La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
Édition 2000Plus d’informations …
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Historique

Grande-Bretagne

L’origine du processus législatif remonte à l’ère médiévale. Dans les premiers temps de la formation du Parlement britannique, les requêtes des Communes en matière de législation étaient adressées au roi sous la forme de pétitions [4] . Lorsque le roi convoquait le Parlement pour obtenir des crédits, les Communes lui transmettaient alors, par écrit ou de vive voix, les pétitions pour lesquelles, en retour, elles souhaitaient obtenir son assentiment. Les pétitions accueillies favorablement par le roi [5]  étaient ensuite rédigées par ses conseillers sous forme de statuts [6]  consignés dans un registre (le Statute Roll). Ces statuts devaient exprimer le libellé de la pétition et la réponse du roi, mais il arrivait souvent que le roi et ses conseillers prennent l’initiative de modifier le libellé de la pétition de façon substantielle et, dans certains cas, ne respectent pas la réponse donnée [7] .

Une étape importante du processus fut franchie en 1414 lorsque les Communes demandèrent à Henri V (1413-1422) d’être considérées « autant comme partie consentante que comme pétitionnaires » et demandèrent également que leurs pétitions, lorsque formulées sous forme de statut, ne soient plus modifiées sans leur consentement [8] . Quelques années plus tard, sous le règne d’Henri VI (1422-1461; 1470-1471), les Communes réussirent à faire instaurer la pratique voulant que leurs requêtes en matière de législation soient présentées au roi sous la forme de projets de loi et elles obtinrent du roi l’assurance que ceux-ci ne seraient pas modifiés sans leur consentement [9] .

L’évolution du rôle des Communes dans le processus législatif a aussi été marquée par les changements qui furent apportés à la formule d’édiction des statuts. Depuis le début du règne d’Edouard III (1327-1377), les mots « à la demande des Communes » étaient utilisés comme formule d’édiction. Sous le règne d’Henri VI, les mots « par autorité du Parlement » firent leur apparation dans les textes de loi, consacrant ainsi l’influence grandissante des Communes dans le processus législatif [10] .

À partir du moment où il fut admis que les statuts devaient refléter fidèlement les requêtes des Communes en matière de législation, il devint nécessaire d’établir des règles de procédure devant guider la présentation et l’adoption des projets de loi. À la fin du règne d’Elizabeth I (1558-1603), la pratique des trois lectures, sans débat à l’étape de la première lecture, et du renvoi du projet de loi à un comité après la deuxième lecture, était déjà bien établie [11] .

Canada

Avant la Confédération

Dans les années précédant la Confédération, les assemblées des colonies canadiennes s’appuyaient sur les traditions parlementaires britanniques pour la conduite de leurs délibérations. Les assemblées législatives du Haut et du Bas-Canada qui furent instituées par l’ Acte constitutionnel de 1791 s’inspirèrent de la procédure parlementaire britannique [12] . Le processus législatif de l’Assemblée du Haut-Canada n’était cependant pas aussi élaboré que celui de l’Assemblée du Bas-Canada qui avait, dès 1792, adopté un plus grand nombre de règles de procédure pour l’adoption de ses projets de loi [13] .

Le premier code de procédure canadien, qui parut en mars 1793 sous le titre Règles et règlements de la Chambre d’Assemblée du Bas-Canada [14], prévoyait des dispositions devant régir autant la présentation que l’adoption des projets de loi de cette assemblée. À cette époque, on confiait souvent à des comités le soin d’élaborer un projet de loi [15] . Tout projet de loi devait être présenté par voie de motion, recevoir trois lectures dans les deux langues [16]  et ne pouvait faire l’objet d’amendements ni être renvoyé à un comité avant d’avoir subi l’étape de la deuxième lecture [17]. Tout projet de loi devait également avoir été imprimé avant la deuxième lecture. Après avoir été adoptés par l’Assemblée, les projets de loi étaient transmis au Conseil législatif pour recevoir l’assentiment des membres du Conseil et, éventuellement, la sanction royale [18] .

Lors de l’union du Haut et du Bas-Canada en 1840, les législateurs durent s’entendre sur une même procédure. La plupart des règles adoptées à ce moment-là furent celles qui étaient en vigueur à l’Assemblée du Bas-Canada [19] . La procédure relative à l’adoption des projets de loi d’intérêt public demeura essentiellement la même [20] . On adopta cependant plusieurs dispositions pour traiter des projets de loi d’intérêt privé [21] .

Depuis la Confédération

Lorsque la Chambre des communes du Canada s’est réunie la première fois, le 6 novembre 1867, elle entreprit ses travaux sous le régime des règlements de l’Assemblée législative de la Province du Canada, lesquels comprenaient déjà des dispositions relatives aux délibérations sur les projets de loi. Le 20 décembre 1867, elle entérinait le rapport d’un comité spécial qui avait été chargé d’aider le Président à établir des règles de procédure pour la Chambre. Le seul changement important qui fut alors apporté aux règles de l’ancienne Assemblée législative du Canada visait principalement le processus d’examen des projets de loi d’intérêt privé [22] . Conséquemment, les articles qui figuraient dans le Règlement de l’ancienne Assemblée législative du Canada, sous la rubrique « Délibérations sur les Bills » [23] , furent reproduits intégralement dans la première édition du Règlement de la Chambre des communes.

Quelques-unes des règles relatives au processus législatif en vigueur à la Confédération le sont encore de nos jours. On peut citer notamment les articles du Règlement visant à interdire la présentation de projets de loi en blanc ou dans une forme incomplète, et ceux qui stipulent que tout projet de loi doit être soumis à trois lectures en des jours différents, être imprimé dans les deux langues officielles et être certifié par le Greffier de la Chambre à chacune des lectures [24] .

Depuis 1867, les règles de procédure qui régissent le processus législatif ont fait l’objet de nombreuses modifications visant à faciliter l’examen des projets de loi d’intérêt public, à élargir le rôle des comités et à permettre une plus grande participation des députés. Par exemple, jusqu’en 1913, un député devait solliciter l’autorisation de la Chambre s’il souhaitait présenter un projet de loi. Cette motion pouvait faire l’objet d’un débat et d’amendements [25] . En avril 1913, la Chambre décida que les motions d’autorisation n’étaient plus sujettes à débat ni à amendements [26] . De plus, en 1955, elle ajouta à son Règlement une autre disposition afin de préciser la pratique voulant que le député qui proposait une telle motion soit autorisé à donner une brève description du projet de loi [27] . En 1991, la Chambre modifia à nouveau le Règlement pour faire en sorte que les motions d’autorisation soient réputées adoptées sans débat ni amendement ni mise aux voix [28] .

Certaines règles de procédure furent également modifiées afin de permettre à la Chambre d’expédier ses affaires. De la Confédération jusqu’en 1927, il n’y avait pratiquement aucune limite de temps pour la durée des discours des députés. Les débats sur les projets de loi pouvaient parfois s’étendre sur plusieurs jours [29] . En 1927, la Chambre adopta une règle qui imposait une limite aux discours de la majorité des députés [30] . Cette règle fondamentale fut maintenue sans modification jusqu’en 1982, année où la Chambre incorpora au processus législatif des dispositions spécifiques devant régir la durée des discours et la période des questions et observations [31] .

Au fil des ans, divers comités spéciaux se sont penchés sur les règles de procédure devant régir le processus législatif [32] . En 1968, la Chambre confiait au Comité spécial de la procédure et de l’organisation de la Chambre le soin de réviser en profondeur le processus législatif [33] . Dans son troisième rapport, le Comité recommanda des changements tendant à supprimer les pratiques désuètes [34] , à donner davantage aux députés l’occasion de prendre part de façon significative à l’étude et à la mise en forme des projets de loi, et à définir les étapes décisives de l’adoption d’un projet de loi [35] . Parmi les principales dispositions qui furent alors adoptées, on compte notamment le renvoi aux comités permanents ou spéciaux des projets de loi autres que ceux fondés sur des motions de subsides et de voies et moyens, le rétablissement de l’étape du rapport comme stade de délibérations dans le processus législatif et, lors de l’étude menée à cette étape, la réduction de la durée maximale de la majorité des discours ainsi que l’autorisation accordée au Président de choisir et de regrouper les amendements [36] .

Au début des années 1980, des comités spéciaux ayant comme mandat d’examiner la procédure de la Chambre se sont de nouveau penchés sur le double enjeu de l’accélération et de l’approfondissement de l’examen des projets de loi et de l’élargissement du mandat des comités. En mars 1983, une étude recommandait la création de comiés législatifs qui seraient chargés d’examiner à fond les projets de loi [37] . Bien que les recommandations émanant de cette étude n’aient pas été adoptées, le Comité spécial sur la réforme de la Chambre proposa, en 1984, une recommandation visant la création de comités législatifs et recommanda de plus que les projets de loi fondés sur des motions de voies et moyens soient également renvoyés à des comités législatifs. Ce comité fit valoir que l’étude de projets de loi complexes, en petits comités constitués d’un groupe de députés spécialisés, était préférable à leur examen en comité plénier [38] . Ces deux recommandations furent intégrées aux modifications que l’on apporta au Règlement le 27 juin 1985 [39] .

Quelques années plus tard, en avril 1991, la Chambre apporta des changements substantiels à son Règlement dans le but notamment de permettre l’adoption automatique des motions de dépôt et de première lecture des projets de loi, de renvoyer, sur proposition d’un ministre après consultation, un projet de loi à un comité permanent ou spécial plutôt qu’à un comité législatif, d’exiger un délai de deux jours de séance plutôt que de 48 heures entre le moment où il a été fait rapport d’un projet de loi et celui du début de l’étude à l’étape du rapport, et d’exiger un préavis écrit de 24 heures pour toute motion relative à des amendements apportés à un projet de loi par le Sénat [40] .

Au début de la 35e législature en 1994, le Règlement fut à nouveau modifié pour apporter une plus grande souplesse au processus législatif [41] . On y ajouta de nouvelles dispositions relatives à l’élaboration et au dépôt de projets de loi par des comités et on offrit l’option de déférer les projets de loi à des comités permanents, spéciaux, ou législatifs. L’obligation de déférer à un comité plénier tout projet de loi fondé sur une motion de subsides était cependant maintenue. Par ailleurs, il devenait possible pour un ministre de proposer le renvoi d’un projet de loi d’initiative ministérielle à un comité avant la deuxième lecture.

Bien que la Chambre soit revenue depuis à la pratique antérieure qui consistait à renvoyer l’examen de projets de loi uniquement à des comités permanents ou spéciaux, les dispositions relatives au renvoi des projets de loi à des comités législatifs n’ont pas été modifiées. Elles sont toujours en vigueur, mais n’ont jamais été utilisées depuis les changements au Règlement en 1994.


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