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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 084 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 7 décembre 2017

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Français]

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Je vous souhaite à tous la bienvenue à notre réunion qui porte sur un sujet très populaire: les changements climatiques et les problèmes de conservation de l'eau et des sols.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue à Pierre Desrochers, professeur agrégé de géographie à l'Université de Toronto et à M. Naresh Thevathasan.
    Bienvenue à vous deux. Merci de présenter votre exposé à notre comité aujourd'hui. Vous avez jusqu'à sept minutes pour présenter votre déclaration liminaire.
    Allez-y, monsieur Thevathasan.
    Honorables membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire, je m'appelle Naresh Thevathasan. Je suis professeur agrégé et chef de file de l'initiative qui s'intitule « Agroforestry Research and Development Woody Biomass Research » à l'Université de Guelph.
     Je tiens à remercier les membres du comité permanent de m’avoir invité à présenter un exposé aujourd’hui. Je désire également saisir l’occasion de remercier l’honorable Lawrence MacAulay, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, pour sa vision et son leadership dans le secteur agricole canadien, en particulier dans le cadre de la mise en oeuvre du Programme de lutte contre les gaz à effet de serre en agriculture.
    L’agroforesterie est un système d’utilisation des terres qui a été recommandé sur la scène internationale, et selon lequel des arbres sont consciemment intégrés à des agrosystèmes afin d’obtenir des bienfaits sur le plan environnemental, écologique, économique et social. Toutefois, son incidence sur l’atténuation et l’adaptation en lien avec les changements climatiques dans les systèmes agricoles canadiens n’a pas encore été pleinement réalisée. Cela ne prend pas en compte l’engagement du gouvernement canadien d’effectuer des recherches pour l’agroforesterie dans des zones tempérées dans le cadre du Programme de lutte contre les gaz à effet de serre en agriculture.
    Exception faite des terres agricoles de catégories 1 et 2, et si vous intégrez des arbres dans des terres agricoles des catégories 3 à 6, nous jouissons de quelque 46 millions d'hectares au Canada. L'intégration d'arbres dans ces terres pourrait augmenter de façon importante le potentiel de séquestration de carbone terrestre pour le Canada.
    Dans le contexte selon lequel des arbres seraient introduits dans des paysages agricoles, je recommanderais au Comité trois systèmes d'agroforesterie dans des zones tempérées. Je vais présenter rapidement quelques représentations visuelles de ces systèmes d'utilisation des terres afin d'accroître la compréhension de ces types de systèmes dont je parle. Je ne décrirai pas les photographies, mais, quand je mentionnerai le nom des systèmes d'utilisation des terres, je passerai rapidement en revue les photos que j'ai apportées.
    Le premier système d'utilisation des terres est un système de culture intercalaire fondé sur des arbres. Le deuxième est un système tampon riverain. Cette photo a été prise à l'Île-du-Prince-Édouard. Le troisième système d'utilisation des terres est le système de plantation brise-vent, que l'on voit couramment dans les Prairies. Le quatrième système d'utilisation des terres est le système sylvopastoral, et je peux garantir au Comité que ces vaches ne sont pas attachées aux arbres. Elles se reposent. Durant les mois d'été les plus chauds, elles ressentent un stress thermique et cherchent donc à se mettre à l'ombre. Le cinquième système est un système de production de biomasse ou de bioénergie. Le sixième système d'utilisation des terres est le système de culture forestière, lorsque vous intégrez des cultures d'importance économique dans les boisés.
    Voici certains des résultats de recherche dans l'ensemble. Sans égard au type, tous les systèmes d’utilisation des terres de l’agroforesterie peuvent favoriser l’adaptation et l’atténuation des changements climatiques tout en offrant des services écosystémiques. Les systèmes d’agroforesterie ne sont pas un choix en matière d’environnement ou d’économie, puisqu’ils permettent de rehausser les deux. Les systèmes d’agroforesterie ne supposent pas un choix entre l'alimentation et la fibre ligneuse. S’ils sont intégrés adéquatement aux systèmes agricoles, ils procurent les deux. Par conséquent, j’ai énuméré sous forme de liste certains des principaux résultats sur le plan économique et environnemental qui peuvent découler de l’adoption de ces systèmes d’utilisation des terres dans des paysages agricoles canadiens.
    Premièrement, les photographies que j'ai montrées, sans égard au type, rehaussent toutes la séquestration de carbone au niveau du système. Si vous comparez ces systèmes avec un système agricole conventionnel, les premiers peuvent séquestrer entre 200 et 300 % plus de carbone.
    Deuxièmement, ils permettent une meilleure utilisation des éléments nutritifs du sol grâce à des mécanismes de cycles de substances nutritives qui se traduisent par moins d'azote de sol inorganique résiduel, ce qui laisse entrevoir des émissions d'oxyde nitreux à partir du paysage agricole.
    Troisièmement, ils contribuent à réduire le lessivage des nutriments, ce qui favorise le maintien de la qualité de l'eau.
    Quatrièmement, ils rehaussent tous la biodiversité.
    Cinquièmement, ils peuvent créer des systèmes d'utilisation des terres résilients et intelligents face au climat, ce qui augmente donc le rendement économique pour les collectivités agricoles de l'ensemble du Canada.
    Sur la scène internationale, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a fortement recommandé, lors de la 22e conférence, la COP22, qui s’est tenue récemment au Maroc, en novembre 2016, l’adoption de systèmes d’utilisation des terres d’agroforesterie dans les pays en développement afin de favoriser des systèmes agricoles intelligents face à l’environnement tout en contribuant aux efforts d’atténuation du climat au moyen de la séquestration du carbone dans les arbres et les sols. La même opinion a aussi été exprimée dans le document d’orientation de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture publié en 2013.

  (1535)  

    Pour ce qui est des enjeux et des perspectives pour le Canada, celui-ci n’a aucune politique précise et ciblée en place en ce qui a trait aux systèmes d’utilisation des terres. À ce titre, les taux d’adoption de l’agroforesterie sont très faibles au Canada, quel que soit l’engagement du gouvernement en matière de recherche dans l’agroforesterie dans des zones tempérées. Par ailleurs, une politique ciblée a été mise en place aux États-Unis par le département américain de l’Agriculture. Il s’agit d’un cadre stratégique pour l’agroforesterie qui s’intitule « Enriching our lives with trees that work ».
    Au moment où je vous parle, des brise-vents pour cultures et d'autres brise-vents sont en train d’être enlevés dans les prairies. Les brise-vents pour cultures sont devenus un problème d’ordre opérationnel en agriculture et des arbres dans les brise-vents sont également en train de mourir dans certains cas. Ce point doit être réglé de toute urgence. Il y a un manque de plantations riveraines le long des cours d’eau agricoles dans l’ensemble du Canada, en particulier dans l’Est du Canada, où de lourdes sources non ponctuelles de polluants et de sols pénètrent les nappes d’eau.
    Par le passé, une grande partie des collectivités des Premières Nations connaissaient les systèmes agricoles fondés sur des arbres. Il faut donc se mobiliser pour entamer le dialogue avec elles afin de réintroduire les systèmes d’utilisation des terres de l’agroforesterie dans les terres des Premières Nations afin de créer une certaine sécurité sur le plan de l’alimentation et du revenu.
    L’introduction de systèmes sylvopastoraux dans les terres agricoles en développement des régions argileuses de l’Ontario et du Québec doit être traitée en priorité afin de rehausser la séquestration du carbone terrestre.
    J'aimerais présenter quelques recommandations au comité permanent.
    D'abord, une politique canadienne d’encadrement stratégique en agroforesterie est requise. Cette politique devrait être dirigée par le gouvernement fédéral en consultation avec des chercheurs dans l’ensemble du Canada et des représentants du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux, des collectivités des Premières Nations, des organismes de conservation et des propriétaires fonciers. Ce document permettra d'offrir une orientation stratégique concernant la science, l’adoption et l’intégration des pratiques d’agroforesterie à des paysages agricoles.
    Un leadership fédéral est requis en agroforesterie, comme celui d’Agriculture et Agroalimentaire Canada qui émanait antérieurement du Centre du développement de l’agroforesterie d’Indian Head, en Saskatchewan.
    Des programmes qui font la promotion de l’intégration des arbres aux paysages agricoles sont nécessaires si les Canadiens désirent en tirer des bienfaits économiques et environnementaux.
    Enfin, des activités et des protocoles adéquats en ce qui a trait à la sensibilisation à l’agroforesterie, à la recherche, à la formation et au transfert des connaissances doivent être élaborés afin de promouvoir des systèmes d’agroforesterie durables au Canada.
    Je tiens à vous remercier encore une fois de m'avoir invité et donné l'occasion de faire cet exposé.
    Merci, monsieur Thevathasan.
    Nous allons maintenant passer à M. Desrochers.
    Merci beaucoup de m'avoir invité. De nouveau, je m'appelle Pierre Desrochers. Je suis professeur agrégé de géographie à l'Université de Toronto, à Mississauga. Les observations que j'ai préparées pour vous ont été coproduites avec ma collègue Joanna Szurmak, ingénieure électricienne et spécialiste de l'information de formation. Je vous ai envoyé des images, mais je ne peux malheureusement pas les afficher sur les écrans aujourd'hui, donc j'espère que vous les avez avec vous. Je m'excuse auprès des interprètes, mais je vais vous présenter mon exposé à partir des images plutôt que de suivre le scénario que je vous ai envoyé.
    Évidemment, il y a trois points sur lesquels je veux me pencher. Le premier, ce sont les changements climatiques, examinés en fonction de termes vastes et historiques, puis la conservation des sols et de l'eau.
    Si vous regardez la troisième image, vous voyez que le point que je veux faire valoir devrait être évident. C'est que le climat a toujours changé. Chaque fois que nous retournons dans les annales géologiques, nous voyons que le climat a changé dans un passé récent. Évidemment, si nous avions essayé de planifier la réunion ici il y a 20 000 ans, ce qui représente vraiment une période fugace sur le plan des temps géologiques, nous aurions eu un problème mineur, puisque nous aurions dû composer avec un glacier qui faisait près de 2 kilomètres d'épaisseur. De nouveau, on ne parle que de 20 000 ans en arrière; ce n'est rien.
     Puisque le climat change tout le temps, la prochaine image vous montre que les changements climatiques sont une considération pour chaque génération. J'ai quelques citations tirées The New York Times. En 1895, les gens pensaient qu'une autre période glaciaire était sur le point de commencer. En 1952, c'était un « prochain grand déluge », parce que la calotte glaciaire était sur le point de fondre. Puis, en 1959, il est question de la « planète qui se réchauffe ». En 1974, on dit que l'« océan sera bientôt une mer ouverte ». Encore une fois, le climat change tout le temps, et chaque génération redécouvre le problème.
    Si vous revenez dans le passé, vous aviez l'habitude de jeter des vierges dans des volcans ou bien vous brûliez plus de sorcières à mesure que le climat changeait. Les gens se sont toujours attribué le blâme pour les changements climatiques, mais quelque chose qu'il ne faut pas oublier dans le contexte du Comité, c'est que si vous observez la majorité des modèles qui ont été créés dans le passé récent, ils ont tous tendance à prédire des résultats favorables pour le Canada, car, évidemment, l'augmentation de la température et du CO2 profiteront davantage aux régions de cultures au pays. En ce qui concerne l'élaboration de politiques, je pense que c'est une considération d'ordre général que nous devrions garder à l'esprit.
    La prochaine image montre l'augmentation des rendements du maïs dans le passé. Ce que je veux prouver, c'est qu'il importe peu de connaître la tendance des changements climatiques. Dès que vous avez une croissance économique, l'agriculture a tendance à prospérer. Vous pouvez voir qu'il y avait très peu de boisseaux l'acre lorsque les Européens sont arrivés en Amérique du Nord, mais ensuite, durant des périodes de refroidissement ou de réchauffement, le rendement avait tendance à augmenter. Vous pouvez apercevoir l'augmentation marquée, le genre de bâton de hockey. La palette commence vraiment avec la mise au point de maïs hybride dans les années 1920, et on voit une croissance, peu importe que le climat se réchauffe ou refroidisse.
    Une chose que les gens ont tendance à oublier aujourd'hui, c'est qu'il y a eu, dans les faits, une tendance de refroidissement entre 1945 et 1975, à peu près, et c'est pourquoi on avait tendance à s'inquiéter au sujet d'un refroidissement planétaire dans les années 1970. Si nous devions étirer cette ligne aujourd'hui, nous avons eu, au cours des dernières années, une production d'environ 160 boisseaux l'acre pour ce qui est du maïs; donc, encore une fois, qu'il y ait réchauffement ou refroidissement, l'agriculture tend à être plus productive.
    Ce que nous observons aussi pour la production agricole, c'est que nous produisons de plus en plus d'aliments sur de moins en moins de terres. Ce sont des données américaines, mais vous pourriez voir des résultats semblables, peut-être pas aussi spectaculaires, mais vous constateriez la même tendance dans la plupart des pays. Vous pouvez voir que la production de maïs a explosé au cours des dernières années, mais la quantité de terres utilisées pour le produire a diminué dans l'ensemble. Je le répète, qu'il y ait réchauffement ou refroidissement, nous produisons beaucoup plus d'aliments sur beaucoup moins de terres.
    Juste pour que vous n'alliez pas vous imaginer que j'invente des données, j'ai encore une fois ce joli petit graphique de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture qui montre que, en agriculture, comme dans toute entreprise, il est toujours logique de faire plus avec moins. Peu importe le secteur de travail agricole que vous examinez, vous produisez plus d'extrants en utilisant moins d'intrants. Vous n'avez pas besoin d'une politique gouvernementale pour le faire. Vous avez simplement besoin d'une bonne vieille concurrence, où des gens ont un incitatif, de nouveau, pour utiliser leurs intrants de la façon la plus efficace possible.
    Le message que j'essaie de transmettre au Comité, c'est que de nombreuses personnes ont déclaré la guerre à la consommation de carbone et aux produits pétroliers aujourd'hui et que nous ne voyons que leurs effets négatifs. Mais aucune de ces avancées n'aurait été possible sans des combustibles à haute teneur en carbone pour alimenter les moteurs qui rendent ces progrès possibles ou d'autres produits pétroliers, tout ce qui va du plastique aux systèmes d'irrigation, en passant par l'enrobage des semences. Les produits pétroliers ont été absolument essentiels pour nous permettre d'atteindre ces résultats.

  (1540)  

    Le long document aborde cette question de manière plus détaillée que le petit résumé que vous avez peut-être entre les mains, mais, par le passé, les changements climatiques n'ont pas vraiment été un problème pour les agriculteurs. Le problème, ce sont les phénomènes météorologiques particuliers. De nouveau, vous avez des images de sécheresse, de gel et d'inondations. Par le passé, c'est ce qui a vraiment été problématique pour la production agricole, et c'est pourquoi, tout au long de l'histoire humaine, vous avez eu des épisodes de famine et de malnutrition partout, que ce soit dans les régions tropicales ou tempérées. Ce n'est que le transport sur de longues distances, ce qui voulait d'abord dire les bateaux à vapeur et les chemins de fer, qui ont mis fin à la famine, du moins pour les régions avancées de notre planète, puisque les surplus de régions qui avaient connu de bonnes années pouvaient être expédiés de façon économique et en quantités suffisamment grandes dans des régions qui avaient connu de mauvaises années.
    Je le répète: nous tenons pour acquis notre système agricole. Aujourd'hui, nous ne nous inquiétons pas au sujet de la famine et de la malnutrition, mais encore une fois, nous n'aurions pas pu atteindre ces résultats sans les combustibles au carbone, et essayer de faire un sevrage brutal sans les technologies modernes poserait évidemment problème.
    Une autre chose que nous ne devrions pas oublier, c'est que les agriculteurs doivent tout le temps s'adapter, changements climatiques ou non, et je ferais valoir que, dans le grand ordre des choses, les changements climatiques sont une considération mineure par rapport à des considérations d'ordre économique. Par exemple, on a dû grandement s'adapter dans la ceinture du tabac en Ontario, parce que les gens fument aujourd'hui moins de tabac que dans le passé, mais vous pourriez voir apparaître dans d'autres régions des maladies ou des concurrents.
    Je sais que certains d'entre vous viennent de l'Ouest; la production de légumineuses au pays est une belle histoire de réussite. C'est une occasion qui est apparue et s'est révélée meilleure que d'autres solutions. De nouveau, juste pour des raisons économiques ou peut-être parce que vous avez affaire à des organismes nuisibles ou à de meilleurs concurrents, en tant qu'agriculteurs, vous devez tout le temps vous adapter, et les changements climatiques dans ce contexte, en ce qui concerne l'adaptation, sont selon moi une considération mineure.
    La prochaine image concerne l'éthanol. Avant de créer de nouvelles politiques, je suggère que nous songions à abroger les mauvaises politiques, et je crois que beaucoup de choses ont été proposées au nom de la lutte contre les changements climatiques...

  (1545)  

    Monsieur Desrochers, pourriez-vous accélérer un peu, parce que nous sommes déjà rendus à sept minutes et demie?
    Le sommes-nous déjà?
    Je trouve cela très intéressant, mais...
    D'accord, je m'excuse. Ce n'est pas ce que me dit mon chronomètre. Oh, ça l'est.
    Je vais vous enlever un peu de temps.
    D'accord. Je vais me dépêcher.
    La dégradation du sol est une préoccupation depuis les débuts de l'agriculture. C'était l'enjeu lié aux changements climatiques dans les années 1920, et tout le monde était dérangé par cela. Ce qui s'est passé au cours des dernières décennies, c'est que les forêts ont fait un retour en force énorme dans les économies avancées, et la question principale ici, c'est que les gens ont remplacé des ressources produites à la surface de la terre par des ressources qui proviennent d'en dessous de la terre. En raison des produits pétroliers, nous avons assisté à l'abandon des terres agricoles marginales et à la reforestation de la plupart des économies avancées. Si vous tenez à la conservation du sol, c'est vraiment la façon de faire.
    En ce qui concerne l'eau, c'est comme tout le reste. Pour des raisons économiques, les agriculteurs en ont utilisé de moins en moins au fil du temps, et si nous voulons nous adapter aux changements climatiques, encore une fois, nous devrions faciliter la libéralisation du commerce, de sorte que des régions comme le Canada, qui ont beaucoup d'eau, soient en mesure d'expédier des produits qui en utilisent beaucoup à des régions du monde qui en ont moins. Encore une fois, en établissant la résilience au moyen de l'augmentation des échanges commerciaux sur de longues distances et du nombre de produits pétroliers, nous devrions arriver, dans l'ensemble, à mieux nous adapter aux changements climatiques.
    Je m'excuse. Ce n'était pas aussi long lorsque je répétais.
    C'est bon. C'était très intéressant, mais je dois respecter le temps.
    Mes excuses.
    Vous aurez probablement l'occasion de fournir plus de détails quand nous passerons aux questions.
    Nous allons commencer par M. Lloyd Longfield, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux d'être venus ici.
    Naresh, je suis vraiment heureux de vous revoir. J'ai eu la chance de visiter votre centre de recherche cet été. Vous avez attiré des chercheurs du monde entier pour venir travailler au Canada, et, en échange, vous amenez vos recherches partout dans le monde, ce qui représente un très bon usage de l'investissement canadien en technologie.
    Je veux me concentrer sur notre étude, où nous examinons la gestion du carbone dans le système des sols. Nous examinons les possibilités économiques dont s'assortissent les politiques au sujet de la gestion du carbone. Oui, les apports en carbone entraînent un coût pour les agriculteurs, mais je me dis que les arbres que vous montrez présentent pour eux une possibilité économique. Ils séquestrent aussi du carbone jusque dans une certaine mesure, mais certains arbres que vous m'avez montrés cet été ne sont plus bons après un certain âge. Ils cessent de séquestrer du carbone et ils doivent être abattus afin qu'on puisse continuer le cycle de séquestration.
    Pourriez-vous dire quelques mots au sujet des possibilités économiques ainsi que de la séquestration que les arbres apportent au sol?
    Oui, monsieur Longfield.
    Chaque espèce d'arbre a la capacité de séquestrer du carbone dans une certaine mesure. Les espèces d'arbres que je vous ai montrées au site de recherche sont des peupliers hybrides. Ils ont tendance à séquestrer rapidement du carbone, mais seulement après 15 ans; il devrait donc y avoir une plantation continue de peupliers hybrides. Ces arbres peuvent être exploités à des fins énergétiques. Tant et aussi longtemps qu'on les replante, vous pouvez obtenir une séquestration continue de carbone grâce aux arbres.
    Nous devrions aussi comprendre que la séquestration de carbone se fait en dessous de la terre, dans les sols. Dans l'étude que nous menons actuellement, nous évaluons le carbone des boisés et le carbone des sols dans les champs adjacents. Ce boisé n'a pas été dérangé depuis de nombreuses années, donc nous pouvons à juste titre présumer que, en ce qui concerne le niveau maximal de carbone présent dans les sols des boisés, c'est la capacité que le type de sol particulier peut absorber. Pour les systèmes agricoles ou les terres abandonnées qui sont adjacentes à un boisé, si le carbone au sol est inférieur au carbone que l'on voit dans le boisé, ces sols ont une capacité énorme de séquestrer du carbone.
    Pour ce qui est des rendements économiques, les propriétaires fonciers peuvent intégrer les arbres à noix. Ils peuvent intégrer des érables à sucre, grâce auxquels ils peuvent tirer des revenus supplémentaires issus de la vente de sirop d'érable. Les arbres de Noël représentent un autre rendement économique pour les propriétaires fonciers.
    Nous devons aussi comprendre que, lorsque vous mettez des arbres dans le paysage agricole, il y a un certain pourcentage de terres qui sont retirées de la production, mais si vous examinez les recettes agricoles qui proviennent des terres perdues, elles ne sont pas négligeables. Lorsque vous tirez un profit de 20 ¢ à 40 ¢ d'un boisseau de maïs, même si vous obtenez 100 boisseaux de moins sur la terre où vous avez intégré des arbres, nous contemplons une perte de revenus de 30 ou 40 $. Cette perte de revenus peut être facilement obtenue par la vente de noix ou la production de sirop et d'autres rendements économiques.

  (1550)  

    Merci.
    Vous avez aussi parlé du tampon riverain, que j'ai dû chercher. Cette année, vous avez reçu du gouvernement fédéral un certain financement pour la création de tampons, qui apportent aux arbres les nutriments ou l'excès d'azote qui proviennent des champs avant qu'ils se retrouvent dans les rivières et les ruisseaux. Ceux-ci aident à protéger les ruisseaux et la vie sauvage autour de ceux-ci de la contamination.
    Vous avez dit que cela ne faisait pas partie de notre politique agricole ou que nous devions élaborer certaines politiques au sujet des arbres, d'une façon semblable à ce qui se fait aux États-Unis, et c'est quelque chose que nous pourrions inclure dans notre rapport comme recommandations à l'intention du gouvernement.
    Oui, absolument. Ce qui se produit en ce moment dans la région du comté d'Essex et de Chatham, c'est que la plupart des terres ont été louées, et les tampons riverains sont labourés afin qu'on puisse obtenir plus de terre agricole. Cela veut dire que le service d'écosystème dont vous venez de parler, monsieur, n'existera plus là-bas. Ce qui va se passer, c'est que la charge de nutriments va continuer de descendre dans les cours d'eau. On retire les tampons riverains principalement parce qu'on veut étendre la superficie et augmenter la productivité.
    Si cette région est consacrée aux arbres pérennes, et si les propriétaires fonciers peuvent être indemnisés pour la perte de revenus qu'ils pourraient tirer de cette petite parcelle de terrain, je suis sûr qu'ils seraient très heureux que ces arbres se retrouvent dans cette parcelle, ce qui contribuera non seulement aux services d'écosystème et à la qualité de l'eau, mais aussi à la séquestration du carbone. Si on adhère à l'échange de droits d'émission du carbone, ils pourraient aussi tirer en certains revenus.
    L'essentiel, c'est qu'il n'y a pas, en ce moment, d'incitatifs pour que les propriétaires fonciers aient des arbres.
    L'échange de droits d'émission du carbone pourrait encourager cela.
    Effectivement. Dans la politique américaine dont j'ai parlé, on fournit des incitatifs pour qu'ils plantent les arbres. Ils ont dû signer... Ils peuvent conserver les arbres pour 10, 15 ou 20 ans. Ils ont fourni des incitatifs afin de...
    Compenser la perte...?
    ... compenser la perte. Exactement. La perte n'est pas grande. Même s'il s'agit de 100 boisseaux de maïs, la marge bénéficiaire est...
    C'est combien vous pouvez en planter près d'un ruisseau.
    M. Naresh Thevathasan: Oui.
    M. Lloyd Longfield: Enfin, pour les terres de catégorie 3 et 4, nous venons de terminer une étude sur la politique alimentaire pour le Canada. Une partie importante des témoignages que nous avons reçus portaient sur l'utilisation des terres. Lorsque nous examinons les catégories 3 et 4, je reviens à mon enfance au Manitoba... Entre le lac Manitoba et le lac Winnipeg, c'étaient toutes des exploitations agricoles de catégorie 3 et 4 sur des sols rocheux.
    Quelle est la possibilité de créer plus d'agriculture en utilisant des arbres comme ressource dans des terres de catégorie 3 et 4 et cela pourrait-il nous aider à cultiver autre chose que des arbres?
    Oui. Le système sylvopastoral dont j'ai parlé est un système d'utilisation des terres qui peut être intégré. S'il y a des terres qui peuvent être créées pour le bétail, elles contribueront non seulement aux questions du bien-être des animaux, mais aussi à la séquestration du carbone.
    L'autre aspect, c'est les plantations bioénergétiques, la biomasse pour la bioénergie. Elles ne devraient pas seulement servir à l'énergie; elles peuvent aussi favoriser les bioproduits et les produits biochimiques. Ces industries sont créées au Canada en ce moment même. On peut tirer des revenus de cultures productrices de biomasse. Lorsque vous parlez de cultures productrices de biomasse comme les peupliers, les saules et, dans une certaine mesure, les conifères, on peut facilement en établir sur des terres marginales. En réalité, les peupliers et les saules sont des espèces de mauvaises herbes. Ce sont des espèces pionnières. Elles n'ont pas besoin de terres fertiles pour être établies.

  (1555)  

    Merci, monsieur Thevathasan.
    Nous avons maintenant M. Barlow, pour un maximum de sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup à nos témoins d'avoir fourni quelques excellents commentaires.
    Je veux d'abord demander à Naresh, si je le peux... J'ai eu l'occasion de rencontrer il y a quelques semaines le Conseil canadien de conservation des sols lors de la conférence de GrowCanada qui s'est tenue à Calgary, et un point intéressant a été soulevé. Comme nous parlons de nos objectifs au chapitre des résultats agricoles... M. Desrochers a fourni quelques chiffres intéressants sur l'augmentation ou la diminution du nombre de terres cultivées, mais si nous voulons fixer notre objectif, je pense que c'est aussi important de connaître le point de départ.
    L'une des principales préoccupations, c'est qu'il n'y a pas vraiment eu d'analyse approfondie de l'état du sol au Canada sous forme de programme national depuis peut-être la fin des années 1980, le début des années 1990. A-t-on fait du travail à ce sujet dans certaines des universités, que ce soit l'Université de Guelph ou d'autres que vous connaissez? Y en a-t-il qui font plutôt une analyse approfondie de l'état actuel du sol au Canada?
    Oui, le ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires rurales de l'Ontario réalise actuellement des études des sols approfondies dans la province. Je le sais parce que des représentants du ministère ont communiqué avec moi au sujet de la séquestration du carbone dans le sol dans le domaine de l'agroforesterie. C'est une étude que je connais. Je crois que Arpentage des terres du Canada et les autres provinces réalisent aussi des études approfondies... mais je suis certain que l'Ontario réalise une analyse approfondie des études des sols et du potentiel de séquestration du carbone à différentes profondeurs et selon différents horizons.
    Est-ce que ça serait quelque chose...? La question n'a pas vraiment été abordée — et l'étude en est encore à ses débuts —, mais même en ce qui concerne la politique alimentaire, je ne crois pas que le sujet ait été soulevé. Est-ce quelque chose qui vaut la peine d'être fait ou s'attend-on de chaque province qu'elle le fasse par elle-même?
    Je sais que ma municipalité en parle tout le temps: « Il peut y avoir des aménagements et des lotissements sur des sols de classe 3 et 4, mais on fera tout en notre pouvoir pour protéger les sols de classe 1 et 2 .» Les sols de classe 3 et 4 peuvent servir à certaines choses, comme l'élevage ou je ne sais quoi. Je crois qu'on procède de façon trop fragmentaire. Serait-il utile de faire quelque chose à plus grande échelle?
    Absolument. Le jeu en vaut la chandelle. Les gouvernements provinciaux le font parce que chaque province est maintenant signataire de l'Accord de Paris, et ils se penchent sur la question du potentiel de séquestration du carbone.
    Ce qui est intéressant, c'est l'expansion des éleveurs dans la région de la ceinture d'argile. Nous avons 29 millions d'acres en Ontario et au Québec, et les prix agricoles sont très bas. Cela encourage les éleveurs du Sud à se déplacer vers le nord pour créer des élevages dans la région de la ceinture d'argile. Le fait de planter des arbres sur ces terres améliorera non seulement le sol, mais aussi le potentiel de séquestration du carbone dans la terre, et ce, de façon importante. Vingt-neuf millions d'acres, c'est beaucoup de terre, et il n'y a pas beaucoup d'arbres là-bas actuellement.
    Monsieur Desrochers, vous avez soulevé un très bon point au sujet des légumineuses qu'on fait pousser dans l'Ouest canadien. Il y a cinq ans, des agriculteurs ne faisaient pas pousser des pois ou des lentilles dans ma circonscription. Maintenant, il y a littéralement des milliers d'acres de ces cultures. De plus, les producteurs sont maintenant préoccupés par les règles, la réglementation, les taxes sur le carbone et toutes ces choses qu'on leur impose et qui les rendent de moins en moins concurrentiels. Pouvez-vous nous parler rapidement de certaines des répercussions de toutes ces choses?
    On voit constamment des études qui révèlent que non seulement l'empreinte carbone de nos fermes est beaucoup moins élevée que, selon moi, les gens le croient, mais aussi, possiblement, que ces terres agricoles séquestrent de très grandes quantités de carbone. Pouvez-vous nous en parler rapidement?
    Je vais vous en parler de façon très générale. Lorsque nous parlons de politiques climatiques dans notre pays, et, franchement, c'est à peu près la même chose partout, le problème, c'est que nous avons tendance à oublier le tableau d'ensemble. On regarde seulement la mesure dans laquelle une taxe permettra de réduire la production de carbone, ou, du moins, les émissions de carbone. Nous avons tendance à oublier que les taxes ont un coût bien réel, surtout dans le contexte de...
    On dira bien ce qu'on veut de la personne à la tête de la politique américaine, si les Américains créent un environnement économique dans lequel les gens ne sont pas assujettis aux mêmes contraintes que nous, nous allons pousser des agriculteurs à la faillite et pénaliser les consommateurs. Je ne vois pas pourquoi on établirait des politiques qui, franchement, ne donnent pas vraiment beaucoup de résultats concrets dans d'autres régions du globe et qui sont à même de pénaliser nos agriculteurs en cours de route, surtout dans un environnement très concurrentiel.
    Encore une fois, ce que j'essaie de souligner dans la petite note que je vous ai envoyée, c'est que notre politique principale devrait toujours être une solution « gagnant gagnant » ou une option qu'on ne regrettera pas et qui sera bénéfique pour les producteurs et les consommateurs, mais aussi pour l'environnement. Plus nous permettrons à nos agriculteurs d'être concurrentiels, plus ils deviendront efficients au fil du temps, plus ils créeront de l'emploi, plus les prix des aliments seront bas pour nos consommateurs, ce faisant, plus notre environnement en bénéficiera.
    Quasiment chaque jour, encore une fois, pour ce qui est de la récupération de l'eau, de la reforestation des terres... je comprends que certains d'entre vous trouvent peut-être certaines terres agricoles marginales préoccupantes, mais, en même temps, si on regarde les choses d'un peu plus haut, je n'ai aucun problème à ce qu'on procède au réensauvagement de la terre.
    Je suis désolé si ma réponse est un peu confuse. Nos agriculteurs ont, selon moi, suffisamment de problèmes. Nous n'avons pas besoin de leur tirer dans le pied avec des politiques qui les rendent non concurrentiels.

  (1600)  

    L'une des choses que vous avez dites, c'est que les répercussions économiques sont peut-être plus importantes que la question climatique, et je crois qu'on l'a constaté dans notre secteur agricole. Grâce à l'innovation et à des percées technologiques, les agriculteurs réussissent non seulement à faire pousser plus de choses sur moins de terres, mais aussi réduisent leur empreinte carbone.
    Croyez-vous que c'est sur ça qu'il faudrait mettre l'accent, plutôt que sur les taxes et la réglementation?
    C'est là-dessus que le gouvernement devrait mettre l'accent. En même temps, nous devrions faire quelque chose qui sera un peu plus douloureux, et c'est d'arrêter de subventionner le manque d'efficience ou de prévoir certains cadres, comme la gestion de l'offre, qui ne permettent pas aux meilleurs agriculteurs de croître et aux moins efficients, de fermer boutique.
    Plus nous serons concurrentiels, plus nous serons efficients au fil du temps. Encore une fois, l'environnement et les consommateurs en profiteront en cours de route. Je ne vois pas de contradiction inhérente entre le fait d'être plus concurrentiel, plus efficient, et d'offrir des avantages sur le plan environnemental en même temps.
    Une de vos recommandations, ici — je lis ce que vous avez écrit —, c'est d'éviter les choses qui « découragent l'innovation ».
    Quelle sera selon vous une option pour encourager l'innovation? Y a-t-il certaines choses que nous pouvons faire là?
    Beaucoup de militants ces jours-ci aiment bien le principe de précaution, affirmant que nous ne devrions pas mettre au point des technologies sans certitude absolue en ce qui concerne le résultat. De façon générale, je dirais qu'une meilleure norme éthique ou philosophique serait le fait de créer moins de problèmes qu'il y en avait avant.
    Nous sommes 7 milliards sur la planète actuellement. Nous serons bientôt 9 ou 10 milliards. Nous aurons toujours un impact. Tant que nous n'importerons pas notre alimentation de l'espace, nous aurons une incidence sur la planète, mais je crois que le bilan du secteur agricole au Canada et dans d'autres économies avancées est assez bon. Encore une fois, il y aura toujours quelques problèmes en cours de route, mais notre principale norme devrait être de créer moins de problèmes qu'il y en avait avant.
    Merci, monsieur Desrochers. Malheureusement, le temps est écoulé.

[Français]

    Madame Brosseau, vous avez la parole pour sept minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins. Je crois que c'est la première fois que vous participez à une réunion de comité, et vous avez fait de l'excellent travail. Je suis heureuse que vous soyez là.
    C'est une excellente occasion de parler d'agriculture et de changements climatiques. Il y a beaucoup de défis, mais il y a aussi beaucoup d'occasions. Souvent, au sein du Comité, nous parlons beaucoup de commerce, parce que nous sommes un pays commerçant, et c'est toujours important de s'assurer qu'on joue sur un pied d'égalité avec nos principaux partenaires commerciaux.
    Monsieur Thevathasan, vous avez beaucoup parlé d'agroforesterie et vous avez beaucoup d'expérience dans ce domaine. Je crois comprendre que les États-Unis sont allés de l'avant et qu'ils ont un plan stratégique. Est-ce que tout a commencé de 2011 à 2016?
    C'est exact.
    Ils ont beaucoup investi d'argent.
    Oui.
    Pouvez-vous nous parler du succès qu'ils ont connu? Et de là où ils en sont dans le domaine agroforestier et de ce qu'ils ont réussi à réaliser? De quelle façon pourrions-nous nous inspirer de ce que font nos voisins américains? Où en est le gouvernement canadien pour ce qui est de soutenir l'agroforesterie au Canada?
    Ils ont fait des pas de géant comparativement au Canada. Il y a un centre d'excellence en agroforesterie au Nebraska. L'Université du Missouri assume le leadership national en matière de recherche agroforestière. L'Association for Temperate Agroforestry est située aux États-Unis, même si le Canada est aussi membre.
    Là où j'essaie d'en venir, c'est que la quantité de terre intégrée dans les systèmes agroforestiers a augmenté de façon importante de 2011 à 2016, surtout les systèmes de culture forestière, qui ont été adoptés à un rythme astronomique. Beaucoup de propriétaires terriens produisent des champignons, du ginseng et des plantes médicinales spécialisées. Ils ont aussi créé des marchés à créneau pour ces produits, en fournissant les produits de spécialité à des restaurants, par exemple. Cela a aussi permis d'accroître les revenus des propriétaires terriens aux États-Unis.
    La raison pour laquelle cela est arrivé, c'est que la politique sur le réseau stratégique d'agroforesterie prévoyait des mesures incitatives et des lignes directrices pour leur permettre d'entreprendre de tels changements dans le secteur agricole. Les choses ont marché, et l'adhésion a été beaucoup plus élevée. Par exemple, en 1998, nous avons fait venir 40 propriétaires terriens à l'Université de Guelph et nous leur avons montré les systèmes d'utilisation des terres et les services écosystémiques en plus des avantages économiques que peuvent offrir ces systèmes d'utilisation des terres. Tous les propriétaires ont répondu à un questionnaire et ont dit: « Ces systèmes d'utilisation des terres contribuent au bien-être public, mais qui en assumera les coûts? Nous les accepterons volontiers, mais pourquoi faudrait-il créer des tampons riverains qui bénéficieront à quelqu'un en aval? Vais-je bénéficier d'un crédit d'impôt pour ma propriété? Quelle mesure incitative vais-je obtenir pour me convaincre d'investir dans des systèmes d'utilisation des terres pour le bien public? »
    Ils ont tous contribué à cette réponse. Ils ne contestaient pas la réalité des services économiques, environnementaux et écosystémiques que ces systèmes d'utilisation des terres peuvent fournir. Ils ne contestaient pas ça du tout, la question était plutôt: « qui payera? » Puisque le gouvernement canadien a signé l'Accord de Paris et que nous dépensons 2,65 milliards de dollars dans les pays en développement pour aider ces pays à respecter leur engagement en matière de climat, je crois que nous devrions aussi faire en sorte de créer une mesure stratégique similaire au réseau stratégique d'agroforesterie des États-Unis.
    Nous avions commencé. Nous avions le Centre de développement de l'agroforesterie situé à Indian Head, en Saskatchewan. Les gens là-bas tentaient d'établir la politique, mais le centre a fermé ses portes. Je crois que nous avons besoin de telles initiatives au Canada.

  (1605)  

    Quand cela a-t-il pris fin, l'initiative à Indian Head?
    Le centre a été fermé en 2012-2013.
    D'accord. C'est complètement terminé?
    Il y a moins de travail en cours dans le domaine de l'agroforesterie, mais ils ne contribuent pas à des travaux nationaux dans le domaine.
    Il y a eu une diminution progressive des investissements du gouvernement fédéral dans le secteur de l'agroforesterie.
    Oui.
    Le financement a-t-il réaugmenté au cours des deux dernières années?
    Oui. C'est pour cette raison que je félicitais le ministre, pour le Programme de lutte contre les gaz à effet de serre en agriculture. Le programme a commencé avec le gouvernement conservateur, mais le gouvernement libéral poursuit le programme, ce qui est bienvenu. C'est ce qui génère pas mal de recherches en agroforesterie, dans le cadre desquelles nous montrons qu'il existe des éléments de preuve quantitatifs du potentiel de séquestration du carbone au niveau systémique. C'est très important de comprendre la séquestration du carbone au niveau systémique, ce qui inclut à la fois la séquestration au-dessus du sol et sous le sol.
    Aux États-Unis, ils encouragent les collectivités, les propriétaires terriens et les agriculteurs. De quelle façon les personnes qui participent tirent-elles parti des mesures incitatives?
    Il y a des lignes directrices descriptives pour chaque système d'utilisation des terres. Dans une de mes recommandations, j'ai dit qu'il devrait y avoir des données scientifiques associées à l'adoption et la mise en oeuvre des mesures dans le secteur agroforestier. La science a été à la base de cette politique. Pour chaque système d'utilisation des terres, il y avait des lignes directrices claires sur ce que l'option devait être, quelle ligne directrice il fallait utiliser et quels éléments seraient évalués par l'USDA afin de confirmer l'admissibilité à l'incitatif. Il y avait parfois des programmes à frais partagés.
    L'année dernière, j'ai présenté un projet de loi d'initiative parlementaire demandant au gouvernement de jouer un rôle de premier plan relativement aux résidus alimentaires. Il y a beaucoup d'articles et de rapports qui sont publiés à ce sujet au Canada, et d'autres pays ont choisi, jusqu'à un certain point, de jouer un rôle prédominant quant aux résidus alimentaires. Selon certaines estimations, de 30 à 40 % de la nourriture est gaspillée, ce qui représente une perte annuelle de milliards de dollars. En outre, la nourriture qui pourrit dans les sites d'enfouissement produit des gaz à effet de serre.
    Monsieur Desrochers, avez-vous des commentaires à faire par rapport aux résidus alimentaires?
    Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce n'est pas un problème simple. Laissez-moi vous donner un exemple provenant des États-Unis. Disons que vous achetez des oranges au supermarché et que vous jetez la pelure. La plupart des gens voient cela comme un résidu alimentaire. C'est contre-intuitif, mais la meilleure façon de réduire les résidus alimentaires dans ce cas serait d'acheter du jus d'orange, parce que les grosses usines de transformation utilisent les pelures pour nourrir le bétail.
    Dans le même ordre d'idées, il y aurait probablement moins de résidus alimentaires si les gens consommaient davantage d'aliments congelés ou transformés, mais notre système de détaillants en alimentation ne fonctionne pas comme cela. Les gens...

  (1610)  

    Merci, monsieur Desrochers, mais je dois vous interrompre.

[Français]

    Merci, madame Brosseau.
    Monsieur Drouin, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être ici.
    Votre exposé a été très instructif. La foresterie est un sujet important dans ma circonscription de Glengarry—Prescott—Russell. Comme vous le savez, le gouvernement de l'Ontario s'est fixé, je crois, une cible de 30 % de terrains boisés. J'ignore comment se débrouillent les autres régions actuellement, mais nous avons atteint les 23 %. Il est clair que nous avons besoin de nouvelles terres pour l'agriculture, mais j'ai remarqué que vous prônez l'idée de combiner la foresterie et l'agriculture.
    Vous avez probablement déjà interagi dans une certaine mesure avec les offices de protection de la nature. Dans la province, l'office de protection de la nature semble être en train d'acquérir des terres pour faire de la plantation en masse dans une région au lieu de planter à moins grande échelle à plusieurs endroits.
    Quelle a été votre expérience en Ontario relativement à l'éducation des agriculteurs? Ont-ils compris qu'ils pouvaient combiner ces deux activités sans sacrifier une grande part de leur revenu? Savent-ils qu'une combinaison des deux est possible sans nuire de façon importante à leur rentabilité?
    La plantation en masse, c'est autre chose. Cela concerne le reboisement ou le boisement. Je peux apporter une petite nuance quand nous disons que nous voulons combiner la foresterie à l'agriculture: voyez-vous, la densité des arbres dont je parle est négligeable si on la compare à la densité dans une forêt.
    Oui.
    Je parle d'une densité de 50 ou de 75 arbres par hectare, ce n'est donc pas exactement de la foresterie.
    Ce que nous essayons de faire, c'est reproduire les caractéristiques du cycle des substances nutritives, de la séquestration de carbone, de la biodiversité et des services écosystémiques. Cela est possible dans les systèmes agricoles même avec une faible densité d'arbres. Cela permet de réduire le ruissellement, la charge en éléments nutritifs et d'augmenter la diversité aviaire ainsi que la diversité de la microfaune et de la macrofaune. Voilà notre objectif.
    Dans le passé, on a payé les propriétaires fonciers pour qu'ils enlèvent les arbres de leur terrain afin de faire de la place pour de la machinerie lourde. Aujourd'hui, nous leur demandons de replanter les arbres, alors un grand travail d'éducation est nécessaire.
    Je devrais aussi souligner le fait que ces arbres qui feront partie du paysage agricole auront besoin d'être entretenus jusqu'à un certain point. Je parle, par exemple d'émondage. Regardez ces arbres, leurs branches ont été taillées. Pourquoi? parce qu'il faut que le rayonnement solaire puisse traverser pour qu'il n'y ait pas de baisse de productivité. L'orientation des rangées d'arbres est aussi importante. Au Canada, vous ne pouvez pas planter des arbres d'est en ouest, parce que cela va nuire à la productivité. Il faut que les arbres soient plantés soit du nord au sud, soit du nord-ouest au sud-est, parce que nous sommes dans l'hémisphère Nord.
    Un grand travail d'éducation sera nécessaire, parce que ces arbres devront être entretenus. Les propriétaires fonciers sont disposés à accomplir cette tâche, pourvu qu'ils soient soutenus par une politique gouvernementale. Comme je l'ai dit, les propriétaires fonciers veulent savoir pourquoi on leur demande de faire cet investissement pour le bien du public et quels avantages ils pourront en tirer.
    Personne ne remet en question les études scientifiques. Cela a même été prouvé scientifiquement dans le monde entier. J'ai mentionné la COP22 qui s'est tenue au Maroc. Il y a eu une séance sur l'agroforesterie, et il a même été annoncé que cette pratique sera intégrée à la politique agricole des pays d'Afrique sub-saharienne, parce que c'est la seule façon d'accroître la résilience du secteur agricole de cette région aux changements climatiques.
    Les arbres ont la capacité de modifier le microclimat. Lorsque les pertes dues à l'évapotranspiration diminuent, l'humidité augmente. Selon les études, il est possible d'augmenter l'humidité de 3 % grâce à la présence d'arbres. Pendant une année sèche où le rendement des cultures agricoles diminue, les systèmes agricoles intégrant des arbres sont moins touchés, parce que leur microclimat est différent. Cela peut aussi avoir pour effet d'augmenter la diversité de la microfaune et de la macrofaune dans les sols, ce qui augmente également l'apport de carbone organique provenant des feuilles, puis le carbone organique dans le sol.
    La science est de notre côté, et nous avons aussi l'adhésion des propriétaires fonciers. Tout ce que vous avez évoqué ne sera pas perturbé. Il est aussi clair que les animaux vont en sortir gagnants, parce que le système sylvopastoral contribue non seulement à réduire le stress thermique, mais également à réduire le cryostress pendant les mois d'hiver. Les conifères, par exemple, peuvent servir de plantation brise-vent et contribuer à réduire le cryostress, ce qui améliore le rendement du cheptel vif.
    Certaines personnes ont déjà adopté ce genre de systèmes d'utilisation des terres, mais il demeure qu'il n'y a ni politique ni incitatifs pour encourager les gens à les adopter.

  (1615)  

    Merci.
    Monsieur Desrochers, je viens tout juste de consulter vos recommandations, par exemple en ce qui a trait à l'élimination des distorsions du marché, comme les subventions et les obstacles au commerce.
    Je ne vois pas très bien comment cela pourrait améliorer la condition des sols. Je serais d'accord si tout le monde acceptait de suivre les règles, mais la loi agricole américaine prévoit une montagne de subventions. Personne ne veut risquer de perdre la partie en éliminant quoi que ce soit, et tout le monde subventionne le secteur de l'agriculture d'une façon ou d'une autre.
    Le Canada ne compte pas 300 millions de personnes comme les États-Unis. J'ai peur qu'en éliminant la gestion de l'offre, nous risquions réellement de faire une fleur aux États-Unis, qui vont racheter toutes nos fermes ici.
    De deux choses l'une, comme vous le savez probablement déjà, certains pays qui avaient des systèmes assez similaires aux nôtres ont décidé de s'en débarrasser, comme la Nouvelle-Zélande et l'Australie. La Nouvelle-Zélande a pris en charge les produits laitiers. Les conditions de production y sont supérieures pour les produits laitiers.
    Je me suis rendu au Wisconsin et dans certains États du Haut-Midwest, et, honnêtement, les conditions n'y sont pas vraiment différentes de celles du Québec. Je n'ai jamais compris pourquoi on dit que le Québec ne peut pas compétitionner avec les régions qui ont un climat et des conditions de sol similaires. Si les producteurs québécois sont moins efficaces, c'est parce qu'ils sont plus petits et qu'ils ne génèrent pas le genre d'économies d'échelle que l'on voit dans les marchés libéralisés.
    Je partage votre aversion pour la loi agricole américaine. En même temps, si j'examine la situation du point de vue d'un contribuable, j'ai peine à voir comment cela nous avantage d'avoir des produits laitiers qui coûtent plus cher et de pénaliser nos entreprises de transformation d'aliments.
    Vous le savez probablement, mais le prix du sucre au Canada a toujours été plus bas qu'aux États-Unis parce que nous ne protégeons pas nos producteurs de maïs et de betteraves. Un grand nombre de fabricants de sucreries ont déménagé au Canada au cours des dernières années parce que le sucre coûte moins cher ici. Ils produisent les sucreries ici et les exportent aux États-Unis. Le même scénario s'est produit avec le chocolat.
    Les produits laitiers canadiens étaient utilisés dans le chocolat canadien exporté aux États-Unis. C'est avantageux pour nos produits laitiers, et si nos producteurs laitiers avaient été plus compétitifs, je crois que l'on aurait pu exporter encore plus de chocolat aux États-Unis.
    Merci, monsieur Desrochers, mais je dois à nouveau interrompre une conversation intéressante.
    Monsieur Barlow, vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à vous deux de l'information très utile...
    Monsieur Barlow, en fait, vous avez cinq minutes.
    Ah. Bon, voilà qui va ficher en l'air tout le système.
    Des voix: Ah, ah!
    M. John Barlow: Rapidement, j'ai une question pour vous, monsieur Thevathasan.
    Vous pouvez m'appeler Naresh.
    Merci. Il y a un programme très intéressant qui a été lancé dans l'Ouest du Canada. Curieusement, c'est un programme qui a été proposé par des sociétés d'énergie. Elles ont trouvé des façons de réutiliser les prairies de graminées vivaces à certains endroits pour remettre en état divers sites. Est-ce que cela fait aussi partie de l'agroforesterie ou est-ce quelque chose de différent. Savez-vous si cette façon de faire est en train de se répandre? Je sais que les initiatives réalisées sur ce genre d'emplacements ont commencé à porter leurs fruits il y a cinq ou six ans.
    Les graminées vivaces ne font pas partie de l'agroforesterie en soi. L'agroforesterie consiste à introduire des arbres ou des arbustes en milieu agricole. La pérennisation des graminées contribue également à la séquestration de carbone dans le sol et à réduire l'érosion du sol. J'ai déjà mentionné plusieurs services écosystémiques qui contribuent également à cela.
    Ce que je trouve intéressant, c'est que deux des grandes sociétés d'énergie de l'Alberta financent ce projet afin de remettre en état les sites de forage. L'objectif est de faire renaître les prairies naturelles. Je crois que cela illustre aussi comment les entreprises et les organismes d'une grande diversité de milieux financent ce genre de projets.
    Monsieur Desrochers, je n'ai pas eu l'occasion de creuser le sujet outre mesure auparavant, mais vous avez mentionné l'impact que les taxes sur les émissions carboniques et d'autres choses de ce genre pourraient avoir sur l'agriculture. C'est intéressant de savoir que les émissions de gaz à effet de serre attribuables à l'agriculture sont restés passablement stables au cours des 15 à 20 dernières années, soit environ 70 mégatonnes, et cela, malgré la croissance exponentielle de la production. Vous comprendrez donc notre préoccupation — et c'est aussi une préoccupation exprimée par les producteurs — à l'idée que c'est ce secteur qui fera les frais, encore et encore, de la taxe sur le carbone. Les bétaillères et les entreprises d'engrais... elles vont toutes devoir payer, et elles ne peuvent pas refiler la facture à quelqu'un d'autre.
    Pouvez-vous nous dire rapidement pourquoi il est important de veiller à ce que nos producteurs agricoles aient les outils dont ils ont besoin pour réussir si nous voulons être en mesure d'atteindre les cibles que nous nous sommes fixées, des cibles qu'il est important d'atteindre, selon moi. Certaines politiques qui ont été adoptées récemment... comme vous l'avez dit, les taxes sur le carbone n'ont jamais donné les résultats escomptés, dans aucun pays. D'ailleurs, nos producteurs ont bien réussi sans avoir à s'en encombrer. Donc, pouvez-vous nous parler de l'importance de tout cela?

  (1620)  

    Encore une fois, je vais devoir parler de façon générale.
    Si le passé est le moindrement garant de l'avenir, nous allons avoir besoin de stimuler l'innovation et les économies d'échelle. Laissons les agriculteurs les plus efficaces et les plus créatifs prendre la relève, élargir leur exploitation agricole et devenir de plus en plus efficients au fil du temps. Nous avons atteint un point où — c'est drôlement opportun qu'on discute d'agroforesterie — un certain nombre d'experts de nos jours parlent du pic d'utilisation des terres; soit que même si la population mondiale continue à augmenter, nous avons probablement atteint la superficie maximale dont nous allons jamais avoir besoin si le rendement des terres continue à augmenter comme cela s'est fait dans le passé.
    D'autres régions du monde accusent des lacunes évidentes en comparaison du Canada, par exemple en ce qui a trait à l'infrastructure ou à un système politique moins corrompu. Mais la concurrence d'autres pays se profile à l'horizon, et ce sera une concurrence agressive. Jusqu'ici, nous avons pour ainsi dire eu seulement à nous préoccuper de la concurrence entre les provinces canadiennes et peut-être de celle des États-Unis, mais je suis sûr que vous êtes tous au courant de ce qui se passe actuellement en Argentine, au Brésil, en Nouvelle-Zélande et à d'autres endroits. D'après ce que j'en sais, les producteurs dans ces pays n'auront pas à s'embarrasser de taxes de ce genre, ce qui leur permettra de chasser nos producteurs des marchés si nous continuons à leur demander l'impossible, soit de devenir de plus en plus efficients tout en les encombrant de règles et de taxes que leurs compétiteurs n'ont pas à assumer.
    Encore une fois, il faut regarder ce qui s'est fait dans le passé. Regardez tout ce que nous avons accompli depuis ce temps-là. Il faut jeter des bases qui nous permettront de veiller à ce que nos producteurs puissent continuer de faire plus dans l'avenir. Laissons les producteurs les plus créatifs et les plus dynamiques faire croître leur entreprise. C'est parfaitement louable de vouloir sauver les exploitations agricoles familiales et continuer à gérer l'offre, mais ce n'est pas ce qu'il faut faire, à mon avis.
    Vous nous avez aussi fait part de vos préoccupations relativement à la réglementation et aux formalités administratives. Nous sommes disposés à innover, mais nous avons tous, je crois, vu combien de temps il fallait pour certifier les nouvelles innovations de nos électeurs, qu'il s'agisse de sélection de semences, de néonicotinoïdes et de glyphosates, par l'ARLA. C'est une chose que nous devons également...
    Oh, oui! Je comprends, j'étais convaincu que vous connaissiez tous bien ces enjeux. Nous devrions examiner les pratiques exemplaires utilisées ailleurs et essayer de les importer ici.
    Encore une fois, je sais que vous représentez tous vos électeurs, mais, en même temps... peut-être que c'est davantage ma tâche à moi d'éduquer le public et de lui expliquer pourquoi ces avancées créent moins de problèmes qu'il y en avait auparavant.
    Nous voulons tout simplement que cela soit inclus dans notre étude.
    Merci, monsieur Barlow. Merci, monsieur Desrochers.
    C'est maintenant au tour de M. Peschisolido, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président; j'aimerais laisser quelques minutes au secrétaire parlementaire, M. Poissant, à la fin de mon intervention.
    Monsieur Thevathasan, merci d'être venu. J'aimerais revenir sur le point soulevé par M. Drouin. Votre système d'utilisation du sol et votre modèle analytique m'intriguent. Je viens de la Colombie-Britannique. Est-ce que votre analyse pourrait s'appliquer au système utilisé en Colombie-Britannique?
    Oui; c'est Mme Lisa Zabek, du ministère provincial, qui est responsable du système sylvopastoral en Colombie-Britannique. En fait, je suis l'auteur de deux chapitres d'un livre où j'explique que le système sylvopastoral est plus indiqué pour les provinces de l'Ouest du Canada que pour celles de l'Est, donc, en effet, ce type d'utilisation du sol, que nous voyons maintenant à l'écran, est recommandé pour la Colombie-Britannique en raison du grand nombre d'élevages et du grand volume de production bovine et de production laitière dans cette province.
    M. Barlow a parlé de la classification des terres. Comme vous le savez, il y a en Colombie-Britannique des terres réservées à l'agriculture. Bien des gens affirment que, en raison de la qualité de ces terres, nous devrions cesser de les utiliser comme terres agricoles et permettre un certain type de développement.
    Quelles sont vos réflexions sur le sujet?
    C'est dans le même ordre d'idées que je parlais des terres peu productives. Dans ma déclaration préliminaire, je disais qu'il fallait exclure les terres de catégorie 1 et 2. Nous ne devrions pas empiéter sur les terres agricoles très productives. Occupons-nous plutôt de l'utilisation des sols de catégorie 3 à 6, puisque nous avons la chance d'en posséder 46 millions d'hectares et de pouvoir les utiliser.
    Des arbres pourraient de nouveau pousser sur ces terres, selon le système que vous aurez choisi. Je travaille également avec le Centre canadien sur la fibre de bois, pour Ressources naturelles Canada, et nous avions planté en 2009 des saules à révolution courte. En 2016, à peu près six ans plus tard, ces arbres affichaient un taux de séquestration de carbone de quelque cinq tonnes de CO2 par hectare par année. On ne pensait pas utiliser ces terres pour l'agriculture, on considérait qu'elles étaient abandonnées.
    Ces systèmes d'utilisation des terres peuvent contribuer non seulement à atténuer les effets des changements climatiques et à faciliter l'adaptation à ces changements, mais ils peuvent en outre fournir des services écosystémiques. C'est l'autre aspect de ces systèmes d'utilisation des terres.

  (1625)  

    Monsieur le président, merci.

[Français]

    Tout d'abord, je remercie nos invités de leurs témoignages.
    Ma première question s'adresse à M. Thevathasan.
    Monsieur Thevathasan, je viens d'une ferme laitière et productrice de céréales. Nous avons un plan agroenvironnemental depuis environ 25 ans.
    J'aimerais savoir ce que nous pourrions récupérer, en matière d'environnement, si nous avions des plans environnementaux à l'échelle canadienne.

[Traduction]

    Voulez-vous parler des plans environnementaux pour la production laitière?

[Français]

    Non, je parle des plans agroenvironnementaux que nous avons au Québec.
    En avez-vous déjà entendu parler?

[Traduction]

    Non.

[Français]

    Ce sont des plans élaborés en fonction des types de sols, des types de cultures et des intrants apportés pour faire pousser les plants, afin de les utiliser au maximum sans en mettre trop dans les sols.
    Vous n'en avez jamais entendu parler?

[Traduction]

    Eh bien, j'ai des collègues au Québec avec lesquels je travaille dans le domaine de l'agrosylviculture. Je travaille souvent avec Joann Whelan, Robert Bradley et Alain Olivier de l'Université Laval, mais notre collaboration concerne surtout les types de systèmes d'utilisation des terres dont j'ai parlé.

[Français]

    D'accord.
    On m'a dit qu'un hectare de maïs adulte captait cinq fois plus de carbone qu'un hectare de forêt. Est-ce vrai?

[Traduction]

    Un hectare de...

[Français]

    C'est la comparaison qu'on fait entre un maïs adulte et un feuillu de même grandeur. Un hectare de maïs, comparativement à un hectare de feuillus, sera cinq fois plus profitable à l'environnement.

[Traduction]

    Oui, il peut capter davantage de carbone, mais ce carbone sera perdu, tandis que le carbone capté par une forêt y reste. De plus, étant donné leur longévité, les arbres favorisent également la séquestration du carbone sous terre, alors que le maïs... Je n'aime pas beaucoup l'idée que l'on utilise les résidus agricoles pour produire de l'énergie, parce qu'il faut qu'un certain volume de matières organismes retourne dans les terres agricoles, si l'on veut maintenir leur teneur en carbone organique et en matières organiques, mais une partie seulement de ce carbone va être absorbée dans les grains, et les grains sont ensuite consommés. Si l'on retire le reste des résidus des champs, il n'y aura pas d'accumulation nette au fil du temps.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Poissant, je vous ai donné quelques secondes de plus, étant donné qu'on perd un peu de temps en raison de l'interprétation.
    D'accord, merci.

[Traduction]

    C'est la fin des questions et de notre heure en compagnie de nos témoins.
    Je tiens à remercier M. Thevathasan et M. Desrochers. Cette conversation était vraiment intéressante. Merci beaucoup d'être venus ici aujourd'hui.
    Nous allons suspendre la séance pendant une ou deux minutes, le temps que les nouveaux témoins arrivent, puis nous reprendrons.

  (1625)  


  (1630)  

    Nous poursuivons nos travaux; c'est la deuxième heure de notre étude des changements climatiques et des problèmes de conservation de l'eau et des sols.
    Nous accueillons David Sauchyn, professeur, du Collectif des Prairies pour la recherche en adaptation de l'Université de Regina. Nous entendrons également par vidéoconférence M. Stewart Rood, professeur de l'Université de Lethbridge.
    Monsieur Sauchyn, vous avez sept minutes, pas plus, s'il vous plaît.
    Pour commencer, je tiens à remercier le Comité de me donner l'occasion de discuter avec vous de cet enjeu important. Mes commentaires reflètent 30 ans de recherche sur le climat et les pédo-paysages des Prairies, de même qu'une récente étude de la vulnérabilité des collectivités agricoles aux changements climatiques, qui a duré cinq ans. Ce projet était financé par trois organismes fédéraux: le CRSNG, le CRSH et le CRDI.
    Les Prairies sont un bon objet d'étude de la conservation des sols et des eaux, puisqu'elles comptent pour plus de 80 % des terres agricoles du Canada et que l'agriculture commerciale y est une histoire de réussite, malgré que son agroclimat soit l'un des moins propices qui soient sur Terre. L'agriculture y est florissante grâce aux innovations technologiques, mais également aux modes de gestion et de conservation durables des terres, de l'eau et des pâturages.
    D'importants changements ont été apportés aux pratiques et aux politiques agricoles, surtout en réaction à des périodes de dégradation accélérées de la qualité des terres et de l'eau, notamment les sécheresses des années 1930 et 1980. Des progrès considérables ont été faits au chapitre de la conservation des terres et de l'eau, en particulier ces quelques dernières décennies. Toutefois, ces progrès pourraient être annulés par les changements climatiques.
    Il est évident que le climat se réchauffe, au Canada. Le réchauffement d'un pays froid devrait réjouir les milieux agricoles. Malheureusement, ce climat est aussi plus accueillant pour les organismes nuisibles, les agents pathogènes et les espèces envahissantes, et une autre contrainte importante nous empêchera de tirer parti du réchauffement climatique: la gravité croissante des tempêtes comme des sécheresses.
    Ces quelques dernières années, il y a eu des inondations le long du fleuve Saint-Laurent et autour du lac Ontario et quelques étés chauds et secs, et on a dit que ces phénomènes étaient « sans précédent » sous-entendant ainsi qu'ils défient les prédictions et les mesures de préparation. Les scientifiques interprètent la gravité de ces événements en disant qu'ils sont probablement amplifiés par un climat plus chaud et plus humide, bien que les annales météorologiques fassent état d'événements de même magnitude bien antérieurs à tout ce que l'on a vécu au cours de notre courte vie. Dans notre laboratoire de l'Université de Regina, nous avons élaboré l'historique sur 900 ans du climat des Prairies à partir des arbres. Cet historique montre clairement que tous les siècles ont connu au moins une sécheresse de 10 ans ou plus. En conséquence, le scénario le plus sombre pour l'agriculture des Prairies suppose la réoccurence inévitable d'une longue sécheresse, mais aussi un climat plus chaud. Les promoteurs de notre recherche ont commencé à se préparer à ce scénario pessimiste mais possible.
    Le scénario le plus constant au sujet des changements climatiques prévoit des hivers plus humides et plus chauds de même que des sécheresses et des inondations plus importantes. Un agroécosystème résilient doit permettre la conservation de l'excédent d'eau en vue de soutenir des conditions sèches qui peuvent durer toute la saison de culture et au-delà. Des sols sains emmagasinent l'eau et le carbone et entretiennent une couverture végétale continue, plus susceptible de supplanter les espèces indésirables. Donc, la conservation des terres et de l'eau est la méthode d'adaptation la plus efficace aux changements climatiques prévus.
    Toute la population canadienne tire profit de terres en santé, d'une eau fraîche de qualité et de l'approvisionnement en aliments produits au pays. Les chercheurs de l'Université de l'Alberta ont documenté les mécanismes utilisés par les agriculteurs canadiens pour absorber une bonne partie des coûts supplémentaires des pratiques de conservation. Les incitatifs financiers offerts par notre gouvernement sont près de 10 fois moins importants que la compensation offerte aux agriculteurs de l'Europe et des États-Unis.
    Dans notre centre de recherche, Collectif des Prairies pour la recherche en adaptation, nous étudions les changements climatiques en collaborant avec les gens qui gèrent nos terres et notre eau. Le point de vue de ces producteurs est des plus précieux. C'est le contexte social qui nous permet de vulgariser nos données techniques pour en tirer des informations et des connaissances; sans cela, nos données scientifiques ne seraient qu'un ramassis de chiffres.
    J'ai dressé un catalogue de citations de producteurs. Par exemple, un éleveur près de Shaunavon, en Saskatchewan, m'a dit que, pour élever du bétail, il fallait de l'eau, de l'herbe et un toit. Il ajoute qu'il ne peut lui-même remplacer que le toit. On nous a dit aussi, dans le même ordre d'idées, que les gens pouvaient construire des édifices et des clôtures, mais que seul Dieu faisait des terres. Un vieux de la vieille, qui vit dans le Sud-Ouest de l'Alberta, a offert cette perle de sagesse au moment d'accepter le prix que lui décernait un groupe voué à la conservation. Il a dit que lorsque les champs de pétrole seront taris, il nous restera quand même une source de richesse véritable: nos terres et notre eau.
    En plus de ces anecdotes, nous avons constitué une grande base de données d'observations des producteurs, que nous avons recueillies au moyen des méthodes d'enquête sociale et de groupes de discussion. Les commentaires et recommandations des producteurs qui ont le plus de pertinence au regard des politiques ont trait aux limites de leur capacité d'adaptation.

  (1635)  

    Des producteurs nous ont dit que les nouvelles technologies utilisées sur les terres agricoles coûtaient cher et qu'un établissement agricole ne peut pas résister longtemps à lui seul à des conditions climatiques extrêmes. Sans l'aide des voisins, de la collectivité et des échelons supérieurs du gouvernement, ils auront de la difficulté à survivre vu les phénomènes météorologiques extrêmes que les changements climatiques nous obligent à prévoir.
    Les participants de l'un de nos groupes de discussion ont recommandé que le gouvernement mette sur pied un organisme de coordination ou un organisme intermédiaire quelconque, disposant d'une expertise technique, qui établirait un lien entre les connaissances scientifiques, d'une part, et les options d'adaptation, d'autre part, en ciblant des groupes d'intervenants régionaux et des collectivités rurales. En fait, un organisme du gouvernement fédéral dont c'est exactement le mandat existe depuis plus de 80 ans. Il a été graduellement éliminé entre 2010 et 2013. L'Administration du rétablissement agricole des Prairies, l'ARAP, assurait la mise en oeuvre des programmes gouvernementaux visant la conservation des terres et de l'eau ainsi que le développement des régions rurales de l'Ouest du Canada et, les quelques dernières années de son existence, de tout le pays. En faisant disparaître l'ARAP, le gouvernement fédéral abandonne du même coup la plus grande partie de ses responsabilités relatives à l'infrastructure d'irrigation, à la conservation des prairies indigènes sur les terres de la Couronne.
    Il est quelque peu ironique que notre recherche, financée par le gouvernement fédéral, ait conclu que l'un des principaux obstacles à l'adaptation aux changements climatiques des régions rurales du Canada soit la disparition des programmes et services fédéraux qui soutenaient la capacité de résistance et d'adaptation ainsi que la viabilité des collectivités agricoles en milieu rural. Il faut ajouter à cette récente perte de capacité l'abandon déconcertant, certes, mais presque prévisible des pratiques traditionnelles de conservation des terres et de l'eau pour miser plutôt sur des précipitations supérieures à la normale enregistrées au cours de la dernière décennie.
    L'Université de la Saskatchewan a mené récemment une enquête auprès de 61 producteurs, et 40 % d'entre eux avaient éliminé les brise-vent de leurs terres. C'était la plupart du temps pour faire place à la machinerie, qui est plus imposante. Les semoirs pneumatiques utilisés dans les exploitations agricoles des Prairies mesurent en général de 85 à 100 pieds de largeur. Il y en a même qui vont jusqu'à 160 pieds de largeur, ce qui correspond à peu près à la largeur d'un terrain de football canadien. Je parle ici d'une seule machine.
    Les brise-vent ont été plantés il y a plus de 100 ans dans le but de prévenir la perte de la neige et de la terre. Les brise-vent conservent l'eau de la fonte des neiges et emmagasinent du carbone; ils représentent donc aujourd'hui un bon mécanisme d'adaptation aux changements climatiques et d'atténuation des effets de ces changements. Le Centre des brise-vent d'agriculture Canada, qui est d'ailleurs antérieur à la naissance des provinces de la Saskatchewan et de l'Alberta, distribuait plus de 600 millions de semis d'arbres.

  (1640)  

    Monsieur Sauchyn, pourriez-vous accélérer, nous avons un peu dépassé...
    Il me reste un paragraphe, monsieur.
    Ce programme a été aboli en 2013. Je ne m'attends aucunement à ce que l'ARAP et ces programmes soient rétablis, mais j'espère qu'ils le seront. La prochaine fois que le secteur agricole subira une sécheresse prolongée ou les conséquences de fortes pluies, vous pourrez vous attendre à ce qu'un tel programme soit recréé.
    En conclusion, je félicite le Comité d'avoir entrepris cette étude, et je vous recommande d'examiner attentivement deux contraintes graves auxquelles sont soumis les producteurs qui veulent s'adapter aux changements climatiques et les atténuer. La première, c'est la disparition de la capacité institutionnelle qui permettait au gouvernement d'appuyer les efforts déployés par les producteurs dans le but de maintenir l'intégrité des agroécosystèmes. La deuxième, c'est le fait qu'on s'attend, au pays — mais pas ailleurs —, à ce que les producteurs agricoles assument le coût lié à la protection des biens et services écologiques qui rendent notre vie possible. Les producteurs ne devraient pas être défavorisés financièrement parce qu'ils fournissent ce service qui profite à nous tous.
    Merci, monsieur Sauchyn.
    Nous passons maintenant à M. Stewart Rood, pour une période allant jusqu'à sept minutes.
    J'ai un diaporama, et je me demande s'il est projeté.
    Nous l'avons sur papier, alors nous pourrons le suivre.
    C'est encore mieux. C'est excellent.
    Merci beaucoup de l'invitation. C'est intéressant. J'ai également écouté les deux premiers témoins ainsi que David, alors je suis heureux de prendre la parole après eux.
    La première diapositive présente une photographie d'un paysage que John Barlow connaît très bien, et je voudrais le remercier particulièrement de l'invitation. Il s'agit de la célèbre région des contreforts, située près des montagnes Rocheuses, dans le Sud de l'Alberta. C'est de là que provient la plus grande part de l'eau des rivières qui coulent dans les Prairies.
    Sur la prochaine diapositive, je présente un résumé, et c'est la seule diapositive de données que je vais vous montrer. Il s'agit d'un hydrogramme, ou un graphique sur l'eau. Il montre la quantité d'eau qui s'écoule. Dans ce cas-ci, les données sont celles de la rivière Waterton, mais elles sont assez représentatives des rivières qui drainent les montagnes Rocheuses en général. Le trait le plus sombre — qui est noir, si vous avez une version en couleur — représente les conditions au cours du dernier siècle, et le rouge, les conditions prévues jusqu'au prochain siècle.
    Vous verrez qu'il y aura probablement un déclin graduel. Même si nous recevons plus de pluie, il y a plus d'assèchement dû à l'évaporation; toutefois, l'élément le plus critique, c'est que le débit d'écoulement est réduit à la fin de l'été, en juillet, mais surtout aux mois d'août et de septembre. En outre, ce graphique contient une ligne verte en tireté, qui représente la consommation d'eau aux fins de la culture, dans ce cas-ci, de pommes de terre. Nous avons un problème d'ordre temporel lié au fait que nous avons abondamment d'eau au printemps, mais que la demande en eau pour l'irrigation et les autres usages a lieu plus tard dans l'été.
    La stratégie évidente pour faire face à cette situation consiste à ériger des barrages afin de créer des réservoirs pour stocker et, par la suite, libérer l'eau. Cela a été fait dans le cas de pas mal tous les cours d'eau du bassin de la rivière Saskatchewan Sud, où s'écoule l'eau du Sud de l'Alberta et du Nord du Montana en direction de la Saskatchewan et du Manitoba.
    Le problème lié à cette approche figure sur la prochaine diapositive. Il s'agit d'une photographie de la vallée fluviale de Lethbridge, en juillet, moment où il y aurait habituellement un débit élevé. On peut littéralement traverser à pied sans mouiller ses bottes de caoutchouc. Comme l'indique le graphique situé dans le coin inférieur gauche, la majeure partie du débit d'écoulement est déviée par un barrage.
    L'un des défis auxquels nous faisons face relativement aux changements climatiques tient au fait que, dans l'Ouest des Prairies, nous avons déjà, pour l'essentiel, alloué nos ressources hydrographiques, mais, malheureusement, les sols s'assèchent parce que le climat se réchauffe.
    Le premier problème que pose cette situation, en ce qui concerne l'irrigation, c'est que l'agriculture dépend de la quantité d'eau, et plus particulièrement d'une quantité suffisante pour permettre la réalisation des engagements actuels, et cela va limiter l'expansion ultérieure.
    L'autre problème est connexe: à mesure que nous perdons l'eau de la rivière, tous les contaminants — qu'ils soient de source agricole, industrielle ou municipale — deviennent plus concentrés. Plus la quantité d'eau diminue, plus la qualité de l'eau se dégrade. Ces deux phénomènes sont susceptibles de prendre de l'ampleur en raison des changements climatiques.
    Depuis plus ou moins un mois, j'ai demandé à des gens qui en savent plus que moi au sujet des politiques et des pratiques de me dire ce qu'on pourrait faire, selon eux, afin de préparer le Canada à cet avenir. Je décrirai brièvement cinq mesures que pourrait prendre le gouvernement fédéral.
    La première mesure a été soulevée par une personne d'Alberta Innovates. Sa suggestion est liée à un certain nombre de programmes fédéraux appelés des programmes de technologie propre. Ces programmes sont principalement ciblés sur les activités pétrolières et gazières et liées à l'énergie, mais un grand nombre des principes s'appliqueraient également à l'agriculture. Ainsi, il faudrait élargir l'admissibilité à ce groupe de programmes.
    La prochaine mesure est peut-être celle qui a été le plus fréquemment suggérée. Selon cette recommandation, au moment où nous tentons de composer avec les problèmes multiples que posent l'augmentation de la population mondiale et les changements climatiques, nous devrions créer un programme de recherche agricole équivalent à celui qui existe en biomédecine.
    Dans le domaine médical, nous avons une grappe de programmes couramment qui appuient la recherche fondamentale et la recherche dans les domaines de la biologie cellulaire et de la génétique, mais les données qui en découlent sont loin de pouvoir être appliquées dans les hôpitaux. Dans le domaine biomédical, il y a une catégorie intermédiaire de recherche appelée « recherche translationnelle », et d'aucuns sont d'avis qu'il faudrait appliquer davantage ce principe dans le cas de l'agriculture.

  (1645)  

    Je suis certain que des personnes — dans cette salle ou ailleurs — ont de meilleurs exemples que le mien, mais il portait sur la perspective d'établir un calendrier efficace relativement à l'irrigation.
    La prochaine suggestion nous invite à changer notre point de vue et notre façon d'envisager les choses. Au cours du dernier siècle, on estimait que nous devions maximiser les cultures, et, dans le cadre de la révolution verte, nous l'avons fait en maximisant les intrants: plus d'eau et d'engrais entraînent un meilleur rendement. Le problème, c'est qu'il pourrait ne pas s'agir de la façon de faire la plus efficiente. Imaginons que nous puissions réduire les intrants en sacrifiant le rendement dans une moindre mesure seulement. Si nous fournissons moins d'eau et d'engrais et que nous conservons tout de même une productivité raisonnable, ce pourrait être une façon optimale de gérer nos ressources. En outre, on réduirait ainsi les conséquences environnementales.
    Cela dit, j'ai bavardé avec un certain nombre de scientifiques d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, et certains d'entre eux se sont dits préoccupés par le fait qu'on exige de plus en plus que leurs programmes de recherche soient financés officiellement par l'industrie. Je pense que c'est fantastique, de façon modérée, mais ces scientifiques très rigoureux devraient également bénéficier de programmes indépendants, qui ne sont pas entravés par les contraintes que pourraient apporter les partenaires industriels. De fait, certaines de ces contraintes pourraient entraîner un biais qui forcerait la remise en question de certains des objectifs environnementaux et limiterait aussi ce que nous pourrions appeler la recherche « visionnaire », qui ne procure pas d'avantage dans un avenir rapproché, mais qui pourrait être utile à long terme. Une telle recherche pourrait être particulièrement pertinente en ce qui a trait aux changements climatiques, au moment où nous envisageons d'élargir le germoplasme à des fins d'intervention en cas de sécheresse pour préserver nos cultures.
    Enfin — et il s'agit de mon propre domaine d'intérêt —, dans le Sud de l'Alberta et ailleurs dans les Prairies, nous avons investi beaucoup d'argent dans les infrastructures liées à l'agriculture, mais nous l'avons généralement fait principalement pour l'agriculture. Pour ce qui est des répercussions sur les paysages de l'Ouest du Canada, la prochaine diapositive montre une photographie aérienne prise à bord d'un vol vers Lethbridge. Les cercles sont des pivots d'irrigation circulaires. La vue serait semblable à Regina, à Calgary ou à Winnipeg. Lorsqu'on vole au-dessus de ces terres, on peut voir qu'elles ont été cultivées. L'impact est bien plus grand que celui des sables bitumineux, des pipelines et de bien d'autres choses qui attirent l'attention des médias grand public.
    Je dirais que nous devrions réfléchir de façon plus générale à l'agriculture et la voir comme une activité qui présente non seulement des défis environnementaux, mais aussi des occasions. Un exemple figure sur la diapositive. Utilisons des cours d'eau au lieu de canaux pour transporter l'eau à des fins d'irrigation et ainsi produire des avantages secondaires. De fait, c'est lié à la perspective de créer des zones tampons riveraines et de favoriser l'agroforesterie, dont il a été question plus tôt.

  (1650)  

    Merci, monsieur Rood. Je vais devoir vous arrêter là parce que nous avons un peu prolongé votre temps de parole.
    C'est parfait, car j'étais rendu à la fin de mon exposé.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à nos questions. Je demanderais à tout le monde de préciser à qui s'adresse la question, car nous avons un témoin par vidéoconférence.

[Français]

    Nous commencerons par M. Berthold.
    Vous disposez de sept minutes, ou plutôt six, excusez-moi.
    Que ce soit six ou sept minutes, ce n'est pas un problème, monsieur le président. Vous m'arrêterez quand ce sera terminé.
    C'est bien.
    Merci.
    Merci beaucoup aux deux témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Plus nous entendons des témoins nous parler de changements climatiques, de qualité de l'eau et de sols, plus nous voyons qu'il y a autant de problèmes que de solutions. Vous travaillez chacun sur des éléments très précis.
    Je vais commencer par m'adresser à vous, monsieur Sauchyn. Vous avez mentionné que, selon vos analyses, on s'attend à ce que les cultivateurs et les producteurs assument eux-mêmes la majorité des coûts afférents aux changements climatiques.
    Avez-vous des exemples très précis qui démontrent en quoi, au cours des dernières années, cela a pu être différent de l'adaptation normale? Autrement dit, quels sont les coûts additionnels? Les agriculteurs et les producteurs ont toujours dû s'adapter à toutes sortes de choses. En quoi ce processus est-il accéléré, selon vous, monsieur Sauchyn?

[Traduction]

    Je parlais de la pratique consistant à ne pas maximiser la capacité de production des champs. De fait, M. Rood y a également fait allusion dans son troisième élément, concernant l'optimisation par rapport à la maximisation. Il est tout à fait possible que cela se produise. Il existe un type d'agriculture d'envergure industrielle, où le sol est utilisé à sa capacité maximale, à court terme, mais où il s'épuise au fil du temps. C'est le contraire de l'agriculture de conservation et de certaines pratiques qui sont assez bien documentées et établies, selon lesquelles l'agriculture est pratiquée de manière à ne pas utiliser tout le carbone qui aurait pu être extrait et exporté, ainsi qu'à laisser une partie du sol et de l'eau, même si cette eau aurait pu entraîner une légère augmentation de la productivité.

[Français]

    Selon ce que je comprends, vous déplorez le fait que le gouvernement se soit retiré des programmes pour aider les producteurs à faire face aux changements climatiques. Est-ce bien cela?

[Traduction]

    Oui. Comme je l'ai dit, nous avons récemment mené à bien une étude quinquennale assez majeure. Nous avons eu la chance de recevoir des millions de dollars du gouvernement fédéral. Nous avons conclu que le problème majeur, c'était lui. J'ai présenté les résultats à l'occasion d'une conférence tenue à Ottawa, au printemps dernier. Des représentants d'Agriculture Canada étaient dans le public, et ils ont été disposés à me parler. Ils n'ont pas voulu répondre durant l'événement, mais ils ont été disposés à me parler en privé. Ils ont affirmé qu'étant donné les contraintes financières sur une certaine période, ils avaient choisi de restreindre les activités d'Agriculture Canada et de préserver les activités de recherche fondamentale, y compris les activités traditionnelles, comme les fermes expérimentales et le programme de recherche sur la génétique des cultures et les essais de cultures. Tout ce qui était considéré comme des sciences humaines, par exemple l'adaptation, la conservation des sols et la conservation de l'eau, a été retiré à Agriculture Canada.

  (1655)  

[Français]

    Voici donc ce que j'en retiens: parce qu'il y a une présence réduite d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et moins de programmes pour aider les agriculteurs, ces derniers doivent eux-mêmes payer les frais pour s'adapter et pour préserver leurs sols. De plus, on ajoute la taxe sur le carbone. Les agriculteurs doivent donc payer à deux reprises pour préserver leurs sols à long terme. En résumé, il s'agit de ma perception.
    Merci beaucoup, monsieur Sauchyn.
    Je vais maintenant me tourner vers M. Rood.
    Je pense que M. Barlow était très content de voir les images que vous avez montrées au début de votre présentation.
    J'aimerais revenir sur un élément de votre présentation. Vous dites ceci: « C'est l'agriculture, et non les pipelines ou les sables bitumineux, qui a les plus grandes répercussions environnementales [...] » Cependant, vous dites aussi que la situation permet de créer des occasions. Malheureusement, je n'ai pas vraiment bien compris quelles sont les occasions à saisir pour le monde agricole. Pourriez-vous préciser cette idée? Je pense que cela pourrait être intéressant.
    Je sais que les producteurs ont toujours eu à coeur l'environnement et la préservation des sols. J'aimerais savoir plus précisément quelles sont les occasions à saisir.
    D'accord.
    Je vous remercie de la question.

[Traduction]

    On pourrait donner l'exemple des brise-vent. Encore une fois, ce sujet a été abordé dans l'exposé présenté par Naresh, plus tôt.
    Comme l'a indiqué David, du point de vue de l'agriculteur, il est plus commode de s'en débarrasser en raison des grosses machines, mais nous perdons ainsi non seulement quelque chose qui capture le carbone, mais aussi quelque chose qui fournit un habitat. Si nous pouvons fournir un mécanisme qui permettra à l'agriculteur de les cultiver et de les gérer efficacement, tout en rendant possible... Par exemple, il pourrait y avoir des brise-vent en périphérie, et des choses de ce genre qui, collectivement, pourraient être utiles, selon moi. Nous ne voulons pas qu'il y ait des dépenses pour l'agriculture; nous voulons plutôt — pendant que nous gérons nos terres — pouvoir réfléchir à l'existence de certaines occasions environnementales.

[Français]

    Merci, monsieur Berthold.
    Monsieur Peschisolido, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

    Monsieur le président, je vous remercie.
    Monsieur Sauchyn, dans votre témoignage, vous avez laissé entendre que le changement climatique est réel, que le gouvernement doit adopter une approche complète qui prévoit notamment des mesures visant à conserver le sol et l'eau. C'était la clé. Pouvez-vous nous donner quelques détails à ce sujet?
    J'espère ne pas l'avoir simplement laissé entendre, car j'ai étudié le changement climatique pendant 30 ans et je me plais à penser qu'il est réel. Autrement, j'aurais bien pu simplement perdre 30 années de ma vie.
    Je suis désolé. La deuxième partie de votre question portait-elle sur le lien avec la conservation du sol et de l'eau?
    Vous aviez mentionné que l'un des éléments clés de toute approche gouvernementale par rapport aux changements climatiques toucherait la conservation du sol et de l'eau. Pouvez-vous nous donner quelques détails à ce sujet?
    Je le peux certainement. De fait, il y a une forte corrélation entre ce qu'on appelle les pratiques agricoles durables et l'adaptation aux changements climatiques. Si vous lisiez tout document à ce sujet, même ceux d'ordre général portant sur l'agriculture durable et l'adaptation aux changements climatiques, vous verriez que leurs principes sous-jacents sont les mêmes, alors on pourrait affirmer que, si un producteur agricole cultive d'une manière durable, il est relativement bien préparé pour un climat changeant. Plus particulièrement, en ce qui concerne les types de changements climatiques que nous prévoyons, tous les modèles climatiques prédisent plus d'eau en hiver, mais ce n'est pas le moment où nous faisons pousser des cultures. Par conséquent, si vous avez adopté des pratiques et des technologies qui vous permettent de stocker l'eau à la ferme, et dans le sol, plus particulièrement, alors, vous êtes bien mieux préparé pour un climat changeant.

  (1700)  

    Vous avez également mentionné la « disparition » de l'intégrité institutionnelle de notre système. Vous avez abordé brièvement la fermeture par le gouvernement précédent d'un organisme: l'ARAP. Pouvez-vous nous parler de l'importance de cet organisme et en partie au sujet de la façon dont un gouvernement peut renforcer cette intégrité institutionnelle?
    Certainement. L'ARAP est une institution connue, du moins, dans l'Ouest du Canada. Cette région comprend des parties de la Colombie-Britannique, comme la région de la rivière de la Paix et la vallée de l'Okanagan, dont l'ARAP était responsable. Cet organisme gouvernemental était probablement parmi les plus respectés, y compris dans les Prairies rurales.
    L'ARAP a été créée en réaction à la sécheresse des années 1930, alors les universitaires la désignaient souvent comme étant peut-être le meilleur exemple dans le monde entier d'une adaptation institutionnelle aux changements climatiques. Elle existait dans le but de réhabiliter les exploitations agricoles des Prairies, et elle a réussi. En outre, comme tout bon organisme gouvernemental, elle a trouvé un autre mandat. Après avoir rétabli l'agriculture des Prairies, elle a étendu ses activités à l'eau, aux infrastructures, à l'irrigation et au développement rural, en général. Comme je l'ai dit, dans les Prairies, c'était une institution emblématique, et elle a été supprimée il y a environ cinq ans.
    Merci, monsieur.
    Monsieur Rood, vous avez brièvement abordé des stratégies qui pourraient permettre de s'occuper de la gestion de l'eau. Pouvez-vous nous donner des détails sur votre approche?
    Il s'agit d'une occasion ainsi que d'un défi. C'est en partie un défi parce que nous sommes allés très loin dans une direction particulière et que la voie empruntée consiste à consacrer le plus d'eau possible à la plus grande étendue de terre possible.
    Relativement au fait de changer de direction, au lieu de songer à... Il existe des mécanismes. Par exemple, l'un en particulier que nous pourrions envisager de modifier, c'est une politique qui reose sur ce qu'on appelle le principe des « premiers arrivés et premiers ayants droit ». Ce que cela signifie, c'est que l'utilisateur de l'eau qui a commencé l'irrigation en 1900 obtient la priorité durant un épisode de sécheresse. De fait, il est probable que l'utilisateur ait été présent dans la région des contreforts, mais pas dans cette région des Prairies, la région de Taber ou un autre endroit. Dans ce cas, cela signifie qu'au lieu de cultiver des pommes de terre, nous allons finir par faire pousser du foin dans un cycle de sécheresse. C'est le type d'héritage historique malheureux que nous devons repenser.
    Par ailleurs, monsieur, pouvez-vous parler un peu plus du changement de point de vue que vous avez évoqué? Vous mentionniez l'eau et l'engrais et affirmiez que nous devrions peut-être aller dans l'autre direction. Pouvez-vous nous donner des détails à ce sujet?
    Oui.
    La révolution verte a été considérée comme un énorme succès, et je pense que certains de ses éléments ont effectivement été fructueux; un Prix Nobel a été décerné à M. Borlaug. Cette révolution a entraîné la création de types de blé et de riz qui pouvaient supporter des taux élevés d'eau et d'engrais sans céder, sans être assujettis à la verse.
    C'était formidable si votre objectif était le rendement, mais si vous commencez à penser à l'utilisation de cette eau par rapport à d'autres usages, et si vous commencez à penser aux coûts, y compris ceux qui sont liés à l'énergie et au carbone, qu'il faut engager pour produire de l'engrais azoté, vous pourriez reconsidérer cette entreprise.
    Comme l'a mentionné brièvement David — je pense —, la fonction du rendement par rapport à l'intrant n'est pas linéaire, alors vos premiers apports en eau et en engrais ont un impact important sur votre rendement, mais la réaction diminue progressivement. J'ai laissé entendre en guise d'exemple hypothétique que vous pouviez obtenir 75 % du rendement avec un apport de seulement 50 %.
    Cela pose problème. Il y a un certain nombre d'éléments qui viennent compliquer la situation, mais l'un d'entre eux, c'est le fait que l'agriculteur investit dans l'infrastructure des pompes, des gicleurs, etc., alors il va vouloir les utiliser le plus possible.
    Quoi qu'il en soit, c'est la nature de ce changement possible de point de vue. Je pense que des gens de partout dans le monde vont dans cette direction.
    Vous avez également mentionné une autre approche par rapport aux infrastructures...
    Je suis désolé, monsieur Peschisolido, mais cela met fin à la période dont vous disposiez.

[Français]

    Madame Brosseau, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais remercier les deux témoins de leur participation à la séance du Comité. Leur expérience et leurs connaissances sont vraiment impressionnantes.
    Je représente une circonscription qui borde le fleuve Saint-Laurent au Québec. Au printemps, nous avons eu beaucoup d'inondations. Habituellement, les gens qui vivent près de l'eau sont inondés pendant quelques semaines. Ils y sont habitués. Ils sortent leurs bottes, et ils font tout simplement face à l'inondation. Cependant, beaucoup de gens ont été inondés pendant des mois. Beaucoup d'agriculteurs n'ont pas été en mesure de sortir travailler dans les champs. Habituellement, ils commencent quelques semaines plus tard, mais, cette fois-ci, c'était des mois. Beaucoup de gens de Saint-Barthélemy et de Maskinongé ont perdu des sommes d'argent importantes. Un producteur laitier n'a pas pu produire assez de grains pour ses vaches, et il a dû en acheter. Il a dû débourser de 100 000  à 150 000 $ pour nourrir ses vaches cette année. Une année, c'est la sécheresse; la suivante, c'est les inondations.
    Je sais qu'au gouvernement fédéral, nous négocions des programmes de gestion des risques d'entreprise avec les provinces. Ils sont censés être accessibles. Ce sont des outils dont nous disposons pour aider les agriculteurs lorsque surviennent des problèmes comme celui-là.
    Monsieur Sauchyn, pourriez-vous formuler un commentaire sur l'importance pour le gouvernement d'assumer un rôle de leadership dans l'élaboration d'une stratégie, d'une protection pour le secteur de l'agroforesterie?

  (1705)  

[Français]

    Comme on dit, mieux vaut prévenir que guérir.

[Traduction]

    C'est une occasion pour le gouvernement de faire preuve de beaucoup de leadership, de faire de la sensibilisation et, au besoin, d'inciter les producteurs à adopter des pratiques différentes.
    Vous avez mentionné le leadership, et un élément important du leadership consiste à adopter un point de vue élargi sur la situation en tenant compte de l'ensemble de notre grand pays, mais surtout en étudiant la question sur une période prolongée.
    En collaboration avec nos collègues de l'Ouest, nous avons clairement documenté ces cycles humides et secs qui se répètent. J'ai mentionné le fait que nous avons 900 ans d'histoire climatique. Nous sommes au milieu d'un cycle humide; les terres agricoles qui se trouvent non seulement dans les basses-terres du Saint-Laurent, mais aussi dans des régions du Manitoba, sont maintenant inondées depuis près d'une décennie, mais nous savons presque avec certitude qu'il y aura un changement et qu'une longue période de sécheresse nous attend. Non seulement cette eau va disparaître, mais on en manquera également.
    Il est compréhensible que les producteurs se concentrent sur la prochaine période de végétation, mais le gouvernement doit voir à plus long terme et reconnaître l'existence de ces cycles et le fait qu'il doit y avoir du leadership et des programmes pour permettre aux agriculteurs d'encaisser les périodes où il y a trop d'eau et celles où il n'y en a pas assez ainsi que de tirer parti des moments où les conditions sont favorables aux cultures.
    Comme vous l'avez dit, il importe vraiment que l'on adopte une vision à long terme, car nous voyons souvent des stratégies ou des programmes qui durent quelques années, cinq ans, mais il doit y avoir une vision globale à long terme.
    Pourriez-vous commenter un peu plus notre situation en ce qui a trait à l'ARAP? À la Chambre, nous posons des questions au ministre durant la période de questions — c'est durant la période de questions, la plupart du temps —, et nous n'obtenons pas vraiment de réponses, mais, au moins, nous abordons officiellement certains éléments. Pourriez-vous formuler un commentaire sur notre situation actuelle relativement au dessaisissement de ces terres et à l'importance de la conservation? Beaucoup d'animaux sont en voie de disparition.
    Voudriez-vous en parler, et peut-être présenter des solutions possibles? Dans votre exposé, vous avez affirmé ne pas vous attendre à ce que le gouvernement rétablisse l'ARAP, mais y a-t-il quoi que ce soit qu'il pourrait faire actuellement?
    Je voudrais obtenir vos commentaires à ce sujet, s'il vous plaît.
    Je peux au moins aborder la situation en Saskatchewan. C'est la province qui avait la grande majorité des pâturages collectifs de l'ARAP. En outre, à ma connaissance, les infrastructures qui appartenaient au gouvernement du Canada se trouvaient principalement en Saskatchewan.
    Le gouvernement s'est dessaisi de cette infrastructure d'irrigation et des pâturages collectifs de l'ARAP. Il s'attend à ce que les gens de ces localités les prennent en charge, mais ces personnes me disent qu'elles n'ont tout simplement pas la capacité de le faire.
    Le gouvernement s'attendait également à ce que la province de la Saskatchewan assume la gestion des pâturages collectifs. Elle ne s'y intéresse pas vraiment non plus, alors on craint que ces terres se retrouvent entre les mains d'un propriétaire privé, ce qui n'est pas nécessairement une mauvaise chose, pourvu qu'il soit déterminé à préserver la prairie indigène. Après tout, la majeure partie de cette prairie n'existe plus, et une grande partie de ce qui reste se trouve dans ces pâturages collectifs de l'ARAP. Ce processus est en cours, en ce qui concerne le sort de ces anciens pâturages collectifs.

  (1710)  

    Dans les notes présentées aux membres du Comité, vous avez parlé du fait qu'au pays, mais pas ailleurs, on s'attend à ce que les producteurs agricoles assument le coût de la protection des biens et services écologiques qui rendent notre vie possible et avez affirmé que les agriculteurs ne devraient pas être défavorisés financièrement parce qu'ils fournissent ce service qui nous profite à tous. Aux séances du Comité, nous parlons souvent de commerce et de ce qui se passe chez nos grands partenaires commerciaux, ce que font les autres pays. Aux États-Unis, il y a l'agroforesterie, et on incite les agriculteurs et les collectivités à adopter certaines pratiques.
    Pensez-vous qu'il serait avantageux pour le gouvernement d'adopter une mesure semblable?

[Français]

    Merci, madame Brosseau. Malheureusement, nous n'aurons pas le temps d'entendre la réponse.
    Je vais céder la parole à Mme Nassif pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins de leurs présentations.
    Je pense qu'il est juste de supposer qu'il y a toujours de la place dans la recherche pour mettre au point de meilleures politiques, technologies et pratiques pour lutter contre les changements climatiques et pour poursuivre dans la voie du développement durable. Cela dit, je suis curieuse de savoir ce que nous avons fait et ce que nous faisons maintenant.
    Ma question s'adresse à vous, monsieur Sauchyn. Vous comptez 30 ans d'expérience dans le domaine des changements climatiques. Vous connaissez les méthodes que nous avons mises en place pour conserver notre sol. Selon vous, avons-nous présentement des méthodes adéquates pour répondre à nos besoins immédiats ou avons-nous ce qu'il faut pour les mettre en oeuvre partout au Canada, ou, au contraire, avons-nous un urgent besoin d'acquérir de nouvelles méthodes en matière d'innovation, par exemple?

[Traduction]

    Comme vous pouvez vous y attendre, je dirais que non, nous ne sommes pas assez préparés. Il nous reste du travail à faire, surtout dans le contexte de la perte, au sein du gouvernement du Canada, de la capacité institutionnelle nécessaire pour aider au moins les agriculteurs dans l'Ouest.
    D'après mon expérience, dans le dossier du changement climatique, on porte surtout attention à l'atténuation, soit le fait de limiter les gaz à effet de serre, de stocker le carbone. L'atténuation demeure encore le principal objectif des politiques et des pratiques, au Canada, mais il faut aussi s'adapter. Nous sommes de plus en plus conscients du fait que nous avons changé le climat et qu'il va continuer à changer; par conséquent, nous devons préparer les Canadiens à un climat changeant. Il est encourageant de constater que de nouveaux programmes fédéraux ont été annoncés dans le dernier budget, lesquels rendent des ressources accessibles aux fins de la recherche sur l'adaptation ainsi que de la mise en œuvre des résultats.

[Français]

    Monsieur Rood, voudriez-vous ajouter quelque chose?

[Traduction]

    Il y a une chose. Je reconnais que le gouvernement fédéral a effectué un investissement très important à l'égard de l'eau et du changement climatique dans le cadre du programme mondial relatif à la sécurité de l'eau. Je ne suis pas certain — David s'en souvient peut-être —, mais je pense que c'est 70 millions de dollars. Je crois qu'il s'agira d'un engagement mieux intégré et plus important qui permettra de mieux comprendre les impacts du changement climatique sur les ressources hydriques, pas seulement dans l'Ouest du Canada, mais partout au pays et dans le monde. Il s'agit selon moi de quelque chose de vraiment positif.
    Je suppose que David souscrira à mon opinion selon laquelle il aurait été souhaitable de disposer de cet investissement il y a une ou deux décennies.

[Français]

    Merci.
    Nous savons tous que les changements climatiques ont des répercussions néfastes sur tout. Cependant, selon Agriculture et Agroalimentaire Canada, le réchauffement de la planète pourrait présenter des aspects positifs pour le secteur agricole canadien, du fait notamment de la prolongation des saisons de la culture et de la réduction des coûts en alimentation animale. Toutefois, les changements climatiques pourraient entraîner de graves sécheresses et des orages violents plus fréquents, ainsi que contribuer à l'augmentation des infestations d'insectes et des agents pathogènes.
    Les agriculteurs canadiens sont-ils en mesure d'augmenter leur productivité, compte tenu des effets possibles du réchauffement de la planète? Je parle de l'agriculture au Canada, bien sûr.

  (1715)  

[Traduction]

    Exact. Les Britanniques et les Américains — par exemple — croient que le Canada va connaître un essor grâce au réchauffement climatique parce qu'il fait froid ici. Si vous examinez de façon plus détaillée...
    De fait, nous avons collaboré avec des chercheurs agricoles de l'Université de la Saskatchewan et de l'Université de Guelph. Ils ont des modèles qui simulent la production de diverses cultures. Nous leur donnons des données provenant de modèles climatiques. Nous leur procurons un scénario climatique, et ils l'appliquent à leur modèle de culture. On obtient des rendements bien plus élevés dans l'avenir — dans certains cas, des rendements qui sont de deux à trois fois plus importants — simplement en fonction d'une augmentation de la température et d'une période de végétation plus longue.
    Cependant, ce dont ils ne tiennent pas compte, comme vous l'avez dit, ce sont les conséquences des organismes nuisibles, des pathogènes et des vecteurs de maladie. Ils ne tiennent pas nécessairement compte non plus des conséquences des événements extrêmes. Lorsqu'ils prennent en considération la variabilité du climat à venir, ils découvrent que, oui, en moyenne, les rendements sont plus importants, mais qu'ils pourront être très élevés ou très faibles, d'année en année. Le message que nous envoyons aux producteurs agricoles, c'est que, dans l'avenir, ils pourraient obtenir des rendements très élevés, mais ils pourraient également ne rien récolter du tout. S'ils veulent tirer profit d'un climat plus chaud, ils doivent se préparer à d'importantes fluctuations du rendement d'année en année.

[Français]

    Monsieur Rood, quel est votre avis sur la question?

[Traduction]

    Monsieur Rood, je pense...

[Français]

     J'aimerais entendre votre point de vue, s'il vous plaît.

[Traduction]

    C'est intéressant. Cet élément avait également été soulevé par M. Desrochers, plus tôt. J'ai trouvé que l'argument qu'il a formulé au début selon lequel toutes les activités agricoles du Canada vont profiter des changements climatiques était un peu trop beau pour être vrai. Je pense que l'hypothèse de David est plus réaliste. Il y aura des gagnants, et il y aura des perdants. J'affirmerai certes que je préférerais pratiquer l'agriculture au Canada qu'au Mexique, relativement aux changements climatiques, mais, encore une fois, la question de la variabilité est intéressante.
    Un autre élément, c'est que je pense que le Canada aura une plus grande responsabilité, à l'échelon mondial, pour ce qui est de contribuer à la production alimentaire, en partie à cause de sa situation et de son riche territoire naturel.
    Merci, monsieur Rood.

[Français]

    Merci, madame Nassif.

[Traduction]

    Nous avons maintenant M. Longfield pour six minutes.
    Merci.
    Monsieur Sauchyn, j'ai grandi à Winnipeg. Je dois malheureusement admettre que j'ai entendu parler de l'ARAP dans les années 1960, lorsque j'étais en troisième ou en quatrième année. Je me souviens d'avoir parlé à mes parents pendant que nous étions sur l'autoroute de ces bassins rectangulaires que nous voyions; il s'agissait du travail de l'ARAP.
    La relation entre l'ARAP, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux... Si nous devions rétablir l'ARAP, à quel type de défis ferions-nous face?
    Je crois que le principal défi, c'est que vous avez perdu une grande partie de votre capacité technique en raison du nombre de personnes mises à pied. Elles étaient surnuméraires ou ont pris leur retraite. Il serait difficile de réunir une grande équipe compétente composée de scientifiques en science du sol, d'ingénieurs et d'hydrologues et de leur faire mettre fin à leur retraite.
    Il serait très difficile de reconstituer l'ARAP dans sa forme originale, mais je m'attends néanmoins à ce qu'il y ait un tel type d'organisme qui découle de l'initiative actuelle d'adaptation aux changements climatiques du gouvernement du Canada. On finance toutes ces recherches sur l'adaptation, et il faut les mettre en application, comme l'a dit M. Rood. On doit réaliser des recherches translationnelles. L'ARAP était particulièrement efficace pour effectuer ce type de recherche... transmettre les résultats aux agriculteurs.
    On peut établir une relation à cet égard avec Canards Illimités. S'agit-il d'un groupe que nous devrions faire participer dans le cadre de notre étude?
    Je vous le recommanderais parce qu'il y a la question de l'assèchement des terres humides dans les Prairies, particulièrement dans la partie est. Beaucoup de terres qui emmagasinaient l'eau ont été asséchées.
    Je suis très conscient du temps.
    Vous avez mentionné un exposé. Est-ce quelque chose que vous pourriez nous transmettre? Vous n'avez pas vraiment eu l'occasion de parler publiquement à Agriculture Canada, mais pourrait-il s'agir d'information utile à notre étude?
    C'était une conférence nationale importante sur l'adaptation aux changements climatiques, et on m'avait demandé de présenter les résultats de notre étude. Des gens de la direction d'Agriculture Canada se trouvaient dans la salle. Je les ai invités à répondre, mais ils croyaient qu'ils ne pouvaient pas le faire en public. Après la conférence, en privé, ils ont convenu que, malheureusement, on devait abandonner cette fonction.

  (1720)  

    Est-ce que l'information que comportait cet exposé pourrait nous aider? Si oui, pourrions-nous en avoir une copie?
    Je pourrais certainement vous le transmettre.
    D'accord. Si vous pouviez l'envoyer au greffier, ce serait merveilleux.
    Il a été payé par les contribuables canadiens.
    Eh bien, nous ferions aussi bien de l'utiliser. Merci.
    Monsieur Rood, comme vous le disiez, les photographies de Lethbridge ont ramené des souvenirs des Prairies. C'est formidable de voir que M. Barlow vous a invité à participer à l'étude.
    Je pensais à la fonte des glaciers. La rivière Bow pourrait faire face à des problèmes liés aux changements climatiques. Certains problèmes découleront probablement de Waterton. Est-ce qu'on doit examiner la fonte des neiges dans les montagnes et les écoulements printaniers qui en résultent?
    Absolument. La plus grande influence des changements climatiques sur les ressources en eau est peut-être en effet le changement dans les modèles de fonte des neiges. Le réchauffement hivernal fait en sorte que le rapport entre la quantité de pluie et de neige change. Nous avons des manteaux neigeux moins épais, particulièrement au cours des saisons intermédiaires et en faible altitude. Le problème, c'est qu'on a vraiment besoin d'un manteau neigeux épais pour que la fonte des neiges s'effectue au milieu ou vers la fin de l'été. Malheureusement, les manteaux neigeux sont de plus en plus minces, ce qui est exactement le contraire de ce dont nous avons besoin pour avoir plus d'eau pour nos cultures dans l'avenir.
    Le fait de ne pas avoir de manteau neigeux dans les Prairies causera un gel plus profond, ce qui entraînera une humidité plus profonde, alors le sol pourrait ne pas s'assécher à temps pour la saison estivale.
    C'est exact. Tous ces changements ont des incidences, et malheureusement, nombre de ces changements ne sont pas ce que nous voulons vraiment.
    L'avantage pour ce qui est de l'agriculture, contrairement à la foresterie ou peut-être à l'agroforesterie, c'est que, puisqu'il s'agit de cultures annuelles en général — ou, s'il est question de cultures bisannuelles ou pluriannuelles, on ne parle que de quelques années —, il existe des possibilités de changer les systèmes de culture et de concevoir des cultivars et des choses du genre.
    Il y a des choses qu'on doit faire et des choses qu'on fait, mais cela exigera des efforts.
    On doit donc également envisager des fonds de recherche.
    Certainement.
    Il me reste une minute. Je ne m'attendais pas à cela. Je croyais que je disposais de peu de temps, alors je vais revenir à la santé du sol des Prairies. Nous avons des pâturages que nous devons entretenir pour les bovins, mais nous devons également tenir compte de ces pâturages en ce qui concerne la santé et la gestion du sol.
    Monsieur Rood, pouvez-vous commencer par les problèmes relatifs aux pâturages ou aux régions appartenant au gouvernement fédéral que ce dernier pourrait aider à protéger?
    Je crois que la situation en Saskatchewan peut comprendre davantage de terres fédérales qu'en Alberta. Pour ce qui est de l'ARAP, et c'est peut-être la chronologie des faits, il est intéressant de noter qu'on a effectué un certain nombre de transferts de propriété en matière d'infrastructures et de propriétés à Alberta Agriculture. Elles appartenaient à l'ARAP, mais le gouvernement les gère toujours. Il y a des aires spéciales et des zones protégées, alors je ne crois pas que la situation représente le même défi en Alberta que ce pourrait être le cas en Saskatchewan.
    Merci, monsieur Rood.
    Nous avons maintenant M. Barlow pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Rood, merci beaucoup d'être ici avec nous aujourd'hui. Monsieur Sauchyn, l'information dont vous nous avez fait part était excellente. J'apprécie vraiment vos commentaires.
    Je suis très heureux, monsieur Rood, que vous avez soulevé la question du premier arrivé, premier servi, ce qui a été pour nous en Alberta un énorme casse-tête en ce qui concerne les permis d'utilisation des eaux non utilisés ou les personnes qui pourraient vraiment accéder aux eaux. Est-ce une occasion pour nous d'entamer une discussion beaucoup plus approfondie sur les permis d'utilisation des eaux et le principe du premier arrivé, premier servi pour qu'on puisse s'assurer qu'on utilise le plus efficacement possible les ressources en eau accessibles? Je suis certain que nous avons la possibilité de mieux utiliser nos ressources.
    Absolument. Le principe de l'attribution préalable — premier arrivé, premier servi — est vraiment tragique et tellement inefficace. Il est illogique de distribuer quelque chose selon des conditions vieilles de cent ans, alors oui, on doit réexaminer ce principe.
    Nous avons été chanceux sur un ou deux plans. D'abord, au cours de la sécheresse de 2001 dans le Sud de l'Alberta, lorsqu'il était clair qu'il y aurait une pénurie d'eau, on a tenu une réunion des responsables des principaux périmètres irrigués dans le Sud de l'Alberta avec le directeur de la gestion de l'eau, qui a dit: « D'accord, nous allons connaître une pénurie d'eau. Que devons-nous faire? » Le directeur de l'irrigation a répondu: « C'est facile; avec le principe du premier arrivé, premier servi, nous serons les premiers à assurer notre approvisionnement en eau. » Il a ensuite présenté une liste des organismes qui seraient d'abord privés d'eau. Tout en haut de la liste figurait l'usine de transformation des aliments de Lamb Weston, une installation de plusieurs millions de dollars qui utilisait le produit issu de l'irrigation des cultures. Les gens du périmètre irrigué ont dit qu'ils ne pouvaient évidemment pas permettre qu'on leur coupe l'eau. C'est ce genre d'influence qui, j'espère, fera en sorte que nous pourrons réexaminer ce précédent historique désuet.

  (1725)  

    Merci.
    Je veux parler un peu de l'ARAP. Mon collègue, M. Longfield, l'a mentionnée.
    Si je me souviens bien, 90 % des terres de l'ARAP appartenant au gouvernement fédéral se trouvaient en Saskatchewan et au Manitoba. Il y en avait quelques-unes en Alberta, et ces terres ont été remises aux provinces. Il leur revenait de décider quoi faire avec elles. Je sais que certains agriculteurs et grands éleveurs de notre circonscription se sont réunis et ont acheté des terres en tant que coopératives pour le pâturage, alors il leur est possible de sauver des terres.
    Pour ce qui est de la recherche, nous avons également entendu, dans le cadre de notre étude, qu'on ne réalise pas de recherche sur la commercialisation et qu'on ne transmet pas les résultats aux agriculteurs. Nous pouvons peut-être suivre certaines recommandations de l'étude, lesquelles nous aideront à combler certains de ces manques à gagner.
    Enfin, avant de manquer de temps, monsieur Rood, dans le cadre du programme WISE, l'Université de Lethbridge a acquis une renommée en raison de certaines études qu'elle a réalisées sur l'eau, l'agriculture et le sol. Nous avons un peu parlé au Comité de certaines possibilités de nouvelles cultures qui sont cultivées autour de Lethbridge — des légumineuses, des lentilles et des betteraves à sucre — qui n'auraient jamais pu être cultivées à cet endroit, même il y a une décennie. Pouvez-vous parler de l'importance de l'étude en cours sur les rotations des cultures, qui nous permettent de protéger notre sol de même que d'éduquer nos producteurs afin qu'ils puissent profiter de certaines de ces nouvelles possibilités?
    C'est assez passionnant. Cela suppose des partenariats avec le gouvernement fédéral. À Lethbridge, nous avons un grand centre de recherche d'Agriculture Canada. Nous avons également un important groupe de recherche sur l'agriculture en Alberta. Enfin, nous avons l'université et le collège. Nous travaillons tous ensemble.
    On réalise des recherches sur de nouvelles cultures, comme vous l'avez indiqué. La culture des lentilles, très récente, est très importante actuellement. La valeur de la culture des pommes de terre augmentera pour devenir une des plus importantes. Je ne sais pas si c'est la deuxième ou la troisième en importance. Il y a de nouvelles cultures qui sont intéressantes. J'ai montré une photographie de sorgho et je crois qu'on envisagera d'autres cultures.
    À mon avis, nous devons penser un peu différemment. Si le gouvernement peut fournir des mécanismes pour aider les agriculteurs à faire des expériences, je crois que cela serait très intéressant.
    Me reste-t-il encore un peu de temps?
    Vous avez une minute et quarante-cinq secondes.
    Cela sort un peu des sentiers battus. Je ne sais pas si vous connaissez ce sujet, monsieur Rood, mais concernant certaines de ces nouvelles possibilités et expériences, API Labs a effectué beaucoup de travail dans la région de Lethbridge sur la culture du pavot. Est-ce une possibilité? Devons-nous également sortir des sentiers battus pour examiner ces types de possibilités?
    Je crois que le pavot est un excellent exemple. Il est intéressant de noter qu'on cultivait le pavot dans la région de Lethbridge au cours de la Deuxième Guerre mondiale lorsqu'on avait imposé des embargos sur l'exportation et le transport de certains de ces alcaloïdes, alors, oui, cette plante est bien adaptée à notre climat. Au lieu de courir le risque de transporter ces produits de l'autre côté de la frontière, si nous pouvions contrôler cette production et la maintenir au Canada, je crois qu'il s'agirait là d'une très belle possibilité. Oui, il est logique de cultiver le pavot.
    Enfin, pour aborder nos problèmes d'eau, monsieur Rood, quelles seraient certaines de vos recommandations? Nous avons parlé de permis d'utilisation des eaux, mais pouvez-vous formuler d'autres recommandations sur la conservation de l'eau que nous devrions examiner?
    Je crois que, au fil du temps, l'irrigation progressera vers des régions plus chaudes et plus sèches pour ce qui est des cultures de valeur supérieure. Nous avons un marché de l'eau en Alberta qui permet à l'agriculteur de vendre son permis. C'est assez récent. Je crois qu'on devrait encourager cela. À mon avis, il est logique de cultiver certaines de ces nouvelles cultures spéciales, certains des légumes, etc., plutôt que d'irriguer le foin, dans tous les cas. L'élevage de bétail est certainement énorme, mais en même temps, nous pouvons très bien en élever dans les régions non irriguées de l'Ouest des Prairies.
    Encore une fois, je crois qu'on assistera à un déplacement des cultures vers l'est de l'Alberta. Je pense également que le Sud-Ouest de la Saskatchewan présente d'autres possibilités intéressantes relativement au développement de l'irrigation.

  (1730)  

    Merci.
    Merci, messieurs Rood et Sauchyn. Nous avons passé deux heures formidables avec vous aujourd'hui.
    Cela conclut notre partie d'aujourd'hui à propos de l'étude sur les changements climatiques.
    Merci beaucoup à tous.
    Nous vous reverrons la semaine prochaine. La séance est levée.
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