée par la population n'était pas tant la mécanique électorale — à l'exception de certains initiés et experts — que la manière de faire de la politique. Cela revenait constamment.
    Il y a beaucoup d'irritation relativement à ce que l'on appelle « la ligne de parti ». En quoi un système de représentation proportionnelle mixte compensatoire peut-il davantage favoriser une démocratie consensuelle? Cela pourrait-il être favorisé structurellement? En quoi notre système actuel ne contiendrait pas ou ne pourrait pas contenir cette forme de démocratie consensuelle?

[Traduction]

    Je pense que la RP et les gouvernements de coalition et ces aspects de la démocratie consensuelle fonctionnent mieux parce qu'ils font davantage place à la négociation et au compromis. Par conséquent, il se forge un consensus plus solide. Si vous avez un gouvernement majoritaire, disons un gouvernement unipartite, qui repose sur seulement 30 % à 40 % des suffrages, ce gouvernement est en fait constamment en bute avec le fait d'être une sorte de gouvernement majoritaire illégitime, parce qu'il n’est pas un gouvernement majoritaire. C’est un gouvernement soutenu par une minorité.
    À long terme, je pense qu'il est préférable que le principe de la règle de la majorité soit appliqué dans les démocraties. Il peut sembler ironique ou paradoxal que la représentation proportionnelle offre à la majorité plus de chance de gouverner que ce qu'on appelle les gouvernements majoritaires élus au SMUT, où les gouvernements ne représentent en réalité qu'une importante minorité.

[Français]

     Merci.
    En principe, les gens votent à partir de plateformes électorales, mais que deviennent celles-ci dans un système où la détermination du pouvoir exécutif dépend de tractations qui se font après les élections? Ne s'agit-il pas là d'une distorsion politique face à la volonté de la population?
    Le système actuel au Canada inclut un phénomène que l'on appelle l'alternance politique. Les gens peuvent mettre un gouvernement à la porte. Nous l'avons vécu lors de la dernière élection.
     Dans le cadre d'un gouvernement de coalition, quelle est la valeur des plateformes électorales après 20 ans? Après 20 ou 25 ans, n'a-t-on pas tendance à vouloir former une coalition pour prendre le pouvoir, soit à nier en quelque sorte le pluralisme idéologique?

[Traduction]

    On se plaint à juste titre, je pense, que, dans les systèmes de représentation proportionnelle, où vous avez plusieurs partis et où une coalition de deux ou plusieurs partis devient nécessaire pour former un gouvernement, les différents partis sont amenés à faire des compromis dans les négociations et peuvent ne pas être capables de tenir les promesses qu'ils ont faites dans leurs plates-formes. Je pense que les gens qui négocient sont élus par le peuple. Ils essaient d'être aussi fidèles que possible aux promesses qu'ils ont faites, mais ils sont bien sûr conscients du fait que, comme partis minoritaires, ils doivent parfois faire des concessions.
    Il convient également de souligner que dans les systèmes pluripartites matures — et je pense, par exemple, à l'Allemagne — on sait souvent clairement avant les élections quels sont les partis qui vont travailler ensemble dans un gouvernement. Lors des dernières élections, il était clair pour les électeurs, que voter pour un parti, c’était en fait voter pour sa coalition avec d'autres partis.

  (1505)  

    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à Mme May.
    Professeur Lijphart, tout le monde autour de cette table sait que je respecte énormément votre travail. J’en parle depuis des mois et je vous suis vivement reconnaissante d’être venu, alors, dank je wel.
    Je souhaite vous poser des questions très spécifiques qui me parviennent par Twitter, mais avant de le faire, me souvenant que mes collègues du Parti conservateur demandent généralement à tous les témoins ce qu'ils pensent des référendums, je vous demanderai, pour leur épargner cette peine, si vous avez des idées à ce sujet. Cela revient constamment dans nos discussions en comité.
    Je vis dans l'État de Californie aux États-Unis, terre féconde en référendums. Je perds le compte des référendums qui nous attendent, début novembre, à l'échelon de l'État et à l'échelon local, mais c’est quelque chose comme 20 ou 25. Je suis devenu assez sceptique au sujet des référendums.
    En ce qui concerne la question spécifique de la représentation proportionnelle, permettez-moi de souligner qu’il y a 150 ans, pas un seul pays n’avait la RP. De nombreux pays l’ont adoptée depuis et, évidemment aujourd'hui, la représentation proportionnelle est le système le plus largement utilisé. Il a été adopté sans référendum par la quasi-totalité de ces pays. Il y a quelques exceptions. Dont la Suisse, je crois, mais la Suisse est un pays accroc aux référendums, et presque tout se fait par référendum en Suisse.
    J'ai observé un grand nombre de référendums sur de nombreuses questions différentes, surtout depuis que je vis en Californie cela fait de nombreuses décennies maintenant. Je suis sceptique parce que les résultats des référendums sont souvent très volatils et imprévisibles. S’y mêlent souvent beaucoup d'émotion, de démagogie, et de mensonges purs et simples, et je suis particulièrement consterné par les résultats de référendums comme le récent référendum sur le Brexit en Grande-Bretagne, qui montre les dégâts qu'un référendum peut causer. Je pense que le Brexit a été un désastre pour la Grande-Bretagne. Un désastre pour l'Europe, un désastre pour le monde entier.
    Je suis d’avis que si l'on peut éviter un référendum, s'il vous plaît, évitez-le.
    Dank je wel encore plus. D'accord.
    Je voudrais vous transmettre une question d'un utilisateur de Twitter. Je suis sûr que vous connaissez Twitter en Californie. Nous sommes suivis par la diffusion en direct. Les Canadiens d'un océan à l'autre ont les yeux rivés sur vous. Matt Riser de Halifax demande: « À votre avis, professeur, quel est le résultat statistiquement significatif le plus bénéfique que vous ayez trouvé en corrélation avec la représentation proportionnelle? »
    Les corrélations les plus importantes et les plus fortes, je pense, concernent la qualité de la démocratie. Comme je l'ai dit, j'utilise toute une série d'indicateurs de la qualité de la démocratie. Au regard de chacun d’eux, les systèmes de représentation proportionnelle fonctionnent non seulement un peu mieux, mais beaucoup mieux. Il n'y a simplement aucune comparaison entre PR et SMUT à cet égard.
    Ce qui importe, c'est que ça fonctionne mieux pour un gouvernement efficace, ce qui revient à l'argument qu'on n'a eu de cesse d'invoquer contre le RP. Nombreux seraient les défenseurs du SMUT à dire « C'est vrai, la RP est une formule plus démocratique, mais il y a lieu de se soucier de bien d'autres choses que la qualité de la démocratie, soit de la qualité du gouvernement. » Cependant, nous avons maintenant la preuve que la RP donne de meilleurs résultats dans le cas des gouvernements efficaces. Les systèmes de RP et les démocraties consensuelles donnent lieu à de meilleures politiques.

  (1510)  

    Monsieur Lijphart, après avoir lu votre livre et parcouru vos recherches, je suis frappée par la quantité de travail que représente une déclaration sommaire, comme celle que vous venez de faire. Vous devez avoir eu toute une équipe chargée d’étudier empiriquement les résultats de 36 démocraties sur une période aussi longue que celle que vous avez retenue, à savoir de la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu'à présent.
    Une simple question pragmatique qui me vient à l’esprit. Comment acquiert-on la confiance nécessaire pour dire: « Cela n'est pas une opinion, c’est un fait »?
    Il nous faudra garder la réponse pour une autre occasion. Nous sommes à cinq minutes, mais nous attendons avec impatience la réponse.
    Nous passons maintenant à Mme Romanado.

[Français]

     Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui.

[Traduction]

    Je vais commencer par monsieur Lijphart. Vous avez écrit que la Chambre des représentants des États-Unis est insuffisamment représentative dans trois domaines spécifiques. Le premier est l'élection à la pluralité des voix, ou le scrutin majoritaire uninominal. Le second est la périodicité des élections, en particulier les élections à mi-mandat, et la troisième est la taille de la chambre basse, avec 435 districts représentés au Congrès. À votre avis, le Canada souffre-t-il des mêmes insuffisances, mis à part la périodicité des élections?
    Je vous remercie pour votre question.
    La périodicité des élections est sans aucun doute un facteur important. Les États-Unis feraient beaucoup mieux d’avoir un mandat de quatre ans pour la Chambre des représentants plutôt que des mandats de deux ans. En fait, les mandats de deux ans sont tout à fait exceptionnels dans le monde. Presque tous les pays appliquent des mandats de quatre ou cinq, qui, bien sûr, peuvent être écourtés si le Parlement est dissous.
    La faiblesse du SMUT aux États-Unis tient à son point faible habituel, à savoir qu'il n’est pas représentatif. En fait, dans plusieurs des dernières élections, les démocrates ont remporté un plus grand pourcentage de voix que les républicains, mais en raison de manoeuvres délibérées et de la distribution de la population, les républicains ont remporté la victoire. Qui plus est, si un parti recueille la majorité des voix, il me semble tout à fait anormal qu'il n'obtienne pas la majorité des sièges.
    Aux États-Unis, vient s’ajouter le problème du mécanisme des élections primaires, qui bien sûr visait à rendre le système plus démocratique. Mais les élections primaires ont tendance à renforcer tout spécialement les courants extrêmes dans les deux partis, dans le cas des républicains, celui dit du Tea Party, en particulier.
    Je faisais en fait référence au système canadien, en comparant les deux.
    Je vais passer à une autre question.
    Dans votre mémoire, vous suggérez qu’un système de représentation proportionnelle mixte pourrait convenir pour le Canada. Étant donné que les Canadiens sont très proches de leurs députés, ou souhaiteraient l’être, pensez-vous que la mise en place de ce système à double niveau ou à deux catégories de députés ici au Canada soit susceptible de donner satisfaction aux citoyens?
    Je pense que cette question a été soulevée à l'égard des systèmes allemands et néo-zélandais. Vous avez évidemment deux catégories de députés, ceux qui sont élus dans un district et ceux qui sont élus à partir d'une liste, mais qui, évidemment, vivent aussi dans un district donné. Cela, je pense, est bien connu des électeurs. De toute évidence, il existe des différences entre ces deux catégories. Mais je pense que, dans le cas de l'Allemagne et de la Nouvelle-Zélande, cela n'a pas donné lieu à des types de problèmes où les gens commencent à dire qu'ils devraient changer le système ou revenir à l'ancien. Si l’on estime qu’avec le SRPM, les districts deviennent trop grands, une possibilité consiste à augmenter le nombre de députés, ce qui risque d’être impopulaire à une époque où la classe politique n’est pas très populaire. C'est une solution évidente. Je devrais avoir présent à l’esprit le nombre de députés que vous avez à la Chambre des communes, mais je ne pense pas qu’il soit excessif maintenant.

  (1515)  

    Nous en avons 338, après en avoir ajouté 30 durant la dernière législature, en raison de changements apportés aux associations de circonscription et aux circonscriptions sur la base du dernier recensement. Il y a eu une certaine résistance de la part des Canadiens qui estimaient qu'il y en avait déjà trop. Je ne sais pas, très honnêtement, comment réagiraient les Canadiens à l'idée d'avoir un système proportionnel mixte qui pourrait en fait augmenter le nombre de députés.
     Je garderai mes 10 secondes pour la prochaine fois.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Reid.
    Mes questions seront pour monsieur Lijphart.
     Professeur, dans votre exposé, vous avez constaté que la ventilation en 10 systèmes de scrutin majoritaire uninominal et en 22 systèmes de représentation proportionnelle exagère l'utilisation du système uninominal majoritaire, parce que, comme vous le dites, six de ces dix pays sont très petits comme les Bahamas, la Barbade et le Botswana.
    Je vous soumets respectueusement que, deux de ces pays étant les États-Unis et l’Inde, nous avons les deuxième et troisième États les plus peuplés du monde parmi les utilisateurs du SMUT. Bien que je ne sois pas spécialement partisan du SMUT, je pense que votre ventilation fait passer le SMUT pour un système plus marginal qu’il ne l’est en réalité, puisque les deux démocraties les plus importantes du monde l'utilisent.
    Je veux, cependant, en venir à la question des référendums. Vous traitez les référendums avec beaucoup de dédain. Vous vivez en Californie, dites-vous, et vous n’aimez pas la façon dont les référendums sont menés en Californie. Bien sûr, au Canada, nous ne proposons pas d'avoir des référendums sur des questions multiples en parallèle avec chaque élection, mais plutôt d'avoir, potentiellement, notre quatrième référendum en un peu plus d'un siècle sur la question de la réforme de notre système, c’est donc un peu différent. Je dois dire, cependant, que j’ai vécu dans l'État de Washington pendant un certain temps et je trouve que les électeurs abordaient les référendums assez intelligemment, bien plus qu'ils ne le faisaient pour les élections parallèles qui avaient lieu en même temps.
    Permettez-moi de vous poser cette question concernant le référendum organisé en Suisse en 1919, par lequel ce pays a adopté la représentation proportionnelle. Aurait-ce été un exercice plus légitime si le parlement avait adopté ce changement sans consulter la population lors d'un référendum?
    Évidemment, quand un référendum est organisé et qu’il se dégage une majorité claire, cela apporte une sorte d’imprimatur à la décision. Dans l'ensemble, cependant, les pays qui ont la RP l'ont adoptée sans référendum et, à ce que je sache, cette décision n’a donné lieu à aucune manifestation d'insatisfaction populaire.
    Oui. Dans le cas de l'Allemagne, par exemple, le système proportionnel mixte très admiré a été adopté parce que les pays alliés l’ont imposé au pays à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le peuple allemand n’a pas eu son mot à dire, que ce soit par référendum ou d'autres moyens. Dans le cas de l'Irlande, le système de VUT a été imposé de l'extérieur par les Britanniques quand ils quittaient le pays. Dans le cas de l'Écosse et du Pays de Galles, la RP a été imposée de manière similaire par un processus dont on ne peut dire que les organes représentatifs de ces deux juridictions y ont participé, puisqu’ils n'existaient pas à l'époque.
    Puis-je considérer, alors, qu'un référendum est en fait un moyen au moins aussi légitime d'adopter la représentation proportionnelle ou une méthode parmi d’autres à prendre en considération?
    Dans le cas du Canada, vous parlez d'une décision parlementaire, suivie d'un référendum, cela devient un processus en deux étapes. Je ne dirais certainement pas qu’un référendum est illégitime en soi et l’on peut, je pense, arguer qu'un changement dans le système électoral est donc une décision très importante. Selon moi, le problème des référendums tient à ce que, souvent, d'autres questions finissent par s’imposer. En Australie, par exemple, les référendums sont généralement voués à l'échec parce que les gens y voient simplement une occasion d’exprimer leur mécontentement en général, sans référence à la question spécifique du référendum. Je pense que c’est ce qui est arrivé également dans le cas du Brexit; que les gens n'ont pas toujours réalisé qu'il s’agissait bien de cette question spécifique, mais ont exprimé un mécontentement diffus.

  (1520)  

    Merci beaucoup, professeur.
    Nous allons passer à M. Aldag.
    Au cours des trois dernières semaines, quand je suis retourné dans ma circonscription, j'ai eu un peu de temps pour examiner certains des témoignages que nous avons entendus, et il m'est apparu que nous avons effectivement entendu beaucoup de gens parler très favorablement de la représentation proportionnelle.
    Dans le même temps, j'ai pu rencontrer des électeurs. J'ai fait une réunion en mairie et deux ou trois lors de dîners. Je suis allé frapper aux portes et j'ai participé à des événements communautaires pour demander aux gens ce qu'ils pensaient de la réforme électorale, et nous avons engagé la discussion sur les valeurs qui sont les leurs.
    J'essaie de me représenter comment ce qu'on me dit peut cadrer avec un système de RP, de représentation proportionnelle.
    Monsieur Lijphart, je vais commencer avec vous pour avoir votre avis. Dans leurs témoignages, les experts nous ont surtout montré les bons cotés du système et j'essaye de voir si la représentation proportionnelle aurait aussi son côté obscur. L'un de ces bons côtés se résume à ceci. Quand on parle de ce modèle avec les gens — de cette idée d'avoir cinq ou six députés pour les plus grandes circonscriptions — ce qui ressort des conversations, c'est le lien évident entre une circonscription et son député. Il y a des gens qui me disaient sur le pas de la porte: « John, j'aime le fait que, si votre gouvernement fait quelque chose de bien, je peux venir vous voir et vous le dire; mais, aussi, que si vous foirez, j'aurai quelqu'un à qui m'adresser pour demander des comptes ».
    Quelles réflexions vous inspirent les exemples que vous avez étudiés? Comment ça marche? Comment les électeurs peuvent-ils effectivement demander des comptes à leurs députés au sein de ces grandes circonscriptions qui en ont cinq ou six?
    C'est une bonne proportion. Dans certains systèmes de représentation proportionnelle, comme dans mon pays natal, les Pays-Bas, le pays tout entier est une circonscription. Bien que cela ait bien fonctionné, je ne le recommanderais pas pour les autres pays. Je ne le recommanderais pas pour le Canada.
    Je pense que l'avantage pour les électeurs d'avoir plus d'un seul représentant élu dans une circonscription et des membres de différents partis, c'est qu'ils ont toujours quelqu'un à qui adresser leurs questions ou commentaires sur ce que fait le gouvernement. Si ces électeurs dans le passé n'ont pas voté pour le représentant qui a remporté les élections, maintenant, ils ont l'avantage de pouvoir s'adresser non seulement à un représentant de leur circonscription, mais à un représentant avec qui ils se sentent réellement à l'aise et pour lequel ils ont voté.
    Pour présenter ma question autrement, est-ce que vous trouvez que ce rapport de responsabilité entre ce groupe de députés et leurs électeurs est nettement établi? Les électeurs sont-ils généralement satisfaits? Je demande parce que ce sera nouveau. La représentation proportionnelle est probablement le plus extrême changement que nous puissions apporter, et c'est ce qui préoccupe le plus les gens. C'est le plus grand saut qu'ils aient à faire.
    Quel genre de reddition de compte avez-vous vu qui donne aux gens la confiance que cela fonctionne pour eux?
    Bien sûr, le passage à la représentation proportionnelle dans les pays qui l'ont adoptée s'est fait en général à partir de systèmes uninominaux de circonscription, ça a donc été un grand bond pour l'ensemble de ces pays.
    Pour ce qui est du contact direct avec le représentant, je pense que cela fonctionne aussi bien quand vous avez plusieurs députés représentant la même circonscription, comme je l'ai mentionné auparavant. Un fait peut-être est particulièrement important. Dans les enquêtes d'opinion et les questions, lorsqu'on demandait aux gens de différents pays s'ils étaient satisfaits du système de gouvernement, de leur système démocratique de gouvernement, dans l'ensemble, les gens dans les pays pratiquant la représentation proportionnelle se montraient plus satisfaits de leur gouvernement que dans les pays SMUT.

  (1525)  

    D'accord.
    Ai-je encore une minute?
    Vous avez 30 secondes.
    Si nous manquons de temps, je peux revenir.
    Une autre question qui a été soulevée concerne la géographie unique du Canada. Prenez nos trois territoires du Nord qui représentent plus d'un tiers de la masse terrestre du Canada, et probablement davantage. Nous avons actuellement trois députés du nord, et pour entrer dans cette fourchette de cinq à six députés, il nous faudrait probablement prendre aussi une moitié de la partie nord de nos provinces de l'Ouest. On en arrive à des portions de territoire énormes.
    Dans ma circonscription, une circonscription du sud...
    Je reviendrai là-dessus. On me fait signe du regard ici.
    Vous avez dit ce que vous aviez à dire.
    Monsieur Dubé.

[Français]

     Monsieur le président, je vous remercie de votre accueil et de celui de votre comité. Je suis très heureux de participer à vos travaux.
    Professeurs Lijphart et Pelletier, je suis très heureux d'avoir entendu vos témoignages. Mes questions s'adresseront à vous, professeur Pelletier.
    J'ai trouvé intéressant la réponse que vous avez fournie à une question formulée un peu plus tôt par un collègue. En effet, vous avez parlé d'une réforme digne de ce nom. En tant qu'ancien ministre, vous constatez sûrement l'importance de faire en sorte que les travaux d'un comité comme le nôtre aboutissent à un résultat concret.
    Pour ma part, je crois que tous les travaux qui seront potentiellement effectués ici et au Parlement risquent de ne donner que des changements que j'ose qualifier de cosmétiques. Je crois qu'ils ne seront pas suffisants. Partagez-vous cette opinion?
    Deuxièmement, selon vous, quel devra être le résultat du travail du comité pour que l'on puisse dire que le gouvernement a respecté son engagement de réformer notre système électoral et qu'on en vienne à une réforme qui serait, comme vous l'avez dit, digne de ce nom?
    Je ne connais pas le but précis de votre question, mais au risque de vous décevoir, il ne m'appartient pas de juger du contenu des recommandations que fera éventuellement ce comité, ni de ce que pourrait proposer le gouvernement du Canada. Est-ce que ce sera suffisant ou non? Est-ce que ce sera une réforme majeure ou non? Il est encore trop tôt pour vraiment répondre à ces questions.
    Cela étant dit, lorsque vous changez le mode de scrutin d'une façon significative — ce que l'on entend normalement par le mot « réforme » — , vous changez la culture politique d'un pays. C'est aussi simple que cela. Il ne s'agit pas seulement d'une question de modalités ou d'une question technique, mais c'est aussi une question de culture. C'est précisément une question de valeurs

[Traduction]

parce que choisir un système électoral, c'est choisir les valeurs que nous voulons porter en tant que pays. Quelles sont les valeurs auxquelles nous tenons le plus? Ceci est ponctuel...

[Français]

    Excusez-moi de vous interrompre, mais je ne dispose que de peu de temps. J'aimerais avoir l'occasion d'aborder tous mes sujets.
    Vous parlez de valeurs. C'est un bon point. En fait, vous avez brièvement énuméré les critères du système parlementaire que l'on retrouve dans la tradition de Westminster. Un des éléments importants est la responsabilité du pouvoir exécutif envers le pouvoir législatif. Étant donné que notre mode de scrutin date d'il y a très longtemps — alors qu'il n'y avait que deux partis, que les femmes n'avaient pas le droit de vote et ainsi de suite —, croyez-vous, par exemple, qu'un système proportionnel nous permettrait de mieux répondre au besoin d'avoir un pouvoir exécutif qui fait partie du pouvoir législatif et qui est responsable devant lui et les parlementaires qui le composent?
    Permettez-moi de présenter les choses différemment.
    Je pense qu'on pourrait avoir un système proportionnel mixte tout en ayant un gouvernement qui participe à l'action législative, qui rend des comptes au pouvoir législatif et qui a une légitimité politique qui dépend de l'assemblée. On peut avoir un système où les députés sont choisis à la fois par le vote direct des électeurs dans des circonscriptions et sont également choisis à partir de listes. Vous pourriez avoir un tel système, mais néanmoins, vous pourriez avoir un pouvoir exécutif responsable devant l'assemblée législative. Il n'y a rien d'incompatible dans tout cela.
    Bien sûr.
    Regardons la question du Québec.
    On reconnaît l'importance de la représentation des régions et c'est pour cette raison qu'on appelle cela un « système proportionnel mixte ». Ce processus vous a-t-il permis de tirer certaines leçons, notamment sur la façon par laquelle les membres de ce comité pourraient mieux s'assurer qu'on garde cet élément important même si on tend vers un système plus représentatif quant à la façon dont les citoyens votent lors d'une élection?
    Je ne sais pas de combien de temps je dispose pour vous répondre, mais je pourrais réserver une partie de ma réponse pour d'autres interventions.
    Les régions ont précisément constitué un des facteurs qui ont mené à l'échec de la réforme. À un moment donné, elles ont exprimé leur opposition à la réforme du mode de scrutin croyant que celle-ci allait créer une distance entre l'électeur et l'élu, ce qui aurait été désavantageux pour elles.
    Pourtant, si on considère le fait que des gens, dans certaines circonscriptions, croient pouvoir voter pour le premier ministre, croyez-vous que cette distance existe déjà et que le fait qu'il y ait un système un peu plus stable est plutôt la responsabilité des élus...

  (1530)  

     C'est une bonne question, mais je dois vous interrompre.
    D'accord, monsieur le président. Ce n'est pas un problème.
    La question va demander une réponse approfondie. L'occasion pourrait se présenter à un autre moment.
    Nous allons maintenant passer à M. Richards.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Pelletier, je voudrais vous poser quelques questions. Comme cela a déjà été mentionné, vous avez cette perspective unique de l'expertise universitaire et de l'expérience, mais aussi l'expérience pratique et l'expertise de celui qui a participé au processus politique en tant que député et ministre au Québec. Vous avez eu beaucoup d'occasions d'utiliser votre expertise universitaire et votre expérience, et dans vos remarques liminaires, vous nous avez donné un bon aperçu.
    Je veux me concentrer un peu sur votre expérience pratique du temps où vous étiez ministre, lorsque votre gouvernement a examiné la possibilité de changer le système de vote pour passer à un type de système de RP mixte. Je pense même que dans une plate-forme électorale, il était dit que la province pourrait opter pour un type de système plus proportionnel. Après examen, il a été décidé que le Québec ne s'engagerait pas dans cette direction et, finalement, rien n'a été changé.
    Pourriez-vous me préciser pourquoi cela a été envisagé puis abandonné? Était-ce simplement que le public ne soutenait pas assez ce type de changement? Pourquoi n'a-t-il pas été adopté?
    Oui, différents facteurs sont entrés en jeu.

[Français]

    D'abord, la volonté populaire a été renversée à trois reprises dans l'histoire du Québec. En 1944, le Parti libéral du Québec a obtenu plus de votes que l'Union nationale, mais cette dernière a obtenu plus de sièges. En 1966, la même chose s'est produite. Enfin, en 1998, le Parti libéral du Québec a obtenu plus de votes que le Parti québécois, mais ce dernier a obtenu davantage de sièges. Ces trois renversements de la volonté populaire ont suscité une sérieuse remise en question du système majoritaire uninominal à un tour.
    C'est en somme ce qui a amené notre gouvernement, après avoir été élu en 2003, à envisager une réforme du mode du scrutin et à suggérer un système proportionnel mixte avec une double candidature.
    La double candidature implique qu'une personne peut à la fois être candidate dans une circonscription et voir son nom figurer sur la liste d'un parti politique. À ce moment-là, j'ai commencé à expliquer à la population et aux parlementaires que cela impliquait qu'il y aurait deux classes différentes de députés.

[Traduction]

    Je pense que les gens ont dit: « Eh bien, nous ne savions pas que cela irait si loin, et nous ne sommes pas sûrs de ce que cela voudrait dire, et nous ne sommes pas sûrs d'être en faveur de cela. »
    Je pense que la plupart des gens étaient en faveur d'une réforme, mais quand j'ai donné des détails sur cette réforme, ça a commencé à s'effilocher. Les groupes d'intérêt qui étaient particulièrement en faveur d'une réforme, à la fin, n'ont pas appuyé le gouvernement parce que la formule que nous avancions, ou le type de réforme que nous proposions, n'était pas leur formule ou la formule qu'ils avaient en tête.
    Comme ils n'avaient pas le type de réforme qu'ils avaient à l'esprit, ils ont décidé, au lieu de soutenir le gouvernement pour une autre formule, de ne pas soutenir la réforme et d'attendre une réforme qui s'adapte à leur formule à l'avenir.

  (1535)  

    Oui, on dirait qu'un effort à été fait, mais le soutien manquait pour la décision. Il existe différentes manières d'envisager la chose. Nous avons fait valoir qu'il est important d'avoir un référendum pour essayer de déterminer s'il y a un soutien pour aller de l'avant. Votre gouvernement a pris la décision de ne pas aller de l'avant, sachant que le soutien faisait défaut. C'est quelque chose que vous avez déterminé à ce moment-là.
    Diriez-vous que ce type de système continue de susciter les mêmes sentiments au Québec? Quel appui, selon vous, recevrait aujourd'hui une réforme de ce type au Québec?
    Nous pourrions peut-être revenir à cela. Vous aurez une autre occasion de poser une question dans le deuxième tour, et nous pourrons entendre la réponse à ce moment-là.
    Madame Sahota.
    Merci, madame et messieurs, d'être ici aujourd'hui.
    Quand je pense à toutes les réunions que nous avons eues, cela a été tout à fait fascinant. Je pense à ce que ce comité a été chargé d'examiner, les facteurs d'équité et d'inclusion. Mes collègues et moi avons parlé de la participation des électeurs, du lien entre un système électoral et la satisfaction. Mais selon certains experts la satisfaction des électeurs est chose difficile à déchiffrer.
    J'étais en train d'examiner une liste en ligne il y a un petit moment quand mon collègue d'en face a fait remarquer que l'Inde est une grande démocratie. Je regardais la participation aux élections de l'Inde, qui semble avoir été beaucoup plus élevée qu'ici à l'occasion de certaines de leurs récentes élections, puis j'ai remarqué que le Kenya est un pays qui a un taux de participation de 85 % environ. Et en regardant ça, je pensais que ces pays ont des systèmes SMUT, ce qui ne les empêche pas d'avoir un taux de participation assez élevé. Ainsi pouvons-nous vraiment dire que c'est la raison pour laquelle nous ne disposons pas d'un fort taux de participation et qu'en changeant notre système électoral nous résoudrons du même coup ce problème?
    Puis-je dire quelque chose, monsieur le président?
    Oui.
    Je peux vous dire que, dans le cas du Québec, quand nous avons commencé, nous avions différentes études montrant que la réforme électorale ne changerait pas la participation aux élections. Ce n'était pas quelque chose que nous pouvions tenir pour acquis. En d'autres termes, le taux de participation resterait pratiquement inchangé. Si nous devions changer notre système électoral, ce serait afin de promouvoir d'autres valeurs, telles que la participation des petits partis, l'expression de la diversité à la Chambre, et ainsi de suite. Mais d'après les études, du moins, il n'y aurait pas de changement majeur dans la participation.
    Monsieur Lijphart, voulez-vous répondre à cette question aussi?
    Oui, avec plaisir.
    Dans mon étude, je trouve une corrélation positive entre taux de participation d'une part et démocratie consensuelle et proportionnalité de l'autre. Si vous examinez un grand nombre de pays, il est évident que vous pouvez trouver des cas individuels de taux de participation élevé dans les pays SMUT, et peut-être des cas de taux de participation relativement faibles dans les démocraties de consensus, mais quand on examine l'ensemble des pays, la corrélation est très claire et montre que les pays de RP ont des taux de participation plus élevés que les pays à SMUT.
    Il y a deux raisons pour cela — des raisons logiques auxquelles on s'attend. La première est que la RP donne aux électeurs plus de choix, donc si un électeur aime un petit parti, il est plus susceptible d'aller voter pour ce petit parti, alors qu'il n'ira peut-être pas voter quand, en fait, le candidat de ce petit parti n'a tout simplement aucune chance. La deuxième raison, c'est que si vous avez le SMUT, vous avez un certain nombre de circonscriptions qui sont sûres pour un parti ou un autre, et dans ce cas, le parti qui est désavantagé dans une de ces circonscriptions risque de ne pas faire beaucoup d'efforts dans la circonscription en question.

  (1540)  

    Puis-je demander si aux Pays-Bas le vote est obligatoire? Ça ne me revient pas sur le moment. C'est le cas en Australie, je sais.
    Oui.
    Le vote obligatoire est également corrélé avec un taux de participation plus élevé, et j'ai pas mal écrit sur le recours au vote obligatoire. Je pense que c'est une bonne chose. Relativement peu de pays l'utilisent. Il est intéressant de noter qu'un pays anglophone, à savoir l'Australie et un pays non anglophone, la Belgique, l'utilisent tous deux. Mais ils sont en minorité, donc je ne vais pas prononcer un plaidoyer en faveur du vote obligatoire. La seule chose que je voudrais dire à ce sujet est que le terme anglais « vote obligatoire » est très...
    Donc, pour les pays qui pratiquent une forme de RP et qui n'ont pas le vote obligatoire, pouvez-vous me donner un exemple d'un couple de pays et leur taux de participation électorale, à peu près?
    Je pense que dans les pays de représentation proportionnelle, le taux de participation a tendance à se situer entre 70 et 80 %, et dans les pays SMUT — je ne connais pas les chiffres pour le Canada — c'est plutôt de l'ordre de 60 %. L'aspect normatif du vote obligatoire est, bien sûr, que l'on ne peut imposer aucune contrainte de voter, même quand les électeurs doivent, entre guillemets, « voter »...

[Français]

     Je vous remercie.

[Traduction]

    ... ils peuvent évidemment déposer un bulletin blanc ou annuler leur bulletin.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    On peut dire aux gens qu'ils doivent aller voter, mais ils ne sont pas tenus de voter.
    Nous allons devoir passer à M. DeCourcey maintenant pour commencer le deuxième tour.
    Merci encore, monsieur le président.

[Français]

    Je voudrais revenir à un aspect dont on a parlé plus tôt.
    Si on change notre système électoral, on change possiblement ou nécessairement la culture politique. J'aimerais approfondir ce sujet un peu plus.
     Professeur Pelletier, comment devrait-on selon vous présenter cette réalité aux Canadiens dans le cadre de notre tournée dans les régions du pays et dans le cadre des assemblées que nous allons tenir avec les citoyens? Devrions-nous leur demander quel système ils voudraient ou leur présenter tous les systèmes et leur demander de choisir celui qu'ils préfèrent? Devrait-on leur demander quelles sont les valeurs qu'ils aimeraient voir être reflétées dans le système électoral ou dans le système de gouvernance?
    Je pense que la principale question devrait porter sur les valeurs que les gens veulent promouvoir. Par la suite, le choix de ces valeurs peut conduire à différents modes de scrutin qui vont peut-être pouvoir les intéresser. Ce comité doit faire preuve d'une grande ouverture, mais le gouvernement lui-même devra selon moi opter pour un système en particulier. Ce qui a probablement fait défaut en Colombie-Britannique et en Ontario est le fait que

[Traduction]

Le gouvernement n'est pas à l'origine de la proposition. Si un gouvernement est derrière quelque chose, et tente d'expliquer quelque chose, il peut convaincre plus de gens d'aller de l'avant avec une telle réforme.

[Français]

    Selon moi, les valeurs sont importantes. Dans le cas qui nous concerne, il faut expliquer très honnêtement quels sont les différents systèmes étant donné que chacun d'eux a ses forces et ses faiblesses.
     En même temps, le gouvernement aura selon moi un choix à faire. Une ministre sera vraisemblablement la porteuse du ballon à cet égard. Le fait d'avoir une ministre qui porte le ballon et un gouvernement qui défend un point de vue est quelque chose qui est selon moi assez fort dans notre système démocratique.

[Traduction]

    Après avoir demandé aux Canadiens quelle valeur ils veulent voir se refléter dans ce système et dans leur style de gouvernance, et après avoir choisi un système qui vise à refléter au mieux ces valeurs, il y aura encore des défis à surmonter lors de la mise en vigueur du système et pour familiariser les Canadiens avec ce système. Vous avez mentionné quelques-unes des considérations constitutionnelles en jeu. Quels pourraient être les deux ou trois défis auxquels, selon vous, nous devrions nous préparer à travailler pour les surmonter, et sensibiliser les Canadiens, dans le cadre de notre examen et de notre recherche d'un système de rechange?

  (1545)  

[Français]

    Je peux vous dire que, dans le cas du Québec, la superficie des circonscriptions électorales a été un facteur qui a joué pour beaucoup de gens. En effet, l'idée d'augmenter la superficie des circonscriptions électorales déjà existantes a déplu à de nombreux citoyens qui ont craint d'avoir un contact moins direct et moins fréquent avec leur député. Le côté positif de tout cela est que cela démontrait l'attachement qu'avaient les citoyens envers leurs députés. C'était un facteur extrêmement important.
    De plus, lorsque l'on parle d'un mode de scrutin proportionnel mixte, il y a un choix à faire. Y aura-t-il une compensation régionale ou une compensation nationale? Cet aspect doit être bien expliqué à la population. Il faut également que les gens sachent que le fait d'avoir deux classes de députés existe dans d'autres pays et que les députés en question ont trouvé une façon harmonieuse de travailler ensemble. J'en parlais à mes propres collègues.

[Traduction]

Je disais à un de mes collègues, par exemple, un député, un membre de l'Assemblée nationale du Québec,

[Français]

qu'il y aurait la double candidature.

[Traduction]

    Est-ce que cela veut dire que la personne que j'aurais battue dans la circonscription deviendrait un député choisi dans la liste? J'imagine.
    Ce n'est pas acceptable.

[Français]

    Ce que vous dites est intéressant.

[Traduction]

    Si je bats quelqu'un, l'électorat a parlé. Je rejette l'idée que cette personne puisse devenir député provincial ou fédéral par un autre biais.

[Français]

    Je vous remercie.
    Nous retournons maintenant à M. Deltell.
    Merci, monsieur le président.
    Professeur Pelletier, votre propos est fort intéressant. Je vais revenir à vous dans quelques instants mais, pour le moment, j'aimerais poser une question au professeur Lijphart.

[Traduction]

    Monsieur, vous avez dit plus tôt qu'au Canada, nous nous inspirerons de l'expérience de la Nouvelle-Zélande, parce que nous sommes issus du même processus. Nous sommes nés sous le gouvernement britannique, dans le cadre du Commonwealth, et que les Néo-Zélandais ont fait un changement. Cependant, il faut aussi reconnaître qu'en Nouvelle-Zélande, il a fallu plus de 10 ans avant de migrer vers un nouveau système: il a fallu trois élections, 18 mois d'une commission de la Couronne, et trois référendums. Ne pensez-vous pas que nous devrions nous inspirer de l'expérience de la Nouvelle-Zélande en termes de processus, et pas seulement de résultat?
    Je pense que l'expérience de la Nouvelle-Zélande est extrêmement intéressante. Dans le cas de la Nouvelle-Zélande, cela s'est fait en dépit de l'opposition des deux principaux partis qui avaient été les bénéficiaires du système SMUT précédent. À certains égards, on peut dire qu'en Nouvelle-Zélande, cela s'est fait par accident. En fait, les deux principaux partis ont essayé de faire échouer le passage à la RP, et il n'a réussi que parce qu'il y avait un fort mouvement populaire qui exigeait un référendum. À contrecoeur, le parti au pouvoir a permis ce référendum, mais il essayait encore de le structurer de manière que le résultat puisse être la défaite de la RP. Comme vous l'avez dit, il y avait trois référendums, l'un portant sur le choix de la méthode de rechange à retenir. Le gagnant de celle-ci a été placé contre le système SMUT.
    La raison pour laquelle il a fallu si longtemps en Nouvelle-Zélande, c'est que l'establishment politique était contre. Je pense qu'une meilleure façon de faire serait que les représentants du peuple au sein des parlements, comme dans votre Chambre des communes, en discutent sans avoir à le faire passer contre la volonté des principaux acteurs traditionnels.

  (1550)  

    Ce que vous dites est intéressant, monsieur. Vous dites que ce n'est pas l'élite politique qui a le dernier mot, mais la population. Est-ce la voie que nous devrions suivre?
    Dans le cas de la Nouvelle-Zélande, l'élite politique a essayé de stopper le changement que je considérais comme souhaitable. J'espère qu'au Canada l'élite politique est plus large d'esprit, qu'elle permettra une discussion sérieuse, et conclura que la RP est la meilleure option.
    La meilleure façon de savoir ce que les gens veulent est d'avoir un référendum, n'est-ce pas?
    Si je comprends bien, dans le cas du Canada, lors des dernières élections un changement dans le système électoral faisait partie de la campagne. Je pense que le parti qui y était favorable a remporté la majorité. Je pense que M. Trudeau, bien sûr...
    Oh, oui, bien sûr, monsieur. Voici le programme du parti gouvernemental que je vous montre. Sur ses 97 pages, il n'y a que trois phrases sur cette question. Vous ne pensez pas que cela soit important?
    Oh, je ne peux pas...
    Je pense que oui, pas vous?
    ... c'est trop important, mais je vous remercie.

[Français]

    Merci.
    Monsieur Pelletier, il ne nous reste que quelques instants.
    Je veux revenir sur l'expérience de la Nouvelle-Zélande. C'est un pays où il a fallu 11 ans, deux référendums et, par la suite, un troisième pour confirmer le tout. On parle dans ce cas-ci de trois élections. Comme l'a si bien dit le professeur Lijphart, les élites politiques ne voulaient rien entendre, mais c'est la population qui a finalement eu le dernier mot. Cela a nécessité plus de 10 ans.
     L'actuel directeur général des élections du Canada et son prédécesseur nous ont dit ici qu'il faudrait au minimum deux ans de travaux pour réaliser quelque changement que ce soit. Pensez-vous qu'il est raisonnable et réaliste de vouloir effectuer un changement électoral majeur d'ici la prochaine élection, alors qu'au cours des mois qu'il nous reste, nous allons devoir prendre une décision, tenir un débat public à cet égard et amorcer le changement?
     Il ne reste que 15 secondes.
    Monsieur Deltell, je ne le sais pas. Je ne suis pas en mesure de vous dire si cette proposition est réaliste ou non.
    Merci.
    Nous revenons maintenant à M. Boulerice.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poser une autre question au professeur Lijphart avant de passer au professeur Pelletier.
    Je pense qu'il est de plus en plus clair que les systèmes proportionnels sont plus représentatifs, stables et efficaces. Ils favorisent le dialogue entre les partis politiques étant donné que ceux-ci doivent travailler ensemble. En outre, ils donnent de meilleures politiques publiques que les gouvernements évoluant dans un système du type « Le premier prend tout ».
    Par contre, il semble y avoir une réticence ou un doute chez certaines personnes en ce qui a trait aux deux types de députés, soit ceux élus localement et directement, et ceux élus par l'entremise de listes.
    Pourriez-vous nous expliquer comment les choses se passent dans les nombreux pays qui fonctionnent de cette façon depuis des décennies et nous dire comment les électeurs perçoivent ces deux types de députés, qui sont élus en vertu de modes un peu différentes?

[Traduction]

    Selon moi, avec le SRPM... Bien sûr, si vous avez le VUT vous n'avez pas ça, et je pense que le VUT est une option raisonnable pour le Canada, ou tout autre pays aussi.
    Avec le SRPM, c'est un fait, et je ne le considérerais pas comme un problème, que vous avez deux ensembles différents de législateurs. Dans la pratique, en Allemagne et pour un temps plus court en Nouvelle-Zélande, cela n'a pas causé de gros problème. Un parti essaie toujours de mettre les gens sur la liste de manière que la liste soit géographiquement dispersée, et donc dans de nombreux cas, dans un district particulier ou une circonscription, comme vous l'appelez au Canada, vous aurez en fait deux représentants de cette circonscription, un élu par la circonscription et un élu à partir d'une liste. Ils peuvent fort bien représenter deux partis différents, de sorte que les gens peuvent se sentir à l'aise avec au moins un de ces représentants. Cela dépend, bien sûr, de la façon dont les parties gèrent le processus d'élaboration de la liste, mais je pense que, dans l'ensemble, c'est de cette façon que les partis ont essayé de le faire en Allemagne et en Nouvelle-Zélande.

  (1555)  

[Français]

    Merci, professeur Lijphart.
    Professeur Pelletier, dans le cadre du processus qui s'est déroulé au Québec et à l'Assemblée nationale, on a finalement proposé un système proportionnel mixte. Si je me souviens bien, on parlait de 77 députés qui seraient élus selon le système qu'on connaît maintenant et d'une compensation d'une cinquantaine de députés. Il ne fallait pas ajouter un grand nombre de députés pour que le système fonctionne. On parlait simplement de deux.
    Or, certaines personnes craignaient qu'un candidat ou une candidate puisse pratiquement s'assurer du succès de son élection en faisant partie des deux systèmes. Pourriez-vous me dire la raison pour laquelle on avait choisi le système proportionnel mixte et si on aurait pu éviter d'importants problèmes en empêchant les candidats de tenter leur chance en vertu des deux modalités?
    Le gouvernement du Québec avait voulu composer avec divers facteurs. L'un d'eux était la représentation régionale. Cela a amené le gouvernement à choisir la compensation régionale plutôt que la compensation provinciale.
    Le deuxième facteur dont a tenu compte le gouvernement est qu'il voulait un système relativement simple. L'électeur ne votait donc qu'une seule fois, mais le vote était en quelque sorte répercuté sur la liste selon un système permettant de calculer le nombre total de votes d'un parti politique dans un district électoral. On divisait cela par le nombre de sièges obtenus, plus un. Chaque fois, on répartissait les sièges restants. On avait en effet calculé qu'il y aurait environ trois députés de circonscription pour deux députés appartenant à une liste dans un même district électoral. On répartissait les sièges de la liste en fonction du calcul dont je viens de vous parler.
     La double candidature semblait à priori être la règle un peu partout. Si je ne m'abuse, en 2006, j'ai fait une déclaration ministérielle qui mettait un terme au processus. J'avais cependant demandé au directeur général des élections du Québec de produire un rapport, ce qu'il a fait en 2007. À ce moment-là, j'ai ouvert la porte à la possibilité qu'il y ait deux votes, c'est-à-dire un vote pour le député de circonscription et un autre pour la liste. Je trouvais que cette façon de procéder était plus juste pour les petits partis.
     Je vous remercie.
    De plus, on pouvait moins nous accuser d'avoir élaboré un système électoral qui nous favorisait.
    Nous avons atteint la limite du temps qui était alloué aux questions de la part de M. Boulerice.
    Nous passons maintenant à M. Thériault.
    Monsieur le président, je vais partager mon temps de parole avec M. Ste-Marie. Je lui cède la parole
    Vous me l'aviez dit au début.
    Monsieur Ste-Marie, vous avez la parole.
    Messieurs les professeurs et chers collègues, bonjour.
    Ma question s'adresse à vous, monsieur Pelletier. Elle porte sur le principe du fédéralisme que vous avez brièvement expliqué plus tôt.
    Si j'ai bien compris, sur le plan constitutionnel, la protection des minorités passe par le principe de la proportionnalité au chapitre des provinces. Croyez-vous que si on adoptait un mode de scrutin proportionnel mixte contenant des listes, ce système ne pourrait pas être pancanadien et devrait fonctionner par province pour demeurer constitutionnel?
    Je n'ai pas réfléchi aux modalités de ce que voudrait dire un système national de listes, mais il pourrait y avoir une liste nationale et une redistribution régionale. Cela veut dire que dans le cas qui nous occupe, il y aurait une redistribution provinciale qui devrait respecter le principe de la représentation proportionnelle.
    Je suis en train de dire que les États-Unis ont un système politique complètement différent du nôtre tout en étant une fédération. C'est la même chose pour la Russie. Le fait d'être une fédération ne constitue pas un obstacle à une réforme du mode de scrutin. Les obstacles sont ceux dont j'ai parlé lors de ma présentation. Ce sont des limites ou des paramètres plutôt que des obstacles à la réforme du mode de scrutin.
    Je vais poursuivre mon propos à cet égard.
    Professeur Pelletier, je voulais vous remercier pour cette remarquable analyse.
    Nous parlerons un peu plus tard de l'arrêt dans la cause Figueroa . Je vais essayer de poser des questions en rafale s'il m'est possible de le faire. Mes collègues savent que cela est difficile pour moi.
    L'équité est une valeur qui caractérise l'arrêt dans la cause Figueroa, notamment en matière de financement des partis politiques. L'équité caractérise aussi cette volonté de réforme. Ne pensez-vous pas qu'en même temps que nous sommes en train de réformer la loi et s'il faut qu'il y ait une élection avec un mode de scrutin différent, il faudrait rétablir le financement par l'État des partis politiques pour permettre la pluralité idéologique sur la ligne de départ lors du prochain scrutin?

  (1600)  

    Oui.
     Au Québec, nous avions un projet de réforme du mode de scrutin et nous voulions aussi changer la loi électorale. J'ai toujours cru que le financement en bonne partie par l'État était quelque chose de valable pour une société. Cependant, le financement par l'État ne doit peut-être pas être complet parce que la participation populaire me semble être un principe important.
     Cela dit, vous avez parlé précédemment de l’arrêt dans la cause Figueroa. Dans cette cause, aux paragraphes 167 et 168, le juge Lebel parle beaucoup de régionalisme et de représentation régionale. Certaines personnes pourraient croire que le principe de la représentation régionale devient un obstacle à une réforme électorale. À mon avis, ce n'est pas le cas dans la mesure où chaque province est bien représentée et que le principe de la représentation proportionnelle est respecté.
    Je vous ferai remarquer ce qui suit. La Cour suprême du Canada a dit, dans son renvoi sur la Chambre haute en 1979 et dans son renvoi sur le Sénat en 2014, que le Sénat avait pour fonction d'exprimer la voix des régions. Or les sénateurs ne sont pas élus. Cela veut dire que l'on peut très bien avoir une chambre composée de personnes non élues tout en respectant l'idée qu'il y ait une voix pour les régions et qu'il y ait un respect du principe du régionalisme. Le même principe s'appliquerait pour une réforme du mode de scrutin.
    On pourrait en reparler. Je voulais poser cette question, mais vous y avez répondu vous-même.
     Nous avons vécu les écueils du processus. J'interviens ici en me basant sur l'expérience que nous avons vécue et sans gommer les écueils. Dans le cadre du processus actuel, certains experts nous ont dit que la démocratie représentative nous permettait d'aller de l'avant. On nous a dit que parce que c'est un dossier complexe, on pouvait passer par-dessus la volonté de la population pour établir les avantages et les différents modes de scrutin.
    Ne pensez-vous pas que les travaux de ce comité ne devraient pas être précipités et qu'ils devraient peut-être aboutir à un avant-projet de loi qui permettrait une consultation beaucoup plus spécifique pour aller chercher l'accord des citoyens du Québec, notamment...
     La question est vaste. Je ne sais pas, monsieur Pelletier, si vous pourriez y répondre par un oui ou par un non.
    Non.
    Je vous remercie.
    Madame May, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je vais reprendre mes questions là où je me suis arrêtée avec M. Lijphart, parce qu’à l’instar de mes collègues, je pense que nous avons entendu l’avis de nombreux experts, et voilà une étude portant sur 36 pays dans laquelle, si j'ai bien compris, vous affirmez que ce sont là des données factuelles, que ces connaissances sont fondées sur un raisonnement empirique. Combien de chercheurs ont conclu que la démocratie repose sur un modèle tel que la réforme du système électoral fera entrer le Canada dans les rangs des pays qui jouissent d’un gouvernement plus stable, d’une démocratie de meilleure qualité, d’un meilleur rendement macroéconomique et d’une meilleure protection de l’environnement, et en êtes-vous sûr vous-même? Ce sont là des indicateurs appliqués dans vos recherches.
    Il est évident que je ne suis pas en mesure de prédire avec précision les conséquences éventuelles de l’adoption, par le Canada, de la RP. Par ailleurs, mes conclusions sont fondées sur des données factuelles qui sont incontestables. Personne ne peut offrir de garantie totale, mais je suis pas mal sûr que, pour le Canada, il serait bon de faire passer le système électoral à une forme de représentation proportionnelle. Comme je l’ai dit, je n’ai pas de préférence marquée pour un mode de scrutin en particulier. Il y a des modes de scrutin qui, à mon avis, ont plus de chances d’être adoptés au Canada, mais je suis pas mal sûr que ce serait bon pour le Canada.

  (1605)  

    Je vais maintenant vous poser une question transmise par Twitter. Elle vient d’une des organisations bien connues au Canada, qui favorise la RP; je soupçonne donc que cette organisation, soit Fair Vote Canada, ou Représentation équitable Canada, connaît déjà la réponse à cette question, mais qu’elle souhaite apprendre de votre part comment ça se passe pour les femmes dans les pays qui offrent la RP. Je pense que ce qu’elle veut savoir, c’est le nombre de femmes élues dans ces pays.
    Nous avons bien sûr des chiffres très fiables à ce sujet. La proportionnalité de la représentation, soit le degré de démocratie consensuelle dans ces pays présente une forte corrélation avec le nombre de femmes élues au Parlement, avec le nombre de femmes nommées au Cabinet et aussi avec les mesures générales adoptées par les Nations Unies pour lutter contre l’inégalité des sexes. En fait, les droits des femmes ont tendance à être meilleurs en général dans les démocraties consensuelles.
    Merci.
    J’aimerais connaître votre position sur la question suivante: je vous lance une question que vous n’avez pas eu le temps d’examiner; notre ancien directeur général des élections, M. Jean-Pierre Kingsley, s’est interrogé devant le Comité sur la possibilité de regrouper les circonscriptions là où la densité démographique s’y prête et de laisser telles les plus grosses, comme dans les territoires. Ce serait un système hybride, même si l’idée de laisser le système majoritaire uninominal à un tour en place pour quiconque ne me plaît pas.
    Avez-vous connu des pays qui ont adopté à la fois la RP et un autre mode de scrutin pour tenir compte de ce genre de différences régionales?
    Je crois que l’Irlande pourrait nous servir d'exemple, car le nombre de députés par circonscription électorale varie de trois à cinq, de sorte que certaines circonscriptions ressemblent plutôt à des circonscriptions uninominales. Je n’ai pas l’information sous la main et il me faudra fouiller dans mes dossiers, mais je pense qu’en Suisse aussi, la majorité des cantons élit ses députés selon le mode de la représentation proportionnelle, mais qu’un petit nombre, un très petit nombre de cantons n’ont qu’un seul député. Si vous avez un seul député, vous devez nécessairement appliquer un scrutin majoritaire, mais pas nécessairement le SMUT. Vous pouvez utiliser le vote alternatif, lequel fonctionne également en tenant compte des préférences des électeurs. C’est ce que je recommanderais s’il était impossible d’avoir des circonscriptions plurinominales et que vous aviez besoin d’un petit nombre de circonscriptions uninominales, c’est-à-dire que, si vous adoptez le vote unique transférable, ou VUT, lequel est un système préférentiel, vous devriez utiliser le même système dans cette circonscription uninominale, ce à quoi correspond le vote alternatif.
    Nous allons passer à Mme Romanado.
    Je vous remercie beaucoup.

[Français]

     Ma prochaine question s'adresse au professeur Pelletier.
    Plus tôt, vous avez mentionné l'importance d'informer les gens. Dans le cadre de l'exercice qui s'est déroulé au Québec, aussitôt que les gens apprenaient qu'il y aurait deux types de députés, ils disaient qu'ils n'étaient pas d'accord. Nous avons entendu d'autres témoins souligner l'importance d'informer les Canadiens sur notre système actuel et sur ceux que nous allons considérer.
    Par ailleurs, d'autres témoins ont dit que les Canadiens

[Traduction]

ne veulent pas « regarder sous le capot ».

[Français]

    En définitive, selon vous, quelle est l'importance d'informer les gens sur les aspects positifs de tous les systèmes électoraux ainsi que sur les idées qui ne semblent pas très bonnes, comme celle qui consiste à avoir deux types de députés?
    Effectivement, le grand défi est celui de la franchise. En même temps, les mentalités changent beaucoup.
    Un peu plus tôt, on m'a demandé si les Québécois réagiraient aujourd'hui de la même façon par rapport à la proposition que le gouvernement du Québec a faite en 2006 concernant un mode de scrutin proportionnel mixte. Aujourd'hui, dix ans plus tard, je pense qu'il y aurait plus d'ouverture à cet égard. Dans le cadre d'un tel exercice, il faut faire confiance à la population. Si elle n'est pas prête, elle le fera savoir. Elle sera peut-être prête ultérieurement.
    Le gouvernement a un rôle majeur à jouer à ce sujet. Un peu plus tôt, j'ai dit que je croyais que le gouvernement devait prendre position, mais qu'il devrait également expliquer sa position avec franchise.

  (1610)  

    Certaines personnes ont dit qu'un changement du système électoral n'affecterait pas le taux de participation aux élections. Lors de la dernière élection, il y a eu une augmentation significative du taux de participation des jeunes Canadiens.
    Après avoir entendu des suggestions de la part d'autres témoins, quelle serait selon vous la meilleure façon d'encourager les jeunes Canadiens à s'impliquer dans la démocratie, non seulement en allant voter, mais également en se portant candidats?
    D'abord, je vous disais qu'il s'agissait des études dont on disposait en tant que gouvernement qui nous indiquaient qu'il n'y aurait pas de réel changement en ce qui concerne la participation électorale. Toutefois, comme moi, vous avez entendu le professeur Lijphart dire qu'à son avis, cela aurait une influence sur le vote. En somme, deux opinions différentes ont été exprimées. En ce qui me concerne, je parle des études dont nous disposions au gouvernement du Québec.
    Ce qui est très clair selon moi, c'est que la population doit être invitée à participer au débat. L'idée avancée à propos de tenir des town hall meetings est excellente. Il faut que les gens prennent la parole. Idéalement, ils en viendraient à en parler entre eux. Ce serait la meilleure façon d'inciter la population à participer davantage à l'ensemble du processus démocratique.
    Cela dit, nous avions également envisagé, comme gouvernement, d'exiger que les femmes figurent sur la moitié des listes établies par les formations politiques. Nous avions également pensé à des mécanismes afin d'inciter les partis politiques à faire élire davantage de femmes et de gens issus des communautés culturelles, tels que des remboursements de dépenses électorales et du financement additionnel.
    D'ailleurs, soit dit en passant, tout cela pourrait être fait même dans le cadre du système actuel sauf dans le cas des personnes au haut des listes. Effectivement, même sous le système majoritaire uninominal à un tour, il pourrait y avoir des mesures incitatives à l'égard des partis politiques afin qu'ils fassent élire plus de femmes et de gens issus des minorités culturelles.

[Traduction]

    Merci.

[Français]

     Un gouvernement qui veut véritablement encourager la population à créer un nouveau débat et à y participer a tout l'espace public voulu pour le faire à l'heure actuelle.

[Traduction]

    Merci.
    Nous passons à M. Reid.
    Mes questions s’adressent encore une fois à M. Lijphart.
    Monsieur Lijphart, je confirme le contenu de votre réponse à la question de Mme May concernant le mode d’application de la proportionnalité, ou, comme ça s’appelle en Suisse, la Proporzdemokratie, dans les cantons. Le plus gros canton, bien sûr, c’est celui de Zurich. Il compte un grand nombre de députés élus selon le principe de la proportionnalité absolue. J’ai eu la chance de me trouver dans le plus petit canton, l’Appenzell Innerrhoden, un demi-canton, au début des années 2000, au moment d’une élection. La façon de faire, là-bas, consiste à élire un seul député par mise aux voix dans ce qu’ils appellent une Landsgemeinde, soit la même assemblée de citoyens qui met les lois au vote.
    Je voulais cependant vous demander si, après réflexion, il est sage, comme vous l’avez laissé entendre au début, d’envisager, dans un pays au territoire aussi vaste que le Canada, de mélanger le vote préférentiel et la représentation proportionnelle. On s’est demandé si on pouvait se permettre d’avoir des circonscriptions plurinominales dans les très grandes régions rurales du pays, et vous avez laissé entendre que nous pourrions avoir des circonscriptions uninominales avec vote préférentiel dans ces régions du pays, et, par ailleurs, des circonscriptions plurinominales dans les villes.
    Une organisation canadienne a récemment suggéré de régler ce problème en ayant des circonscriptions uninominales dans les régions rurales éloignées et des circonscriptions plurinominales dans les villes, et ensuite en adoptant en gros un mode de représentation complémentaire, un scrutin de liste, en fait, dans les régions rurales du pays pour compenser, obtenant ainsi, en réalité, pour employer sa formule, les avantages d’une représentation proportionnelle mixte. En passant, c’est ce que propose Représentation équitable Canada.
    Je me demande ce que vous pensez de cette solution au problème des régions rurales éloignées, qui semble exiger des circonscriptions uninominales.

  (1615)  

    Si je vous ai bien compris, vous envisagez toujours le scrutin proportionnel mixte pour les circonscriptions rurales parce que le complément serait assuré par un scrutin de liste.
    En effet.
    Je crois que cela pourrait plutôt bien fonctionner. En fait, donc, vous choisiriez un scrutin mixte avec compensation. Je pense qu’il serait souhaitable, au fond, d’avoir le même système dans l’ensemble du pays, et non le SRPM à certains endroits et le VUT, par exemple, ailleurs au pays.
    Avec le SRPM, bien sûr, vous aurez toujours les circonscriptions uninominales. Tant en Allemagne qu’en Nouvelle-Zélande, et aussi au Pays de Galles et en Écosse, je suppose, on emploie le SMUT dans le district uninominal et ensuite la représentation proportionnelle, qui est un complément, pour s’assurer du caractère proportionnel du résultat. Il me semble que ça pourrait bien marcher.
    J’aimerais ajouter un bref commentaire sur ce qui gêne beaucoup de gens avec le SRPM, soit le problème d’avoir deux classes de députés. Quand on parle de réforme électorale, je pense qu’il importe de comprendre que nul système n’est parfait; il faut toujours accepter un compromis. Le compromis avec le SRPM, c’est que les gens veulent encore des circonscriptions uninominales. Si c’est ce que vous voulez et que vous voulez aussi la représentation proportionnelle, alors le SRPM est la solution pour vous, mais, par conséquent, vous avez deux classes de députés.
    Les compromis sont constitués de choses qui ne sont pas nécessairement idéales, mais, dans le cas présent, ce pourrait être un compromis qui ressemble le plus possible à l’idéal souhaité.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste 45 secondes. C’est suffisant pour exprimer un bon commentaire ou un bref… C’est à vous de décider.
    Eh bien! C’est juste assez pour remercier M. Lijphart.
    Merci, monsieur Reid.
    Monsieur Aldag, c’est à vous.
    Monsieur Lijphart, à propos de cette idée de deux types de députés, j’aimerais connaître votre opinion sur une question d’un abonné à Twitter: est-ce que les électeurs sont mieux servis par deux types de députés?
    Qu’en pensez-vous?
    Je ne vois aucune différence entre cela et une classe unique de députés. En fait, d’avoir un député qui défend les intérêts particuliers de la circonscription et un autre député qui défend l’intérêt général pourrait présenter un avantage. Donc, au fond, quand les gens considèrent cela comme un fait, et c’est un fait qu’il existe deux classes de députés, je pense que c’est un fait et non pas un problème.
    D'accord.
    J’ai une autre question inspirée d’une réflexion sur Twitter, mais je vais inverser la proposition. La question est la suivante: quels sont les résultats les plus néfastes associés à la représentation proportionnelle?
    Quels sont les aspects les plus préjudiciables?
    Oui, vous avez parlé du côté positif. Quel est l’envers de la médaille? Il doit y avoir quelque chose que votre étude a révélé être un résultat négatif, qui pourrait même être statistiquement significatif.

  (1620)  

    Il n’y a pas beaucoup de résultats négatifs pour les démocraties. Ils compromettent plutôt la situation des grands partis parce que ces derniers sont avantagés par le SMUT, puisqu’ils obtiennent alors une surreprésentation. C’est ce qui explique, bien sûr, que les grands partis de la Nouvelle-Zélande se soient opposés à l’adoption de la représentation proportionnelle.
    Un fait dont on a parlé précédemment, je pense, c’est que les cabinets ou les gouvernements peuvent ne pas durer longtemps, ne pas être aussi stables à la suite d’un scrutin proportionnel qu’à la suite d’un SMUT, et la formation d’un Cabinet peut prendre plus de temps en raison des pourparlers nécessaires. Ces éléments sont généralement associés à l’idée que la représentation proportionnelle nuit à l’élaboration des décisions, mais, en fait, quand vous comparez en gros, encore une fois comme je l’ai déjà dit, les systèmes qui font appel à la majorité et les systèmes proportionnels qui font appel au consensus, vous constatez que ces derniers fonctionnent aussi bien, voire mieux que les systèmes majoritaires de type SMUT.
    Il me reste une minute?
    Allez-y, il vous reste deux minutes.
    Monsieur Pelletier, je ne crois pas que vous ayez eu l’occasion de parler de vote obligatoire. On a un gazouillis à ce sujet. Vous pourriez donc prendre quelques instants pour nous faire part de votre opinion sur le vote obligatoire et, plus précisément, de ce que vous savez quant à la conformité de cette modalité par rapport à la Charte ou si elle viole un aspect ou l’autre de cette dernière.
    Nous avons mentionné ce vote obligatoire, ou, pour reprendre le terme utilisé plus tôt, ce vote d’office.
    En effet.
    Je ne pense que ce soit contraire à la Charte, car celle-ci reconnaît le droit de vote et, dans la mesure où le droit de vote est respecté, je crois que la Charte est elle-même respectée. Par conséquent, ce qu’il faut plutôt se demander, c’est la nature des valeurs que chérissent et favorisent les Canadiens. Imposer le devoir citoyen de participer au processus démocratique fait-il partie de notre culture politique? Je crois que notre culture en est plutôt une d’ouverture, d’accommodation aux autres. L’imposition de devoirs, à mon avis, n’est pas vraiment dans notre nature. Du moins, ce n’est pas quelque chose que le gouvernement de l’époque a envisagé.
    Merci.
    Il vous reste 30 secondes.
    Nous allons passer à M. Dubé.

[Français]

     Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    C’est intéressant d’entendre parler des jeunes, parce que j’imagine que si ça permet d’avoir plus de femmes en politique, ça aura sûrement le même effet sur les jeunes.
    De plus, ce serait sans doute intéressant, monsieur le président, si vous permettez, d’imaginer l’impact sur les jeunes étudiants également. Ils sont sur les campus universitaires, peut-être loin de la maison, et un système proportionnel leur permettrait de voter plutôt pour un parti, par opposition à un candidat local, étant donné leurs intérêts personnels. J’en ai bien été témoin à l’époque où j’étudiais à McGill et où je m’impliquais politiquement sur le campus. Mais ce n’est pas là ma question; je voulais juste en faire la remarque.
    Ma question s’adresse à vous, monsieur Lijphart. On fait grand cas de l’instabilité que pourrait amener la représentation proportionnelle. Je ne crois pas que ce soit tout à fait vrai, surtout à la lumière de l’expérience allemande, laquelle est révélatrice à cet égard, et qui est peut-être plus pertinente que les autres dont nous entendons parler.
    Ma question porte sur l’élaboration des décisions, qui est l’enfant pauvre des discussions. Je pense que beaucoup de Canadiens ont l’impression que nous avons déjà de perpétuelles élections en raison des chaînes d’information continue, des médias sociaux et ainsi de suite. Par conséquent, je ne crois pas que nous en ayons nécessairement pour notre argent. Au lieu de parler d’instabilité, seriez-vous d’accord pour affirmer avec moi que la représentation proportionnelle, plutôt que de rendre le gouvernement instable, force plutôt un certain parti à travailler un petit peu plus fort pour obtenir de meilleures idées d’intervention et prendre des orientations plus larges?
    La façon dont vous l’avez exprimé correspond à la façon dont j’aurais formulé ma réponse. Je suis en total accord avec vous.
    Merci beaucoup, je vous en sais gré.

[Français]

     Monsieur Pelletier, j'aimerais revenir à une question qui est souvent abordée et qui a été soulevée à plusieurs reprises aujourd'hui, soit celle des deux classes de députés et de la représentation locale. Revenons donc à la question à laquelle vous n'avez pas eu la chance de répondre précédemment.
    Beaucoup de gens votent pour un parti ou pour un premier ministre alors que d'autres aiment le travail que fait leur député.
    Croyez-vous qu'un mode de scrutin proportionnel mixte donnerait le meilleur des deux mondes à ces citoyens qui constituent, selon moi, la majorité? En faisant du porte-à-porte, on entend souvent les gens nous dire que nous faisons de l'excellent travail, mais qu'ils aiment peut-être mieux un autre chef ou un autre parti. Ils pourraient avoir le meilleur de tout cela avec un mode de scrutin proportionnel mixte. Nous aurions un système qui représenterait réellement les valeurs qu'expriment les citoyens.

  (1625)  

    En effet.
     En définitive, le mode de scrutin proportionnel mixte permet d'atteindre deux grands objectifs. Le premier est de réduire la distorsion entre les votes qui sont exprimés et le nombre de sièges obtenus par une formation politique. Le deuxième est, si on le veut bien, de favoriser l'émergence des plus petits partis et l'expression de la diversité au sein d'une chambre élue.
    Cela dit, le scrutin majoritaire uninominal à un tour n'a pas non plus mal servi le Canada au cours de son histoire. Le Canada est, il ne faut pas l'oublier, le pays qu'il est aujourd'hui en bonne partie grâce à ses institutions politiques. Le scrutin majoritaire uninominal à un tour a vraisemblablement favorisé l'émergence de partis plus centristes. Cela a favorisé l'émergence d'un centre fort plutôt que le fractionnement ou l'émergence de factions au sein du Canada. Ce n'est donc pas non plus un mauvais système.
    Si vous me le permettez, je dirais que les choses ont aussi changé. J'y ait fait allusion plus tôt. Le cycle de nouvelles est de 24 heures par jour et les réseaux sociaux sont omniprésents. Cela change la perception du citoyen qui va être en mesure de suivre le chef de parti, les partis et le travail local de son député.
     Ma question porte sur la manière de concilier ces deux besoins. Un citoyen veut avoir un premier ministre qui ne s'occupe pas seulement des intérêts locaux, mais aussi des intérêts nationaux ou fédéraux. De plus, on a un député local qui s'occupe des dossiers locaux. Croyez-vous qu'il est possible de répondre à ces deux besoins qui, selon moi, sont quand même relativement nouveaux considérant l'âge qu'a Canada?
    Je pense que l'expérience des pays qui ont adopté le mode de scrutin proportionnel mixte est quand même éloquente. En effet, l'harmonie s'est installée entre les deux classes de députés. Ils ont trouvé une façon de travailler ensemble. J'imagine que ce serait la même chose au Canada.
     Par ailleurs, la question de la stabilité politique que vous avez évoquée il y a un instant est fort intéressante parce que, en fait, il faut définir ce qu'est la stabilité politique. Dans notre système actuel, certains se plaignent du fait que le premier ministre a trop de pouvoirs. Le fait qu'il ait à discuter avant de mettre de l'avant certaines de ses politiques ne serait peut-être pas une mauvaise chose.

[Traduction]

     Merci.
    Nous allons passer à M. Richards.
    Monsieur Pelletier, en réponse à une question d’un membre du parti ministériel, vous avez fait la remarque que, si les Canadiens n’étaient pas prêts à une réforme électorale, ils nous le feraient savoir. Je pense que ce que j’aimerais faire, c’est de poursuivre la discussion à ce sujet parce que c’est ce que nous avons fait remarquer très clairement en qualité d’opposition officielle; il est en effet important que les Canadiens aient leur mot à dire. Ils doivent décider s’il faut changer le mode de scrutin, et si oui, comment. On doit leur donner la parole à ce sujet. Nous en avons la ferme conviction. Il m’a semblé que vous aviez notamment indiqué dans vos observations que vous étiez favorable à l’idée d’un référendum. Êtes-vous d’accord avec le fait que c’est important que les Canadiens aient leur mot à dire? Nous croyons qu’un référendum est évidemment le meilleur moyen de connaître leur point de vue.
    Croyez-vous, personnellement, que c'est là quelque chose d’absolument essentielle. Est-ce que le gouvernement doit obtenir le consentement de la population pour effectuer ce changement, et s’il ne l’obtient pas, peut-il aller de l’avant?
    D’un point de vue juridique, le gouvernement peut soumettre la question au Parlement.
    Bien sûr.
    Le Parlement peut appeler à un vote majoritaire aux deux tiers des députés, par exemple, au lieu d’organiser un référendum. Permettez-moi de vous dire ceci: si la réforme est « substantielle », un qualificatif que j’ai utilisé plus tôt, il est alors légitime que la population exprime son opinion sur ce que propose le gouvernement. L’idée qu’un référendum reflète une opinion passagère n’est pas, sauf votre respect, un argument valable, à mon avis, parce que tout ce qui est démocratique est passager. Si on veut accroître la démocratie, on doit faire face à ces situations passagères.

  (1630)  

    Merci, je vous en sais gré.
    Je veux connaître votre point de vue en qualité d’ancien législateur provincial. Quand on envisage des changements de ce genre et que nous étudions les modes de scrutin de différents pays, il est difficile de trouver des comparables immédiats avec le Canada. Le territoire est vaste, la population est disparate et la diversité est présente dans les différentes régions et les différentes provinces. Tout mode de scrutin envisagé doit être étudié en fonction de la réalité canadienne, laquelle est différente de tous les autres pays.
    La capacité de s’assurer que tous les points de vue de toutes les régions et de toutes les provinces sont pris en compte dans tout ce qui se fait est quelque chose d'important au Canada. Je veux connaître votre sentiment en qualité d’ancien législateur provincial à propos de l’importance de consulter les provinces avant de présenter et d’adopter toute réforme électorale.
    Pour être franc, ce n’est pas quelque chose sur quoi j’insisterais, parce que la réforme dont il est question concerne le gouvernement fédéral. À mon avis, il n’est pas nécessaire de mettre les provinces dans le coup, car c’est du ressort du gouvernement fédéral.
    Habituellement, j’insiste beaucoup sur la coopération entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, donc on ne saurait me soupçonner de quoi que ce soit au sujet de cette question. Pour être franc, c’est là une réalité qui va prendre forme au gouvernement fédéral et à cet ordre de gouvernement.
    D’accord, c’est de bonne guerre. Je comprends.
    Manifestement, de votre point de vue, ce qui importe, c’est que ce soit légitime et que le peuple canadien soit consulté. Les provinces, contrairement à ce qui serait normalement votre position, n’ont sans doute pas leur importance habituelle à cet égard.
    Je veux aussi vous relancer sur une remarque que vous avez formulée. La fin du temps alloué à un membre du Comité ne vous a pas permis de compléter vos observations sur quelque chose, je vais donc vous en donner l’occasion maintenant. Il était question d’une des manières de combler les sièges complémentaires; un candidat qui s’était classé deuxième dans une circonscription où le parti avait obtenu le plus grand nombre de votes en deuxième place pouvait être choisi pour occuper un siège complémentaire. Vous avez dit que ce serait tout à fait inacceptable. Je veux vous donner l’occasion d’élaborer là-dessus.
    Je sais que, pour ma part, je pense que je serais inquiet...
    Les cinq minutes allouées sont déjà écoulées et nous avons donc le même problème que tout à l'heure, mais je vais faire preuve de souplesse et vous accorder 25 à 30 secondes pour répondre, monsieur Pelletier.
    Merci.
    Ce que certains ont jugé inacceptable, c'est que quelqu'un puisse être candidat dans la circonscription et, en même temps, être en haut de la liste. La défaite de ce candidat dans la circonscription découlait de l'expression démocratique de la population qui n'en voulait pas ou qui préférait quelqu'un d'autre. Les parlementaires, d'abord, puis une partie de la population, n'aimaient pas l'idée que cette personne puisse être élue députée, fédérale ou provinciale, uniquement par sa présence sur une liste.
    Et puis, quand j'ai ajouté que la personne désignée à partir de la liste pourrait devenir ministre et même, théoriquement, premier ministre, cela n'a pas du tout plu à beaucoup de gens.
    C'est intéressant.
    Nous allons terminer par Mme Sahota.
    Tout à l'heure, vous disiez que les réunions publiques sont un bon moyen de consulter la population. Hier, j'ai tenu une réunion publique sur la réforme électorale, et tout à l'heure, j'ai pensé à ce qui s'y est dit. Certains s'y étaient présentés avec une idée toute faite, parce qu'ils avaient déjà examiné la situation. D'autres étaient juste venus pour prendre connaissance de ce dossier. Pour ceux qui ne connaissaient pas les différents systèmes envisagés, comme le SRPM et le VUT, il était difficile de comprendre tout cela a priori. Certains Néo-Canadiens, qui sont nombreux dans ma circonscription, ont insisté sur la nécessité que le système électoral choisi soit simple.
    Dans le cas du SRPM et des systèmes du même genre qui donnent lieu à de très importantes circonscriptions et à l'élection de plusieurs députés, combien de candidats est-on susceptible de retrouver? Je suppose que les partis présentent eux-mêmes plusieurs candidats dans ces circonscriptions, puisqu'ils peuvent en faire élire cinq, six ou sept. Y a-t-il une limite au nombre de noms pouvant être inscrits?

  (1635)  

    Je ne peux répondre à votre question, tout dépend de la taille de la circonscription électorale.
    En revanche, pour ce qui est des réunions publiques dont nous avons parlé tout à l'heure, je peux vous dire qu'il est très important de réunir des gens pour parler de cet enjeu et pour participer au débat. Dans une telle situation, le gouvernement, comme le gouvernement du Canada, a une voix prépondérante. J'ajouterai que le gouvernement doit s'attaquer à ce dossier de façon tout à fait ouverte, transparente, pour que nous ayons une idée de la réaction de la population. Comme vous le savez, la voix du gouvernement du Canada résonne fortement de par le pays. C'est le cas dans ce dossier et ça le sera... La population doit donc participer à ce débat. Je suis certain que personne ne s'y opposera. Le gouvernement doit être très franc dans ce dossier et présenter tous les avantages et tous les inconvénients de n'importe quel système qu'il va proposer à la population.
    Vous êtes vous-même passé au travers de ce processus et c'est ce que nous essayons de faire, nous aussi.
    Monsieur Lijphart, avez-vous une idée de ce que pourrait être le nombre maximum des candidats paraissant sur cette liste?
    La principale raison pour laquelle des pays ont opté pour le VUT, c'est précisément pour qu'il n'y ait pas énormément de candidats sur les listes des circonscriptions relativement petites, cela pour que les électeurs s'y retrouvent. Évidemment, tout cela demeure relativement simple pour les électeurs parce que, dans la mesure où ils trouvent au moins un candidat qu'ils apprécient sur une liste, ils votent pour cette personne. Ils peuvent aussi avoir un second choix ou un troisième. Quoi qu'il en soit, dans une circonscription à cinq députés, par exemple, il est fort probable que plusieurs partis fassent élire plusieurs candidats et je ne pense pas qu'au final, les listes comportent plus de 10 ou de 15 noms. Dans le cas du SRPM, il est fort peu probable qu'on retrouve plusieurs candidats dans une circonscription où un seul député est élu, et il n'y a donc pas de problème à cet égard. Dans le cas des candidats de la liste de partis, la liste est constituée par les partis et l'on vote alors davantage pour le parti que pour le candidat, ce qui demeure, là aussi, relativement simple.
    Me reste-t-il du temps?
    Le président: Trente secondes.
    Mme Sherry Romanado: Estimez-vous que les électeurs soient en mesure de véritablement se renseigner sur une quinzaine de candidats?
    Il est possible qu'ils ne parviennent pas à tout savoir sur tous les candidats, mais il faut s'attendre à ce qu'ils connaissent les candidats les plus en vue. C'est un problème tout à fait théorique. Quand on songe à ce qui se passe ailleurs, en Irlande, par exemple, ce n'est pas un problème auquel se heurtent les électeurs.
    Merci beaucoup.
    Merci à nos témoins.

  (1640)  

[Français]

     Vos interventions étaient fort intéressantes et enrichissantes, aussi bien sur le plan intellectuel qu'empirique. Nous sommes d'autant plus reconnaissants que vous êtes venus nous rencontrer pendant la période estivale, soit à la mi-août. Je vous remercie beaucoup de nous avoir consacré ce temps et d'avoir partagé votre expérience ainsi que vos idées avec nous. Vous êtes maintenant libres de passer à vos activités quotidiennes.
    J'invite cependant les députés à rester sur place pour deux minutes environ afin d'étudier une motion très simple.

[Traduction]

    Merci, monsieur Lijphart, d'avoir témoigné depuis San Francisco. Nous avons trouvé très intéressant tout ce que vous nous avez dit.

[Français]

    Merci, monsieur Pelletier. C'était un plaisir de vous rencontrer après vous avoir connu par l'entremise des médias et sur la scène politique.

[Traduction]

    Chers collègues, nous allons devoir maintenant traiter de questions de cuisine interne. Comme vous le savez, le comité a lancé un sondage en ligne sur son site Web pour consulter la population sur cette question. Nous souhaitons publier un communiqué de presse et nous ne pouvons le faire qu'avec votre approbation. Dans ce communiqué, nous donnerons jusqu'au 7 octobre à la population pour répondre à ce sondage. Il se trouve que cette date correspond tout à fait aux autres échéances qui nous ont été fixées. Par exemple, la population a jusqu'au 7 octobre pour nous faire parvenir des demandes de comparution et pour nous soumettre des mémoires, si bien que tous les morceaux tomberont ensemble.
    Êtes-vous d'accord pour que nous publiions ce communiqué de presse avec les dates indiquées?
    Des voix: D'accord.
    Le président: Merci beaucoup.
    Le sous-comité se réunira dans la pièce voisine, la pièce C-120, dans une quinzaine de minutes, puis nous reviendrons ici à 18 heures pour une autre séance.
    Je vous remercie.
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