La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
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18. Les procédures financières

Les travaux des subsides

Les travaux des subsides permettent au gouvernement de demander au Parlement d’approuver les fonds requis pour lui permettre de s’acquitter de ses obligations financières et de mettre en œuvre les programmes déjà approuvés par le Parlement. La Couronne, agissant sur l’avis des ministres responsables, transmet à la Chambre des communes les prévisions annuelles de dépenses du gouvernement, soit son « Budget des dépenses », pour étude et approbation. Seules les Communes ont le pouvoir d’accorder les « crédits » nécessaires pour combler les besoins du gouvernement. Tous les projets de loi d’ordre financier (ce qui inclut toutes les dépenses du gouvernement) doivent être présentés en premier à la Chambre des communes [91] . Une fois les crédits accordés, le gouvernement peut puiser dans le Trésor pour s’acquitter de ses obligations financières [92] .

Historique

La procédure relative aux travaux des subsides établie en 1867 est demeurée fondamentalement inchangée pendant le premier siècle suivant la Confédération. S’inspirant d’une ancienne règle de la Chambre des communes britannique [93] , les travaux des subsides étaient confiés à un comité plénier appelé Comité des subsides [94] .

De la Confédération à 1968

Avant 1968, les travaux des subsides nécessitaient que la Chambre se constitue d’abord en comité des subsides pour ensuite y étudier le Budget annuel des dépenses, c’est-à-dire les dépenses proposées par le gouvernement. Avant que le Comité des subsides ne puisse entreprendre ses travaux, le ministre des Finances devait déposer le Budget des dépenses avec le message du gouverneur général signifiant la recommandation de la Couronne [95] . Le ministre proposait ensuite que le message et la recommandation soient renvoyés, avec le Budget des dépenses, au Comité des subsides [96] .

Lorsque l’ordre du jour prévoyait que la Chambre se forme en comité des subsides [97] , la motion « Que le Président quitte maintenant le fauteuil » était présentée à la Chambre [98] . Il s’agissait de la première étape des travaux des subsides; les députés avaient alors l’occasion de débattre cette motion et de l’amender. Les règles relatives à la pertinence étaient assouplies et les députés avaient recours à des amendements pour soulever différentes questions et les débattre à la Chambre. De plus, l’opposition pouvait menacer de retarder l’examen des crédits pour obtenir des concessions de l’exécutif. Cette pratique de permettre toutes sortes d’amendements [99] , de même que la grande latitude accordée pour les débats et l’absence de limites de temps étaient des reliquats d’un ancien principe du gouvernement parlementaire qui voulait que la Couronne réponde aux griefs de la population avant que celle-ci ne lui accorde des crédits [100].

Une fois que la Chambre avait adopté cette motion, elle se formait en comité des subsides. Chaque poste budgétaire était étudié sous forme de résolution ou de motion distincte proposant « qu’une certaine somme soit accordée à Sa Majesté pour… ». Les amendements étaient permis et le débat n’était assujetti à aucune limite. Si elles étaient adoptées, les résolutions étaient renvoyées à la Chambre pour qu’elle les entérine. Pour ce faire, on procédait à deux « lectures » de la résolution. La première était purement formelle tandis que la motion de deuxième lecture pouvait donner lieu à un débat et à des amendements. Les rapports du Comité des subsides n’étaient habituellement pas étudiés par la Chambre le même jour où ils étaient transmis, mais on ordonnait plutôt qu’ils soient reçus à une prochaine séance de la Chambre. Après avoir fait rapport, le Comité demandait la permission « de siéger de nouveau », sans quoi le Comité des subsides aurait cessé d’exister [101] .

Lorsqu’on donnait lecture de l’ordre du jour portant qu’il soit fait rapport des résolutions adoptées en comité, une motion officielle tendant à la première lecture de ces résolutions était proposée. La motion ne faisait jamais l’objet d’un débat ou d’amendements. Si la Chambre y consentait, chaque résolution était lue séparément pour la deuxième fois, après quoi le Président la mettait aux voix. Tout amendement ou débat devait avoir trait directement à la résolution [102] .

Lorsque l’ensemble du Budget des dépenses avait franchi l’étape du Comité des subsides, le ministre des Finances proposait une motion portant que la Chambre se forme en comité des voies et moyens pour étudier les résolutions officielles d’octroi de certaines sommes à prélever du Trésor [103] . Une fois de plus, chaque poste budgétaire était proposé sous forme de résolution distincte, puis étudié et enfin renvoyé à la Chambre après son adoption. Une fois que les résolutions avaient franchi l’étape de la deuxième lecture, elles constituaient le fondement d’un projet de loi de crédits qui visait à puiser les sommes voulues dans le Trésor pour financer les programmes et activités approuvés dans le Budget des dépenses. Il arrivait souvent que les projets de loi de crédits étaient présentés et franchissaient deux étapes législatives ou plus au cours d’une même journée [104] . Après son adoption par la Chambre, le projet de loi de crédits était envoyé au Sénat où il devait franchir trois lectures avant d’être adopté et renvoyé à la Chambre.

Le débat sur la motion voulant « Que le Président quitte maintenant le fauteuil » faisait souvent en sorte que les crédits étaient étudiés à la toute fin de la session et souvent tard en soirée. Par conséquent, lorsque le Budget des dépenses était examiné en comité, cet examen avait tendance à être relativement court, ce qui provoquait fréquemment des plaintes concernant l’absence de méthodes efficaces de surveillance parlementaire des dépenses gouvernementales [105] .

En 1913, le Règlement de la Chambre était modifié : dorénavant, lorsque l’ordre du jour prévoyait que la Chambre se forme en comité des subsides le jeudi et le vendredi, la motion voulant « Que le Président quitte maintenant le fauteuil » serait adoptée d’office [106] . C’était la première fois qu’on limitait le droit des députés de présenter des griefs avant l’étude des besoins financiers du gouvernement. À la suite de ce changement, seulement 132 amendements à la motion ont été présentés de 1913 à 1955 alors que 271 l’avaient été entre 1867 et 1913. Cette nouvelle disposition constitua la première limitation réelle de la capacité de l’opposition de retarder l’examen des crédits puisqu’elle garantissait au gouvernement que la Chambre pourrait se pencher au moins deux jours par semaine sur ses besoins financiers. Aucune autre modification n’a été apportée jusqu’en 1927 [107] , alors que la Chambre accepta de permettre un sous-amendement à la motion proposant que le Président quitte le fauteuil pour que la Chambre se forme en comité des subsides ou en comité des voies et moyens lorsque la motion est présentée un autre jour que le jeudi ou le vendredi [108] .

Des divergences d’opinions apparurent vite quant à la tribune à utiliser pour étudier le Budget des dépenses : un comité plénier ou un comité permanent [109] . En 1955, la Chambre acceptait de créer un Comité spécial des prévisions budgétaires [110] . Au départ, ce comité ne disposait pas du pouvoir d’assigner des témoins ni d’ordonner la production de documents et de dossiers; des changements apportés au Règlement en 1958 allaient toutefois lui conférer les pouvoirs nécessaires [111] .

D’autres changements approuvés provisoirement en 1967 permirent aux comités permanents d’examiner le Budget des dépenses et limitèrent à quatre le nombre d’occasions au cours d’une session où la Chambre pourrait débattre de la motion proposant qu’elle se forme en comité des subsides ou en comité des voies et moyens [112] . Au cours de chaque session, un maximum de 30 jours devaient être consacrés aux travaux des subsides [113] .

Les travaux des subsides depuis 1968

En 1968, des changements ont été recommandés par le Comité spécial de la procédure. Le Comité estimait que les travaux des subsides étaient « parmi les choses qui prennent le plus de temps au Parlement canadien, qui donnent lieu à plus de répétitions et qui s’inspirent de méthodes archaïques ». Il était d’avis qu’ils ne permettaient pas un examen efficace des prévisions budgétaires, qu’ils ne fournissaient pas à la Chambre les moyens d’organiser un débat significatif sur des sujets prévus à l’avance, qu’ils n’avaient pas permis au Parlement d’exercer un contrôle efficace sur les dépenses, non plus que d’assurer une décision rapide sur les projets de loi des crédits. Le Comité estimait que la méthode qui avait été léguée par l’histoire ne tenait pas compte des réalités contemporaines de la marche du gouvernement [114] . La Chambre convint de modifier substantiellement ses procédures financières [115] . Le Comité des subsides et le Comité des voies et moyens furent tous les deux abolis. Tous les Budgets des dépenses seraient dorénavant transmis aux comités permanents avant d’être soumis à la Chambre. Les nouvelles règles prévoyaient que le Budget principal des dépenses serait déposé et renvoyé aux comités au plus tard le 1er mars de chaque année. Pour leur part, les comités devaient faire rapport ou seraient réputés avoir fait rapport au plus tard le 31 mai [116] .

La Chambre convint d’établir, au début de chaque session, un ordre du jour permanent pour les travaux relatifs aux subsides sous la rubrique des Affaires émanant du gouvernement [117] . Contrairement à l’ordre prévoyant que la Chambre se transforme en comité des subsides, qui était annulé une fois que le comité avait renvoyé le Budget des dépenses à la Chambre, l’ordre permanent demeure un élément des Affaires émanant du gouvernement qui peut être mis en délibération à tout moment selon le bon vouloir du gouvernement.

Les nouvelles règles divisèrent le calendrier parlementaire en trois périodes durant lesquelles 25 jours seraient consacrés aux travaux des subsides. Cinq jours désignés furent réservés à la période de subsides se terminant le 10 décembre, sept à la période se terminant le 26 mars et treize autres à la période se terminant le 30 juin. Des motions de l’opposition ou de subsides ne pourraient être présentées que par des députés de l’opposition et pourraient porter sur toute question relevant de la compétence du Parlement du Canada [118] .

De plus, les nouvelles règles stipulaient qu’au cours de chaque période, l’opposition pouvait demander que jusqu’à deux de ces motions présentées lors d’un jour désigné fassent l’objet d’un vote et soient considérées comme des motions de « défiance » à l’endroit du gouvernement. Comme les conventions veulent que l’exécutif conserve la « confiance » de la Chambre, de nombreux intervenants se sont demandés pourquoi les motions de l’opposition votables devaient être appelées motions de « défiance » [119] . En mars 1975, le Règlement était provisoirement modifié de manière à ce que les votes sur les motions de crédits de l’opposition ne soient plus d’office considérés comme une question de confiance à l’endroit du gouvernement [120] . Les règles provisoires n’ont pas été renouvelées au début de la deuxième session et le concept de défiance a refait son apparition dans la version de 1977 du Règlement. De nouvelles modifications apportées au Règlement en juin 1985 supprimaient une fois de plus la disposition de « défiance » des règles régissant les motions de l’opposition [121] .

En 1986, des changements étaient apportés pour permettre au chef de l’Opposition de demander le prolongement de l’étude en comité du Budget des dépenses d’un ministère ou organisme au-delà du délai du 31 mai, pour une période ne dépassant pas 10 jours de séance [122] . De plus, les nouvelles règles réservaient le dernier jour désigné de la période de subsides se terminant le 30 juin afin de débattre de la motion d’adoption du Budget principal des dépenses plutôt que de la motion habituelle de l’opposition, et permettaient le prolongement de la séance jusqu’à 22 heures. En 1991, la date où cette période se termine a été ramenée au 23 juin et, à la suite d’une réduction du nombre de jours de séance dans l’année, le nombre total de jours désignés est passé de 25 à 20 sur l’ensemble d’une année [123] . Des changements ont également été apportés pour augmenter ou réduire le nombre de jours désignés au cours d’une période de subsides en fonction du nombre total de jours de séance de cette période [124] , et pour limiter le nombre de jours désignés tombant un mercredi et un vendredi [125] . Enfin, en 1998, le nombre total de jours désignés a été porté à 21 et on doit de nouveau étudier une motion de l’opposition lors du dernier jour désigné de juin [126] . Toutefois, l’étude de cette motion de l’opposition ne doit pas se prolonger au-delà de 18 h 30 et doit être suivie de l’étude des motions requises pour adopter le Budget principal des dépenses.

L’ordre permanent des travaux des subsides

Dans le discours du Trône, qui inaugure chaque nouvelle session du Parlement, le gouverneur général annonce habituellement aux députés qu’on leur demandera de voter les crédits (c’est-à-dire d’affecter les sommes) nécessaires pour financer les services et les dépenses approuvés par la Parlement [127] .

Parmi les premiers travaux qu’elle entreprend après le discours du Trône, la Chambre étudie donc une motion habituellement proposée par le ministre présidant le Conseil du Trésor : « Que la Chambre étudie les travaux des subsides à la prochaine séance » [128] . En vertu d’un usage bien établi, la motion ne donne pas lieu à un débat et est habituellement adoptée à l’unanimité. Une fois adoptée, la motion devient un ordre de la Chambre prévoyant l’ajout des travaux des subsides au Feuilleton pour le reste de la session [129] . Ce processus entraîne l’établissement d’un ordre du jour permanent pour les travaux des subsides, ce qui permet au gouvernement de mettre à l’étude les subsides lors de toute séance, compte tenu des dispositions du Règlement.

Les travaux des subsides comprennent l’étude des motions :

  • portant adoption des crédits provisoires;
  • portant adoption du Budget principal et du Budget supplémentaire des dépenses;
  • visant à rétablir tout poste du Budget des dépenses;
  • visant à présenter ou à adopter à toutes les étapes tout projet de loi fondé sur le Budget des dépenses;
  • proposées par l’opposition lors des jours désignés [130] .

Dans une même année civile, le Règlement réserve 21 jours aux travaux des subsides et ces travaux ont alors préséance sur toute autre affaire du gouvernement [131] . Les travaux des subsides peuvent être divisés en deux étapes : l’étape des débats généraux et l’étape législative. L’étape des débats généraux a lieu lors de l’étude des motions de l’opposition proposées lors des jours désignés [132] . Durant l’étape législative, la Chambre se penche et vote sur les plans de dépenses annuels proposés par le gouvernement (les budgets principal et supplémentaire des dépenses) [133]  et sur les projets de loi (projets de loi de crédits) nécessaires pour autoriser tous les prélèvements sur le Trésor.

L’étape des débats généraux

Les jours désignés

La mise de côté d’un nombre spécifié de jours de séance où l’opposition choisit le sujet du débat vient d’une tradition voulant que le Parlement n’accorde pas de crédits tant que l’opposition n’a pas eu l’occasion de démontrer pourquoi ces crédits devraient être refusés. Des vingt et un jours que la Chambre réserve aux travaux des subsides au cours de chaque cycle annuel des subsides, sept sont désignés durant la période se terminant le 10 décembre, sept durant la période se terminant le 26 mars et sept durant la période se terminant le 23 juin. De ces vingt et un jours, quatre au plus peuvent tomber un mercredi et quatre au plus un vendredi (les jours de séance les plus courts de la semaine) [134] . Ces vingt et un jours sont appelés « jours désignés ». Lors de chacun d’eux, la Chambre débattra d’une motion de l’opposition [135] .

Le cycle normal des subsides peut être bouleversé par une période d’ajournement prolongé, ou encore une prorogation ou une dissolution du Parlement. Le nombre de jours de l’opposition de chaque période peut alors être augmenté ou diminué. Si le nombre de jours de séance d’une période de subsides est pour une raison ou une autre inférieur au nombre prescrit par le calendrier parlementaire, le nombre de jours désignés de cette période sera réduit proportionnellement au nombre de jours de séance où la Chambre n’a pas siégé. C’est le Président qui détermine alors le nombre de jours désignés que comptera cette période et qui l’annonce à la Chambre [136] . À l’inverse, si la Chambre siège plus de jours que le nombre prescrit, le nombre total de jours désignés sera augmenté d’un jour pour chaque période de cinq jours supplémentaires où la Chambre a siégé [137] . La Chambre peut également décider que tout jour inutilisé parmi les six jours réservés au débat sur l’Adresse en réponse au discours du Trône ou les quatre jours réservés au débat sur le Budget est ajouté au nombre de jours désignés de la période de subsides où ces débats étaient prévus [138] .

Si on propose l’adoption du Budget supplémentaire des dépenses de l’exercice précédent au cours de la période de subsides se terminant le 23 juin, trois jours de séance supplémentaires seront réservés au cours de cette période à l’étude d’une motion d’adoption de ce budget et à l’adoption à toutes les étapes du projet de loi de crédits connexe [139] . Il est parfois arrivé que la Chambre consente à modifier la durée d’une période de subsides ou le nombre de jours désignés. Ainsi, la Chambre a déjà accepté de prolonger une période de subsides [140] , d’ajouter des jours désignés [141] , et de transférer des jours désignés inutilisés d’une période à la suivante [142] . Elle a également déjà accepté qu’un jour désigné d’une période de subsides soit réputé avoir été utilisé et qu’un jour supplémentaire soit ajouté à la période de subsides suivante [143] .

L’annonce d’un jour désigné

Le gouvernement désigne les jours réservés aux travaux des subsides. L’usage veut qu’un ministre, habituellement le leader du gouvernement à la Chambre, prenne la parole afin d’annoncer que le lendemain ou un jour subséquent sera un jour désigné [144] ; les jours désignés peuvent également être annoncés au cours de la « Déclaration du jeudi » sur les travaux parlementaires [145]  pour la semaine suivante. Cependant, cette désignation ne lie pas le gouvernement et peut être révisée à n’importe quel moment comme tout autre ordre du gouvernement [146] . Si le gouvernement ne désigne pas le nombre prescrit de jours désignés, les jours restants de cette période seront désignés par défaut [147] . Lorsque la séance d’un jour désigné se termine avant que la Chambre n’ait passé à l’ordre du jour, on considère que le jour désigné n’a pas été entrepris et que la séance ne compte donc pas dans les jours désignés pour l’étude d’une motion de l’opposition [148] . D’un autre côté, une fois que l’ordre relatif aux subsides a été mis en délibération, un jour désigné est réputé terminé si les délibérations sont par la suite interrompues [149] .

Les motions de l’opposition

Les motions de l’opposition ont priorité sur toutes les motions de subsides du gouvernement les jours désignés [150] . Toutefois, lors du dernier jour désigné de la période se terminant le 23 juin, le Président interrompt les délibérations sur la motion de l’opposition au plus tard à 18h30 et met aux voix, sans autre débat ni amendement, toute question nécessaire pour disposer de la motion. Tout vote par appel nominal demandé est reporté à la fin des travaux des subsides de la séance, mais au plus tard à 22 heures. Entre-temps, la Chambre entreprend l’étude d’une ou de plusieurs motions d’adoption du Budget principal des dépenses [151] .

Les députés de l’opposition peuvent proposer des motions pour débattre toute question relevant de la compétence du Parlement du Canada ainsi que les rapports de comité portant sur le Budget des dépenses [152] . Le Règlement donne énormément de latitude aux députés pour les motions de l’opposition présentées lors des jours consacrés à l’étude des subsides et à moins que la motion ne soit nettement et indubitablement irrégulière (c’est-à-dire qu’on ne puisse réellement pas soutenir, du point de vue de la procédure, qu’elle est recevable), la présidence n’intervient pas [153] .

Avis requis

Un avis écrit de 24 heures doit être donné d’une motion de l’opposition avant qu’elle puisse être débattue lors d’un jour désigné [154] . Cet avis doit être déposé au plus tard à 18 heures (ou à 14 heures le vendredi) le jour précédant un jour désigné pour pouvoir paraître dans le Feuilleton du lendemain [155] . Un député peut donner avis d’une motion de l’opposition même si un jour désigné n’a pas encore été annoncé [156] . De plus, il ne suffit pas que le gouvernement décide de ne pas tenir un jour désigné prévu pour que la présidence fasse supprimer un avis d’une motion de l’opposition du Feuilleton des Avis [157] . Cet avis peut demeurer au Feuilleton des Avis tant qu’on n’aura pas étudié la motion ou qu’elle n’aura pas été retirée par son parrain. Seul ce dernier peut demander le retrait de cet avis et le consentement de la Chambre n’est pas requis pour ce faire [158] .

Le pouvoir de sélection du Président

Le Règlement ne précise pas la méthode à suivre pour répartir les jours désignés entre les divers partis de l’opposition quand celle-ci est formée de deux partis reconnus ou plus. Le gouvernement désigne les jours qui seront consacrés aux travaux des subsides, mais ce sont les partis de l’opposition qui déterminent entre eux quel parti présentera la motion et si cette motion sera assujettie à un vote, compte tenu des dispositions du Règlement. Les jours désignés sont habituellement répartis entre les partis de l’opposition reconnus en fonction des sièges qu’ils détiennent à la Chambre. Il n’appartient pas à l’Opposition officielle de déterminer unilatéralement qui peut proposer une motion lors d’un jour désigné [159] . Des avis de plus d’une motion peuvent être donnés par un ou plusieurs partis de l’opposition [160] . Lorsque des avis de deux motions de l’opposition ou plus figurent dans le Feuilleton pour étude lors d’un jour désigné et que les partis de l’opposition ne s’entendent pas sur la motion à débattre, le Président doit déterminer la motion qui aura la priorité [161] . Pour ce faire, il tiendra habituellement compte des facteurs suivants : la représentation des partis à la Chambre, le nombre de motions parrainées par les divers partis jusqu’à maintenant, une certaine équité à l’égard des petits partis, la date de l’avis, le parrain de la motion, le sujet de celle-ci, son caractère votable ou non, et les ententes conclues par les partis au cours des dernières périodes de subsides [162] .

Les motions votables

Au plus 14 motions de l’opposition étudiées lors de jours désignés peuvent faire l’objet d’un vote au cours de chaque cycle annuel des subsides [163] . Aux fins du calcul des motions votables, on considère que la période se terminant le 10 décembre est la première période du cycle des subsides [164] . Les partis de l’opposition s’entendent de manière informelle pour se diviser les 14 motions votables [165] . La présidence ne peut déterminer si une motion devrait être votable ou non sauf lorsqu’on a atteint la limite des motions votables autorisées pour une période de subsides ou une année donnée [166] . Il est déjà arrivé, bien que rarement, que certaines motions de l’opposition étudiées lors de jours désignés soient adoptées par la Chambre [167] .

Les délibérations sur une motion de l’opposition

Les délibérations sur les motions de l’opposition non votables se terminent à la fin du débat ou à l’expiration de la période réservée aux ordres émanant du gouvernement [168] . Une motion peut toutefois être présentée afin de prolonger la séance au-delà de l’heure habituelle d’ajournement [169] . Dans le cas des motions votables, le Président interrompra le débat 15 minutes avant l’expiration de la période réservée aux ordres émanant du gouvernement et mettra aux voix, sans autre débat ni amendement, toute question nécessaire pour mettre un terme à l’étude de la motion [170] . Lorsqu’un vote par appel nominal sur une motion de l’opposition votable est demandé un vendredi, il est automatiquement reporté jusqu’à l’heure habituelle de l’ajournement quotidien de la séance suivante; toutefois, un vote par appel nominal demandé lors du dernier jour désigné d’une période de subsides ne peut être reporté [171] .

Les délibérations sur une motion de l’opposition votable peuvent se poursuivre pendant plus d’un jour désigné [172] ; habituellement, ces délibérations s’étendent sur deux jours de séance consécutifs lorsque ces deux jours ont été tous les deux choisis jours désignés [173] . La durée de ces délibérations doit être précisée dans l’avis relatif à ce ou ces jours désignés [174] .

Le parrain de la motion, qui est un député de l’opposition, prend la parole en premier lors d’un jour de l’opposition. Aucun député ne peut intervenir pendant plus de vingt minutes; une période de dix minutes est également prévue pour les questions et observations [175] . Il arrive souvent que deux députés du même parti conviennent de partager cette période de vingt minutes, chacun se voyant alors accorder une période de cinq minutes pour les questions et observations [176] . Lors des jours désignés, le parti dont est membre le parrain de la motion peut obtenir la parole plus fréquemment que son importance relative à la Chambre ne le justifierait habituellement.

Seuls un amendement et un sous-amendement peuvent être présentés aux motions de l’opposition étudiées lors d’un jour désigné [177] . Les amendements visant à lancer un débat entièrement différent ne sont pas recevables [178] . Lorsqu’on attribue à un parti un jour désigné et qu’un sujet est proposé pour le débat au moyen d’une motion de l’opposition, ce jour ne devrait pas lui être retiré par le truchement d’un amendement [179] . La Chambre a consenti, malgré les règles, à autoriser des amendements qui avaient été jugés irrecevables par la présidence [180] .

L’étape législative

Le Budget principal des dépenses

Le Budget principal des dépenses fournit une ventilation, par ministère et organisme, des dépenses gouvernementales prévues pour l’exercice qui vient. Ce budget prend la forme d’une série de « crédits », ou de résolutions, qui résument les besoins financiers estimatifs d’une catégorie de dépenses particulière comme les dépenses de fonctionnement, les immobilisations ou les subventions [181]. Les crédits sont chiffrés en dollars et ces montants totaux, une fois adoptés, devraient permettre de combler tous les besoins budgétaires d’un ministère ou organisme dans cette catégorie de dépenses, à l’exception des dépenses assumées en vertu d’autres autorisations législatives. Chaque poste budgétaire, ou crédit, comporte deux éléments essentiels : un montant et une destination (une description de l’utilisation qu’on fera de cette somme). Si le gouvernement souhaite modifier le montant ou la destination approuvés pour un crédit, il doit le faire au moyen d’un budget « supplémentaire », d’une nouvelle loi ou d’une loi modificative.

Le Budget principal des dépenses est composé de deux parties. La Partie I, le Plan de dépenses du gouvernement, donne un aperçu des dépenses totales que le gouvernement prévoit pour le nouvel exercice. La Partie II contient le Budget principal des dépenses, qui résume les dépenses budgétaires et législatives de tous les ministères et organismes gouvernementaux pour la même période. Il comprend également une introduction, qui explique les différents types de crédits [182]  et les autres éléments qui composent le Budget des dépenses, de même que tout changement apporté au contenu de ce document par rapport aux exercices précédents. Dans la Partie II, les dépenses sont décrites selon les ministères, les organismes et les programmes. Elle renferme aussi le libellé proposé des conditions qui s’appliquent aux pouvoirs de dépenser qu’on demande au Parlement d’accorder [183] . L’information fournie dans la Partie II complète directement l’annexe de la Loi de crédits. Les postes législatifs sont des dépenses autorisées en vertu d’autres lois et, parce qu’ils ont déjà été approuvés par des lois, ils ne requièrent pas une nouvelle approbation du Parlement. Ils sont identifiés dans le Budget des dépenses par un « (L) » et n’y sont inclus qu’à titre d’information [184] . La Partie I est maintenant combinée avec la Partie II pour former un volume qu’on appelle habituellement « Livre Bleu » [185].

La forme et le contenu du Budget principal des dépenses n’ont été modifiés qu’à quatre reprises depuis la Confédération : en 1938, en 1970, en 1981 et la dernière fois en 1997 [186] . Chaque fois, ces réformes étaient entreprises afin d’améliorer la qualité et l’utilité des renseignements fournis aux parlementaires. En 1938, le ministre des Finances incluait pour la première fois dans le Budget des dépenses une ventilation des dépenses de fonctionnement des ministères par fonction [187] . Une plus grande précision a été atteinte en 1970 lorsque les dépenses des ministères ont été regroupées selon les programmes et activités. Un préambule explicatif clarifiant les termes techniques utilisés a été ajouté et le Livre Bleu a été pour la première fois publié en un seul volume bilingue [188] .

Au fur et à mesure que les activités du gouvernement fédéral se diversifiaient et que les opérations gouvernementales se complexifiaient, il devint de plus en plus difficile de rassembler toute l’information sur les dépenses gouvernementales en un seul document. En 1981, après une étude exhaustive du cadre de gestion et de responsabilisation financière du gouvernement fédéral, deux nouveaux documents ont fait leur apparition. L’ancien Livre Bleu devint la Partie II, le Budget des dépenses, et de nouvelles Partie I et Partie III ont été ajoutées [189] . La Partie I fournissait un aperçu des dépenses du gouvernement fédéral de même que des renseignements sur les activités futures prévues qui ne pouvaient être inclus avec les crédits annuels et les dépenses législatives énoncés dans le Livre Bleu. La Partie II énumérait toujours de manière détaillée les ressources dont les divers ministères et organismes avaient besoin pour l’exercice à venir. Enfin, la Partie III, le Plan de dépenses du ministère, constituait en fait une série de documents distincts fournissant chacun des renseignements supplémentaires sur les programmes et activités d’un seul ministère ou organisme. Ces premiers plans de dépense formant la Partie III ont été déposés avec le Budget des dépenses principal de 1982-1983 [190] .

Dans le chapitre 6 de son Rapport annuel au Parlement de 1992, le vérificateur général traite de la question des rapports ministériels. Il signale qu’une bonne partie des activités financières du gouvernement ne s’effectue pas par le truchement de dépenses et ne sont donc pas incluses dans l’information transmise aux parlementaires pour l’étude et l’approbation des crédits [191] . De l’avis du vérificateur général, l’information transmise au Parlement devrait comprendre une description de la mission de l’organisation, de ses principaux secteurs d’activité, de sa structure, des instruments qu’elle utilise, des buts et des objectifs stratégiques qu’elle s’est fixés pour accomplir sa mission, et des résultats qu’elle a obtenus et qui montrent dans quelle mesure les objectifs ont été atteints [192] . En 1997, la Chambre a décidé d’entreprendre un projet pilote afin de diviser les plans de dépenses des ministères de la Partie III en deux documents : le Rapport sur les plans et les priorités et le Rapport sur le rendement. À compter de l’exercice 1997-1998, les documents de la Partie III ont été remplacés par ces deux rapports, le premier devant être déposé au plus tard le 31 mars et le second à l’automne [193] .

Le Rapport sur les plans et les priorités décrit le mandat du ministère (ou de l’organisme), sa mission et ses objectifs stratégiques, et il fournit des renseignements détaillés sur la structure de ses secteurs d’activité, sur les résultats prévus et sur sa stratégie de mesure du rendement [194] . Ces rapports sont déposés au Parlement par le président du Conseil du Trésor au nom des ministres responsables [195] . Le Rapport sur le rendement rend compte des réalisations de chaque ministère et organisme en fonction des attentes prévues en matière de rendement qui sont indiquées dans le Rapport sur les plans et les priorités [196] . Ces documents sont eux aussi déposés par le président du Conseil du Trésor au nom des ministres responsables et renvoyés aux comités permanents concernés [197] . Pour ce qui est de l’administration de la Chambre des communes, ces deux types de rapport annuel sont déposés à la Chambre par le Président [198] .

Le Budget principal des dépenses de l’exercice à venir doit être renvoyé aux comités permanents au plus tard le 1er mars de l’exercice en cours. Le Budget des dépenses est présenté par un ministre, normalement le président du Conseil du Trésor, et est accompagné d’une recommandation du gouverneur général, que le Président lit à haute voix devant la Chambre [199] . Le Budget principal des dépenses est habituellement renvoyé aux comités permanents dès son dépôt [200] . N’importe quel ministre peut présenter une motion durant les affaires courantes afin de proposer qu’un ou des postes du Budget principal soient renvoyés à un ou des comités permanents; la Chambre se prononce alors sur la motion sans tenir de débat [201] .

Les crédits provisoires

Comme l’exercice commence le 1er avril et que le cycle normal des subsides prévoit que la Chambre ne se prononcera sur le Budget principal des dépenses qu’en juin, le gouvernement devrait en théorie se retrouver sans fonds pendant cet intervalle de trois mois. La Chambre autorise donc une avance sur les fonds demandés dans le Budget principal des dépenses afin de combler les besoins des services publics du début du nouvel exercice jusqu’à la date d’adoption de la loi de crédits fondée sur le Budget principal des dépenses de l’exercice. C’est cette avance qu’on appelle « crédits provisoires [202]  », c’est-à-dire une autorisation de dépenser accordée au gouvernement en attendant l’approbation du Budget principal des dépenses.

Le gouvernement donne avis d’une motion précisant les sommes d’argent dont il aura besoin, exprimées en douzièmes des crédits qui doivent être adoptés dans le Budget principal des dépenses [203] . La plupart de ces sommes équivalent aux trois douzièmes du montant total, ce qui correspond à l’intervalle de trois mois entre le début de l’exercice et la date d’adoption définitive du Budget principal, mais le gouvernement peut demander davantage [204] . La motion sur les crédits provisoires est étudiée lors du dernier jour désigné de la période de subsides se terminant le 26 mars. L’adoption de la motion est suivie de l’étude et de l’adoption à toutes les étapes d’un projet de loi de crédits fondé sur les crédits provisoires et autorisant les retraits prescrits du Trésor [205] . L’approbation des crédits provisoires ne signifie pas nécessairement que la Chambre approuve immédiatement les programmes auxquels ils s’appliquent dans le Budget principal des dépenses.

Le Budget supplémentaire des dépenses

Si les montants votés dans le Budget principal des dépenses se révèlent insuffisants, ou s’il faut voter de nouveaux fonds ou réaffecter les fonds entre les crédits ou programmes durant un exercice, le gouvernement peut demander au Parlement d’approuver des dépenses additionnelles exposées dans un budget supplémentaire des dépenses. Le gouvernement peut présenter autant de budgets supplémentaires qu’il juge nécessaire au cours d’un exercice, mais l’usage veut qu’il se limite à deux ou trois.

Le Budget supplémentaire des dépenses est déposé sous la forme d’un document semblable à la Partie II du Budget principal des dépenses. Cependant, plutôt que d’être présenté comme une série de crédits sommaires (c’est-à-dire où chaque crédit résume tous les débours prévus dans une catégorie donnée de dépenses), chaque crédit supplémentaire porte sur un programme ou une opération financière spécifique. Les renseignements inclus dans le Budget supplémentaire deviendront une annexe de la loi de crédits qui sera ensuite adoptée pour autoriser les retraits prescrits du Trésor.

Comme dans le cas du Budget principal, le Budget supplémentaire est habituellement présenté par le président du Conseil du Trésor et s’accompagne d’une recommandation du gouverneur général que le Président lit à haute voix à la Chambre [206] . Le Budget supplémentaire est renvoyé aux comités permanents concernés, immédiatement après son dépôt à la Chambre [207] . La motion de renvoi est présentée par un ministre durant les affaires courantes et ne donne lieu à aucun débat [208] . Le Budget supplémentaire doit faire l’objet d’un rapport à la Chambre ou est réputé avoir fait l’objet d’un rapport au plus tard trois jours de séance avant le dernier jour désigné, ou encore le dernier jour de séance de la période de subsides où il a été déposé [209] .

Dernier Budget supplémentaire des dépenses

Lorsque le dernier Budget supplémentaire des dépenses ne peut être adopté avant le 31 mars de l’exercice qu’il vise, le Règlement prévoit qu’on en demandera l’approbation au cours de la prochaine période de subsides, c’est-à-dire la première période de subsides de l’exercice subséquent. Dans ces cas, trois jours sont ajoutés à la période de subsides se terminant au plus tard le 23 juin pour étudier la motion d’adoption de ce dernier budget supplémentaire de l’exercice précédent et adopter à toutes les étapes le projet de loi de crédits y afférent [210] .

Les crédits d’un dollar

Les Budgets supplémentaires comprennent souvent ce qu’on appelle des « crédits d’un dollar » afin de demander de modifier la répartition des fonds autorisée dans le Budget principal. Ces crédits d’un dollar ne visent pas à obtenir de fonds nouveaux ou supplémentaires, mais plutôt à affecter différemment des crédits déjà autorisés. Comme ces « crédits » sont des postes budgétaires, on doit leur attribuer une valeur en dollar. Toutefois, étant donné qu’aucuns nouveaux fonds ne sont requis, cette somme d’« un dollar » revêt uniquement une valeur symbolique. Les crédits d’un dollar peuvent être utilisés pour réaffecter des fonds d’un programme à un autre [211] ; pour radier des créances [212] ; pour modifier des garanties d’emprunt [213] ; pour autoriser des subventions [214] ; ou encore pour modifier des lois de crédits antérieures [215] .

L’inclusion de crédits d’un dollar dans le Budget des dépenses a également posé la question de l’utilisation du Budget des dépenses pour « légiférer » (c’est-à-dire non seulement pour affecter des fonds, mais également pour tenter d’obtenir de nouvelles autorisations législatives qui auraient normalement exigé l’adoption d’une loi habilitante distincte dans le cadre du processus législatif habituel, à l’extérieur de la procédure des subsides) [216] .

Avant 1968, les procédures relatives aux subsides donnaient amplement l’occasion à la Chambre de débattre des divers postes du Budget des dépenses. Les postes de nature législative (pratiquement toujours des « crédits d’un dollar ») étaient régulièrement inclus dans les lois de crédits [217] . Toutefois, cette pratique n’était pas acceptée facilement par la Chambre et les députés n’hésitaient pas à remettre en question la recevabilité de ces crédits [218] . Les changements apportés en 1968 aux règles régissant les subsides, qui entraînèrent l’abolition du Comité des subsides et le renvoi du Budget des dépenses aux comités permanents pour étude détaillée, eurent pour effet de réduire de manière importante le temps que la Chambre consacre à l’étude du Budget supplémentaire (où figurent la plupart des crédits d’un dollar). De plus, le Budget supplémentaire étant souvent déposé assez tard au cours de la période de subsides, cela laisse relativement peu de temps aux comités pour l’étudier. Par conséquent, peu de temps après les changements de 1968, le Président fut de plus en plus appelé à se prononcer sur la recevabilité des crédits d’un dollar [219] . Les décisions des Présidents de la Chambre à l’égard des crédits d’un dollar ont donc clarifié ce qui est acceptable sur le plan de la procédure et ce qui ne l’est pas.

Les Présidents ont souvent souligné aux députés qu’ils devraient prendre l’initiative de porter à l’attention de la présidence toute irrégularité du Budget des dépenses sur le plan de la procédure [220] . Ils leur ont également demandé à de nombreuses reprises de soulever le plus tôt possible ces questions sur la recevabilité du Budget des dépenses de manière à ce que la présidence ait le temps de rendre une décision « intelligente » [221] .

La présidence a maintenu que les crédits ayant un objectif législatif direct et spécifique (les crédits visant clairement à modifier une loi existante) devraient être présentés à la Chambre au moyen d’un projet de loi modificatif [222] . Le Président Jerome a déclaré dans une décision ce qui suit : « […] j’estime que le Parlement autorise le gouvernement à agir en adoptant des lois et lui alloue l’argent pour financer les programmes autorisés en adoptant une loi portant affectation de crédits. À mon avis, il ne faudrait donc pas qu’un crédit serve à obtenir une autorisation qui doit normalement faire l’objet d’une loi [223]  ». Dans une décision subséquente, il a également déclaré : « […] les travaux des subsides se déroulent strictement en fonction du but recherché, c’est-à-dire que le gouvernement prévoit les sommes dont il a besoin, puis la Chambre lui vote ces crédits […] les mesures législatives et les changements de fond d’ordre législatif ne sont pas censés faire partie des subsides, mais relèvent plutôt du processus législatif ordinaire qui comporte trois lectures, l’étape de l’étude en comité, et qui offrent, autrement dit, aux députés toutes les occasions voulues pour participer au débat et proposer des amendements [224]  ».

L’étude du Budget des dépenses en comité

Lorsque le Budget des dépenses est déposé à la Chambre, il est renvoyé aux comités permanents pour étude [225] . Quand un comité décide de se pencher sur le Budget des dépenses, chaque poste budgétaire ou « crédit » est mis à l’étude, proposé et débattu sous forme de motion distincte. Un crédit peut être adopté (le poste budgétaire est approuvé), réduit [226]  (mais jamais au-dessous du montant approuvé sous forme de crédit provisoire) ou rejeté [227]  (le poste budgétaire n’est pas approuvé) [228] . Lorsqu’il entreprend l’étude d’un crédit, le comité lance le débat sur les dépenses de programmes auxquelles ce crédit s’applique. Les comités étudiant le Budget peuvent convoquer des témoins; ainsi, ils entendent habituellement le témoignage du ministre, de fonctionnaires du ministère ou de l’organisme concerné, ainsi que de citoyens ou groupes intéressés.

Normalement, l’étude du crédit 1 du Budget des dépenses (généralement les dépenses de fonctionnement ou l’administration du ministère) donne lieu à une vaste discussion. Les questions sur la politique du ministère sont habituellement posées au ministre responsable; ce dernier peut toutefois renvoyer les questions plus techniques ou administratives aux fonctionnaires du ministère. Les Présidents font normalement preuve d’une très grande souplesse quant à la nature des questions permises lors de ces travaux [229].

Un comité ne peut majorer le montant d’un crédit, changer la destination d’une subvention ou modifier l’objectif d’un crédit puisque cette décision outrepasserait la recommandation royale et empiéterait sur les pouvoirs de la Couronne en matière d’initiative financière [230] . Un comité peut proposer de réduire un crédit d’un montant égal à celui prévu dans le Budget des dépenses pour un programme ou une activité auquel il s’oppose [231] . Les députés ne peuvent cependant pas proposer une motion visant à réduire un crédit de son montant total; il faut simplement voter contre la question : « Le crédit est-il adopté? »

Les dépenses législatives sont autorisées de manière permanente par d’autres lois que la loi de crédits et ne figurent dans le Budget des dépenses qu’à titre d’information [232] . Les motions ou recommandations concernant les dépenses législatives énumérées dans le Budget principal ne sont donc pas autorisées, mais les demandes d’information le sont. Les postes législatifs ne peuvent être modifiés que par une loi modificative.

Rapport à la Chambre

Les comités ne sont nullement tenus de faire rapport à la Chambre sur le Budget des dépenses; toutefois, dans le cas du Budget principal des dépenses, les comités qui ne font pas rapport sont réputés l’avoir fait le 31 mai et, dans le cas du Budget supplémentaire des dépenses, ils sont réputés l’avoir fait le troisième jour de séance avant le dernier jour désigné ou le dernier jour de séance de la période de subsides [233] . Lorsqu’un comité choisit de faire rapport sur le Budget des dépenses, le président ou un membre du comité agissant en son nom se lève durant les « Affaires courantes », lorsque le Président annonce la « Présentation de rapports de comités », afin de présenter le rapport.

Pour le Budget principal des dépenses, les règles prévoient une exception au délai du 31 mai. Le chef de l’Opposition peut, au plus tard le troisième jour de séance avant le 31 mai, donner avis d’une motion visant à prolonger l’étude en comité du Budget principal d’un ministère ou organisme précis [234] . La motion est réputée adoptée à l’appel des « Motions » durant les « Affaires courantes », lors du dernier jour de séance avant le 31 mai [235] . L’adoption de la motion permet au comité de poursuivre l’étude du Budget principal de ce ministère ou organisme et de retarder la présentation de son rapport d’une période pouvant atteindre 10 jours de séance, mais sans dépasser l’heure habituelle de l’ajournement quotidien du jour de séance précédant immédiatement le dernier jour désigné de la période de subsides [236] . Si le comité n’a pas fait rapport à ce moment-là, il est réputé l’avoir fait. Lorsque le comité choisit de faire rapport, le président ou un membre du comité agissant en son nom peut invoquer le Règlement n’importe quand avant le délai prévu et la Chambre reviendra immédiatement à la rubrique « Présentation de rapports de comités » pour recevoir le rapport [237] .

Le rapport d’un comité sur le Budget des dépenses doit correspondre, tant par sa forme que par son contenu, aux pouvoirs dont le comité avait été investi [238] . Comme c’est le Budget des dépenses qui avait été renvoyé au comité par la Chambre, c’est également ce budget (tel qu’adopté, réduit ou rejeté) qui devrait faire l’objet du rapport à la Chambre. Lorsqu’il présente d’autres recommandations de fond, le comité dépasse nettement les limites de son ordre de renvoi, qui visait l’étude du Budget des dépenses [239] . Le Président a exprimé de sérieuses réserves au sujet de l’inclusion de recommandations de fond dans des rapports de comité sur le Budget des dépenses [240] . Un comité permanent souhaitant formuler des recommandations de fond sur le Budget des dépenses qu’il a étudié peut le faire en vertu de son pouvoir permanent de mener des études et de faire rapport sur toutes les questions relatives au mandat, à l’administration et au fonctionnement des ministères ou organismes dont il a la charge [241] . Une motion d’adoption du rapport d’un comité sur le Budget des dépenses ne peut être examinée qu’un jour désigné pour les travaux des subsides [242] .

Un comité peut également faire rapport sur les plans de dépenses et priorités futurs des ministères et organismes dont il examine le Budget principal des dépenses [243] . Ces rapports doivent toutefois être présentés à la Chambre au plus tard le dernier jour de séance de juin, comme le prévoit le calendrier parlementaire, et toute motion d’adoption ne peut être étudiée par la Chambre que durant un jour désigné [244] .

Adoption du Budget des dépenses

Une fois qu’il a fait l’objet d’un rapport ou qu’il est réputé avoir fait l’objet d’un rapport par les comités permanents, le Budget des dépenses doit être adopté par la Chambre pour que le gouvernement puisse présenter le projet de loi de crédits autorisant les retraits nécessaires du Trésor. Toutes les motions d’adoption du Budget des dépenses sont proposées lors du dernier jour désigné d’une période de subsides, une fois qu’on a terminé les délibérations sur une motion de l’opposition. Dans un cycle normal des subsides, les motions d’adoption sont étudiées de la manière suivante [245]  :

  • Le dernier jour désigné de la période de subsides se terminant le 10 décembre, une ou des motions d’adoption du Budget supplémentaire des dépenses sont étudiées si le gouvernement en a déposé durant la période;
  • Le dernier jour désigné de la période de subsides se terminant le 26 mars, une ou des motions d’adoption du Budget supplémentaire des dépenses sont étudiées en premier, si le gouvernement en a déposé durant la période, puis la Chambre se penche sur une motion d’adoption des crédits provisoires pour le prochain exercice;
  • Le dernier jour désigné de la période de subsides se terminant le 23 juin, une ou des motions d’adoption du Budget principal des dépenses sont examinées en premier, suivies par une ou des motions d’adoption du dernier Budget supplémentaire des dépenses de l’exercice précédent et une ou des motions d’adoption du Budget supplémentaire des dépenses de l’exercice en cours, si le gouvernement en a déposé durant la période.

Une motion d’adoption du Budget principal ou supplémentaire des dépenses est une motion visant à faire adopter le Budget des dépenses sur lequel les comités permanents ont fait rapport ou sont réputés avoir fait rapport. Le gouvernement, habituellement par l’entremise du président du Conseil du Trésor, donnera un préavis écrit de 48 heures lorsqu’il souhaite présenter une ou plusieurs motions d’adoption du Budget des dépenses [246] . Si un comité a réduit ou rejeté un ou plusieurs crédits du Budget des dépenses, le gouvernement peut proposer leur rétablissement [247] . Un préavis écrit de 48 heures est aussi requis pour toutes les motions visant à rétablir des crédits réduits ou rejetés en comité [248] .

De plus, tout député peut donner avis de son intention de s’opposer à tout poste du Budget des dépenses soumis à la Chambre : ces postes sont ensuite désignés comme des « postes qui font l’objet d’opposition » dans le Budget. Le délai de préavis pour les postes qui font l’objet d’opposition est de 24 heures pour les périodes de subsides se terminant le 10 décembre et le 26 mars, et de 48 heures pour la période de subsides se terminant le 23 juin [249] . Les députés présentent de tels avis afin de s’opposer au montant total d’un crédit [250]  ou à une portion précise de ce montant [251] . Un avis d’opposition à un poste du Budget des dépenses ne constitue pas une motion [252] . Étant donné que le gouvernement peut proposer dans une même motion l’adoption de tous les crédits du Budget des dépenses [253] , l’avis d’opposition à un poste constitue en fait un moyen pour les députés de forcer le gouvernement à proposer une motion distincte pour l’adoption de chaque crédit qui fait l’objet d’opposition en partie ou en totalité [254] . Le texte de la motion générale d’adoption est alors modifié afin d’exclure ces crédits [255] . À une occasion, des députés qui avaient signifié leur intention de s’opposer à des postes du Budget ont informé le Greffier qu’ils ne souhaitaient pas y donner suite. C’est ainsi que les motions distinctes n’ont pas été mises aux voix et que les postes qui faisaient l’objet d’opposition ont été réintégrés dans la motion d’adoption générale [256] .

Lors du dernier jour désigné de chaque période de subsides, une fois les délibérations sur la motion de l’opposition terminées, les motions visant à rétablir les crédits du Budget des dépenses sont étudiées en premier, puis les motions d’adoption de chacun des crédits pour lesquels un avis d’opposition a été donné, et enfin la motion d’adoption de l’ensemble des crédits qui ne font pas l’objet d’opposition [257] ; la Chambre passe ensuite au projet de loi de crédits fondé sur le Budget des dépenses. Pour ces travaux, la Chambre peut siéger au-delà de l’heure habituelle d’ajournement [258] .

En principe, toutes les motions peuvent être débattues et amendées [259] . Toutefois, dans la pratique, lors du dernier jour désigné de chacune des périodes de subsides se terminant le 10 décembre et le 26 mars, le débat sur la motion de l’opposition, qui a priorité sur toutes les autres motions du gouvernement visant à terminer les travaux des subsides, se poursuit toute la journée et est interrompu par le Président 15 mi-nutes avant l’expiration de la période réservée aux ordres émanant du gouvernement. À ce moment-là, toutes les motions, en commençant par la motion de l’opposition, sont mises aux voix consécutivement, sans autre débat ni amendement [260] .

Lors du dernier jour désigné de la période de subsides se terminant le 23 juin, le Président interrompt les délibérations sur la motion de l’opposition à 18 h 30 à moins que la Chambre en ait terminé l’étude auparavant. Si la motion de l’opposition n’est pas une motion à mettre aux voix, les délibérations sur la motion se terminent à la fin du débat et la Chambre passe à l’étude de toute motion relative au Budget principal des dépenses [261] . Si la motion de l’opposition est une motion à mettre aux voix, le Président met aux voix sur-le-champ et sans autre débat ni amendement toute question nécessaire pour mettre un terme aux délibérations et tout vote par appel nominal demandé est reporté à la fin de l’étude de toute motion relative au Budget principal des dépenses [262] . À 22 heures, le Président interrompt les délibérations, procède tout d’abord à tous les votes reportés ou nécessaires pour trancher la motion de l’opposition [263] , s’il y a lieu, et ensuite met immédiatement aux voix, sans autre débat ni amendement, toute autre question nécessaire pour terminer l’étude de toute motion relative au Budget principal des dépenses. Tout de suite après, le Président met aux voix successivement et sans débat toute question nécessaire pour terminer l’étude des affaires relatives au dernier Budget de l’exercice précédent ou à tout Budget supplémentaire, au rétablissement de tout crédit du dernier Budget ou d’un budget supplémentaire, ou à tout poste du dernier Budget ou d’un Budget supplémentaire qui fait l’objet d’opposition.

Le projet de loi de crédits

Une fois entérinée, la motion d’adoption du Budget des dépenses ou des crédits provisoires devient un ordre de la Chambre de présenter un ou plusieurs projets de loi de crédits pour donner suite à l’autorisation de dépenser (montants et destinations) que la Chambre a approuvée [264] . Cette mesure législative vise à autoriser le gouvernement à puiser dans le Trésor des montants pouvant atteindre mais non dépasser les sommes précisées dans le Budget des dépenses pour poursuivre les objectifs spécifiés dans les crédits.

Les projets de loi de crédits doivent être fondés sur le Budget des dépenses ou les crédits provisoires adoptés par la Chambre [265] . Ils portent tous le titre suivant : Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars (année) [266] . Ils commencent par un préambule qui cite à la fois le message du gouverneur général recommandant le Budget des dépenses à la Chambre, et l’objet du Budget des dépenses, qui est de « couvrir certaines dépenses de l’administration publique fédérale [pour un exercice donné] auxquelles il n’est pas pourvu par ailleurs ». La présidence a déjà averti les députés qu’une loi de crédits n’accorde des pouvoirs que pour une seule année et ne convient donc pas pour les dépenses qui doivent se poursuivre pendant une période de temps plus longue ou indéfiniment [267] . À une occasion, le Président Parent a exprimé de sérieuses réserves au sujet de la mention de deux années financières dans le long titre d’un projet de loi de crédits [268] . Il a parlé d’une mention « à la fois inutile et trompeuse ». Bien qu’une loi distincte puisse autoriser un organisme gouvernemental à reporter la portion non dépensée d’un crédit d’une année financière à la fin de l’année suivante [269] , le crédit est et doit être accordé pour une seule année et ne doit pas être qualifié de crédit pluriannuel.

Les destinations et les montants attribués à chaque poste de dépenses ou crédit sont précisés dans les annexes du projet de loi. Il s’agit en fait des conditions régissant l’engagement des dépenses. Ces annexes présentent les crédits des divers ministères classés par ordre alphabétique français ou anglais, selon la version du projet de loi [270] .

Les projets de loi de crédits sont étudiés le dernier jour désigné de chaque période de subsides, à la fin de la journée, après que le Président a interrompu les délibérations sur la motion de l’opposition ou sur le Budget principal des dépenses, selon le cas, afin que la Chambre puisse franchir toutes les autres étapes pour terminer les travaux des subsides pour cette période. La Chambre doit alors se prononcer sur toutes les motions relatives au Budget des dépenses, aux crédits provisoires et aux projets de loi de crédits sans autre débat ni amendement [271] . Comme tous les projets de loi ne sont imprimés et distribués qu’après la première lecture, les députés ne devraient normalement prendre connaissance du contenu des projets de loi de crédits qu’à la toute fin de la journée, au moment où les délibérations s’accélèrent à la Chambre. Pour éviter ce problème, on a pris l’habitude au cours des dernières années de permettre la distribution aux députés de l’ébauche de ces projets de loi dès le début des travaux des subsides de ce jour-là. La Chambre donne toujours son consentement pour cette mesure spéciale [272] .

Comme tous les projets de loi publics, les projets de loi de crédits sont « lus » deux fois, étudiés en comité et lus une troisième fois avant d’être transmis au Sénat [273]. Étant donné que la motion d’adoption du Budget des dépenses ou des crédits provisoires devient ensuite un ordre de la Chambre de présenter un projet de loi de crédits, la première lecture s’effectue sur-le-champ, sans que le projet de loi ne doive être présenté, et une motion est proposée afin qu’il soit lu une deuxième fois et renvoyé à un comité plénier [274] .

En théorie, un projet de loi de crédits peut faire l’objet d’un débat et donc d’amendements, mais une fois la première lecture terminée, il franchit habituellement toutes les autres étapes sans débat ni amendement, lors du dernier jour désigné [275] . Toutefois, s’il reste du temps pour ce débat ce jour-là et qu’un débat est entrepris à l’étape de la deuxième ou de la troisième lecture, les discours sont limités à 20 minutes et sont suivis par une période de questions et d’observations d’au plus 10 minutes [276] . En comité plénier, le projet de loi est étudié article par article et il en est ensuite fait rapport à la Chambre [277]. C’est habituellement à l’étape de l’étude en comité plénier qu’un député de l’opposition demande au président du Conseil du Trésor de lui fournir des garanties que le projet de loi de crédits est dans la forme habituelle [278] . Les projets de loi dont un comité plénier a fait rapport sont adoptés sans débat ni amendement [279] . Une fois que le projet de loi a été lu une troisième fois, il est envoyé au Sénat où il doit franchir trois autres lectures avant de recevoir la sanction royale et de devenir loi.

Normalement, les projets de loi adoptés dans les deux chambres du Parlement sont conservés par le Greffier des Parlements (Greffier du Sénat) jusqu’à ce que le gouverneur général (ou un suppléant) leur donne la sanction royale. Toutefois, étant donné que l’autorisation des crédits est une prérogative de la Chambre des communes, les projets de loi de crédits sont toujours retournés à la Chambre pour que le Président puisse les apporter au Sénat afin qu’ils reçoivent la sanction royale. Le Président, agissant à titre de porte-parole de la Chambre, se rend avec des députés à la barre du Sénat et s’adresse au représentant de la Couronne dans les termes suivants :

« Qu’il plaise à Votre Excellence (Honneur [280]) : les Communes du Canada ont voté certains subsides nécessaires pour permettre au Gouvernement de faire face aux dépenses publiques. Au nom des Communes, je présente à Votre Excellence (Honneur) le projet de loi suivant : (titre), Que je prie humblement Votre Excellence (Honneur) de sanctionner. »

Le Président présente le projet de loi au Greffier du Sénat qui en lit le titre à haute voix et le gouverneur général (ou un suppléant) donne son consentement d’un signe de la tête. La sanction royale est ensuite prononcée par le Greffier du Sénat dans les termes suivants :

« Au nom de Sa Majesté, Son Excellence le (la) Gouverneur(e) général(e) (l’honorable Gouverneur général suppléant) remercie ses loyaux sujets, accepte leur bienveillance et sanctionne ce projet de loi. »

Les Journaux de la Chambre des communes publient l’adresse du Président et la réponse du représentant de la Couronne signifiant la sanction royale, de même que le titre du projet de loi [281] .

Les dérogations au cycle des subsides

De temps à autre, les circonstances peuvent exiger qu’on déroge aux processus et cycle habituels. Par exemple, à la suite d’un ajournement imprévu, d’une prorogation ou d’une dissolution du Parlement, il peut arriver que le Budget principal des dépenses ne soit pas déposé et renvoyé aux comités permanents avant la date limite du 1er mars, ou que les crédits provisoires ou le Budget principal des dépenses ne soient pas adoptés avant la date limite du 23 juin. Dans ces cas, les dispositions du Règlement relatives aux travaux des subsides (comme celles sur l’échéancier pour le dépôt du Budget des dépenses, son renvoi aux comités permanents, son retour à la Chambre, les motions d’adoption et les projets de loi de crédits) ne s’appliquent plus.

On peut faire face à ces situations en suspendant temporairement les dispositions pertinentes du Règlement. Une entente peut être conclue entre le gouvernement et les partis d’opposition afin de terminer les travaux des subsides le plus rapidement possible. Habituellement, il faut adopter un ordre spécial [282]  qui, selon le cas, traite des aspects suivants : la durée de la période de subsides [283] ; le nombre de jours désignés dans la période de subsides [284] ; le nombre de motions de l’opposition votables [285] ; le renvoi aux comités du Budget principal ou supplémentaire des dépenses et la date des rapports [286] ; la date d’adoption du Budget des dépenses [287] ; et le temps alloué pour le débat sur le projet de loi de crédits [288] .

Lorsque le gouvernement juge qu’il y a urgence et qu’il ne peut attendre la fin de la période de subsides, il peut se servir du temps de la Chambre mis à sa propre disposition pour étudier le Budget des dépenses. Le Règlement prévoit un mécanisme spécifique permettant qu’une motion d’adoption du Budget des dépenses et du projet de loi de crédits connexe soit présentée à l’étape des « Ordres émanant du gouvernement » et non lors des jours désignés pour les travaux des subsides [289] . La motion d’adoption et le projet de loi sont alors traités comme toute autre affaire émanant du gouvernement et peuvent donc faire l’objet d’un débat. Ce débat n’est assujetti à aucune limite et les jours utilisés à cette fin ne sont pas considérés comme des jours désignés et ne peuvent être déduits du nombre de jours désignés pour les travaux des subsides [290] . Mis à part ces deux exceptions, les règles régissant l’étude des crédits sous la rubrique des Ordres émanant du gouvernement sont identiques à celles qui s’appliquent aux délibérations lors d’un jour désigné [291] .


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