La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
Édition 2000Plus d’informations …
 Recherche 
Page précédenteProchaine page

Prorogation et dissolution

Prorogation

La prorogation du Parlement met fin à une session. Le Parlement reste alors prorogé jusqu’à l’ouverture de la prochaine session. Tout comme la convocation et la dissolution du Parlement, la prorogation est la prérogative de la Couronne, qui agit sur la recommandation du premier ministre [105] . Le Parlement est en fait prorogé soit par le gouverneur général (ou son suppléant) dans la salle du Sénat, soit par proclamation publiée dans la Gazette du Canada. Lorsque le Parlement est prorogé jusqu’à une date donnée, il est possible de devancer ou de retarder cette date par voie de proclamation(s) [106] .

Incidences de la prorogation

La principale incidence de la prorogation mettant fin à une session est de faire table rase de tous les travaux. Les députés sont libérés de leurs fonctions parlementaires jusqu’à ce que le Parlement soit rappelé. Toutes les affaires non complétées sont abandonnées ou expirent au Feuilleton et tous les comités perdent leur mandat, permettant ainsi un nouveau départ à la session suivante. Aucun comité ne peut siéger pendant une prorogation [107]. Les projets de loi qui n’ont pas reçu la sanction royale avant la prorogation disparaissent totalement et, pour qu’ils puissent aller de l’avant, ils doivent être représentés à la session suivante comme s’ils n’avaient jamais vu le jour [108] .

Il est toutefois arrivé que des projets de loi soient rétablis, par voie de motion au début de la nouvelle session, à l’étape où ils en étaient à la fin de la session précédente; les travaux de comité ont de même été réactivés. Cela s’est fait de diverses manières :

  • La Chambre a adopté par consentement unanime une motion visant à reprendre durant la nouvelle session l’étude d’un projet de loi, à l’étape d’avant la prorogation [109] ;
  • La Chambre a modifié son Règlement pour pouvoir reporter des mesures législatives à la session suivante, après une prorogation [110] ;
  • En 1991, une prorogation d’un jour a mis fin à la deuxième session de la 34e législature et la troisième s’ouvrait un jour plus tard. Deux comités permanents ont alors été réactivés par consentement unanime afin de leur permettre de terminer leurs mandats de la session précédente, à condition de cesser d’exister une fois leurs rapports présentés. Un comité mixte spécial a de même été relancé, et deux projets de loi ont été rétablis [111] . Lorsque le consentement unanime a été refusé pour le rétablissement de six autres projets de loi, le gouvernement l’a toutefois obtenu par l’adoption d’une motion, après avis [112] ;
  • Lors de la deuxième session de la 35e législature (1996-1997), une motion visant à « faciliter le déroulement des délibérations de la Chambre » et qui comprenait un mécanisme de rétablissement des projets de loi tant d’initiative parlementaire que d’initiative ministérielle, formait le premier point (énoncé dans un Feuilleton et Feuilleton des Avis spécial) des affaires émanant du gouvernement [113] .

Pour plus d’information au sujet du rétablissement de projets de loi au début d’une nouvelle session, voir le chapitre 16, « Le processus législatif ».

Le Règlement renferme aussi une disposition à l’égard des ordres ou adresses de la Chambre portant production de rapports ou de documents; ces ordres ou adresses sont réputés reconduits au début de la nouvelle session, sans motion en ce sens [114] . Selon une décision du Président, les réponses du gouvernement aux rapports de comité et aux pétitions en suspens ont aussi le statut de documents dont le dépôt a été ordonné par la Chambre et doivent donc être déposées pendant la nouvelle session [115] .

La prorogation dans la pratique

En matière de prorogation, l’usage a varié dans le temps et deux méthodes ont été utilisées. Au cours des dernières années, le Parlement a été prorogé par proclamation après un ajournement de la Chambre, la date d’ouverture de la nouvelle session étant fixée par proclamation [116] . Il est également arrivé qu’après avoir ajourné pour une certaine période, la Chambre soit rappelée et que le Parlement soit prorogé peu de temps après en fixant à brève échéance la date d’ouverture de la nouvelle session [117] . Il est même arrivé plusieurs fois que l’on mette fin à la session par prorogation le matin et que la nouvelle session s’ouvre dans l’après-midi [118] .

Selon la tradition, la Chambre peut être convoquée au Sénat pour entendre le gouverneur général (ou son suppléant) prononcer un discours faisant état des réalisations de la session, puis écouter le Président du Sénat lire un message indiquant la date d’ouverture de la nouvelle session. À la fin de la cérémonie, la délégation de la Chambre des communes quitte la salle du Sénat, mais le cortège ne retourne pas à la Chambre. Le Président retourne dans ses appartements et les autres députés se dispersent simplement. La cérémonie de la prorogation est une convention et n’est requise ni par le Règlement ni par un texte législatif [119] .

La prérogative du choix du mode de prorogation appartient à la Couronne, sur recommandation du premier ministre.

Dissolution

La dissolution met fin au mandat du Parlement et est suivie d’une élection générale [120] . La date de l’élection est fixée conformément aux dispositions de la Loi électorale du Canada [121] . Tout comme la convocation et la prorogation du Parlement, la dissolution est une prérogative de la Couronne, normalement exercée sur recommandation du premier ministre et proclamée sous le grand sceau du Canada par le gouverneur général [122] .

Trois proclamations sont habituellement faites au moment de la dissolution. La première, qui a trait à la dissolution proprement dite, affirme que le Parlement est dissous et que « les sénateurs et les députés sont libérés de l’obligation de se réunir et de se présenter ». Une deuxième proclamation, habituellement simultanée, convoque le nouveau Parlement et renseigne sur la publication des brefs d’élection, la date du scrutin et la date du rapport des brefs d’élection. La troisième proclamation fixe la date à laquelle le Parlement est convoqué, quelque temps après le rapport des brefs d’élection [123] . La date de cette convocation peut être modifiée par une nouvelle proclamation [124] .

Un Parlement peut être dissous à n’importe quel moment. Si la Chambre siège et qu’aucune cérémonie de prorogation au Sénat n’est prévue, la dissolution est habituellement annoncée à la Chambre par le premier ministre ou un autre ministre [125] . Le Président quitte alors le fauteuil sans plus de cérémonie.

La transmission de la Couronne n’a pas pour effet de dissoudre le Parlement [126] . Selon l’ancienne pratique britannique, et jusqu’en 1843 au Canada, la transmission de la Couronne entraînait la dissolution automatique du Parlement. Comme la convocation du Parlement est une prérogative royale et que le Parlement siège pendant le bon plaisir de la Couronne, la transmission de celle-ci entraînait la péremption de la convocation et, partant, la dissolution [127] . En 1843, une loi adoptée par la Province du Canada énonçait qu’un parlement existant au moment de la transmission de la Couronne devrait poursuivre ses travaux comme d’habitude, à moins d’être dissous par la Couronne [128] . D’autres provinces avaient des lois semblables avant la Confédération [129] . Cette loi a été réadoptée au cours de la première session de la première législature du Canada [130] .

Incidences de la dissolution

La dissolution met fin à tous les travaux à la Chambre. Le Président, le vice-président et les membres du Bureau de régie interne demeurent à leur poste pour s’occuper de certaines tâches administratives en attendant que le nouveau Parlement les remplace [131] . En ce qui concerne certaines indemnités qui leur sont dues, les députés en fonction au moment de la dissolution sont réputés conserver cette qualité jusqu’à la date de l’élection générale [132] .

Échéance du mandat de la Chambre

La Constitution énonce que « le mandat maximal de la Chambre des communes […] est de cinq ans [133]  ». Conscients de cette échéance, tous les gouvernements depuis la Confédération ont eu recours à la dissolution. Dans certains cas, la dissolution s’est produite à quelques jours de la date à laquelle la Chambre serait arrivée à l’expiration de son mandat [134] .

Prolongation du mandat de la Chambre

Depuis 1949, la Constitution précise que, en temps de guerre, d’invasion ou d’insurrection, le « Parlement du Canada peut prolonger » le mandat de la Chambre des communes si pas plus d’un tiers des députés s’y opposent [135] . Une telle prolongation exigeait, dans le passé, une modification constitutionnelle, ce à quoi l’on n’a eu recours qu’une fois. À cause de la situation créée par la Première Guerre mondiale, la 12e législature (1911-1917) a vu son mandat prolongé d’un an, de 1916 à 1917 [136] .


Haut de la pagePage précédenteProchaine page