La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
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22. Les pétitions d’intérêt public

Historique

On mentionne souvent que la possibilité pour les citoyens de présenter des pétitions au Parlement en vue du redressement d’un grief constitue un droit fondamental, ou un principe constitutionnel fondamental [3] , mais la Constitution est en fait muette sur ce point. Ce droit est toutefois bien reconnu puisqu’il est fondé sur des précédents et une tradition établis il y a plusieurs siècles.

C’est au treizième siècle, sous Édouard Ier, qu’on a commencé à présenter des pétitions à la Couronne (et plus tard au Parlement) pour obtenir le redressement d’un tort. On avait ainsi recours à la prérogative de la Couronne, qui se situait au-dessus de la loi. Lorsque ces pétitions étaient jugées fondées, elles donnaient lieu à des lois d’intérêt privé dans le cas des individus et des groupes, et à des lois d’intérêt public dans le cas de la nation dans son ensemble.

Au Moyen Âge, avant que le Parlement ne prenne sa forme actuelle et alors que ses fonctions judiciaires et législatives n’étaient pas encore bien définies, les receveurs et vérificateurs des pétitions nommés par la Couronne parcouraient le pays pour entendre les plaintes de la population. Certaines questions étaient renvoyées aux tribunaux locaux par les vérificateurs, mais d’autres étaient jugées dignes d’être examinées par la haute cour du Parlement.

Lorsque le Parlement, un organe principalement judiciaire à l’époque, s’est transformé en un corps avant tout législatif et que ses fonctions judiciaires ont été reprises par les tribunaux, la nature des pétitions a changé. À la fin du quatorzième siècle, les individus et sociétés qui adressaient des pétitions au Parlement ou à la Chambre des communes cherchaient à obtenir une « réparation » législative. À la même époque, les pétitions présentées par la Chambre des communes à la Couronne — qui revêtaient un caractère général et exprimaient des griefs nationaux — sont devenues fréquentes. Les premiers actes législatifs du Parlement britannique sont intervenus lorsque les Communes ont adressé une pétition au roi pour qu’il modifie la loi (ce qui devait aboutir à la législation par projet de loi, lorsque les Communes, plus tard, se chargeraient de rédiger la loi souhaitée pour qu’elle puisse être ensuite acceptée ou rejetée — mais jamais modifiée — par la Couronne). C’est au dix-septième siècle qu’on a vu apparaître ce qu’on peut appeler aujourd’hui les pétitions « modernes », soit celles adressées au Parlement, rédigées d’une manière prescrite et traitant habituellement de griefs publics [4] .

Au Canada, les dispositions relatives aux pétitions (qui existaient depuis longtemps dans les assemblées législatives antérieures à la Confédération) ont toujours fait partie des règles écrites de la Chambre [5] . Les règles adoptées en 1867 ont été quelque peu étoffées en 1910, et elles ont ensuite été appliquées sans modification importante pendant 76 ans [6] . Toutefois, immédiatement après la Confédération, on a commencé à adopter toute une série de pratiques qui ont fini par former un ensemble de conditions de forme et de contenu qui, même si elles n’étaient pas incluses dans le Règlement, devaient quand même être respectées pour qu’une pétition soit jugée acceptable à la Chambre.

Au début et au milieu des années 1980, un regain d’intérêt pour les pétitions a eu pour effet que leur présentation accaparait une grande partie du temps de la Chambre, au détriment parfois d’autres travaux [7] . De plus, la présidence a dû parfois intervenir afin de statuer sur des questions de recevabilité ainsi que de présentation des pétitions [8] . Par conséquent, le Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes (le Comité McGrath) formula plusieurs recommandations afin de clarifier les règles relatives aux pétitions, d’uniformiser leur présentation, de garantir leur recevabilité sur le plan du contenu et d’établir des lignes directrices quant à leur forme et aux signatures des pétitionnaires [9] . En 1986, la Chambre a apporté des modifications au Règlement pour donner suite à ces recommandations [10] .

La modification la plus importante prévoyait la certification des pétitions par le greffier des pétitions avant leur présentation à la Chambre. On établissait aussi diverses conditions — dont certaines n’avaient jamais été codifiées, mais qui étaient bien établies par l’usage et la pratique — qu’il fallait remplir pour que les pétitions soient jugées correctes quant à leur forme et à leur contenu (par exemple, les pétitions doivent comporter une requête priant de prendre certaines mesures, adopter un ton respectueux et porter des signatures originales). Des lignes directrices du Président mentionnaient ces conditions et d’autres pratiques établies concernant la présentation des pétitions durant les affaires courantes [11] . Enfin, une nouvelle règle obligeait le gouvernement à répondre aux pétitions.

En 1987, plusieurs modifications ont été adoptées, en particulier une nouvelle disposition obligeant les signataires à indiquer leur adresse [12] . De plus, l’ordre et le nombre des rubriques inscrites sous les affaires courantes ont été modifiés de sorte que la « Présentation de pétitions », auparavant la cinquième des neuf rubriques, est devenue la neuvième de dix [13] . En 1991, une autre modification est venue limiter à 15 minutes la période consacrée à la présentation des pétitions durant les affaires courantes [14] . Une modification adoptée en 1994 stipulait que les pétitions originales devaient être transmises au gouvernement (Bureau du Conseil privé) et que les réponses du gouvernement pouvaient être déposées auprès du Greffier de la Chambre [15] .


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