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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 062 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 18 octobre 2017

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Je souhaite la bienvenue à nos invités, qui poursuivent la discussion sur la crise en Ukraine. Bien sûr, cette conversation est très importante pour le Comité et pour les Canadiens; nous vous sommes donc reconnaissants de votre présence et sommes heureux de pouvoir poursuivre la discussion.
    Aujourd'hui, nous recevons Ihor Kozak, Christian Leuprecht, qui est professeur au département de science politique au Collège militaire royal du Canada, et Matt Schroeder, qui est recherchiste en chef pour le Small Arms Survey et qui se joint à nous par vidéoconférence à partir de Washington. On m'a dit que M. Kozak serait le premier intervenant.
    Je vous demanderais d'essayer de vous en tenir aux 10 minutes qui sont prévues pour les déclarations préliminaires. Le Comité a très hâte de vous poser des questions et le respect de votre temps de parole rend ma tâche de président un peu plus facile.
    Monsieur Kozak, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent de la défense nationale, de tenir ces audiences importantes et de réaliser une étude sur le Canada et la crise en Ukraine. Je vous remercie également de m'avoir invité à titre de témoin parmi un groupe aussi impressionnant d'experts de renom, que vous avez consultés au cours des dernières semaines.
    Je me souviens très bien avoir témoigné dans le cadre d'audiences similaires tenues par le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international il y a cinq ans. J'avais alors fait valoir que le régime autoritaire criminel du président de l'Ukraine de l'époque, Viktor Ianoukovitch, et la Russie représentaient les deux principales menaces à l'avenir euroatlantique de l'Ukraine de même qu'à la sécurité et à la stabilité de l'Occident.
    Bien que le régime d'Ianoukovitch ne soit plus en place, la Russie l'est toujours. Elle est encore plus menaçante aujourd'hui qu'avant, lorsqu'elle tentait de se mêler des affaires internationales de l'Ukraine. L'invasion de la Russie et sa guerre, qui consiste en une agression armée et en l'occupation militaire des terres souveraines de l'Ukraine et de la Crimée, et de certaines parties de la région du Donbass, ont donné lieu à une crise internationale sans précédent. La seule autre situation similaire dans l'histoire moderne s'est produite lorsque les soldats de l'Allemagne nazie sont entrés dans la région des Sudètes. Comme nous le savons tous, la timide réponse de l'Occident à cette agression militaire flagrante au coeur de l'Europe a déclenché la Seconde Guerre mondiale.
    La guerre de la Russie dans le centre géopolitique de l'Europe en est maintenant à sa quatrième année et rien n'indique qu'elle prendra fin bientôt. L'état-major général des forces armées ukrainiennes rapporte qu'au cours des 48 dernières heures, quatre soldats ukrainiens ont été tués et six autres ont été blessés au combat. Pendant ce temps, les violations du cessez-le-feu par les forces terroristes russes se sont grandement accentuées alors qu'elles ont tiré à 80 reprises sur diverses zones ukrainiennes, en utilisant notamment des armes lourdes. Les forces terroristes russes ont également bombardé des zones résidentielles près du village de Zalizne. Un civil a été blessé.
    Tout cela donne lieu à une tragédie humaine qui compte plus de deux millions de personnes déplacées, plus de 10 000 morts, des dizaines de milliers de personnes mutilées et la destruction massive des infrastructures du Donbass, un segment important de la base industrielle de l'Ukraine. Comme si ce n'était pas assez, la Russie s'est aussi engagée dans une guerre hybride visant à déstabiliser l'Ukraine à partir de l'intérieur. L'ampleur des efforts déployés par le Kremlin pour nuire au gouvernement ukrainien, pour aggraver les désaccords politiques au Parlement, pour entraîner l'agitation sociale, pour créer des conflits entre les groupes ethniques et religieux, pour encourager la désinformation et pour terroriser les gens est sans précédent par rapport aux efforts similaires qui ont été déployés au cours des 26 années depuis l'indépendance de l'Ukraine.
    Je suis un membre retraité des Forces armées canadiennes. Je travaille présentement à titre d'expert-conseil dans le domaine militaro-industriel. Je participe à de nombreux projets à but non lucratif et projets de bienfaisance associés à la zone de guerre de l'est de l'Ukraine. Je suis allé à Donbass à maintes reprises, y compris jusqu'aux zones les plus près de la ligne de démarcation. Je pourrais parler longuement et en détail de ce sujet. Malheureusement, je ne dispose que de très peu de temps. Je crois qu'un exemple flagrant suffira, toutefois.
    À l'heure actuelle, il y a près de 500 chars d'assaut russes dans la région du Donbass, ce qui représente un contingent plus important que le corps blindé de l'armée allemande actuelle, et c'est sans tenir compte des groupements tactiques offensifs qui se trouvent sur le territoire russe, tout près des frontières de l'Ukraine. L'armée ukrainienne est grandement désavantagée et aurait du mal à bloquer l'offensive russe, surtout si l'on utilisait des armes et technologies modernes. Voilà pourquoi l'Ukraine demande constamment à l'Occident de lui fournir des armes de défense modernes.
    Mesdames et messieurs, je suis heureux de voir que le gouvernement prend les mesures nécessaires pour ajouter l'Ukraine à la Liste des pays désignés pour les armes automatiques. Cette mesure tangible du Canada est plus importante que toutes les soi-disant garanties données par bon nombre des partenaires euroatlantiques de l'Ukraine.
    Le gouvernement ukrainien a transmis au Canada et à nos alliés une liste de l'équipement militaire requis et a demandé au Canada de recommencer à lui fournir des images satellites de calibre militaire. Le Canada devrait répondre aux demandes du gouvernement ukrainien et devrait aussi encourager nos alliés à lui fournir d'autres armes létales et non létales. L'aide militaire devrait aussi comprendre les équipements proposés par Anders Rasmussen dans son excellent article d'opinion paru il y a deux jours dans le Globe and Mail, comme des lunettes de vision nocturne avancée, de l'équipement de brouillage des transmissions et des radars de contre-batterie, mais aussi des équipements de défense comme les missiles antichars FGM-148 Javelin.

  (1535)  

    Je suis aussi tout à fait d'accord avec la recommandation de M. Rasmussen visant à affronter Vladimir Poutine au sujet de sa proposition de maintien de la paix aux Nations unies.
    Le Canada, vous vous en souviendrez, a donné naissance au concept du maintien de la paix et depuis les années 1950, il a participé à plus de missions de maintien de la paix que tout autre pays du monde. À ce titre, notre pays est dans une position unique pour mener une mission de maintien de la paix dans la région du Donbass. Il faut toutefois pour ce faire que l'ONU établisse des conditions justes et équitables, dont l'objectif principal sera de restaurer l'intégrité territoriale et la souveraineté de l'Ukraine, ce qui comprend le contrôle ukrainien sur la frontière russe. Il faudrait offrir au Kremlin une porte de sortie vers la Russie pour ses soldats et substituts. C'est tout. Il ne faut pas mettre en jeu la restauration complète de la souveraineté ukrainienne par souci de sauver les apparences avec M. Poutine.
    Les Ukrainiens se sont montré à la hauteur lors des deux agressions du Kremlin: une guerre militaire dans l'Est de l'Ukraine et une guerre hybride dans le reste du pays. De plus, les Ukrainiens ont réussi à réformer leur gouvernement, leur économie et leur société. Il reste toutefois encore beaucoup de travail à faire. On a tout de même réalisé plus de choses au cours des trois dernières années qu'au cours des 23 premières années d'indépendance de l'Ukraine: la transparence des processus d'approvisionnement gouvernementaux, la déclaration électronique obligatoire par les dirigeants du gouvernement et l'adoption du modèle occidental pour les forces policières — avec l'aide du Canada, bien sûr —, pour n'en nommer que quelques-unes. De façon similaire, on s'attaque à la réforme de l'éducation, de la retraite et des soins de santé de façon simultanée en période de guerre et de conditions économiques difficiles, tandis que la Russie utilise des méthodes hybrides pour manipuler la gent politique et dépeindre ces efforts de la manière la plus négative possible.
    Depuis les tout premiers jours de l'indépendance de l'Ukraine en 1991, le Canada s'est montré compréhensif à l'égard des Ukrainiens et leur a offert son aide. Le Canada a été le premier pays occidental à reconnaître l'indépendance de l'Ukraine. Il a aussi été le premier à dénoncer les pratiques autoritaires du régime d'Ianoukovitch et ses politiques visant à éloigner l'Ukraine de l'Europe. Ainsi, le tout premier voyage de l'ancien premier ministre Stephen Harper en Ukraine il y aura sept ans ce mois-ci s'est déroulé au cours de la toute première année d'Ianoukovitch au pouvoir.
    Aujourd'hui, c'est encore une fois le Canada et le premier ministre  Justin Trudeau qui non seulement reconnaissent le droit de l'Ukraine de se défendre, mais travaillent aussi à finaliser le processus visant à ajouter l'Ukraine à la LPDAA. De plus, le Canada fournit aux forces ukrainiennes l'équipement militaire non létal dont elles ont grandement besoin, et ce depuis l'été 2015. Je suis certain que M. Bezan, qui est ici aujourd'hui, n'oubliera jamais le vol du CC-130J Hercules de la BFC Trenton vers l'Ukraine pour livrer le premier lot d'équipement dont avaient grandement besoin les premières lignes. Le Canada a aussi mené l'opération Unifier — qui a été une grande réussite et qui, soit dit en passant, est menée par mon camarade de classe du Collège militaire royal du Canada et mon grand ami le lieutenant-colonel Kris Reeves — et a offert un soutien indéfectible à l'Ukraine sur les plans politique et économique.
    En conclusion, mesdames et messieurs, la vérité est que l'Ukraine demeure la seule vraie force qui sépare les agresseurs russes de la sécurité et de la stabilité de l'Europe. Les dirigeants occidentaux doivent trouver la sagesse et la force d'adopter une stratégie à long terme pour le monde libre. Cela signifie entre autres d'en faire plus — et non d'en faire moins — pour aider l'Ukraine en cette période critique. Les Canadiens et le gouvernement ont toujours été là pour aider la population ukrainienne. Il faut continuer de le faire. Je suis sûr que nous sommes prêts à répondre à l'appel.
    Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.

  (1540)  

    Merci, monsieur Kozak.
    Monsieur Leuprecht, vous avez la parole.

[Français]

    Je vais parler en anglais, mais n'hésitez pas à poser vos questions dans la langue officielle de votre choix.

[Traduction]

    En 2015, j'ai passé une semaine à Kiev pour offrir un séminaire à l'intention de la haute direction sur les relations dans le secteur de la sécurité civile, à l'Université de la défense de l'Ukraine, au nom du directeur de l'instruction militaire et de la coopération du bureau du sous-ministre adjoint des politiques du MDN, à la demande du Cabinet du premier ministre, et ce, en vertu de la Stratégie d'engagement mondial. Je suis aussi allé deux fois en Lettonie au cours des derniers mois sur invitation de l'Institut lettonien des affaires internationales.
    Je le souligne parce qu'il faut bien sûr tenir compte du fait que la région — et les actions des Russes dans la région — monopolise un nombre considérable de ressources militaires canadiennes, si l'on pense à l'importance de notre mission en Ukraine, à notre déploiement en Lettonie — tant le déploiement du groupement tactique que le déploiement du quartier général — et à diverses autres formes d'engagement dans toute l'Europe de l'Est et l'Europe centrale selon les besoins. Je crois que la question importante que doivent se poser les parlementaires est la suivante: quelles ressources doit-on affecter à la région et comment le faire de manière efficace pour réaliser les intérêts du Canada? Il ne faut pas oublier le débat.
    Lorsque Bill Clinton a entrepris de propager l'accroissement de l'OTAN vers l'est, George Kennan, le célèbre ambassadeur des États-Unis et stratège de la Russie, lui avait dit qu'il allait détruire le travail de toute une vie. D'un côté, il y a les gens qui veulent respecter ce que la Russie considère être sa sphère d'influence et de l'autre, il y a les gens — comme Clinton — qui disent que les pays devraient pouvoir prendre des décisions souveraines et devraient adopter la volonté démocratique de leur peuple. À mon avis, le Canada tente de naviguer entre ces deux lignes de pensée du mieux qu'il peut.
    Notre présence avancée en Lettonie et notre déploiement en Ukraine et en Europe de l'Est sont une composante importante de la stratégie canadienne. Nous ne sommes pas ici pour rendre le monde meilleur. Notre mission ne vise pas des fins altruistes. L'Europe est notre deuxième plus important partenaire stratégique après les États-Unis. Tout ce qui compromet les frontières européennes, la stabilité européenne ou la cohésion et l'intégrité de l'Union européenne, de l'entité Schengen, va à l'encontre des intérêts canadiens. Dans une certaine mesure, on peut par exemple comparer notre mission de maintien de la paix en Lettonie à la police britannique de Sir Robert Peel. Au bout du compte, cette force n'arrêtera pas les Russes, mais elle peut offrir une certaine visibilité, ce qui — nous l'espérons — servira de moyen de dissuasion. Je crois qu'il s'agit d'un élément important que nous oublions parfois. Nous misons toujours sur l'objectif principal de notre mission en Ukraine, mais je crois que le simple fait de montrer notre drapeau a un certain effet dissuasif.
    Il faut toutefois tenir compte du contexte de la situation en Ukraine. Il s'agit d'un conflit latent. Il ne s'est pas passé grand-chose sur le plan stratégique au cours des trois dernières années. Je dirais que l'Ukraine demeure l'un des plus importants théâtres stratégiques de la Russie dans le monde. Le progrès ne sera possible que si la Russie ou l'Ukraine concède ses intérêts, ce qui ne risque pas d'arriver. Par conséquent, le conflit devrait rester latent encore un bon moment et le Canada doit songer à ce qu'il fera.
    Quel est l'objectif final? L'Ukraine est considérée à titre de voie d'invasion classique par les Russes, lorsqu'ils pensent à Napoléon, à Charles XII de la Suède ou à Hitler. Puis, bien sûr, l'Europe adopte le même point de vue, et pense que c'est ce qui a permis à la Russie de compromettre les intérêts européens au cours de l'histoire. L'Ukraine est une voie d'invasion classique parce que son terrain est plat et qu'elle est très grande; on s'en sert donc comme zone tampon.
    La Russie juge cette zone importante parce qu'elle lui permet d'exercer un contrôle sur la Transnistrie, la région séparatiste de la Moldavie. Elle se préoccupe de la côte Nord de la mer Noire et de sa capacité à la contrôler. Je crois que c'est de là que vient l'enjeu de la Crimée: au bout du compte, la Russie veut contrôler toute la mer Noire et à partir de la Crimée, il est facile et rapide de se rendre n'importe où. À partir de la mer Noire, on peut contrôler le détroit de Kerch, qui mène à la mer d'Azov, qui est essentielle à la Russie en ce qui a trait aux approvisionnements d'énergie et aux voies navigables. De là, on peut accéder à la rivière Don et la Russie se préoccupe grandement du détachement possible de la région du Caucase du reste de la Russie. Du point de vue de la Russie, on remonte à la guerre de Crimée, où ce risque était bel et bien réel.

  (1545)  

    Poutine mise sur le fait que son régime sera en mesure d'utiliser les gains réalisés en Syrie pour obtenir des concessions de l'Occident relativement à l'Ukraine. Il n'a pas été en mesure de faire cela, et la plus grande partie des interventions et de l'immixtion de la Russie dans les conflits — qu'il s'agisse de fournir des renseignements et des documents pour appuyer les talibans ou des déclarations à l'appui de la Corée du Nord, et même maintenant le déploiement d'efforts et d'une mission diplomatique importante en Libye — représente une tentative en vue d'utiliser ces conflits comme outils de négociation, afin de s'en servir comme monnaie d'échange dans le dossier de l'Ukraine.
    Jusqu'ici, la stratégie de la Russie n'a pas porté ses fruits, car l'Occident a bloqué les initiatives russes, surtout dans les environs de la Syrie. Au contraire, les États-Unis ont augmenté les sanctions imposées et l'Union européenne prendra probablement des mesures similaires contre les sociétés d'État russes d'ici la fin de l'année ou au début de 2018.
    Nous sommes manifestement dans le contexte des élections présidentielles russes, et j'aimerais vous rappeler que Poutine obtiendra un autre mandat, mais que se passera-t-il après cela? Modifiera-t-il la constitution à ce moment-là ou aura-t-il un autre échange? Poutine ne sera pas au pouvoir pour l'éternité, et nous devons donc anticiper les possibilités de changement et de changement de régime.
    Actuellement, selon nos observations, les États-Unis ont recours à la livraison d'armes létales et aux exercices militaires en Moldavie et dans le Caucase du Sud. L'Occident et la Russie font face à des impératifs stratégiques importants. La Russie tente d'utiliser sa participation aux conflits à son avantage, alors que l'Occident tente de bloquer les initiatives de la Russie, afin de décourager ce pays d'intervenir dans d'autres conflits dans le monde et de créer des défis stratégiques pour l'Occident dans ces régions.
    À l'avenir, le Comité doit tenir compte de cinq éléments.
    Le Canada souhaite-t-il participer à des manoeuvres militaires à l'extérieur du champ d'action traditionnel de l'OTAN lorsqu'il s'agit d'appuyer certains des alliés dans la région, en particulier en Moldavie et dans le Caucase du Sud — ou souhaitons-nous laisser ces interventions aux Américains?
    Le Canada souhaite-t-il participer à la livraison d'armes létales ou d'autres choses qui pourraient être utilisées plus tard pour produire une force létale, par exemple des données de surveillance par satellite, et dans quelles circonstances?
    Le Canada souhaite-t-il se joindre aux États-Unis pour accroître les sanctions? Le Canada a déjà commencé à prendre de telles mesures.
    Comment le Canada peut-il unir efficacement ses efforts à ceux de l'Union européenne et des États-Unis pour bloquer la participation accrue de la Russie en Ukraine et dans d'autres conflits?
    Enfin, comment le Canada peut-il activement décourager la Russie de tenter d'intervenir dans de nombreux autres endroits dans le monde? En même temps, nous devons veiller à continuer de collaborer et de coopérer avec les Russes, car nous avons évidemment plusieurs intérêts stratégiques communs, notamment les armes de destruction massive.
    Dans le contexte d'une vaste stratégie canadienne — dans laquelle nous voulons veiller à conserver la participation de tous les acteurs de l'OTAN, ainsi que la participation et la contribution des Américains au sein de l'OTAN —, le Canada doit réfléchir à quatre éléments clés. Premièrement, il faut déterminer le meilleur soutien que le Canada peut fournir au processus Minsk II. Il est facile de parler de la militarisation du conflit lorsqu'on se trouve à Ottawa ou à Washington, mais lorsqu'on est à Berlin ou à Paris, à seulement quelques centaines de kilomètres du conflit en question, la situation est complètement différente.
    Le Canada doit continuer de favoriser l'accord et le processus, malgré leurs défauts, afin de veiller à ce que l'Ukraine, à titre de partenaire — en échange d'un soutien —, respecte ses engagements, surtout en ce qui concerne la décentralisation, la reconnaissance et certains des droits de la minorité de langue russe. L'Ukraine est réellement un pays bilingue — beaucoup plus que le Canada. Nous ne réussirons pas à résoudre les différents enjeux si les membres de l'élite politique ne reconnaissent pas cela et s'ils refusent de faire des concessions à cet égard. Nous devons continuer de professionnaliser les forces armées de l'Ukraine. Nous avons réalisé quelques progrès à cet égard, mais il reste beaucoup de travail à faire.
    Nous devons continuer de décourager la corruption au sein du pays. Une grande partie des efforts liés à la transformation et à la transparence déployés par le Canada avec l'aide de son partenaire clé, l'Europe, sont très importants, car le régime qui a été établi découle du régime autoritaire de Poutine, qui repose essentiellement sur une élite formée de chercheurs de rentes. On réussit à maintenir ce régime en place et à assurer sa stabilité lorsque tous ses participants profitent du statu quo, car ils font tous partie de cette élite formée de chercheurs de rentes et ils sont tous extrêmement interdépendants. Il faudra un certain temps pour démanteler cette structure en Ukraine. Ce sera pourtant essentiel, non seulement pour transformer l'Ukraine et installer les fondements d'un régime démocratique légitime, mais également pour stimuler le développement économique.

  (1550)  

    Je tiens à terminer avec ce point. L'Ukraine fait face à des défis importants. Sa population est passée de 50 à 40 millions de personnes au cours des 20 dernières années, et il s'agit d'une population qui vieillit rapidement. Cela a des conséquences politiques importantes sur la façon dont les gens votent, par exemple. Que pouvons-nous faire pour que le Canada puisse investir dans un développement économique, social et politique stable et à long terme en Ukraine?
    Je crois que certaines des initiatives lancées par l'Union européenne à cet égard représentent un bon modèle que le Canada peut appuyer et auquel il peut participer. Comme c'est le cas dans un grand nombre de ces types de missions militaires, nos partenaires peuvent provenir du monde anglophone, par exemple le Royaume-Uni et les États-Unis. En même temps, le Canada a établi, au fil des années, une coopération stratégique très efficace avec l'Union européenne dans le cadre d'une réforme politique, sociale et économique. Il sera donc essentiel d'atteindre un équilibre entre ces deux éléments.
    Je vous remercie beaucoup d'avoir livré votre exposé, monsieur Leuprecht.
    Monsieur Schroeder, je vous remercie de votre patience. Vous avez la parole.
    J'aimerais tout d'abord remercier le Comité permanent de la défense nationale de m'avoir donné l'occasion de participer à la discussion d'aujourd'hui, car à notre avis, elle est très importante.
    Comme il a été mentionné, je suis recherchiste en chef à Small Arms Survey, un institut situé à Genève qui mène des recherches impartiales et fondées sur les preuves sur tous les éléments liés aux armes légères et de petit calibre, y compris la prolifération illicite en Ukraine, qui a fait l'objet d'une étude que nous avons récemment entreprise et que nous espérons terminer au début de l'année prochaine.
    Aujourd'hui, mon exposé se fonde sur certaines des données que nous avons recueillies à ce jour, ainsi que sur les conclusions de recherches précédentes menées par des collègues et d'autres chercheurs.
    La crise qui sévit en Ukraine est un sujet extrêmement important, surtout pour ceux d'entre nous qui suivent les déplacements des armes légères et de petit calibre. Depuis le début des hostilités en 2014, l'Ukraine est devenue une plaque tournante de la prolifération des armes illégales. En effet, les autorités ukrainiennes saisissent régulièrement des caches d'armes qui contiennent des douzaines d'armes légères et de petit calibre, des cartouches pour armes légères et des centaines de cartouches pour armes de petit calibre. Parmi ces armes, on trouve de tout, des armes à feu historiques aux missiles portatifs de troisième génération.
    Parmi ces armes les plus importantes, on trouve des systèmes portatifs de défense antiaérienne, ou SPDAA. Ces dernières années, des douzaines d'armes de ce type ont été saisies par les autorités ukrainiennes ou ont été aperçues entre les mains de militants prorusses. La vaste majorité de ces missiles sont des systèmes de deuxième et de troisième génération, ce qui est inhabituel. En effet, dans la plupart des pays, la majorité des SPDAA illicites sont de vieux missiles de première génération qui ont une capacité beaucoup moins grande que leurs versions plus modernes.
    En Ukraine, ce ratio est inversé. En effet, la vaste majorité des SPDAA illicites semblent être des systèmes de deuxième et de troisième générations, et les missiles de première génération représentent seulement un faible pourcentage des stocks illicites. Étant donné la vulnérabilité des avions de ligne commerciaux en cas d'attaque menée à l'aide d'un SPDAA, et la facilité avec laquelle les missiles peuvent être passés clandestinement aux frontières et amenés aux sites d'attaques, les missiles clandestins en Ukraine sont pour le moins inquiétants.
    Toutefois, les SPDAA ne sont pas les seules armes illicites qui soulèvent l'inquiétude en Ukraine. En effet, les autorités ont notamment saisi de grandes quantités de mines terrestres antipersonnel, de missiles guidés antichars, de roquettes tirées à l'épaule et de grenades à main — ces dernières se trouvent maintenant partout en Ukraine. En 2016, les autorités ont saisi 2 698 grenades — 23 fois plus qu'en 2013. Ces saisies se produisent partout en Ukraine, et pas seulement dans l'Est du pays.
    Ces armes jouent un rôle important dans le conflit, mais la menace qu'elles présentent ne se limite pas aux zones de conflit. Les grenades à main, par exemple, ont été utilisées au cours d'attaques menées notamment contre des résidences privées, des enceintes diplomatiques, des édifices gouvernementaux, des manifestations pacifiques, des parades et même des restaurants dans différentes régions du pays. Des explosions accidentelles de grenades illicites et d'autres armes légères ont coûté la vie à d'autres personnes, y compris des enfants.
    Le 4 juillet 2016, trois enfants de la région de Donetsk ont été tués par une grenade qu'ils avaient trouvée le jour précédent et qu'ils avaient ramenée à la maison. Ce danger ne se limite pas à l'Est de l'Ukraine. En mai dernier, des enfants qui jouaient dans un terrain de jeux, à Kiev, ont trouvé une grenade à main F1 dans un carré de sable.
    Les armes illégales en Ukraine représentent également une préoccupation pour les autorités d'autres pays, notamment dans les États voisins. En 2016, un ancien fonctionnaire des douanes britanniques a lancé une mise en garde indiquant que les armes clandestines en Ukraine feront sans doute l'objet d'un trafic vers l'Europe. Ces craintes sont validées par de récents rapports de tentatives contrées de trafic d'armes à feu, de munitions et d'autres armes vers les pays européens, y compris un complot présumé visant à introduire clandestinement des grenades propulsées par fusée, des explosifs, des armes à feu et d'autres armes en France. Les responsables de la sécurité ont également intercepté des envois d'armes transcontinentaux.
    En janvier 2017, des fonctionnaires de l'aéroport international de Kiev ont découvert 17 boîtes de marchandises non déclarées dans un avion à destination du Moyen-Orient. Trois de ces boîtes contenaient des dispositifs de lancement pour des systèmes portatifs de missiles antichars.
    Même si nous ne comprenons pas tous les aspects liés au passage clandestin d'armes aux frontières, des preuves laissent croire qu'un tel trafic est actuellement relativement limité. Toutefois, cela pourrait changer rapidement si le conflit dans l'Est est résolu et que la demande d'armes militaires légères et de petit calibre diminue. Nous continuerons de surveiller les déplacements d'armes illégales à l'intérieur, en provenance et à destination de l'Ukraine, et nous signalerons tout changement important, notamment une augmentation importante du trafic des armes aux frontières ou des changements dans la nature des armes illégales qui se trouvent en Ukraine.
    Merci.

  (1555)  

    Merci beaucoup de votre exposé.
    Nous avons ce groupe de témoins jusqu'à 16 h 45, et nous suspendrons ensuite la séance pour accueillir un autre groupe de témoins qui seront avec nous pendant 45 minutes.
    Cela dit, la parole est à M. Gerretsen. Il a sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais également remercier nos témoins d'être ici aujourd'hui pour nous fournir des renseignements sur le sujet de notre étude.
    Monsieur Leuprecht, je vous remercie d'être venu de Kingston pour participer à notre discussion aujourd'hui.
    J'aimerais savoir ce que pourrait faire le Canada pour aider à enrayer la corruption qui prévaut toujours en Ukraine. Lors de notre visite là-bas le mois dernier, j'ai observé et retenu quelque chose d'unique; le mouvement de révolution et d'anticorruption semble réellement être un mouvement ascendant, ou un mouvement populaire. La corruption semblait plus présente aux échelons supérieurs, c'est-à-dire au sein du gouvernement et parmi les politiciens et les dirigeants de ministères.
    J'ai posé une question très intéressante lorsque nous étions là-bas — du moins je pense qu'elle était intéressante — sur le nombre de personnes qui avaient été accusées. On m'a répondu qu'on avait mené des enquêtes sur 800 personnes, mais on ne m'a pas dit combien d'accusations avaient été portées ou combien de personnes avaient été accusées ou déclarées coupables, devrais-je dire, car ce nombre est très faible.
    Quel rôle le Canada peut-il jouer pour résoudre cette situation? Avec tout ce qui se passe dans le cadre du conflit actuel, à un certain moment, ce mouvement populaire doit entrer en collision avec la corruption qui est toujours présente. À votre avis, comment la situation évoluera-t-elle et quel rôle le Canada doit-il jouer à cet égard?

  (1600)  

    La question de la corruption est évidemment un symptôme du système de chercheurs de rentes de Poutine qui lui sert de fondement et qui empêche la défection. Même s'il y a eu des changements au sein de l'élite politique principale, la plus grande partie des effectifs de l'État est toujours en place. Il sera donc difficile de changer cette culture, mais le défi qui se pose, c'est que si on perd la légitimité du régime et de la bureaucratie et son impartialité, on perdra également les gains réalisés en matière de démocratisation. C'est un enjeu éprouvant, car au bout du compte, c'est ce qui inquiète le plus l'Ukrainien moyen.
    Dans ce cas-ci, on utilise l'approche de la carotte et du bâton. En effet, le soutien fourni par le Canada doit veiller plus explicitement à ce que l'Ukraine fasse les bons choix. Je ne suis pas sûr que poursuivre des gens en justice représente nécessairement le bon choix, mais je pense certainement que l'un des moyens les plus rapides pour avancer dans le système, c'est de renouveler l'ensemble de la structure étatique. Il faut envoyer certaines des personnes qui occupent les postes les plus élevés à la retraite, car il y a de nombreux Ukrainiens plus jeunes et très compétents, notamment mon collègue, qui sont prêts à foncer et à affronter les difficultés, alors que les hauts placés sont plus âgés et tentent surtout de protéger leurs acquis. Nous savons un peu à quoi cela ressemble, car nous avons vu une telle situation, par exemple — même si ce n'était pas tout à fait comparable — en Irlande du Nord à la suite de l'Accord du Vendredi saint, et nous savons à quoi ressemble un renouvellement complet de la plus grande partie de la fonction publique et comment il est possible d'y arriver.
    En même temps, il faut une formation continue, et le Canada a une grande expertise dans ce domaine. Par exemple, nous aidons le Mexique à adopter un système plus accusatoire. Le Canada a beaucoup d'expérience dans la professionnalisation du domaine judiciaire et dans les enquêtes menées de façon indépendante. Mais nous ne serons jamais en mesure d'y arriver seuls. Ce sont des domaines dans lesquels le Canada n'agira jamais seul, mais il est possible d'en faire davantage avec l'aide de l'Union européenne et de jouer un rôle plus énergique dans le cadre de la stratégie élaborée par l'Union européenne à cet égard. À mon avis, la stratégie de l'Union européenne est très solide. J'aimerais aussi faire valoir que cette stratégie est plus facile à faire accepter aux Canadiens, car une mission militaire soulèvera toujours la controverse. En effet, la plupart des Canadiens seraient d'avis que les efforts liés à la lutte contre la corruption et une stratégie plus vaste visant la fonction publique ukrainienne est exactement ce que le Canada devrait faire, et que c'est précisément ce qui nous donne notre avantage comparatif, car notre pays n'a pas d'intention cachée à cet égard.
    Je dois vous interrompre ici, car je vais manquer de temps et le président n'hésite pas à m'arrêter lorsque cela se produit.
    Vous avez soulevé un point très intéressant, c'est-à-dire qu'il faut changer une partie de la structure au sommet. Nous avons visité une base militaire là-bas et le commandant actuel de la base ukrainienne occupe ce poste depuis 13 ans. Nous connaissons très bien tous les deux la base des Forces canadiennes Kingston. Aucun commandant n'occupe son poste pendant plus de deux ans dans cette base.
    Nous avons vu une grande partie de l'entraînement effectué par nos militaires là-bas, mais cela ne me semble pas un entraînement que nos militaires pourraient être en mesure de fournir. C'est intégré à la structure.
    Le Canada agit-il suffisamment à l'extérieur de son rôle militaire, c'est-à-dire dans le cadre de son rôle diplomatique, pour favoriser ces changements?
    Je crois qu'il est important que cette initiative soit menée par Affaires mondiales. En effet, Affaires mondiales a très peu de ressources sur le terrain, mais au bout du compte, nous voulons veiller à adopter une stratégie cohérente en ce qui concerne les relations civilo-militaires. Ce qui me préoccupe notamment lorsqu'on parle d'une intervention en Lettonie, c'est l'absence d'une stratégie. Nous avons un ambassadeur. Nous avons un commandant militaire. Nous devons nous assurer que les gens collaborent beaucoup plus efficacement dans ce dossier. Nous tentons essentiellement de faire passer les forces armées ukrainiennes d'une structure fondée sur la structure des forces et des officiers russes à la structure utilisée dans les pays occidentaux de l'OTAN. Nous tentons d'accomplir cela dans une très courte période de temps. Nous avons beaucoup d'expérience en Europe de l'Est et en Europe centrale, mais selon les observations, cette stratégie n'est pas acceptée dans la mesure souhaitée, et je crois que nous pouvons encourager davantage les responsables de la sécurité et de la bureaucratie des forces armées ukrainiennes à l'accepter si nous associons certains de nos soutiens à ces changements.

  (1605)  

    Merci.
    Merci.
    Monsieur Hoback.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Mes questions seront divisées en deux volets, car deux choses m'intriguent.
    Monsieur Schroeder, vous avez parlé d'armes légères. Vous avez dit qu'elles servaient aux forces prorusses. Est-ce exact?
    Les militants russes ont accès à de nombreuses armes légères et de petit calibre.
    Ces armes de petit calibre proviennent de la Russie, n'est-ce pas?
    C'est une bonne question. Il n'y a aucune preuve empirique qui établit un lien avec la Russie. Mais de nombreuses autres études doivent être réalisées car bon nombre des armes énumérées sont de la première génération, des systèmes de fabrication soviétique qui étaient largement exportés dans la région et qui étaient stockés par l'Ukraine. Il y a des exceptions, et je peux parler de ces exceptions, mais une analyse plus systématique doit être effectuée.
    Donc, comme les lance-roquettes, ces armes sont plus sophistiquées, et elles devraient provenir de la Russie, n'est-ce pas?
    Non, pas nécessairement. Quelques-uns des lance-roquettes, mais pas tous. Les systèmes portatifs de défense antiaérienne sont très répandus.
    Monsieur Kozak, je veux parler brièvement de la guerre hybride. Je sais qu'on dirait qu'il y a deux champs de bataille. Vous avez le champ de bataille à proprement parler. C'est ainsi que je vais le qualifier, faute d'une meilleure expression. Vous avez aussi des cyberattaques, qui nuisent au gouvernement et à l'économie de l'Ukraine. J'utiliserai l'exemple des pannes d'électricité à la suite d'une cyberattaque et de maliciels qui se sont infiltrés dans le réseau électrique ukrainien. L'électricité a été coupée et tout le monde a blâmé le gouvernement ukrainien de ne pas être en mesure de gérer le réseau électrique. Nous détectons désormais des logiciels malveillants dans nos réseaux électriques en Amérique du Nord. Déployons-nous suffisamment d'efforts pour assurer la cybersécurité? Devrions-nous faire plus? Il y a des théories qui circulent selon lesquelles l'Ukraine est un endroit de mise à l'essai de cyberattaques pour les Russes. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    Je crois que vous avez raison de dire qu'il y a une menace lorsque nous parlons d'attaques russes et plus particulièrement de guerres hybrides. Vous ne parlez pas d'une menace contre l'Ukraine, mais d'une menace contre la stabilité et la sécurité en Europe, en Occident et dans le monde. Prenons l'exemple parfait des allégations selon lesquelles les Russes auraient interféré dans les élections présidentielles américaines. S'ils peuvent faire cela, ils peuvent probablement vous dire qu'ils peuvent interférer dans d'autres sphères également. Dans le cadre de mes discussions avec des collègues américains et des gens qui travaillent sur le terrain en Ukraine — et j'y vais souvent —, il est incroyable de voir la portée d'une guerre hybride. Les pays fournissent des agents d'influence et dépensent beaucoup d'argent pour déstabiliser la situation dans diverses communautés. Ils se lancent dans une cyberguerre, comme vous le dites, et non, je ne pense pas que suffisamment d'efforts sont déployés. Je ne crois pas que nous sommes protégés ici. La propagande russe est très répandue au Canada. La RT, la chaîne de télévision Russia Today, fait beaucoup de propagande. De plus, je suis certain qu'un agent russe aurait une influence et retiendrait des services au Canada, et je suis pas mal certain que les Russes travaillent dans le secteur de la cybersécurité, alors nous devons absolument déployer plus d'efforts, et pas moins.
    Nous ne faisons pas partie de ce comité spécial qui travaille sur la cybersécurité en Ukraine. Pensez-vous que nous devrions en faire partie?
    Absolument. Je pense que nous devrions en faire partie pour appuyer nos partenaires ukrainiens mais, plus important encore, ce serait dans notre intérêt. Par exemple, dans le cadre de la mission de formation que nous menons en Ukraine à l'heure actuelle, le Canada déploie de nombreux efforts pour former les troupes ukrainiennes et sauver des vies, entre autres. Mais parallèlement, nous, en tant que Canadiens, en bénéficions tout autant, parce que nous apprenons à propos des nouvelles tactiques des Russes et des nouvelles armes utilisées par les troupes russes qui sont aux premières lignes, et nous échangeons avec les Russes au quotidien. Nous, en tant que Canadiens, apprenons beaucoup de choses et tirons de nombreux avantages. J'aimerais mieux que nous apprenions des troupes ukrainiennes dans l'Ouest de l'Ukraine plutôt que d'apprendre, que Dieu nous en préserve, dans deux ou trois ans, que la Lettonie est en guerre avec la Russie.
    Je pense que la même analogie peut s'appliquer à la cybersécurité. Je pense que nous devrions faire notre part, que nous devrions aider les Ukrainiens avec les technologies et les capacités que nous avons. Mais nous devrions aussi joindre ce mouvement et apprendre le plus possible et le plus rapidement possible pour pouvoir prendre des mesures de prévention ici au Canada, mais aussi dans nos pays alliés membres de l'OTAN.

  (1610)  

    C'est intéressant. J'ai assisté à de nombreuses conférences de gouverneurs l'été dernier aux États-Unis. À chacune d'elles, il a été question de la cybersécurité.
    Absolument.
    Tout le monde a parlé de l'importance de former des gens pour combler les postes vacants dans le secteur de la cybersécurité. Est-ce quelque chose que nous devrions examiner plus attentivement au Canada?
    Là encore, il y a un contexte ukrainien. Si l'Ukraine est un pays de mise à l'essai, l'endroit où tout est testé, ne devrions-nous pas être là pour en apprendre le plus possible?
    Je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur. Nous devrions être là, et nous devrions consacrer beaucoup de temps et d'efforts à aider l'Ukraine, mais aussi à apprendre et à mettre en oeuvre des solutions au Canada et avec nos partenaires de l'OTAN.
    En ce qui concerne les armes de défense, les types d'armes que vous avez mentionnés, vous pensez que nous devrions être plus rigoureux concernant les types d'armes que nous leur permettons d'acheter du Canada. Pouvez-vous donner quelques exemples d'utilisations de ces armes et des types d'armes?
    Je ne veux pas me répéter. Dans ma déclaration liminaire, j'ai parlé des radars de contre-batterie et des missiles Javelin. Il y a un certain nombre d'articles que le gouvernement ukrainien a demandés. La liste est très longue. Elle a été officiellement soumise, à ma connaissance, par le gouvernement ukrainien au gouvernement canadien, alors je suis certain que vous pouvez demander de l'avoir.
    Le problème n'est pas que l'Ukraine n'a pas suffisamment d'armes et de munitions — je suis certain qu'elle en a suffisamment —, mais elle n'a pas accès aux technologies les plus récentes. Les Russes, ou les forces interposées russes, reçoivent certainement de grandes quantités de nouveaux équipements et de nouvelles munitions de la Fédération de la Russie, et ils les utilisent. L'Ukraine est désavantagée même dans cette guerre qui est au point mort à l'heure actuelle.
    Si, que Dieu nous en préserve, nous en arrivions au point où une offensive russe d'envergure était menée contre l'Ukraine, elle aurait beaucoup de mal à arrêter la progression des forces offensives russes à l'heure actuelle à la frontière et dans le Donbass. Même s'il s'agit d'un conflit soi-disant gelé, personne ne sait ce que M. Poutine a en tête, si bien qu'il faut se préparer pour le pire. Si les Ukrainiens avaient des armes perfectionnées, telles que des missiles Javelin, les Russes y songeraient à deux fois avant d'avancer en raison des décès qui pourraient s'ensuivre de leur côté aussi.
    Dans ce cas particulier, dans les pourparlers avec M. Poutine et son équipe au Kremlin, la force dissuade les attaques, tandis que la faiblesse les provoque. Pour traiter avec M. Poutine et gérer une attaque russe, nous devrions certainement être robustes.
    Vous êtes allé sur le terrain en Ukraine. Nous avons entendu M. Schroeder parler d'armes légères, d'artillerie légère et de différents types d'armes qui entrent au pays. Bien entendu, vous n'êtes pas en mesure de découvrir d'où ils proviennent. Il n'y a pas de preuves tangibles quant à leur provenance. Avez-vous une idée? Avez-vous des remarques que vous aimeriez faire à cet égard?
    Eh bien, monsieur, je suis convaincu que la majorité d'entre elles proviennent de la Russie. C'est un calcul très simple. La guerre sévit depuis quatre ans. Les prétendues Républiques populaires de Louhansk et Républiques populaires de Donetsk sont autoproclamées, non reconnues par les républiques par procuration russes. Elles comptent des usines qui fabriquent ces munitions et ces armes. Le gouvernement ukrainien ne les remet clairement pas à ses ennemies.
    Lorsque j'ai traversé les premières lignes, j'ai pu voir clairement à bien des reprises... En tant qu'ancien officier militaire, je peux vous dire qu'ils n'accumulent pas leurs munitions. Ils ouvrent le feu jour après jour sur divers objets civils. Je pense qu'ils n'ont aucune pénurie d'armes. Ils doivent les recevoir d'ailleurs.
    Merci.
    Monsieur Garrison, on vous écoute.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    Je pense que le Comité sait que je m'intéresse beaucoup aux façons de renforcer les relations entre le Canada et l'Ukraine, mais je veux adresser mes questions à M. Schroeder aujourd'hui, car nous avons entendu peu de témoignages sur les flux d'armes.
    Vous avez décrit une situation, si je comprends bien, où le gouvernement dispose de très peu de capacités pour gérer le commerce d'armes légères, ce qui comprend notamment, comme vous l'avez dit, des lance-grenades et des systèmes de roquettes multiples. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les capacités du gouvernement ukrainien de surveiller ce qui se passe avec ces systèmes en Ukraine?
    D'accord. Je dirais d'abord que c'est une tâche colossale pour n'importe quel gouvernement de surveiller les petites armes et les armes légères sur son territoire, surtout lorsqu'une partie du territoire n'est pas contrôlée par ses forces.
    Le gouvernement ukrainien travaille activement à lutter contre les armes illicites. Il effectue des saisies quotidiennement. Il y a suffisamment de renseignements publics pour que vous puissiez savoir ce qu'il fait. Il fait preuve de professionnalisme. Il documente ce qu'il fait. Il note les numéros de série et les renseignements nécessaires pour les services du renseignement. Il détruit sur place certaines des armes les plus dangereuses. Il est évident qu'il prend ce problème très au sérieux.
    Quant à savoir s'il dispose des ressources nécessaires pour vraiment surmonter ce problème, c'est une question qu'il faut poser au gouvernement ukrainien. C'est quelque chose que le gouvernement voudrait peut-être explorer avec lui.
    Dans un rapport que l'un de vos collègues a rendu public en avril de cette année, on fait clairement état que le gouvernement ukrainien n'a pas besoin de licences pour le transfert de petites armes et d'armes légères au pays. Autrement dit, le commerce d'armes n'est pas officiellement réglementé. Est-ce exact?

  (1615)  

    Ce n'est pas mon rapport, mais d'après mon interprétation de ce rapport, il y a une certaine ambiguïté dans la loi concernant les licences, mais cela ne s'appliquerait qu'à certains types d'armes à feu, lorsque nous parlons de grenades propulsées par fusée et de grenades à main. Les civils ne sont pas autorisés à utiliser ces armes, d'après ce que je comprends. Je pense que l'ambiguïté ne se rapporte qu'à certains types d'armes à feu. C'est seulement un petit sous-groupe dans le vaste univers des petites armes et des armes légères qui circulent illégalement en Ukraine.
    Là encore, est-ce davantage une question de capacités que de vides juridiques?
    Oui, je répète que je n'ai pas fait cette recherche, mais je crois savoir qu'il y a une certaine ambiguïté qui a des répercussions juridiques, mais lorsqu'on regarde les armes qui sont les plus préoccupantes, à tout le moins selon moi, c'est moins une question de répercussions judiciaires et plus une question de capacités d'application de la loi et de surveillance à la frontière. De plus, lorsque le conflit sera réglé, il faudra déterminer comment se débarrasser des petites armes, des armes légères et des munitions excédentaires qui sont disponibles en grandes quantités en Ukraine.
    Vous avez mentionné des incidents qui se sont produits plus tôt liés à l'exportation et à la réexportation d'armes et de systèmes d'armes de l'Ukraine et à des tentatives de les envoyer en Europe de l'Ouest et au Moyen-Orient. Pourriez-vous parler un peu de la portée de ces transferts et des connaissances que vous avez de ceux qui participent à ce type de transferts? Qui sont ceux qui tentent de se livrer ce genre d'activités?
    Je dirais simplement que les données sont très rares. Ce que nous avons, ce sont des résumés de saisies, et la majorité de ces résumés ne sont pas très détaillés. La circulation illicite au pays semble être effectuée par différents types de trafiquants. Il y a du trafic en ligne, y compris du trafic sur le Web invisible, mais la contrebande en dehors des frontières est, jusqu'à présent, étonnamment limitée, du moins selon les renseignements publics disponibles. Je commencerais par dire que les données sont limitées.
    Il y a eu les deux allégations, et celles selon lesquelles il y a une désinformation concernant l'exportation légale d'armes en provenance de l'Ukraine. Votre organisme recueille-t-il ces renseignements au sujet des exportations légales de petites armes et de systèmes d'armes légères de l'Ukraine?
    Nous avons des données sur les exportations de petites armes et d'armes légères de l'Ukraine. Les Ukrainiens sont très bons pour rendre des comptes sur ces exportations, du moins sur celles qui sont autorisées. Ces données sont disponibles par l'entremise du Registre des armes classiques des Nations unies et d'autres sources.
    Savez-vous où les armes sont principalement expédiées à partir de l'Ukraine?
    Elles sont énumérées dans le registre des Nations unies. Il y a eu une baisse marquée des exportations depuis le début de la guerre, une très grande diminution. Les exportations sont moins fréquentes, ce qui n'est pas surprenant. Le pays a probablement besoin de ces armes pour ses propres besoins à l'heure actuelle.
    Avez-vous des remarques à faire sur l'ajout d'armes meurtrières additionnelles dans le conflit en Ukraine? Si le Canada décidait d'autoriser l'achat d'armes additionnelles par l'Ukraine, avez-vous des observations à faire sur les répercussions que ces acquisitions auraient sur le conflit?
    Je ne suis pas un spécialiste militaire, alors je ne peux pas me prononcer sur les répercussions. Je dirais seulement que les exportations ne posent pas forcément problème. Les mesures de contrôle qui sont mises en place pour ces exportations sont ce qui compte.
    Le Canada excelle généralement à cet égard. Il faut les licences adéquates, et on ne peut pas procéder à des réacheminements sans l'autorisation expresse du gouvernement canadien. Puis il y a la surveillance de l'utilisation finale après l'expédition, qui est une mesure que moins de gouvernements ont adoptée, mais c'est la façon la plus efficace de s'assurer que les armes ne sont pas détournées.
    Croyez-vous qu'il existe des capacités pour assurer un contrôle après la livraison, comme une surveillance de l'utilisation finale, si le Canada exportait des armes en Ukraine? Qui assumerait cette responsabilité?
    Je ne sais pas quel organisme gouvernemental serait responsable. Ce qui est réaliste dépend du type d'arme. Si les armes sont considérées comme étant des petites armes, il y a très peu de choses que vous puissiez faire. S'il s'agit de missiles Javelin, si vous emboîtez le pas aux États-Unis, avec les missiles Singer, les missile tirés à l'épaule surface-air, l'entité responsable fait un inventaire complet par numéro de série de chaque missile exporté. Il le fait une fois l'an.

  (1620)  

    Donc, le gouvernement américain est responsable de se rendre dans le pays où ces armes ont été exportées et de procéder à un inventaire pour voir si elles y sont toujours. C'est bien ce que vous dites?
    Exactement. C'est seulement la pratique pour les armes les plus sensibles, et la majorité des gouvernements ne font pas cela. Mais il y a un juste milieu que certains gouvernements atteignent.
    D'après vous, s'agirait-il d'une pratique exemplaire que le Canada assure une surveillance de l'utilisation finale des armes plus sophistiquées s'il autorisait des exportations d'armes meurtrières?
    Oui, ça le serait.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Fisher.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci, messieurs, d'être ici en personne ou virtuellement.
    Monsieur Leuprecht, M. Kozak a parlé un peu de la mission de maintien de la paix des Nations unies, ou d'une mission de maintien de la paix possible, et des mesures qui pourraient devoir être prises. J'aimerais connaître votre opinion. La Russie siège au Conseil de sécurité, mais pas l'Ukraine. Le Canada aurait normalement un rôle à jouer dans le maintien de la paix, mais nous ne pouvons pas le faire car nous participons à cette mission. J'aimerais connaître ce que la Russie et l'Ukraine doivent faire, d'après vous, pour en arriver au point où nous pouvons avoir une véritable mission de maintien de la paix.
    Bref, je crois qu'il faudrait s'en remettre à l'OSCE. L'Organisation fait ce qu'elle peut, mais si nous souhaitons réduire le nombre de violations au cessez-le-feu, des représentants de l'OSCE devront se trouver sur le terrain, la nuit. Pendant le jour, tout est calme; c'est la nuit que les deux côtés se tirent dessus, car il est difficile à cette période de la journée de déterminer qui a ouvert le bal.
    Je crois qu'il est trop tôt pour parler d'une mission de maintien de la paix. Concentrons-nous sur le régime de surveillance que nous avons mis en place et sur ce que nous pouvons faire pour renforcer ce régime ainsi que l'OSCE. L'Organisation est importante, car elle nous permet de compter sur la participation de la Russie pour la suite des choses.
    J'ai déjà dit que cela est également dans l'intérêt stratégique du Canada dans des endroits comme la Syrie. Un jour, les gens cesseront de se tirer dessus. Si toutes les puissances du monde participent aux activités, quelqu'un en position d'autorité au quartier général devra prendre le contrôle de la situation. C'est ce qui s'est produit dans le cadre de certaines de nos contributions sur le plateau du Golan et en Israël au cours des quatre dernières décennies. Toutefois, le Canada voudra procéder prudemment, car il y a tellement de parties qui participent au conflit en Ukraine, que l'on ignore qui prendra le contrôle. Tout ce qui pourrait permettre de réduire les tensions et d'apaiser le conflit est certainement dans l'intérêt stratégique du Canada.
    Nous avons appris que l'armée ukrainiene a augmenté ses effectifs — de nouveaux soldats et des soldats sans formation — d'environ un quart de million de soldats. Le Canada est déjà sur place pour assurer la formation de ces soldats. Avons-nous suffisamment de ressources? Avions-nous prévu une telle augmentation des effectifs de l'armée ukrainienne? Devons-nous en faire davantage? Sommes-nous en mesure de composer avec cette augmentation?
    Je m'inquiète moins des soldats que du corps d'officiers. Comme l'a souligné votre collègue, M. Garrison, le comportement du corps d'officiers aura un impact sur notre capacité à contenir les soldats.
    Comme nous avons pu le constater avec certains de nos partenaires au Kurdistan, les gens n'appliquent pas toujours ce qu'ils ont appris comme le souhaiterait le Canada. Nous devons nous engager à poursuivre les efforts auprès des officiers de niveau intermédiaire, à former les officiers, à les professionnaliser et à leur enseigner comment interagir avec les communautés locales. Nous devrons nous assurer que l'armée ukrainienne ne commette pas d'atrocités qui nuiraient à sa légitimité.
    En Russie, l'armée assure le maintien de l'ordre. Ces troupes ont pour mandat de maintenir le régime en place et de défendre les intérêts de l'élite. Ce qu'il faut faire en Ukraine, c'est de tenter de transformer l'armée qui, auparavant, défendait les intérêts de l'élite et du régime en une armée qui assure le maintien de l'ordre et qui défend les intérêts du peuple. C'est à cet égard que la transformation du corps d'officiers est absolument essentielle. Nous avons beaucoup d'expérience dans la façon de réussir une telle transformation, et beaucoup d'expérience sur la façon d'y échouer.

  (1625)  

    Merci.
    Monsieur Kozak, vous avez parlé de Russia Today et de la propagande russe. Des témoins nous ont dit que monsieur Tout-le-monde, en Russie, s'imagine que les Ukrainiens souhaitent que la Russie prenne le contrôle du pays. Cela ne semble pas fonctionner. D'ailleurs, c'est l'inverse qui se produit. Selon vous, quel est l'impact de la propagande russe et des reportages de Russia Today sur les Ukrainiens?
    À mon avis, la propagande russe fonctionne, dans une certaine mesure parce que M. Poutine est au pouvoir depuis si longtemps. Des constitutions ont été modifiées et M. Poutine a l'intention de rester au pouvoir. J'imagine que certains ont manifesté leur opposition, mais, de façon générale, personne ne remet en question son autorité. De toute évidence et dans une grande mesure, la propagande russe et la désinformation fonctionnent en Russie.
    En Ukraine, le Kremlin utilise des moyens différents. Il ne tente pas d'influencer directement les médias et citoyens ukrainiens, car ce serait trop évident et les gens verraient qu'il s'agit de propagande. Il travaille plutôt par l'entremise d'oligarques sous contrôle russe. Par exemple, les chaînes 112 et ICTV appartiennent à des oligarques ukrainiens ayant des liens directs avec la Russie. Le Kremlin tente d'approcher la situation plus subtilement, en ce sens qu'il transmet certaines informations véridiques, par exemple, la question de la corruption au niveau social et économique en Ukraine, et tente de reformuler cette information pour encourager, par exemple, une nouvelle Révolution de la dignité ou un nouveau mouvement EuroMaïdan, de façon à ébranler l'unité en Ukraine et à causer la chute du gouvernement ukrainien.
    Est-ce efficace? Pas encore, car, de façon générale, l'Ukraine fonctionne encore comme un pays, mais vous aurez remarqué qu'au cours des derniers jours, il y a eu des manifestations en Ukraine contre le gouvernement au pouvoir. Les demandes des manifestants visant à accélérer les réformes et à lutter davantage contre la corruption, notamment, sont légitimes, mais, le danger, c'est que les agents d'influence russes, les médias sous contrôle russe et certains politiciens se serviront de ces demandes légitimes pour manipuler la situation.
    Dans une certaine mesure, la même chose se produit en Occident. De toute évidence, nous ne sommes pas témoins de la même propagande russe évidente ici, car personne n'y croirait, mais il y a une certaine exagération de la vérité, et cela influence les gens. Je passe beaucoup de temps à Washington D.C. J'ai appris, dans le cadre de mes discussions avec certains groupes de réflexion et médias de la région, que, souvent, ils considèrent les rapports de Russia Today, les rapports russes, comme étant la vérité, alors qu'en réalité, il s'agit d'une manipulation de la vérité.
    La propagande russe représente un danger réel. Elle est très élaborée. Je suis né et j'ai grandi à l'époque de l'Union soviétique. Je me souviens qu'à cette époque, la propagande soviétique était plutôt simple, directe et primitive. Il était facile, même pour un jeune enfant comme moi, de voir qu'il s'agissait de propagande. Ce que je vois aujourd'hui sur les ondes de Russia Today ainsi qu'à la télévision et dans les journaux ukrainiens ou russes est très élaboré. Nous devons faire très attention de ne pas adopter une approche simple à cette situation; nous devons analyser correctement la situation et reconnaître qu'il s'agit d'une menace contre l'Ukraine, mais, surtout, d'une menace contre les valeurs et intérêts canadiens et occidentaux.
    Merci.
    Il nous reste environ 15 minutes, soit suffisamment de temps pour trois intervenants. Chacun disposera de cinq minutes.
    Madame Alleslev, vous avez la parole.
    Merci d'avoir accepté notre invitation.
    Je crois que M. Leuprecht a bien résumé la situation lorsqu'il a dit que le conflit est au point mort et que les Canadiens disposent de peu de ressources.
    La question que j'aimerais poser à tous les témoins est la suivante: que devrions-nous faire? Nous avons pour mandat de conseiller le gouvernement et de formuler des recommandations sur la marche à suivre. Devrions-nous maintenir le statu quo? Devrions-nous participer directement au conflit en approvisionnant l'armée ukrainienne en armes ou en lui fournissant des renseignements ou, comme vous le dites, en participant à des manoeuvres à l'extérieur de la sphère de l'OTAN? Devrions-nous examiner des façons plus indirectes pour durcir les sanctions, aider à la professionnalisation de l'armée ou réprimer la corruption, ou devrions-nous poursuivre sur la même voie et participer à une mission de maintien de la paix, s'il y a lieu?
    Je compte, dans ma circonscription, des Canadiens d'origine russe et ukrainienne, et ces gens sont confus quant à l'approche à adopter. J'aimerais connaître votre opinion sur la question. Comment faire pour établir la priorité, non seulement en ce qui a trait à nos ressources limitées, mais aussi en ce qui a trait à nos considérations stratégiques? Que recommanderiez-vous au gouvernement canadien?
    N'importe lequel d'entre vous peut me répondre.

  (1630)  

    Nous devons définir dans quel domaine nous avons un avantage comparatif. Je dirais, par exemple, qu'en ce qui a trait au cyber espace, nous n'avons pas un avantage comparatif par rapport à ce que peuvent apporter nos alliés. En ce qui a trait aux armes meurtrières, je ne crois pas que nous ayons un avantage comparatif. De plus, ces deux domaines susciteraient une controverse publique. Là où nous avons un avantage comparatif, à mon avis, c'est que le Canada n'est pas une superpuissance soi-disant traditionnelle qui entretient des motifs secrets. Ce que nous faisons de bien est moins visible — assurer la formation et la transformation du corps d'officiers du service civil. C'est le genre de choses que nous faisons déjà dans des pays francophones d'Afrique, en Amérique centrale et en Amérique du Sud, notamment. Nous avons beaucoup d'expérience à ce chapitre. Je crois également qu'il faudra intervenir de façon plus agressive, comme le proposent les Européens, en ce sens que certains de nos bureaucrates devront travailler dans les ministères afin de dissuader certains des comportements.
    Je crois que cela aura un impact plus positif que d'envoyer plus d'armes en Ukraine. Il faudra peut-être avoir des discussions sur l'intelligence stratégique, car je crois qu'il y a un manque à ce chapitre.
    Excellent.
    Monsieur Kozak.
    Je conviens que nos ressources sont limitées. À mon avis, le gouvernement canadien devrait se concentrer sur deux aspects.
    Premièrement, nous devrions faire ce que nous faisons de mieux, comme la formation et le maintien de la paix, dont nous venons de parler. Les compétences des Canadiens dans ces domaines sont mondialement reconnues. Concernant la formation, et je suis convaincu que Mme Sinclair pourra nous parler davantage de l'efficacité de cette formation, il ne s'agit pas uniquement de former les soldats et le corps d'officiers, mais aussi, comme nous l'avons déjà souligné, d'effectuer une réforme complète de la structure de l'armée ukrainienne. Ainsi, nous lutterons contre la corruption. Nous retirerons ces éléments de l'armée ukrainienne qui datent de l'époque soviétique où la corruption était chose courante. À mon avis, il sera très, très important d'effectuer une restructuration de l'armée et d'améliorer la transparence et la reddition de comptes. Le maintien de la paix est un autre exemple. Nous sommes très crédibles. Nous avons les connaissances nécessaires, nous savons comment procéder et comment travailler avec nos alliés, comme les Nations unies.
    Deuxièmement, même si nos ressources sont limitées, je crois que nous pouvons adopter certaines mesures qui nous coûteront très peu, voire rien du tout. Par exemple, l'ajout de l'Ukraine à la liste d'AFCC permettrait au pays d'acheter du Canada l'équipement moderne de pointe dont elle a besoin sans qu'il en coûte un sou aux contribuables canadiens. D'ailleurs, cela aurait probablement un impact positif sur l'économie canadienne, dans une certaine mesure.
    Parallèlement, il y a l'approvisionnement en armes meurtrières. Il est vrai que nous ne sommes ni les États-Unis ni le Pentagone, et que nous n'avons pas les mêmes ressources qu'eux. Toutefois, je crois que l'approvisionnement d'un nombre limité d'armes défensives constituerait un geste très symbolique. Dans le cadre du processus que j'ai proposé plus tôt qui exploiterait la faiblesse des terroristes et montrerait que nous sommes sérieux, un tel geste montrerait à M. Poutine que notre soutien envers l'Ukraine, c'est plus que des mots. Il s'agirait également d'un exemple pour nos amis et alliés américains que nous devrions en faire davantage pour nos amis et alliés de l'OTAN.
    À mon avis, à l'intérieur de ces deux paramètres, nous ne devrions pas nous limiter au portrait global, à combien cela pourrait nous coûter et à combien nous pouvons nous permettre de dépenser. Il y a de nombreuses autres façons pour le Canada de continuer à faire ce qu'il fait, mais nous pouvons en faire davantage et devrions en faire davantage.
    Monsieur Schroeder.
    Je suis désolé, mais votre temps est écoulé.
    Monsieur Bezan, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président. Je partagerai mon temps avec M. Yurdiga.
    J'aimerais remercier tous les témoins d'avoir accepté notre invitation. Je tiens à remercier, en particulier, M. Kozak des services qu'il a rendus au Canada en tant qu'officier de l'armée de l'air et agent du renseignement et de sa volonté à vouloir redonner à l'Ukraine dans ces moments très difficiles.
    Professeur Leuprecht, à deux reprises maintenant, vous avez proposé d'élargir le corps d'officiers et la formation de ce corps. Ce que nous avons appris en Ukraine, notamment lors de nos discussions avec les membres des Forces armées canadiennes sur place, c'est que les militaires du rang semblent être sous-développés et manquer de direction. Que peut-on faire pour accroître le nombre de caporaux-chefs, de sergents, de sergents-majors et d'adjudants? C'est peut-être sur cet aspect que nous devrions concentrer notre formation.
    Je vous demanderais une réponse brève. Je sais que M. Yurdiga a plusieurs questions à vous poser.
    Monsieur Kozak, je sais que vous avez rendu visite à presque tous les membres de notre force dans les différentes bases en Ukraine ou ils offrent de la formation. Pourriez-vous nous parler de la formation que nous offrons à la police militaire et de la façon dont cela aide la lutte à la corruption au sein de l'armée ukrainienne?

  (1635)  

    Nous devons former les formateurs afin qu'ils puissent former le reste des troupes. C'est l'un des secteurs où il serait très utile de renforcer les liens entre les Forces armées canadiennes et les forces armées ukrainiennes. Vous avez raison de souligner que, même si nous avons beaucoup investi dans le corps d'officiers, ceux qui assurent le déroulement des opérations et assument le leadership sur le terrain, comme les adjudants, ne reçoivent probablement pas l'attention qu'ils méritent, en partie parce qu'il n'est pas aussi attrayant d'investir dans la formation des militaires de rang intermédiaire que dans la formation des officiers. Je crois que c'est à ce niveau que nous aurons les meilleures retombées. Nous devons travailler avec les soldats qui occuperont, dans cinq ans, des postes d'autorité.
    Pour répondre à votre première question, comme nous le savons, dans le régime militaire soviétique, le régime reposait sur la centralisation du commandement et de l'exécution, et le corps d'officiers, notamment les officiers supérieurs, constituaient la base de ce régime.
    Évidemment, le corps d'officiers constitue la base du régime de l'OTAN, mais dans une plus grande mesure, comme vous l'avez dit, monsieur Bezan, ce sont les militaires du rang supérieurs qui jouent un rôle déterminant.
    Dans le cadre de notre formation des troupes ukrainiennes, alors que nous effectuons des réformes — Mme Sinclair supervise ces réformes et formule des conseils au sujet de celles-ci —, il sera essentiel d'assurer la formation des militaires du rang supérieurs qui forment la base du régime de l'OTAN, car ce sont eux qui combleront l'écart. Ce changement, cette centralisation du commandement et de l'exécution, est déjà en cours, alors que l'OTAN donne plus de pouvoir aux commandants sur le terrain afin qu'ils puissent prendre des décisions et réagir rapidement. Il s'agit d'une façon plus efficace de procéder, et je crois que nous devons mettre davantage l'accent sur la formation de ces militaires du rang supérieurs.
    Pour répondre à votre deuxième question, monsieur Bezan, concernant l'efficacité de la formation offerte par le Canada à la police ukrainienne, plutôt que de vous fournir des statistiques, je vais vous donner un exemple personnel. Comme je l'ai déjà dit, je suis né et j'ai grandi en Ukraine. Dès mon jeune âge et à l'adolescence, on m'a appris à me tenir loin des policiers, car certains — et je n'exagère pas — étaient parmi les personnes les plus corrompues au pays. Même lors de mes voyages en Ukraine, sous les régimes précédents — le régime Kuchma et le régime Ianoukovitch — et même en possession d'un passeport canadien et d'un passeport diplomatique militaire, je me tenais loin des policiers, car ils pouvaient vous arrêter sur la route sans aucune raison autre que celle de recevoir leurs pots-de-vin dans le cadre du régime de corruption.
    Aujourd'hui, c'est tout le contraire. Ce n'est pas parfait, mais je dirais qu'à 98 %, la force policière est différente. Cela vous donne une idée de la différence que peuvent faire les Canadiens malgré des ressources limitées. C'est un exemple à suivre... Le modèle policier occidental et canadien est un modèle à suivre et sur lequel nous allons bâtir. Les Ukrainiens vont bâtir sur ce modèle, et je crois que nous pouvons poursuivre sur cette voie. Toutefois, cela prendra un certain temps. Après 70 ans sous le régime soviétique, et une vingtaine d'années sous des régimes de corruption, on ne peut pas tout changer en trois ans, surtout alors que le pays est en guerre et vit une crise économique, notamment. Mais, la formation est très efficace.
    Il vous reste un peu plus de 35 secondes.
    J'ai peur que nous n'en fassions pas assez. Nous parlons toujours des coûts.
    Si l'Ukraine finissait par être déstabilisée et prise par la Russie, quel en serait le coût? Une telle situation pourrait déstabiliser toute la région, ce qui coûterait très cher à la société occidentale. Pouvez-vous commenter cette affirmation, brièvement, en deux secondes ou moins?
    Des députés: Ah, ah!
    Deux secondes ou moins? D'accord.
    Quelqu'un...
    Oui, cela entraînerait certainement une déstabilisation.
    L'Ukraine est située en plein coeur de l'Europe, au carrefour des civilisations. C'est la frontière de l'Union européenne et de l'OTAN. Ainsi, un effondrement de l'Ukraine — le souhait de M. Poutine, un État en déroute — causerait toutes sortes de problèmes.
    Mon temps de parole est écoulé, mais je pourrais continuer à énumérer toutes les répercussions négatives qu'une telle situation aurait sur l'Ukraine, sur l'Europe et sur l'ensemble du monde libre. D'après moi, le Canada et l'OTAN ont tout intérêt à veiller à ce que cela ne se produise pas — pour le bien de l'Ukraine, mais comme je le souligne tout le temps, pour notre propre bien aussi.
    Puis-je faire deux brèves observations?
    La première, c'est que des armes légères du conflit en Ukraine se retrouvent déjà en Europe, surtout sur le marché des armes en Belgique, et elles sont utilisées par des gens que nous considérons comme des terroristes. Un tel effondrement entraînerait donc une prolifération des armes légères.
    La deuxième concerne la prolifération des technologies nucléaires à double usage. Nous savons déjà que des moteurs-fusées à ergols liquides d'une entreprise ukrainienne sont fort probablement envoyés en Corée du Nord, car une seule entreprise au monde produit les moteurs utilisés pour lancer certains des missiles du régime nord-coréen.
    Pour éviter cela, il faut éviter l'effondrement de l'Ukraine, mais il faut aussi veiller à ce que le gouvernement ukrainien respecte les règles. Il prétend n'être au courant de rien, mais d'après moi, le Canada doit être beaucoup plus strict à l'égard de l'Ukraine à ce sujet. Les gens ne peuvent pas se procurer indirectement des technologies à double usage; ces technologies ne peuvent pas se retrouver en Corée du Nord.

  (1640)  

    Le dernier intervenant pour ce groupe de témoins est M. Robillard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Mes questions s'adressent à M. Leuprecht.
    Quels sont les principaux intérêts de la Russie dans la région du Donbass? À quel point les notions de démographie et d'identité nationale jouent-elles un rôle? Quel est l'objectif à long terme de la Russie concernant la région du Donbass? Dans quelle mesure l'intervention de la Russie dans la région du Donbass s'inscrit-elle dans la plus grande ambition d'expansion territoriale?
    Tous les jours, 5 000 slaves s'ajoutent à la population russe de cette région. En raison du déclin démographique, les Russes s'inquiètent du déclin de l'identité slave. Je crois que cet aspect joue un rôle important dans la stratégie démographique de la région et dans l'identification de la Russie avec cette dernière.
    Sur le plan stratégique, la Russie va tenter de contrôler la région, de façon explicite ou implicite, pour faire en sorte que l'Ukraine ne se joigne pas à l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, ou OTAN. J'ai mentionné plus tôt les raisons stratégiques issues de l'imaginaire historique et de l'imaginaire stratégique actuels des Russes. Le jeu est égal des deux côtés concernant la région du Donbass, qui est au coeur du conflit.

[Traduction]

    Ma prochaine question s'adresse à M. Schroeder.
    Quel est l'état de la frontière entre l'Ukraine et la Russie? Est-elle poreuse? Dans quelle mesure?
    C'est extrêmement difficile de répondre à cette question, partiellement en raison du manque de données. Je préfère donc ne pas y répondre plutôt que de donner une réponse insatisfaisante.
    Je peux répondre à la question, si vous voulez, monsieur.
    Si vous regardez les territoires occupés — c'est dommage que je n'aie pas ma carte —, vous constaterez que les forces ukrainiennes n'ont pas le contrôle d'une partie importante du territoire ukrainien ou de l'ancienne frontière entre la Russie et l'Ukraine. Ce sont maintenant les forces et les milices russes qui détiennent le contrôle.
    La réponse est donc non, la frontière n'est pas poreuse, elle est complètement ouverte. Le matériel, les troupes, les agents du FSB, tous se déplacent librement entre les territoires occupés et la Russie. L'Ukraine ne contrôle absolument pas la frontière qui longe les régions occupées.
    Merci, messieurs, d'avoir été des nôtres aujourd'hui.
    Cette conversation est évidemment très importante. Elle aide à dissiper les informations erronées, la désinformation et les fausses nouvelles transmises par le camp russe ou sur Internet et à la télévision. J'ai bon espoir qu'elle nous donne une vision plus juste de ce qui se passe réellement dans la région, comparativement à ce qu'on dit à la population par divers moyens; elle est donc importante. Elle aidera également le Comité à faire des recommandations très éclairées dans son rapport à l'intention du gouvernement du Canada. Nos recommandations feront l'objet de débats, mais la discussion d'aujourd'hui nous met sur la bonne voie.
    Merci beaucoup.
    Je vais suspendre la séance pendant deux minutes seulement, pour nous permettre de dire au revoir aux témoins et d'accueillir le prochain groupe.

  (1640)  


  (1645)  

    Je souhaite la bienvenue à Mme Jill Sinclair, représentante canadienne du Conseil consultatif sur la réforme de la défense de l'Ukraine.
    Merci beaucoup de prendre le temps de vous joindre à nous aujourd'hui. Je vous cède la parole pour que vous nous présentiez votre déclaration préliminaire.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir invitée à m'adresser à vous aujourd'hui. Je suis vraiment désolée de ne pas avoir pu vous rencontrer lors de votre récent passage dans la région. Toutefois, il semble que vous avez eu une série d'activités formidables. J'en ai un peu entendu parler ici et j'ai bien hâte de recueillir vos impressions et, bien sûr, de répondre à vos questions.
    Ma déclaration préliminaire sera brève.

[Français]

    Comme vous le savez, je travaille avec l'Ukraine à titre de membre du Conseil consultatif sur la réforme de la défense, ou CCRD. Le Conseil a été mis sur pied il y a environ un an. Il s'agit d'une initiative du ministre de la Défense de l'Ukraine, le général Stepan Poltorak, visant à l'aider à mettre en oeuvre un programme de réforme ambitieux.
    Le ministre a demandé à six pays de nommer des experts de haut niveau pour siéger à un petit conseil consultatif, qui lui donnerait, ainsi qu'au chef d'état-major général, aux hauts représentants du gouvernement ukrainien et aux membres de la Verkhovna Rada, des conseils pour aider l'Ukraine dans ses efforts visant à mettre en place une réforme et à respecter les normes et les principes euro-atlantiques.
    Tout comme le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Lituanie et la Pologne ont été invités à envoyer des experts. Le Canada a été l'un des premiers à répondre. Le CCRD travaille à la fois en groupe et de façon individuelle.

[Traduction]

    À titre de représentante du Canada, j'ai eu la chance de me rendre presque tous les mois en Ukraine pour établir des liens et offrir un appui et des conseils au ministre et à nos partenaires de l'Ukraine dans leurs efforts pour mettre en place une réforme.
    Je suis fière de contribuer au vaste effort de l'ensemble du gouvernement canadien et de toute l'équipe de la défense en Ukraine. Je travaille en étroite collaboration avec notre chef de mission à Kiev, M. Roman Waschuk, et avec l'ensemble de notre équipe de la défense, du commandant de la force opérationnelle et son équipe extraordinaire à Yavoriv — je sais que vous les avez rencontrés — à tous mes partenaires des Forces armées canadiennes, du MDN et d'autres ministères.

[Français]

    L'enjeu de la réforme, comme vous le savez, est au coeur de notre travail en Ukraine. Je participe aux efforts visant à appuyer l'Ukraine à assurer son intégrité territoriale, sa souveraineté et sa prospérité. Avec l'inspiration et la détermination de la société ukrainienne, et avec l'élan et la vitalité de la Révolution de la dignité, mon travail consiste à aider l'Ukraine à réaliser sa vision d'un pays indépendant, stable et démocratique.

  (1650)  

[Traduction]

    Le travail du Conseil consultatif sur la réforme de la défense, le CCRD, et le mien sont centrés sur la feuille de route minutieusement élaborée par l'Ukraine pour sa réforme dans le domaine de la sécurité et de la défense, le Bulletin de défense stratégique. Le BDS est un document exhaustif, tant par sa portée que par son ampleur, visant à réformer entièrement le ministère de la Défense, les forces armées ukrainiennes et d'autres éléments du secteur de la sécurité, sur les plans de la planification, du budget et de la gestion du personnel, ainsi que par la création d'un poste de ministre de la Défense occupé par un civil et la mise en place d'un contrôle civil des forces armées. Je travaille en étroite collaboration avec d'autres membres de la communauté internationale, notamment avec l'OTAN.
    La réforme est un processus long et complexe, surtout dans le domaine de la défense et surtout en plein conflit. Je vais m'arrêter là, car vous avez beaucoup entendu parler du contexte et du conflit dans l'Est, qui représentent une partie majeure des défis que l'Ukraine affronte actuellement. C'est le contexte dans lequel elle doit mettre en oeuvre son programme de réforme. Malgré les nombreux obstacles et l'ampleur de ce qu'il reste à accomplir, l'Ukraine a réalisé des progrès et continue à en faire.
    Je suis heureuse d'avoir la possibilité de discuter des enjeux avec vous.

[Français]

    Je serai très heureuse de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    La première intervenante de la série de questions de sept minutes est Mme Alleslev. La parole est à vous.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup de votre présence.
    Quel travail stimulant, intéressant et important.
    J'aimerais savoir comment vous mesurez les progrès. Comment le gouvernement ukrainien et le Conseil consultatif sur la réforme de la défense mesurent-ils les progrès?
    Merci beaucoup pour la question.
    Le Bulletin de défense stratégique repose sur cinq piliers et il contient un total d'environ 162 objectifs. Comme nous le ferions ici, l'Ukraine a mis sur pied un comité de la réforme qui chapeaute les cinq piliers, et des comités de travail ont été formés pour chacun des piliers. Comme ce serait le cas ici, certains comités sont extrêmement efficaces, tandis que d'autres ne le sont pas.
    Nous tentons de fixer des paramètres qui permettraient non seulement de mesurer les résultats quantitatifs, mais aussi d'évaluer les changements qualitatifs. Le Canada, le Royaume-Uni et d'autres pays essaient d'aider l'Ukraine à mettre en place une bonne gestion de programme et à employer des données analytiques adéquates. La méthode que les Ukrainiens emploient et celle que nous utilisons à l'intérieur du ministère de la Défense pour fixer les paramètres et pour faire les mesures sont presque les mêmes.
    L'autre paramètre, évidemment, c'est le sentiment de la population ukrainienne à l'égard de la réforme. Fait intéressant, les sondages menés durant le dernier trimestre de 2016 ont montré que la réforme de la défense en Ukraine était considérée comme un des aspects les plus visibles et les plus positifs de la réforme. La population ukrainienne sent elle aussi que la situation s'améliore.
    Comment le Conseil consultatif sur la réforme de la défense mesure-t-il les progrès? Nous sommes six. Nous nous sommes réparti les piliers du Bulletin de défense stratégique, et maintenant que nous travaillons depuis un an, nous commençons à creuser très systématiquement. Quels sont les indicateurs de rendement clés détaillés dont nous avons réellement besoin? Où y a-t-il eu des changements? Sur quoi devons-nous nous concentrer? Je ne prétendrai pas qu'il s'agit d'une science, car comme vous le savez, cela ressemble plutôt à de l'alchimie et à de l'art, mais nous suivons une certaine méthode.
    Excellent.
    Donnez-nous une idée de l'échéancier.
    Ce qui est intéressant dans ce processus de réforme, c'est que le Bulletin de défense stratégique est un document ukrainien. Ce sont les Ukrainiens qui l'ont préparé, à partir d'un rapport de la RAND Corporation, une première ébauche, il y a environ un an. C'est un document entièrement ukrainien. Il contient des échéances précises pour chaque élément.
    Le Bulletin de défense stratégique va jusqu'à 2020. L'Ukraine espère atteindre l'interopérabilité avec l'OTAN d'ici cette année-là. Toutefois, il y a de nombreuses échéances avant celle-là, y compris, d'ici la fin de 2018, la nomination d'un civil au poste de ministre de la Défense.
    Quand?
    Avant la fin de 2018, pour la nomination d'un civil au poste de ministre de la Défense.
    D'ici 2020, les forces armées ukrainiennes devraient être entièrement contrôlées et surveillées par les autorités civiles. Il y a un échéancier pour chacun des objectifs.
    Comment vont-ils par rapport à leurs échéanciers?
    Vous savez...
    Tout changement comporte des défis. Comment vont-ils?
    Je dois dire que je trouve qu'ils vont extrêmement bien, compte tenu du contexte et de l'ampleur des défis.
    Permettez-moi de prendre un peu de recul. Le conflit n'est pas le seul élément contextuel. Il y a seulement trois ans et demi, ce pays a décidé de tout réformer, tout: l'économie, le territoire, le système judiciaire, les soins de santé, l'éducation. Je n'essaie pas d'édulcorer la situation. Il en reste beaucoup à faire...

  (1655)  

    Formidable.
    ... mais je pense qu'ils gagnent du terrain, et pour moi, c'est la trajectoire qui compte.
    Selon vous, quels sont les trois obstacles principaux, et quelles sont les trois choses que le Canada pourrait et devrait faire pour les aider encore davantage?
    Je pense que les trois obstacles et les trois domaines d'action se rejoignent, en quelque sorte. Les intervenants précédents ont abordé le sujet. Un des obstacles, ce sont les anciens systèmes, ce qui englobe beaucoup de choses, selon moi, comme la culture, les mentalités et les communications. Les anciens systèmes sont encore tellement présents. Il reste des traces de l'époque soviétique et des gouvernements ukrainiens corrompus. Nous devons venir à bout des anciens systèmes, et la culture joue un rôle important.
    À mon avis, nous devons commencer à nous concentrer... Un des grands obstacles, c'est la gouvernance, et ce, pour l'ensemble de l'Ukraine. Beaucoup de travail est fait sur ce plan, par le FMI, par l'OTAN et par l'Union européenne. Tout le monde tente d'aller dans la même direction, mais les systèmes de gouvernance, pour des raisons de connaissances et tout simplement de capacités, ne sont pas encore à point, et il n'y a donc pas...
    Vous parlez de la gouvernance même à l'extérieur du domaine de la défense. Juste la gouvernance, comme...
    Je parle de la gouvernance en général parce que dès qu'on aborde le sujet de la défense, ce qu'on constate ou ce que j'ai constaté dans mon travail, c'est que tous les chemins mènent au niveau stratégique.
    Oui.
    La gouvernance doit commencer à l'échelon supérieur, dans le cadre juridique, dans un Parlement doté de pouvoirs. C'est tout cela, mais c'est aussi les habitudes et les pratiques du gouvernement, qui sont tout simplement inexistantes, ce qui me ramène à mon premier point, les anciens systèmes. Ce n'est pas une question de manque de volonté. C'est tout simplement la réalité. Il faudra donc du temps pour y arriver.
    La dernière chose serait le renforcement des capacités, et j'espère que cette réponse ne semble pas intéressée juste parce que le Canada a une mission de formation extraordinaire à Yavoriv. Il faut renforcer les capacités, et ce, aux bons niveaux. Il faut le faire aux échelons supérieurs, mais aussi aux échelons inférieurs, comme beaucoup d'autres vous l'ont déjà dit, afin de mettre à profit la vaste expérience et le dynamisme de la société civile ukrainienne.
    D'après vous, que devrions-nous faire de plus pour aider?
    Je pense que nous devons maintenir le cap, ce qui signifie, comme d'autres l'ont dit, que nous devons faire preuve de patience stratégique. Nous ne pouvons pas perdre patience. Nous devons nous rappeler que ce projet n'en sera bientôt qu'à sa quatrième année; il faut donc du temps. Nous devons maintenir le cap et continuer à nous investir. Nous devons également nous donner la souplesse nécessaire pour viser non seulement les changements, mais aussi la réforme. À mon sens, c'est ce que nous avons fait avec notre mission de formation et nos autres investissements — je parle d'Affaires mondiales, de Sécurité publique et de tous les acteurs qui contribuent à l'effort canadien. Cela signifie que nous devons former les formateurs, nous devons servir de guides et nous devons continuer à épauler nos partenaires, ainsi que leur permettre d'assumer la responsabilité d'atteindre le prochain objectif. C'est extrêmement important.
    Contribuons-nous à la sphère de la gouvernance?
    Oui.
    Devons-nous fournir davantage de ressources, peut-être sur le plan judiciaire?
    En fait, nous avons un bon programme de formation des juges. Il faudrait certainement en faire plus sur le plan judiciaire.
    Excellent. Merci.
    Merci.
    Monsieur Bezan.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Sinclair, c'est toujours agréable de vous voir.
    J'ai remarqué que le comité était formé de plusieurs généraux à la retraite et de vous, ancienne ambassadrice, diplomate et responsable de la politique à la Défense nationale. Trouvez-vous que travailler avec plusieurs généraux fonctionne bien? Vous tentez de mettre en place un contrôle civil...
    En effet.
    … et ce sont tous des militaires.
    Je trouve que cela fonctionne extrêmement bien. C'est peut-être attribuable à la bonne école qu'est la Défense nationale dans sa collaboration avec les Forces armées canadiennes.
    Il est intéressant de noter que dans les pays avec lesquels je collabore, ce sont des militaires très chevronnés. Ils s'en remettent à moi pour le volet civil, alors que je m'en remets à eux pour leur expertise militaire. Ils comprennent fondamentalement ce que signifie d'avoir peut-être pas un contrôle civil, mais ce que je préfère appeler une obligation démocratique de rendre des comptes au sein des forces armées. Nous avons une excellente relation. Le groupe fonctionne bien, et je pense que nous faisons bonne figure devant les Ukrainiens en leur présentant la façon dont les choses doivent se passer.
    Je suis ravi de l'entendre.
    Vous avez dit que 2018 sera une année de changement au ministère de la Défense. Comment le général Poltorak s'y prépare-t-il? Il était très enthousiaste lorsque nous l'avons rencontré pendant notre séjour à Kiev. Va-t-il prendre sa retraite en tant que général, puis poursuivre sa carrière à titre de ministre, ou souhaite-t-il demeurer au sein de l'armée jusqu'au moment de récolter tous les honneurs?

  (1700)  

    C'est une excellente question.
    Je pense que cela se rapporte en quelque sorte à l'ancien système et qu'il faut simplement essayer de faire comprendre aux gens en quoi consiste le poste de ministre civil de la Défense. De nombreux merveilleux pays ont des exemples de militaires qui sont devenus ministres de la Défense, de sorte que nous savons qu'il est possible de le faire, et avec succès.
    Je pense qu'une des clés du succès est de s'entourer d'une gouvernance. Il doit y avoir des institutions, des habitudes, des pratiques et de la transparence. La reddition de comptes est claire. Chacun connaît la responsabilité qui accompagne son rôle.
    Une bonne partie de ces pratiques fait encore défaut dans le régime ukrainien, en particulier du côté du ministère de la Défense, où le volet civil est foncièrement sous-développé, et l'état-major général, très avancé.
    Encore une fois, c'est attribuable à l’ancien système. Nous devons aider les Ukrainiens à comprendre qu'il ne suffit pas de troquer l'uniforme pour le tailleur ou l'habit.
    Nous avons notamment rencontré le comité de la défense de la Verkhovna Rada, le Parlement ukrainien. Conseillez-vous également les parlementaires sur le rôle qu'ils peuvent jouer dans la surveillance civile du ministre, comme nous le faisons au Canada?
    Je vous remercie de la question.
    En effet, j'ai omis un des aspects que je voulais aborder, à savoir que je travaille en étroite collaboration avec la Verkhovna Rada et Oksana Syroyid, que vous avez rencontrée, de même qu'avec les membres de son comité. Un des engagements pris dans le Bulletin de défense stratégique et dans le premier pilier, auquel je m'attarde davantage, consiste à améliorer la relation avec la Rada. À l'heure actuelle, les choses ne se passent pas aussi bien qu'elles le devraient.
    Je pense bel et bien que la Verkhovna Rada a besoin de l'aide de nos parlementaires, sous forme de mentorat, pour comprendre comment gérer un comité comme le vôtre, préparer un témoin, préparer la documentation et se doter du personnel nécessaire. C'est encore une fois une question de capacité. Je pense que renforcer la capacité de surveillance du Parlement est crucial pour inciter le ministère et l'organisation à assumer ses responsabilités, à faire ce qu'il faut et à participer adéquatement.
    Il faut donc renforcer les capacités.
    Merci.
    Je vais céder le reste de mon temps à M. Yurdiga.
    Merci.
    Nous avons beaucoup entendu parler de la corruption qui règne au sein des forces armées ukrainiennes. Par curiosité, le Conseil consultatif sur la réforme de la défense de l'Ukraine a-t-il mis en place une stratégie pour contrer la corruption d'aujourd'hui et de demain?
    Je vous remercie de la question.
    La corruption est un problème qui persiste, et si vous suivez les nouvelles de l'Ukraine, vous savez qu'un des sous-ministres de la Défense a récemment été arrêté pour cette raison. La corruption est d'ailleurs un des éléments du Bulletin de défense stratégique. Les Ukrainiens ont mis en place des bureaux de lutte contre la corruption au sein du ministère de la Défense. Ces instances doivent toutefois être renforcées considérablement. Le Royaume-Uni fait beaucoup de travail en ce sens.
    Les États-Unis s'efforcent d'aider les responsables à réfléchir à la façon dont ils analysent le budget de la défense et font le suivi des dépenses. À l'heure actuelle, il n'y a aucun moyen de mesurer, d'identifier ou de retracer à quel endroit l'argent qui entre dans le système est dépensé et sort à l'autre extrémité. Il n'y a pas de mesure des équivalents temps plein, ou ETP, si vous êtes familier avec ce concept.
    Il s'agit dans une certaine mesure de principes de base de la comptabilité, mais nous sommes très conscients de la corruption. Encore une fois, il est extrêmement important de favoriser la transparence, la gouvernance et des procédures visant à transférer certaines habitudes de gouvernance au ministère.
    Je comprends qu'il y a beaucoup de corruption à tous les niveaux, y compris dans l'armée. Cependant, avec cette stratégie, qui va surveiller toutes ces instances gouvernementales? Devrait-ce être un comité international? Une organisation civile devrait-elle concevoir un mécanisme à l'interne? Je ne suis pas certain que nous allons réussir. Adopter une stratégie est une chose, mais la mettre en œuvre et la faire fonctionner en est une autre.
    Vous avez tout à fait raison, monsieur. Tout dépend de la mise en oeuvre.
    Il y a une instance ukrainienne vouée à la lutte contre la corruption, et c'est effectivement ce bureau qui a arrêté l'homme la semaine dernière.
    Je pense qu'il faut trouver comment rassembler plus efficacement l'effort international. Vous avez également le Fonds monétaire international, qui a rendu les démarches de lutte contre la corruption du gouvernement ukrainien essentielles à l'obtention des fonds dont le pays a besoin. L'Union européenne fait la même chose. De nombreux instruments internationaux sont axés sur la corruption puisque c'est essentiel à la légitimité de l'État. Pour le moment, la situation est encore un peu difficile, et même très discutable d'après certains.
    Nous comprenons tous que pour que les choses fonctionnent, nous avons besoin d'un budget. A-t-il été question d'un chiffre? De combien d'argent avons-nous besoin pour surveiller cette corruption? A-t-on discuté des coûts à assumer pour s'assurer que toutes les instances gouvernementales respectent les règles?

  (1705)  

    Je crains de ne pas pouvoir répondre à la question. J'ignore si un montant a été estimé. Je pense toutefois que le chiffre est extrêmement important, et que la mentalité et les mécanismes de reddition de comptes sont tout aussi importants. Cela reviendrait en quelque sorte à une surveillance parlementaire efficace, à une société civile engagée qui pourrait demander des comptes au gouvernement, et pas seulement en période électorale, et à une assurance que tous les efforts internationaux relatifs à la corruption, qui sont nombreux, sont cohérents, de sorte que notre soutien soit cohérent.
    Combien de temps me reste-t-il?
    En fait, vous venez de dépasser le temps alloué.
    C'est un bon moment. Cela ne me pose aucun problème.
    Ces gens ne seraient probablement pas du même avis.
    Je vais donner la parole à Randall Garrison.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous suis vraiment reconnaissant d'être à notre disposition aujourd'hui pour notre étude. Je pose toujours des questions sur la diversité de l'effectif militaire, et je vais poser une autre sorte de question militaire. Compte tenu de la présence d'une importante communauté russophone en Ukraine, dans le cadre de la réforme de l'armée, a-t-on veillé à y accueillir non seulement les ukrainophones, mais aussi les russophones? Je pose la question pour savoir s'il y aura un grand défi de démobilisation en cas de règlement éventuel du conflit.
    Je vous remercie de votre question.
    Je ne connais pas les données démographiques détaillées des forces armées ukrainiennes, qui comptent environ 250 000 militaires. Mais il est intéressant de noter que de nombreux Ukrainiens parlent le russe; c'est parfois même leur langue maternelle en raison de la période de transition.
    Si j'ai bien compris, la présence de russophones ne concorde pas nécessairement à l'identité russe, c'est-à-dire au sentiment d'appartenir davantage à la Russie qu'à l'Ukraine. Le russe est employé partout. Il est parlé à toutes les tables auxquelles je siège. Mais la question plus vaste se rapporte à la cohésion sociale et à l'inclusion pour la suite des choses. Il y a bel et bien des défis à ce chapitre.
    Je pense que les forces armées ukrainiennes sont probablement beaucoup plus cohésives sur le plan social que d'autres groupes en Ukraine, mais c'est un problème qui préoccupe assurément les Ukrainiens les plus réfléchis.
    Je vais maintenant revenir à des questions plus classiques sur la diversité. Dans le cas des femmes qui servent dans l'armée, c'est assurément une observation anecdotique, mais nous n'avons pas vu de femmes occupant des postes de haut niveau dans les réunions auxquelles nous avons assisté en compagnie de l'armée ukrainienne. Je me demande si cela fait partie de la réforme visant à bâtir une armée moderne.
    Aux yeux de la mission d'instruction du Canada, c'est tout à fait le cas. Encore une fois, nous prêchons par l'exemple, et le fait d'avoir des femmes dans nos équipes — qui sont des mentors et des formatrices — fait partie de l'héritage culturel. Il y a des femmes dans l'armée ukrainienne, qui se trouvent généralement dans les services traditionnels.
    Nous parlons tous avec le chef d'état-major général et le ministre de la façon dont il est possible d'avoir des femmes dans n'importe quelle fonction. La transition prendra du temps. Les responsables disent être ouverts à l'idée. Je sais que lorsque le président Porochenko était ici, il a dit accueillir favorablement la politique étrangère en quelque sorte féministe du Canada, et reconnaître le rôle que les femmes peuvent jouer. Encore une fois, si vous vous attardez aux activistes de la société civile qui ont tout rendu possible lors de la révolution de Maïdan, vous constaterez que les femmes étaient partout.
    Au sein des organisations bénévoles, y compris au ministère de la Défense — le bureau de la réforme composé de bénévoles est intégré au ministère de la Défense —, de nombreuses femmes siègent aux mêmes tables que le chef d'état-major général pour lui dire comment réformer le système de santé et quoi faire sur le plan logistique.
    Le travail se poursuit à cet égard.
    Dans vos remarques liminaires, vous avez dit que le Conseil consultatif sur la réforme de la défense ne vise pas qu'à réformer l'armée; vous avez aussi parlé du secteur de la sécurité dans son ensemble. Pouvez-vous nous parler des autres domaines qui sont couverts par ce programme de réforme?
    Le Bulletin de défense stratégique englobe les forces armées ukrainiennes, le ministère de la Défense, la garde nationale et les gardes-frontières aussi. Par définition, puisque nous avons été invités par le ministre de la Défense, le Conseil se concentre plutôt sur ce qui se rapporte à la Défense, mais bon nombre des problèmes sont intersectoriels. La garde nationale travaille en étroite collaboration avec les forces armées ukrainiennes, de sorte que si vous essayez d'apporter des changements à l'armée, vous devez le faire aussi pour la garde nationale, et inversement.
    Nous sommes conscients des autres joueurs et essayons d'en tenir compte, mais les forces armées ukrainiennes sont le plus grand volet de cet effort.

  (1710)  

    Je soulève la question parce qu'une personne — et c'était peut-être par hasard — m'a demandé si les efforts de réforme englobaient la garde nationale et les gardes-frontières, ou si des initiatives avaient vraiment été lancées dans ces domaines.
    La garde nationale fait assurément partie des efforts déployés par le Canada. Nous avons collaboré avec elle pour sa réforme. L'entité est beaucoup plus petite. Elle vient d'ailleurs d'être remise sur pied. À bien des égards, c'est elle qui dirige ses efforts de réforme, y compris la façon d'interagir avec le personnel non officier et de réaliser les acquisitions, des pratiques qui sont beaucoup plus transparentes.
    Nous essayons de dire aux forces armées ukrainiennes qu'elles doivent en quelque sorte trouver leurs propres modèles. Elles ne peuvent pas seulement se tourner vers l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, ou l'OTAN. Elles doivent déterminer comment améliorer leurs propres modèles.
    Quand on parle de gardes-frontières, serait-ce l'équivalent des agents des douanes? Qu'est-ce qu'on entend vraiment par là?
    C'est un organisme semblable à l'Agence des services frontaliers du Canada, qui s'occupe des contrôles douaniers et frontaliers.
    Compte tenu des inquiétudes suscitées par le trafic d'armes et d'autres choses qui transiterait apparemment par l'Ukraine, réformer la garde-frontière semble extrêmement important.
    C'est ce que je pense. Je ne peux pas commenter ce volet puisque je n'en connais pas les détails, mais il est extrêmement important d'être capable de gérer ses frontières.
    Je voudrais préciser que l'Union européenne vient de déclarer en juillet que l'Ukraine serait une destination sans visa. Le pays fait désormais partie de l'espace Schengen. Chose certaine, si vous aviez été en Ukraine avant cela et que vous y êtes retournés depuis, vous aurez vraiment constaté une différence sur le plan du professionnalisme. C'est un fait anecdotique plutôt qu'un jugement professionnel. C'est ce que j'ai observé en traversant les contrôles frontaliers.
    Je vous remercie.
    Parfait.
    Je vous remercie.
    Allez-y, monsieur Gerretsen.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Madame Sinclair, je vous remercie d'être venue aujourd'hui.
    Je pense que vous faites un travail plutôt remarquable et intéressant. Je crois qu'il y a de véritables défis là-bas. C'est du moins ce que j'ai observé quand nous étions en Ukraine.
    Vous avez évoqué les jeunes qui font partie des bénévoles et du groupe consultatif afin de prodiguer des conseils sur la réforme de la défense en Ukraine. Nous en avons été témoins. Nous avons vu et entendu certaines de ces personnes. Nous avons été témoins de leur passion et de leurs idées progressistes.
    Nous avons également remarqué que les anciennes façons de diriger l'armée au sein de l'Union soviétique sont encore bien établies et vivantes. Nous avons aussi entendu parler de Canadiens qui ont demandé à ces anciens soviétiques: « Pourquoi ne rencontrez-vous pas ces gens pour suivre certaines de leurs recommandations? » On leur aurait répondu: « Non, ces gens ne comprennent pas. Ils ne savent pas de quoi ils parlent. Ils ne comprennent pas vraiment la défense comme nous. Nous procédons ainsi depuis toujours. »
    Je ne peux pas m'empêcher de me demander une chose lorsque vous essayez d'éradiquer la corruption... J'ai posé la question aux témoins précédents, mais j'ignore si vous étiez dans la salle. Est-ce qu'une partie des échelons supérieurs de la défense dont la mentalité est enracinée souhaite sincèrement se réformer? Se prêtent-ils au jeu surtout pour apaiser les gens, étant donné que leurs alliés sur place le veulent vraiment, et que les dirigeants doivent apaiser leurs craintes?
    C'est une excellente question et remarque, à laquelle vous avez partiellement répondu vous-même, mais laissez-moi vous en parler.
    Tout d'abord, ces mentalités enracinées appartiennent à l'ancien système. Je l'appelle parfois la croûte. Il y a une croûte dans le système qui doit être perforée. Elle est là pour toutes sortes de raisons. Certaines de ces personnes restent en poste pour empêcher les choses d'évoluer. Certaines ont peur du changement. Certaines ne connaissent rien d'autre que ce qu'elles font, et elles n'ont nulle part où aller. Cela vous amène à vous demander s'il peut y avoir des programmes de retraite pour soulager ces gens.
    Si vous avez parlé à nos gens à Yavoriv, vous savez qu'ils ont été les premiers à remarquer ces jeunes extraordinairement bien formés. Ces personnes extraordinaires reviennent de l'opération antiterroriste avec des façons de faire novatrices, créatives et nouvelles. Elles reviennent au quartier général ou à leur unité, puis elles frappent un mur. Elles se heurtent à un obstacle. Comment gérer la situation?
    Il faut que les hauts dirigeants politiques prennent position: « En fait, nous avons décidé que nous avons besoin d'une réforme profonde, de sorte que nous aimerions que certains d'entre vous passent à autre chose et acceptent cette offre. » Sinon, cette décision n'est pas prise. D'autres pays l'ont fait. Je sais que la Hongrie...

  (1715)  

    Est-ce que c'est ce qui se passe à l'heure actuelle?
    Non, et j'ignore pourquoi. Est-ce parce qu'ils sont en pleine guerre? Se passe-t-il autre chose?
    Comme je l'ai dit, c'est le type de démarche qui a été suivie en Hongrie. Il s'agissait de dire « soit vous respectez ces critères et vous restez, soit vous partez ».
     Je veux seulement d'obtenir votre point de vue. À votre avis, vaut-il la peine que le Canada modifie sa démarche, en ce sens qu'ils doivent commencer à faire une partie de ces choses?
     Je dirais qu'ils font une partie de ces choses. J'ai remarqué des changements du côté de certains des hauts dirigeants. Qu'il s'agisse d'apaiser les gens ou de reconnaître qu'il est inutile de résister parce que c'est de cette façon que les choses se dérouleront, si les gens font le bon choix pour les mauvaises raisons, on le prend, n'est-ce pas?
    Oui...
    C'est correct. On mettra en doute leurs motifs plus tard, mais on le prend, et nous passerons à l'action de toute façon.
    ... pourvu que cela dure après notre départ.
    C'est une question de durabilité, justement.
    Je reviens presque au premier point à la base, que je tâche de ne jamais oublier. Contrairement à d'autres endroits où nous avons essayé de faire une réforme, il s'agit ici pour nous d'aider l'Ukraine à implanter la réforme qu'elle dit vouloir mettre en place. Le président, la Rada, ont dit qu'ils aspiraient à adhérer aux normes et aux principes euro-atlantiques, qu'il s'agit de l'interopérabilité de l'OTAN. Je ne dis pas à des supérieurs qui servent depuis Dieu sait combien de temps qu'il leur faut changer les choses, que leur gouvernement a dit... et que c'est pourquoi l'EuroMaïdan a eu lieu. Il ne s'agit pas ici de l'idée d'un groupe de bien-pensants occidentaux. C'est une idée essentiellement ukrainienne, et je pense que c'est un point de départ très important, pour moi en tout cas.
    Merci.
    J'ai promis à la secrétaire parlementaire, Sherry Romanado, que je lui céderais les deux dernières minutes.
    Reste-t-il du temps?
    Il reste une minute et 55 secondes.
    Merci.
    Nous avons entendu beaucoup de choses sur la guerre hybride et les problèmes dans la région concernant les campagnes de désinformation russes, etc.
     En ce qui concerne certaines statistiques sur l'Ukraine, le pays compte 2,4 millions abonnements à la télévision, et près de la moitié de la population, 21 millions, sont des internautes. Quels moyens sont utilisés pour les campagnes de désinformation russes? Nous avons entendu des choses au sujet de la télévision, soit qu'on essaie de diffuser subtilement des faussetés. Sur le plan des capacités cybernétiques et des réseaux sociaux — et seulement 12,6 % des Ukrainiens utilisent Facebook —, je sais qu'en mai 2017, au moyen d'un décret présidentiel, on a empêché l'accès à trois réseaux sociaux russes, à deux réseaux de médias sociaux et à un moteur de recherche, Yandex.
    Que peut faire le Canada pour aider l'Ukraine à lutter contre la cyberguerre? Je sais que notre pays n'a pas de grandes cybercapacités. Nous y travaillons toujours. Nous fabriquons l'avion tout en le pilotant. Que pouvons-nous faire pour aider l'Ukraine à lutter contre les campagnes de désinformation qui sont menées, à l'aide de ces différents intermédiaires? Pourriez-vous en dire davantage à ce sujet?
    Je peux faire deux ou trois observations, mais cela va un peu au-delà de mon domaine de compétence
    Le temps est-il écoulé?
    Non, vous disposez de 30 secondes.
    D'accord. Cela va un peu au-delà de ma compétence. C'est simplement comme une personne qui fait des aller-retour et garde ses yeux légèrement ouverts.
    La Russie utilise tous les moyens... peu importe. Il peut s'agir du service postal. Elle utilise tout. Je pense que jusqu'à un certain point, le gouvernement ukrainien et les Ukrainiens savent que c'est omniprésent dans leur environnement. C'est peut-être subtil dans certains endroits et plus flagrant dans d'autres.
    Que peut faire le Canada pour aider l'Ukraine? Je vais revenir un peu sur le volet de la défense. Dans une partie du travail qu'il accomplit en tant que membre de l'OTAN, le Canada dirige, avec l'Allemagne et le Royaume-Uni, des efforts sur le commandement et le contrôle et l'informatique. Nous y consacrons pas mal d'argent. C'est une façon de lutter contre la cybermenace. De plus, dans notre formation, nous sensibilisons les gens à cette menace; nos formateurs sont conscients de cette menace.
    Merci, monsieur le président. Je suis désolée d'avoir pris plus de temps.
    Ça va.
    Madame Young.
    Merci beaucoup. Je suis ravie d'être ici et de vous poser des questions. Je vous remercie beaucoup de comparaître devant le Comité. Je vais céder une partie de mon temps.
    Une députée: Non, ça va.
    Mme Kate Young: D'accord.
    Vous avez fait des commentaires très positifs sur les progrès qui ont été accomplis en très peu de temps. Vous avez dit que vous pensiez qu'il était essentiel que nous maintenions le cap, et que nous ne pouvons pas perdre patience. Or, je crois que l'histoire nous a montré que cela ne fonctionne pas toujours, que parfois, le temps ne joue pas en notre faveur. Craint-on que le conflit réduise à néant les progrès qui ont été réalisés par vous, par nous et par le peuple ukrainien ces trois dernières années?

  (1720)  

     Je suis préoccupée par le temps, et pas tellement en raison du conflit, je dois dire. Je suis préoccupée parce que nous nous heurtons au cycle électoral ukrainien, à des élections qui auront leur propre dynamique, comme vous le savez tous. Je suis préoccupée parce que les gouvernements sont généralement peu patients. On passe à la prochaine crise. Je suis préoccupée également parce que la population ukrainienne s'impatiente. Vous avez vu certaines de ces manifestations.
    En effet, je suis préoccupée. Voilà pourquoi il est vraiment important que nous ayons... presque des projets pilotes et des validations de principe. Pour les grands volets, il faudra du temps, et ils sont interreliés. La défense est liée à la justice, et ainsi de suite, mais nous devons apporter de petits changements. Voilà pourquoi les projets dans le domaine de la défense, comme la professionnalisation du corps des sous-officiers, un volet dans lequel beaucoup de travail a été effectué grâce au Canada... Ce sont des gens qui servent dans les forces armées, qui sont passés de conscrits à ce qu'on appelle des soldats sous contrats, ce qui fait en sorte qu'ils sont mieux payés, ont de meilleures ressources, et sont mieux outillés. Lorsqu'ils retournent dans leur village, les gens se disent qu'un changement est possible.
    Je ne veux pas être exagérément optimiste, mais je crois vraiment en l'effet de démonstration. C'est extrêmement important, et j'ose espérer que cela nous permettra d'avoir un peu plus de temps pour apporter le changement institutionnel stratégique qu'il faut.
     Discutez-vous de ce qui risque de se produire, des questions qui doivent être posées? Par exemple, si telle chose arrive, voici ce que nous ferons; si telle chose arrive, nous changerons de cap. En discutez-vous? Lorsque vous dites qu'il faut « maintenir le cap », vous concentrez-vous sur ce que vous espérez accomplir, en tenant compte des répercussions politiques, ou c'est plus que cela?
    C'est une question intéressante parce que nous formons un conseil consultatif du ministre de la Défense. La mesure dans laquelle il y a des questions qu'il doit examiner lorsqu'il... Nous discutons de tout, du conflit jusqu'aux répercussions possibles si certaines choses tournent mal dans le processus de réforme. Comment atténuer les effets? Comment se ressaisir? Que faut-il faire? Oui, nous discutons de ces questions.
    En tant que conseil, nous essayons de rester alertes. Notre rôle, c'est en partie, au moins, d'aider le ministre et l'Ukraine à toujours être un peu en avance par rapport à ce qui se passe, parce que nous avons de l'expérience et la capacité qu'il faut, car nous n'essayons pas de diriger le pays.
    L'un des témoins précédents a dit à quel point il était important de former les formateurs. Pourrais-je connaître votre point de vue à cet égard? Des mesures ont-elles déjà été prises? Êtes-vous plutôt d'avis que nous devons être plus rigoureux sur ce plan?
    Oui, nous sommes passés à la formation des formateurs et c'est l'un des volets dans lequel les Canadiens excellent. Les choses se déroulent assez rapidement au sein de notre force opérationnelle — les 200 personnes qui donnent la formation — concernant la formation des formateurs. En fait, nous avons l'autorité officielle nous permettant d'avancer dans ce que j'appellerais la chaîne de valeur. Former les recrues, c'est très bien, mais ce qu'on veut faire, c'est former le prochain niveau, et ensuite on veut se rendre aux institutions, ce qui a une plus grande portée.
    Cela ne fait pas partie de la mission de formation des États-Unis, et les Britanniques ne le font pas non plus. Le Canada le fait; nous passons donc d'une formation ordinaire à des rôles de mentor et de conseiller.
    De plus, comme l'a dit l'un des témoins précédents, je crois, nous devons intégrer les ministères. Nous le faisons. Nous apprenons des leçons. Nous savons que les Ukrainiens peuvent nous en apprendre beaucoup sur la guerre hybride et la cyberguerre, et sur d'autres questions. En apprenant d'eux, nous pouvons les aider à mieux comprendre ce qu'ils vivent. Nous en retirons ce que nous pouvons, mais nous les aidons à passer à la prochaine étape également. Concernant la formation, nous progressons dans la chaîne de valeur.
    D'accord.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    C'est Randy Hoback qui posera les dernières questions.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Sinclair, je vous remercie du travail que vous accomplissez. Ce que vous faites, c'est tout à votre honneur, et nul doute que vous changerez des vies, non seulement maintenant, mais plus tard. C'est très important.
    Mme Romanado a parlé de la cybersécurité et je me pose une question. Est-ce que les Russes ont utilisé la cybersécurité, de fausses nouvelles ou des choses de ce genre afin de nuire au processus ukrainien pour ce qui est des choses que vous aimeriez qu'ils mettent en oeuvre? Avez-vous des exemples où ce que l'on voit à la télévision et dans les nouvelles n'est pas vrai et nuit au processus visant un rapprochement avec l'OTAN?

  (1725)  

    Oui, ce genre de choses se produit. Pour ce qui est des fausses informations diffusées par les Russes, il y a un contre-discours pour à peu près tout développement positif. Cela peut se faire subtilement ou moins subtilement, et on laisse entendre que les choses ne sont pas comme elles le semblent, ou qu'en fait, les forces armées ukrainiennes ne s'entraînent pas bien ou qu'elles commettent des abus, ou peu importe. Il y a un effort délibéré, qui ne vise pas tellement le CCRD en particulier — quoique c'est peut-être le cas maintenant, sait-on jamais —, mais il s'agit certainement d'essayer de contredire le discours de progrès et de saisir les occasions lorsqu'elles se présentent. Puisque le système comporte beaucoup de lacunes, il y a des occasions.
     Comment déterminez-vous ce qui constitue de fausses nouvelles ou de fausses informations qui, en réalité, sont diffusées seulement pour nuire à la communication entre l’armée ukrainienne et nous?
    C'est une très bonne question.
    Je compte essentiellement sur un réseau d’intervenants de la société civile de l’Ukraine, des groupes de réflexion, des parlementaires, pour essayer de savoir ce qui se passe vraiment sur le terrain. De plus, les membres de la communauté internationale s’entraident, en ce sens qu’ils peuvent vérifier les faits et remettre en question ce que nous avons entendu et se demander quelle est la situation réelle.
     Je dois dire que les choses sont parfois un peu nébuleuses en Ukraine et qu’il est difficile de connaître la vérité, mais nous avons des liens de confiance et nous sommes en mesure de poser des questions. Si quelque chose me préoccupe vraiment, je peux demander au ministre ce qui se passe.
    Obtenir des informations de première main.
    Exactement.
    Monsieur Bezan.
    Merci.
    Il reste une minute. Ce qui s’est passé entre autres lorsque la guerre a éclaté, c’est que de nombreuses milices ont été créées; bon nombre d’entre elles ont été financées par des intérêts privés. Certaines d’entre elles ont été financées par différents maires et régions. Comment l’unification a-t-elle fonctionné? Comment les choses se sont-elles passées concernant tous ces intérêts personnels et régionaux, j’imagine, qui ont participé à la mise sur pied des forces militaires après la Crimée et l’invasion dans le Donbass? Ces milices font-elles maintenant partie intégrante des forces armées comptant 250 000 membres?
    Je vous remercie de la question.
    Certaines milices sont complètement intégrées, tandis que d’autres ne le sont pas. Cela nous ramène un peu à ce que d’autres témoins ont dit. Des intérêts personnels et privés sont encore en jeu; des gens financent en quelque sorte ces milices pour diverses raisons. Les raisons peuvent être bonnes ou mauvaises. Concernant la question de l’unification, de la gouvernance, de la professionnalisation réelle des forces: quels sont les fondements éthiques, la doctrine, la signification? C’est un aspect sur lequel il nous faut encore nous concentrer, et c’est certainement un sujet dont nous avons discuté avec les Ukrainiens.
    Il y a également le fait que la sécurité à la frontière et la garde nationale sont séparées en quelque sorte. Elle relève d’un autre ministère, n’est-ce pas?
    Oui, pour la garde nationale, c'est légèrement différent. Lorsqu'elle mène des activités de défense du pays, elle est coupée, en fait. Elle relève des forces armées ukrainiennes, de sorte qu’il y a davantage une unité de commandement.
    Pour ce qui est des liens entre tous ces services de sécurité, ce qui nous ramène à une question qui a été posée plus tôt, il y a une ébauche de loi sur la sécurité nationale. On en est encore à l’étape de l’ébauche. Cela requiert beaucoup de travail. Il est extrêmement important que cette… J’ignore si vous en avez entendu parler lorsque vous étiez avec vos collègues parlementaires, mais cette loi doit être établie, parce qu’on ne sait pas clairement qui a les rôles et les responsabilités et où cela doit se situer dans un pays démocratique.
    Merci
    Nous avons terminé au bon moment. La sonnerie se fait entendre et nous devons aller voter.
    Je vous remercie beaucoup d’être venue comparaître aujourd’hui. Puisque vous avez dit que vous aviez travaillé directement avec les ministres, lorsque vous reverrez le général Poltorak, transmettez-lui nos salutations. C’est lui qui a fait participer notre comité et le Parlement. Veuillez lui offrir nos pensées les plus sincères.

  (1730)  

    Très bien. Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de votre témoigne.
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