Je saisis l'occasion pour remercier tous les membres aujourd'hui présents et le personnel de soutien. Je vous remercie aussi, madame la présidente ainsi que notre greffier, pour avoir assuré une réponse si rapide à cette demande.
Enfin, je remercie la députée McLeod pour sa motion.
La demande était urgente. Elle était très importante. Je suis ici pour venir appuyer cette motion.
Au cours de la dernière session, mon collègue Saganash a fait adopter son projet de loi C-262 à la Chambre des communes, qui faisait vraiment comprendre que, désormais, nous devions nous doter d'un cadre pour toutes les lois et pour que toutes les mesures qui en découleront soient conformes à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Beaucoup de Canadiens se demandent si le gouvernement actuel mettra effectivement un jour en vigueur ce projet de loi important.
La décision de la Cour d'appel fédérale a fait ressortir ce que disaient les communautés autochtones et le NPD: la consultation sur le prolongement du pipeline Trans Mountain a été bâclée. Il est triste qu'elle ait été un facteur majeur au cours des dernières élections. Le peuple exprimait alors de vives craintes selon lesquelles le gouvernement conservateur de l'époque négligeait les véritables répercussions sur l'environnement; selon lesquelles aussi il ne consultait pas sérieusement les communautés autochtones. Son processus boiteux a de nouveau été révélé dans la décision sur le projet Northern Gateway.
J'en viens à cette motion.
Le NPD et les libéraux ont tous deux livré un message sur les questions d'environnement selon lequel on créait un nouveau processus pour ce projet, le prolongement du pipeline Trans Mountain. C'était une promesse directe du premier ministre Trudeau. La décision de la Cour d'appel fédérale vient désormais s'ajouter à une longue liste de promesses rompues par le gouvernement actuel.
J'espère que les personnes ici présentes ont lu la décision ou que, à tout le moins, elles ont sérieusement pris connaissance des lacunes évidentes de la consultation des communautés autochtones. Ce rapport décrit que, en réalité, cette consultation consistait simplement à envoyer des fonctionnaires écouter les motifs de préoccupation des communautés pour les communiquer ensuite au Cabinet. La décision confirme très nettement la nécessité de la bonne foi des deux parties pendant la consultation. Ce n'est pas faire preuve de bonne foi que d'envoyer des preneurs de notes. La décision a été très claire: les consultations de la phase III étaient d'une déficience inacceptable.
Et je cite:
Pour résumer les motifs de ma conclusion, le Canada était tenu de faire plus que simplement accueillir et comprendre les inquiétudes des requérants autochtones. Il était tenu d'entamer un véritable dialogue, bien réfléchi. Il a été entravé par la façon dont l'équipe de consultation de la Couronne s'est acquittée de son mandat. Elle s'est surtout contentée d'écouter les motifs de préoccupation des requérants autochtones, d'en prendre note puis de les communiquer aux décideurs. Dans l'ensemble, le dossier ne révèle aucun dialogue réel, réfléchi et sincère de la part du Canada en réaction aux craintes exprimées par les requérants autochtones.
Bref, cette équipe de preneurs de notes n'a pas essayé de faire siennes les craintes des requérants et de les dissiper. En fait, l'équipe de consultation de la Couronne et le gouvernement ont, par erreur, pensé qu'ils ne pouvaient ajouter aucune autre condition à celles que l'Office national de l'énergie avait formulées à l'égard de Kinder Morgan. Dans ce contexte, beaucoup, et j'en fais partie, se demandent pourquoi se donner la peine, de toute manière, de consulter. Où est l'engagement, à l'égard du devoir constitutionnel du gouvernement, de s'occuper des droits des Autochtones? Où est son engagement de se vouer à son interlocuteur le plus important? Soyons clairs: il existe un devoir constitutionnel de consultation des communautés autochtones. Ce devoir n'a pas été clairement reconnu, et, pour cette raison essentiellement, le processus a été déficient. Le Canada peut ne pas être d'accord et vouloir le percevoir différemment, mais la décision le dit très franchement.
Bien que le Canada prétende que les membres de l'équipe de consultation de la Couronne n'étaient pas de simples preneurs de notes, la prépondérance de la preuve montre qu'ils se sont cantonnés dans ce rôle, qui a surtout consisté à communiquer aux décideurs des notes fidèles sur les motifs de préoccupation exprimés par les requérants autochtones.
Trop souvent, j'ai entendu les chefs autochtones de ma circonscription et d'ailleurs dans le pays affirmer leur lassitude de discuter avec des non-décideurs.
En deux mots, ce n'est pas de la consultation, comme l'explique la décision:
Les requérants autochtones avaient droit à un dialogue qui aurait montré que non seulement le Canada les avait entendus, mais, également, qu'il avait pris au sérieux les motifs particuliers et réels de préoccupation dont ils lui avaient fait part et qu'il avait sérieusement envisagé des mesures proposées d'accommodement. Ils auraient aussi reçu des explications sur la mesure dans laquelle leurs craintes influaient sur la décision du Canada d'approuver le projet.
À plusieurs reprises, nous avons entendu les communautés autochtones affirmer qu'on n'avait pas tenu sérieusement compte de leurs craintes. C'est la raison pour laquelle nous sommes réunis ici. C'est à cause des ruptures répétées de la promesse du gouvernement de tenir sérieusement compte de leurs préoccupations.
Dans mon esprit, la consultation signifie toujours pour moi un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. C'est ce qu'a le mieux exprimé le grand chef Ed John, devant notre comité, il n'y a pas si longtemps. Au sujet de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, il disait:
Je crois que l'on interprète mal ce concept de consentement préalable donné librement et en connaissance de cause. [...] En fin de compte, le consentement est une décision prise à l'issue d'un exercice auquel se livrent tous les gouvernements. Les gouvernements des Premières Nations ne sont pas différents. Nous examinons à l'avance toute l'information disponible. Nous devrions être libres de toute contrainte. Nous devons être consultés avant que les décisions soient prises. On devrait prévoir un examen approfondi. Il est possible qu'une évaluation environnementale ou un autre processus soit requis pour permettre une décision éclairée.Le consentement préalable donné librement et en connaissance de cause est en fait au coeur du processus décisionnel des gouvernements. C'est ce que font les gouvernements de la Colombie-Britannique et des autres provinces, le fédéral, les gouvernements territoriaux et les administrations municipales lorsqu'elles ont des décisions à prendre.
En fait, notre comité a un devoir d'étude sérieuse des causes de la déficience si grande du processus de consultation. Qu'est-ce qui semble empêcher les gouvernements conservateur et libéral de consulter sérieusement les communautés autochtones? Les Canadiens veulent de la certitude. Ils tiennent à l'instauration de relations respectueuses. Les communautés autochtones veulent être traitées avec respect et veulent que leurs droits soient aussi importants que ceux de tous les Canadiens et que les occasions qu'on leur offre le soient aussi.
La décision donne des exemples très précis des carences de ce processus de consultation. La communauté de Coldwater, pour ne citer que celle-là, voulait que le tracé du pipeline soit dévié pour éviter son aquifère. Elle s'en souciait beaucoup, comme, en fait, le ferait n'importe quelle communauté au Canada.
Je cite directement le rapport:
Après que Coldwater eut exprimé sa forte préférence pour l'option ouest, les représentants du Canada ont répondu que:sur ce point très détaillé, il faudra que le rapport de la Couronne sur les consultations en prenne bien note. Ce rapport pourra souligner l'importance essentielle du tracé pour Coldwater.
Au cours d'une réunion de consultation, le 7 octobre 2016, encore une fois dans le contexte de discussions sur l'aquifère de Coldwater, l'un des représentants du Canada:[...] a reconnu que l'aquifère n'était pas entièrement étudié, mais il a expliqué que, dans le cadre du processus qu'il a suivi, l'Office a analysé le projet et conclu que la Couronne ne fera pas d'analyse indépendante en sus [...]. La Couronne (du Canada et de la province) n'entreprendra pas d'analyse indépendante de tracés potentiels. Cela étant dit, elle communiquera les inquiétudes de Coldwater aux décideurs.[...]Coldwater a demandé à quoi bon servait la consultation si tout ce que la Couronne devait produire était un rapport sommaire adressé au [gouverneur en conseil].
Plus tard, pendant une discussion au cours de cette rencontre [...] Coldwater a déclaré que, d'après les discussions tenues jusqu'à maintenant avec la Couronne, une nouvelle analyse de l'option ouest ou les analyses supplémentaires demandées par Coldwater ne semblaient pas probables. Les représentants du Canada ont répondu que: La position [de la Couronne] est que les audiences sur le tracé détaillé et la condition 39 offrent des pistes pour envisager d'autres tracés. Mais, pour le moment, la Couronne n'en envisage pas d'autres parce que l'Office a conclu que le tracé du pipeline qui lui a été soumis est satisfaisant. La Couronne s'assurera de communiquer les motifs de préoccupation de Coldwater à l'égard du tracé au Cabinet, à qui incombera ensuite le soin de déterminer si ces craintes justifient un nouvel examen du tracé actuel.
La nation Stó:lo a communiqué avec le ministre des Ressources naturelles au sujet du rapport sur les consultations de la Couronne pour lui faire part de ses préoccupations quant au fait que le représentant du Canada lui avait donné l'impression que, dans son rapport au gouverneur en conseil, « il résumera[it] » ce qu'il aurait entendu pendant les consultations tenues avec les peuples autochtones et « présentera[it] quelques commentaires. »
Je cite:
Les Stó:lo ajoutent: [TRADUCTION] « des consultations approfondies ne se résument pas à recueillir des renseignements sur les intérêts autochtones, à comparer ceux-ci aux conditions du projet et à transmettre ces conclusions au décideur fédéral ». Ils affirment également: « [une] simple relation de propos ne suffit pas dans ce cas, et le gouverneur en conseil doit être conscient de son obligation de rejeter le projet ou d'y apporter des modifications visant à protéger les droits, titres et intérêts ancestraux du Collectif Stó:lo ».
Cet énoncé montre clairement qu'il n'y avait pas de véritable consultation. En outre, le ministre a manifestement été informé que le processus ne fonctionnait pas. Permettez-moi de rappeler aux membres du Comité que la décision renvoie à un grand nombre d'autres affaires. Le système juridique du Canada a rendu compte à maintes reprises des décisions juridiques prises au pays concernant le processus de consultation des collectivités autochtones. Les Canadiens méritent de savoir pourquoi le gouvernement ne s'est pas penché sur la question et pourquoi nous nous retrouvons encore une fois dans une situation pareille.
Durant une réunion tenue le 3 mai 2016, l'avocat des Upper Nicola a sonné l'alarme:
L'avocat des Upper Nicola répond que « l'ancien paradigme relatif à la consultation, dans le cadre duquel les représentants de la Couronne rencontrent les groupes autochtones pour écouter leurs perspectives et transmettre les renseignements aux décideurs, ne tient plus ».
Le gouvernement du Canada ne peut pas se dire surpris par la situation actuelle. Les nombreux exemples et les commentaires précis fournis de façon continue par plusieurs collectivités autochtones montrent très bien que le processus n'avait rien d'une consultation.
Un autre exemple vient de M. George, directeur du Département des traités, des terres et des ressources des Tsleil-Waututh:
Lors d'une réunion, tenue le 21 octobre 2016, à laquelle participent des représentants du Canada pour discuter l'opinion des Tsleil-Waututh selon laquelle le processus de l'Office est à ce point vicié que le gouverneur en conseil ne pouvait fonder sa décision sur son rapport et ses recommandations, il tient les propos suivants:[TRADUCTION] Le Canada s'est dit extrêmement réticent à discuter des vices fondamentaux que [les Tsleil-Waututh] reprochent au processus de [l'Office], et même avant la réunion a laissé entendre qu'il faudrait peut-être simplement « convenir de disconvenir » de toutes ces questions. À notre avis, le Canada a déjà décidé qu'il n'est pas disposé à prendre les mesures visant à régler les problèmes que [les Tsleil-Waututh] ont relevés et qui constituent à leurs yeux des lacunes viciant le processus de [l'Office] [...]
Ces exemples illustrent très bien pourquoi nous devons examiner le processus. De fait, cela ne pourrait pas être plus clair, comme les passages suivants de la décision le montrent:
Un véritable dialogue nécessite la présence, pour représenter le Canada, de quelqu'un qui est habilité à faire plus que prendre des notes, quelqu'un qui peut véritablement répondre aux préoccupations des demandeurs à un moment donné.
Les échanges avec les demandeurs démontrent que le processus de consultation était dépourvu d'un tel acteur et que peu d'efforts ont été consacrés à faciliter les consultations. Il ressort de ces échanges que les consultations de l'étape III se sont révélées insuffisantes.
Madame la présidente, ce ne sont là que quelques-uns des exemples que contient cette importante décision. Il est évident que le processus de consultation n'a pas fait l'objet d'une réflexion et qu'il a été accompli à la hâte.
Après la publication du rapport, j'ai été déçue d'entendre le premier ministre et le ministre des Finances continuer à tenir le même discours. Durant une entrevue radiophonique, le premier ministre a minimisé l'idée d'interjeter appel de la décision importante qui nous occupe aujourd'hui. Il a déclaré que la cour avait été très claire: qu'il fallait en faire plus sur les plans de l'environnement et des consultations pour que le dossier puisse avancer, et que c'était donc ce qu'ils allaient faire. Peu après, en réponse à une autre question au sujet de la possibilité d'interjeter appel, il a déclaré qu'ils examinaient de quoi pourrait avoir l'air un appel et ce que cela signifierait.
Quelle est la vérité? Les collectivités autochtones ont le droit de le savoir. Lorsque les Canadiens entendront ou liront ces exemples de consultation, je suis convaincue qu'ils verront à quel point les promesses du gouvernement sont vaines. Qui n'en aurait pas assez de se faire répéter: nous allons présenter vos préoccupations aux décideurs, mais personne ne vous parlera d'accommodements ou n'aura de discussion réelle avec vous au sujet de l'importance de protéger vos droits, par exemple votre approvisionnement en eau?
Maintenant, la population canadienne sera propriétaire du pipeline Trans Mountain. De fait, dès que la décision a été rendue, plus de 99 % des actionnaires de Kinder Morgan ont voté pour la vente au Canada. Ce n'est pas surprenant. Ils ont vu la décision et ils reçoivent un montant supérieur à la valeur du pipeline. De nombreux Canadiens et de nombreuses collectivités autochtones se demandent quand ils pourront voter.
Que dit le ministre des Finances? Je le cite:
Alors que nous poursuivons le projet et le processus d'achat, notre gouvernement demeure résolu à faire en sorte que le projet se déroule tout en protégeant l'intérêt public. Ce qui signifie assurer le plus haut niveau de gouvernance, y compris en matière de protection de l'environnement; tenir nos engagements envers les peuples autochtones; et protéger de manière responsable l'investissement du Canada et des Canadiens.
Comment les collectivités autochtones peuvent-elles croire au processus de consultation après que le gouvernement a acheté le pipeline et déclaré que le projet ne pouvait se terminer que d'une seule façon? Comment les Canadiens peuvent-ils croire que l'environnement et la relation avec les peuples autochtones seront respectés après avoir pris connaissance du rapport? Comment peuvent-ils faire confiance à un gouvernement qui achète un pipeline avec l'argent des contribuables? Le gouvernement sait ce qu'est une consultation adéquate. Il y a de nombreux exemples de consultations réussies au Canada. Pour y arriver, le gouvernement doit déployer les efforts nécessaires. Il doit avoir un échange bidirectionnel, une discussion réelle. Il ne suffit pas de laisser les collectivités autochtones faire entendre leurs préoccupations; il faut aussi leur permettre de jouer un rôle significatif dans le processus.
J'espère que ce ne sera pas le cas, mais je m'attends maintenant à devoir écouter les libéraux rejeter la responsabilité sur les conservateurs. Je suis d'accord avec eux. Le processus établi par les conservateurs présentait beaucoup de lacunes. Nous en avons vu les résultats lorsqu'ils étaient au pouvoir. Or, après que le gouvernement Trudeau a été élu, ce sont le premier ministre et le gouvernement actuels qui sont allés de l'avant en employant le même processus lacunaire, ce qui a mené à la décision que j'ai devant moi.
Aujourd'hui, 4,5 milliards de dollars sont investis dans un projet que la Cour d'appel fédérale a stoppé. Un chef de la lutte contre les changements climatiques n'investirait jamais une telle somme dans un vieux pipeline. Un premier ministre qui croit que la relation la plus importante est celle avec les peuples autochtones du Canada n'emploierait jamais un processus de consultation aussi bourrée de lacunes.
Je vis dans la région de la mer des Salish et je suis très fière de sa beauté. Pour nombre de collectivités que je représente, elle est source d'emplois, de loisirs, de subsistance et, bien sûr, de pur émerveillement. Je représente cette région et je ne sais que penser de l'incompréhension du gouvernement par rapport au besoin de la protéger. Je trouve aussi important de parler du fait que les conservateurs aiment lancer le terme « véto » lorsqu'il est question de la consultation des Autochtones, ce qui a pour résultat de mettre fin à la discussion sur la consultation et de créer de la peur relativement à la pleine participation des collectivités autochtones au sein du Canada. Ce n'est pas une question de véto. Comme le grand chef John l'a dit dans le passage que j'ai cité plus tôt, c'est une question de jouer un rôle actif dans le processus et de participer à la prise de décisions.
Je vais appuyer la motion des conservateurs, bien que j'aie ma propre motion qui, je l'espère, nous aidera à aller de l'avant, car d'après moi, notre comité doit absolument se concentrer sur le processus de consultation utilisé au pays. Le temps est venu pour notre comité d'être fort et de reconnaître que nous pouvons mener une étude qui aura une incidence réelle sur l'orientation de l'avenir du Canada.
J'espère que tous les membres du Comité sont d'avis que le temps est venu de faire avancer le dossier et de passer à une réalité qui sera avantageuse pour l'ensemble des Canadiens. Les collectivités autochtones attendent tout simplement depuis trop longtemps.
Merci, madame la présidente.