Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi C-93, une loi qui permettrait aux gens d'obtenir une suspension de casier judiciaire s'ils n'ont été déclarés coupables que de l'infraction mineure de possession simple de cannabis.
J'appuie le projet de loi, mais je le fais avec réticence. Je l'appuie parce qu'en l'absence d'un autre projet de loi, c'est ce que nous pouvons faire de mieux pour l'instant. Cependant, il n'était pas nécessaire de procéder ainsi.
Le député de Victoria a présenté le projet de loi C-415, qui prévoyait la suppression du casier judiciaire de toute personne n'ayant été déclarée coupable que de possession simple. Je suis d'avis que le projet de loi C-415 suivait une approche bien meilleure que le projet de loi C-93, présenté par le gouvernement. J'étais très fier de voter pour le projet de loi C-415 à l'étape de la deuxième lecture. Il est très malheureux que les libéraux, en face, se soient levés un par un pour voter contre ce projet de loi presque à l'unanimité.
Pourquoi le projet de loi C-417 est-il mieux que le projet de loi C-93?
Ce qui distingue, entre autres, les deux projets de loi est la différence entre la suppression et la suspension d'un casier judiciaire. Il y a souvent confusion quant à savoir si ce sont deux choses pareilles ou plus ou moins semblables, mais elles sont essentiellement différentes. Lorsqu'il y a suppression, le casier est effacé, éliminé. Si on demande à quelqu'un s'il a déjà été reconnu coupable d'une infraction pour possession simple, il pourra répondre non parce que le casier a été supprimé. C'est comme si l'infraction et l'inculpation n'avaient jamais eu lieu. C'est ce que prévoyait le projet de loi C-415.
En revanche, le projet de loi C-93 prévoit quelque chose d'assez différent. Pour obtenir une suspension de casier, il faudra faire une demande à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Même si les libéraux se félicitent d'avoir supprimé les frais de 631 $, le fait est qu'une telle demande entraîne des coûts non négligeables, notamment pour la prise des empreintes digitales et la recherche de documents qui pourraient être requis. Étant donné que, pour bien des gens, il s'agit d'un processus très complexe, certains fournissent des services d'aide qui varient entre 1 800 $ et 2 000 $. C'est une bonne chose que les libéraux aient éliminé les frais, mais cela ne règle pas le problème des autres coûts, du temps et des efforts que suppose la présentation d'une demande.
Deuxièmement, en vertu du projet de loi C-93, il incombe au demandeur d'obtenir la suspension de son casier. Si une personne a été inculpée pour une autre infraction, il est inutile pour elle de faire une demande puisqu'elle ne répond pas aux critères d'admissibilité. Plus d'un demi-million de Canadiens ont déjà été reconnus coupables de possession simple. En passant, près de la moitié des Canadiens disent avoir déjà consommé un peu de cannabis.
Un demi-million de Canadiens ont été condamnés. Selon les fonctionnaires du ministère qui ont témoigné devant le comité de la sécurité publique, on estime à 250 000 le nombre de Canadiens admissibles. D'entrée de jeu, la moitié des Canadiens condamnés pour possession simple sont exclus. Pourquoi devraient-ils être exclus?
Pourquoi n'auraient-ils pas le droit de voir leur casier judiciaire suspendu — franchement, il devrait être supprimé — alors qu'ils ont commis un geste qui n'est plus considéré comme une infraction aujourd'hui? Il s'agit d'une activité que le premier ministre s'est vanté d'avoir pratiquée avant qu'elle soit légalisée et alors qu'il siégeait au Parlement. Il n'a jamais fait l'objet d'accusations. Il n'a pas été condamné. Il a très fièrement éludé le problème.
Toutefois, beaucoup de Canadiens n'ont pas été aussi chanceux que le premier ministre et ont reçu une condamnation. Si une personne fait une demande et établit qu'elle est admissible, ce ne sera pas terminé même si elle obtient une suspension de casier. Pourquoi? Parce que le casier n'est pas effacé. Il ne fait que passer d'une base de données nationale à une autre. À un moment donné, la personne dont le casier est suspendu pourrait commettre une infraction au code de la route, et la Commission des libérations conditionnelles pourrait tenter de rétablir la condamnation, en faisant valoir que la personne a cessé de bien se conduire. Il existe des exemples de tels cas et il en a été question au cours des témoignages entendus par le comité de la sécurité publique.
Sans mentionner le fait que le ministre dispose d'un vaste pouvoir discrétionnaire pour communiquer des renseignements concernant le casier judiciaire s'il juge que c'est dans l'intérêt de la sécurité publique ou que c'est justifié pour d'autres raisons relatives à la sécurité. Encore une fois, même après qu'une personne a suivi tout ce lourd processus, le casier judiciaire demeure une épée de Damoclès.
Les conséquences d'une condamnation sont graves. Cela peut empêcher une personne d'obtenir un emploi ou un logement, ou de faire du bénévolat dans sa communauté. Tout cela parce qu'elle a commis un acte qui, aujourd'hui, est parfaitement légal.
Je n'ai pas appuyé la légalisation de la marijuana, mais il me semble que si le gouvernement veut emprunter cette voie, comme il a choisi de le faire, la radiation des condamnations devrait en faire partie intégrante. Voilà pourquoi, sur les 23 États américains qui ont légalisé ou décriminalisé la possession simple, sept ont prévu une amnistie, et six de ces sept États ont prévu la radiation des condamnations.
Encore une fois, c'est une chose que le gouvernement a choisi de ne pas faire. À la place, il établit un processus coûteux et compliqué qui, tout compte fait, exclura près de la moitié des Canadiens condamnés pour possession simple. C'est une demi-mesure totalement inadéquate.
J'appuie le projet de loi C-93 parce qu'il vaut mieux que rien, mais le gouvernement pourrait faire beaucoup mieux.