Monsieur le Président, au début de mon exposé d'aujourd'hui, j'ai attiré l'attention de la Chambre des communes sur un reportage de la CBC qui énumère en détail les longues conversations et les discussions secrètes que le Cabinet du premier ministre a eues avec l'ancienne procureure générale et, indirectement, avec l'ancienne présidente du Conseil du Trésor pour que le gouvernement oublie ce scandale. J'ai énuméré les cinq conditions que l'ancienne procureure générale aurait posées pour clore la question. Ces conditions étaient les suivantes:
Premièrement, il fallait renvoyer le secrétaire principal du premier ministre, Gerald Butts, maintenant tombé en disgrâce.
Deuxièmement, on devait renvoyer le greffier sortant du Conseil privé, Michael Wernick.
Ils sont partis tous les deux.
Troisièmement, il fallait renvoyer le principal conseiller du premier ministre, Mathieu Bouchard, dont j'ai exposé en détail la conduite inappropriée, voire illégale, aujourd'hui.
Quatrièmement, il fallait garantir que le nouveau procureur général n'allait pas annuler la décision de la directrice des poursuites pénales et conclure un accord avec SNC-Lavalin pour lui éviter un procès criminel.
En cinquième et dernier lieu, l'ancienne procureure générale a demandé au premier ministre qu'il assume la responsabilité de sa conduite inappropriée et qu'il présente ses excuses à son caucus ou à la population, de préférence aux deux.
Les deux premières conditions ont été respectées, car M. Butts et M. Wernick sont partis ou sur le point de partir, mais, apparemment, on ne peut pas en dire autant des trois autres conditions. Le principal conseiller, Mathieu Bouchard, est toujours là. Le premier ministre n'a pas promis ou garanti qu'il n'allait pas s'ingérer davantage dans le dossier de l'accord spécial demandé par SNC-Lavalin pour lui éviter un procès. Enfin, fait peut-être encore plus important, le premier ministre n'a pas assumé la responsabilité de sa conduite. Il n'a pas présenté ses excuses. Il n'a pas rendu de comptes sur sa conduite, alors qu'il a puni les personnes qui ont sonné l'alerte.
Aujourd'hui, l'ancienne présidente du Conseil du Trésor, la députée de Markham—Stouffville, a été interviewée par Anna Maria Tremonti, une journaliste de la CBC. Celle-ci a confirmé que des négociations secrètes avaient eu lieu.
Je la cite: « Nous avons appris hier soir à CBC News qu'il y avait eu des discussions secrètes pour trouver un compromis avec l' ancienne procureure générale, avant que vous ne soyez toutes les deux expulsées du caucus, cette semaine. »
L'ancienne présidente du Conseil du Trésor n'a pas été en mesure de faire des commentaires sur ces négociations. Elle a, néanmoins, dit ceci:
J'ai été très claire dès le début, quand tout a commencé. Juste histoire de rafraîchir la mémoire des auditeurs, j'aimerais rappeler qu'il y a de très bonnes raisons de croire qu'il y a eu des tentatives d'ingérence politique dans un procès criminel d'importance. J'ai dû démissionner du Cabinet parce que je ne voulais pas nier que cela avait eu lieu. Dès le début, j'ai essayé de dire que la bonne manière de gérer ce genre de problèmes est de dire la vérité, de reconnaître que des erreurs ont été commises, de s'en excuser auprès des Canadiens, de comprendre comment cela a pu arriver et de faire en sorte que cela n'arrive plus jamais.
Cela a été ma position dès le début et c'est celle que j'ai défendue auprès du premier ministre, de ses collaborateurs et d'autres personnes. Il y a donc eu des conversations, mais je ne les qualifierais pas d'« intenses ». Aucun effort n'a été fait pour réunir tout le monde afin d'essayer de résoudre le problème, en fait. Je dois dire que j'ai été vraiment abasourdie quand j'ai été expulsée du caucus mardi sans avoir jamais pu parler au caucus ni expliquer mon point de vue et la raison pour laquelle j'avais quitté le Cabinet, par exemple.
Elle poursuit cette interview en faisant d'autres commentaires très intéressants.
Même si je ne suis pas membre du même parti que la députée et que je ne partage pas son idéologie politique, je dois souligner qu'elle est une médecin très respectée et que, avant sa plus récente prise de position politique, le gouvernement affirmait qu'elle était une digne représentante des ministres libéraux, dont il ne cesse de louanger l'intégrité et les compétences. Je demande donc aux députés libéraux de cesser de lever les yeux au ciel et de la traiter en vulgaire ennemie politique. La députée n'est pas une ennemie politique du Parti libéral. Les observations de la députée montrent qu'elle aurait pu être la meilleure amie du premier ministre s'il avait suivi ses conseils pleins de sagesse et qu'il avait fait preuve d'intégrité. Toutefois, il n'a pas écouté la députée. Il l'a plutôt punie parce qu'elle avait dit la vérité à ceux qui sont au pouvoir. Elle explique comment les choses se sont passées, et je cite:
Eh bien, ce que j'ai fait, par exemple, m'a énormément coûté. J'ai pris la décision de démissionner du Cabinet en raison de la solidarité ministérielle exigée par la Constitution. Cela veut dire que lorsqu'on débat d'une décision à prendre au Cabinet, on peut exprimer en privé des désaccords, mais en sortant, on doit se préparer à défendre et à appuyer la décision prise collectivement. J'avais toujours été en mesure de le faire sur tous les enjeux importants dont nous avions parlé.
En l'occurrence... ce qui est au coeur de cet enjeu, c'est l'indépendance de notre système judiciaire. On ne peut pas avoir de démocratie sans système de justice indépendant, à l'abri de toute ingérence politique. Or, à mon avis, il y avait des preuves de tentatives d'ingérence et des ministres s'attendaient à ce que l'on nie cette ingérence ou qu'on laisse entendre qu'elle n'avait pas d'importance. En toute conscience, je ne pouvais pas le faire et respecter la solidarité ministérielle sur cette question, mais cela a été très difficile.
Je ne vous donnerai pas tous les détails, mais je crois que certains de mes anciens collègues et beaucoup de gens dans les médias sociaux et ailleurs m'ont manqué de respect. Là n'est pas le sujet, toutefois. Je peux faire face à la critique, mais cela prend un certain courage de faire quelque chose qui va mettre des gens en colère. Je suis toutefois fermement convaincue de l'importance pour un pays comme le nôtre d'avoir un système de justice dans lequel nous pouvons avoir confiance, de savoir que les décisions prises par les tribunaux n'ont rien à voir avec le fait qu'un particulier ou une entreprise en procès puisse avoir un ami politicien qui plaide en leur faveur. Voilà l'enjeu fondamental dans le cas présent.
Voilà ce qui est au coeur de cette affaire. Beaucoup de gens ont dit que cette histoire était incompréhensible pour quelqu'un de l'extérieur. Qui peut comprendre toutes les subtilités des travaux du comité de la justice, du comité de l'éthique, des accords de suspension des poursuites et de la doctrine de Shawcross? Tout cela est tellement ennuyant. Combien de temps cette histoire pourra-t-elle retenir l'attention?
À la grande surprise du Parti libéral, elle continue de retenir l'attention. Les gens continuent de s'intéresser à ce scandale. Si les libéraux veulent comprendre pourquoi, ils n'ont qu'à écouter leur ancienne présidente du Conseil du Trésor, car elle en a exposé la raison en des termes très simples, que je vais répéter ici:
Je suis toutefois fermement convaincue de l'importance pour un pays comme le nôtre d'avoir un système de justice dans lequel nous pouvons avoir confiance, de savoir que les décisions prises par les tribunaux n'ont rien à voir avec le fait qu'un particulier ou une entreprise en procès puisse avoir un ami politicien qui plaide en leur faveur. Voilà l'enjeu fondamental dans le cas présent.
Voilà pourquoi les Canadiens comprennent ce scandale et le suivent avec autant d’attention. Ils n’ont pas besoin de connaître tous les arcanes de la doctrine Shawcross ou de savoir comment s’applique le secret du Cabinet. Ce qu’ils savent, c’est que dans notre système, tous les Canadiens sont censés être égaux devant la loi, et qu’il ne doit pas y avoir de traitement spécial pour certaines personnes ou certaines entreprises. Nous sommes dans un État de droit et pas dans une dictature. La justice ne s’achète pas, même quand on est un puissant lobbyiste.
C’est précisément ce qui est en jeu dans toute cette affaire. Avons-nous une justice à deux vitesses, l’une pour les gens ordinaires et l’autre pour les puissants? Les Canadiens savent pertinemment ce que nous risquons de perdre si nous permettons à des politiciens d’intervenir dans la sphère judiciaire pour aider certaines personnes à éviter des poursuites.
Anna Maria Tremonti, l’animatrice de CBC, a posé la question suivante à l’ancienne présidente du Conseil du Trésor: « Notre système de justice au Canada est-il maintenant profondément vicié? Vous avez démissionné, vous n’avez pas obtenu ce que vous vouliez, et le système n’a pas changé. Est-ce que ça veut dire qu’il est vicié dans sa forme actuelle, avec ce gouvernement libéral? »
L’ancienne présidente du Conseil du Trésor a répondu ceci: « Non, je pense en fait que, fort heureusement pour les Canadiens, le système a bien fonctionné puisque l’ancienne procureure générale n’a pas cédé aux pressions de ceux qui voulaient qu’elle intervienne dans le procès ».
L'ancienne présidente du Conseil du Trésor a ajouté: « L’affaire SNC-Lavalin est considérée par certains comme la plus grande affaire de corruption impliquant une société privée dans l’histoire contemporaine du Canada. C’est loin d’être un procès banal. La personne qui occupe le poste de directrice des poursuites pénales est complètement apolitique et elle travaille avec un grand nombre de collaborateurs qui sont spécialisés dans les poursuites pénales. Elle a décidé que cette affaire devait faire l’objet d’un procès. L’ancienne procureure générale aurait pu utiliser une autre procédure si la société s’était qualifiée, mais la directrice des poursuites pénales a estimé que la société ne répondait pas aux critères établis ».
Elle a rajouté ceci: « Il y avait de nombreuses raisons à cela. Heureusement qu’il n’y a pas eu […] d’ingérence politique, et s’il n’y en a pas eu, c’est parce que l’ancienne procureure générale a refusé d’intervenir ».
Et là on touche directement l’un des principaux arguments que le gouvernement a avancés pour se défendre. Les libéraux prétendent qu’au final, la société n’a pas reçu un traitement spécial, donc que rien ne s’est passé et qu’on peut tout oublier. Mais ce n’est pas grâce à eux, c’est grâce à une femme qui, pour des raisons de principe, leur a barré la route. Qu’ont-ils fait? Ils ont essayé de la court-circuiter, ils l’ont limogée du poste de procureur général et maintenant, ils viennent de la chasser du caucus libéral. Ils ont essayé de détruire sa réputation en envoyant d’importants ministres libéraux faire des insinuations raciales et sexistes contre sa personne, dans le cadre d’une campagne de diffamation qui dure depuis deux mois.
Cela dit, c’est grâce à elle que la société n’a pas été dispensée d’un procès, ce qui aurait été une erreur. L’ancienne présidente du Conseil du Trésor a très bien expliqué pourquoi, et je répète ce qu’elle a dit: « Il y avait de nombreuses raisons à cela. Heureusement qu’il n’y a pas eu […] d’ingérence politique, et s’il n’y en a pas eu, c’est parce que l’ancienne procureure générale a refusé d’intervenir ». Autrement dit, il y avait deux camps: le Cabinet du premier ministre, et le bureau de l’ancienne procureure générale de l’autre, avec aussi la directrice des poursuites pénales. Le Cabinet du premier ministre a essayé d’attaquer la forteresse qui protège la personne qui occupe le poste de procureur général.
Ils ont eu beau tenter, ils n’ont pas réussi à la faire tomber. De l’autre côté de cette forteresse, il y avait la directrice des poursuites pénales, que le premier ministre a essayé de court-circuiter, mais en vain. La force apparemment irrésistible de ce premier ministre s’est fracassée contre un obstacle insurmontable, à savoir une procureure générale qui a des principes.
Aucun député d’en face, même s’il appuie toujours le premier ministre, ne doit s’imaginer que l’administration de la justice a été protégée par quoi que ce soit d’autre que les principes de l’ancienne procureure générale. SNC-Lavalin va désormais faire face à des poursuites pénales. Mais il ne faut pas dire que c’est grâce au premier ministre ou à son entourage. Au contraire, il a fait tout ce qui était en son pouvoir, pendant quatre mois, pour éviter ce procès, procès qui, au dire de l’ancienne présidente du Conseil du Trésor, sera peut-être le plus grand scandale de corruption de toute l’histoire canadienne.
Il n’en demeure pas moins que ceux qui ont tenu bon en ont payé le prix. Nous l’avons vu cette semaine. Le premier ministre a montré comment il réagit lorsque des gens osent affronter le pouvoir en se battant pour des principes.
Mon collègue de la Colombie-Britannique m’a récemment rappelé les paroles de George Orwell: « Plus une société s’éloigne de la vérité, plus elle hait ceux qui la disent ».
Il n’y a pas de meilleure façon de décrire ici ce qui s’est passé cette semaine. La colère et la haine que des ténors libéraux ont déversées sur ces deux courageuses lanceuses d’alerte au cours des deux derniers mois montrent bien les conséquences auxquelles s’exposent souvent ceux qui disent la vérité, comme Orwell l’a si bien dit.
Nous avons eu de la chance qu’elles aient dit la vérité et qu’elles aient bien fait leur travail, de sorte que ce cadeau fragile et précieux qui nous a été légué par nos ancêtres, celui d’un système judiciaire indépendant, est pour le moment sain et sauf. Je dis pour le moment, car nous ne savons pas ce que l’avenir nous réserve dans toute cette affaire.
Le gouvernement va-t-il réussir à camoufler toutes les autres formes d’ingérence qui se sont produites? Nous l’ignorons. Le gouvernement va-t-il réussir à camoufler les vraies raisons pour lesquelles le premier ministre a fait des pieds et des mains pour défendre une entreprise qui est accusée d’avoir commis des actes criminels? Va-t-on un jour savoir à qui auraient profité les tentatives du premier ministre d’empêcher ce procès pour fraude et corruption? Enfin, le procès va-t-il vraiment avoir lieu? Cela peut traîner encore, jusqu’après les prochaines élections.
Étant donné que le premier ministre refuse de dire qu’il n’y aura pas d’accord de suspension des poursuites et qu’il continue d’affirmer qu’il n’a rien fait de mal, quelle assurance avons-nous qu’il ne recommencera pas? Si, comme il continue de l’affirmer, il n’y a rien eu de mal à exercer des pressions pendant quatre mois sur l’ancienne procureure générale, qu’il était parfaitement acceptable que son directeur de cabinet, son secrétaire principal, le greffier du Conseil privé, son ministre des Finances et le directeur de cabinet de son ministre des Finances harcèlent avec insistance l’ancienne procureure générale pour qu’elle invalide la décision de la directrice des poursuites pénales et renonce à poursuivre la société, et que tout cela était parfaitement approprié, alors pourquoi ne serait-il pas prêt à recommencer? Manifestement, cela ne lui pose pas de problème.
Le nouveau procureur général a déclaré qu’il n’avait pas encore pris de décision, qu’il réfléchissait, qu’il n’avait pas l’intention d’en dire davantage mais qu’on le reverrait après les prochaines élections.
Les députés ne pourront pas dire que je ne les aurai pas prévenus. Ils ne devront donc pas être surpris si, d’ici Noël, le premier ministre est réélu et si, comme par hasard, SNC-Lavalin est exonéré de toute accusation de corruption. Les députés d’en face s’excitent à l’idée que SNC soit exonérée de toute accusation de fraude et de corruption. Certains députés libéraux se réjouissent d’avance à l’idée que le premier ministre, après les prochaines élections, demande à son procureur général de renoncer à ces accusations afin que la société puisse continuer ses activités en toute impunité, pendant que le peuple libyen subit les conséquences de la corruption pratiquée par SNC.
La réaction que nous venons d’observer chez certains députés ici présents confirme ce que je dis à propos du premier ministre qui, s’il est réélu, fera exonérer SNC-Lavalin de toute accusation et contaminera notre système de justice avec encore plus d’ingérence politique. Il a dit très clairement qu’à son avis, il n’y avait rien de mal à ce qu’un premier ministre fasse des pressions sur sa procureure générale pour invalider une décision de la directrice des poursuites pénales.
Ce n’est pas moi qui le dis. Il a eu l’occasion de s’exprimer à sa conférence de presse du 15 février où il aurait pu dire clairement que ce qui s’était produit était anormal. En fait, l’l’ancienne présidente du Conseil du Trésor a bien dit qu’à l’occasion de cette conférence de presse, il avait la possibilité de reconnaître qu’une erreur avait été commise, qu’il ne la répéterait pas et qu’il la regrettait. Mais il a refusé de le faire parce qu’il ne reconnaît pas qu’il a fait quelque chose de répréhensible. Et dans ce cas, pourquoi ne commettrait-il pas à nouveau la même faute?
Je l’invite à venir faire cette promesse à la Chambre, même si ses promesses n’ont jamais voulu dire grand-chose. Mais même si nous pouvions encore y croire, il n’a même pas daigné promettre qu’un futur gouvernement libéral, une fois réélu, se garderait d’imposer un règlement exonérant SNC-Lavalin de toute accusation.
Autrement dit, cette affaire est loin d’être terminée. Ce n’est qu’un début. L’indépendance de la justice et de la poursuite sera au cœur des prochaines élections fédérales.
Un seul chef a affirmé, à ce jour, que si jamais il devenait premier ministre, il ne s’ingérerait jamais dans les affaires de son procureur général et ne permettrait jamais qu’une décision politique l’emporte sur celle du procureur ni que des accusations criminelles contre de grands criminels à cravate soient abandonnées. Il s’agit du chef du Parti conservateur.
Le chef du NPD dirait peut-être la même chose. Je l’encourage à le faire. De toute évidence, c’est un homme honorable. La chef du Parti vert pourrait aussi dire la même chose. Malgré nos désaccords, elle est, elle aussi, une personne honorable. Je pense que, si jamais ces deux chefs étaient élus à la fonction de premier ministre du Canada cette année, ils s’opposeraient à toute ingérence politique visant à laisser cette grande entreprise, accusée d’un acte criminel, s’en tirer à si bon compte.
À ce jour, un seul chef s’est entêté dans son refus d’écarter cette possibilité.
Autrement dit, nous n’en sommes qu’au tout début de ce débat sur l’avenir des poursuites contre SNC-Lavalin. Nous devrons déterminer, en tant que pays, s’il est acceptable que des acolytes capitalistes et corporatistes du gouvernement inondent la Chambre de lobbyistes et de dons illégaux dans le but d’acheter la justice.
Tout autre Canadien accusé d’une infraction quelconque n'aurait aucun recours politique à sa disposition pour s’en sortir. Il lui faudrait retenir les services d’un avocat et se défendre des accusations devant un juge ou un jury composé de ses pairs. Le premier ministre ne voit toutefois rien de mal à ce qu’une société disposant de milliards de dollars et jouissant d’une énorme influence, dont les lobbyistes et les membres de son conseil d’administration sont proches du pouvoir, exerce son influence pour échapper à notre système de justice pénale.
Il trouve cela tout à fait correct. Il pense qu’il revient à son cabinet de prendre cette décision, et non à un procureur indépendant à l’abri de toute ingérence politique, ou à un procureur général qui a fait le serment d’agir de manière non partisane. Il pense qu’il lui revient à lui, le premier ministre dont le cabinet est le plus politisé du pays, de prendre cette décision. Il crée un système de justice favorable à ceux qui connaissent des gens au Cabinet du premier ministre, au sein duquel certaines règles s’appliquent au monde ordinaire et d’autres aux puissants et où la règle de droit est remplacée par la loi des dirigeants.
Nous devons nous rappeler à quel point ce cadeau dont nous avons hérité est fragile. Nous sommes parmi les rares privilégiés du monde à être nés dans une démocratie dotée d’un système de justice indépendant en vertu duquel ce sont les tribunaux qui déterminent qui est coupable et qui est innocent, à l’abri de toute ingérence politique. Des milliards de gens sur la planète donneraient leur vie pour que leurs enfants aient la chance de vivre dans un pays comme le nôtre.
Trois cent mille personnes arrivent chez nous chaque année. Il s'agit du taux d’immigration le plus élevé de tous les pays du monde. Ces gens fuient des pays où ce sont les politiciens qui déterminent qui ira devant le tribunal et qui sera libre. Ces gens viennent ici parce qu’ils ont entendu dire et ont compris qu’au Canada, les choses fonctionnent différemment, que tout le monde est égal devant la loi et que personne n’est au-dessus de la loi.
Les nombreux nouveaux arrivants qui sont venus s’installer au Canada et qui ont enrichi notre pays ont compris que nous avions une longue tradition, manifestement durable, d’indépendance judiciaire et d'indépendance de la poursuite qui s’est développée depuis plus de 800 ans, depuis l’époque de la Magna Carta en Grande-Bretagne, mère patrie de notre système parlementaire et juridique. Ils savaient qu’au moment où le roi Jean avait signé ce parchemin, il s’engageait à ne pas se placer au-dessus de la loi, ce qui signifiait que dorénavant le roi, toute la Couronne et tous ceux qui se trouvaient à la Cour seraient traités de la même façon. Quel que soit leur nom, leur titre, leur lignée, leur richesse, leur race, leur religion, les gens ont compris qu’à leur arrivée au Canada, ils seraient traités sur un pied d’égalité.
C’est la protection de ce principe qui est en jeu dans le scandale de corruption de SNC Lavalin.
Allons-nous obliger cette entreprise à rendre des comptes, comme tout autre Canadien qui serait accusé d’un crime, ou allons-nous permettre à des lobbyistes et à des proches du gouvernement libéral et du premier ministre de tenir des réunions secrètes avec des décideurs politiques pour conclure une entente spéciale afin d’éviter un procès et de ne pas avoir à rendre de comptes? C’est ce dont nous débattons aujourd’hui.
J’ai entendu les députés d’en face crier que nous devrions simplement oublier tout cela et passer à autre chose. Comme si nous ne savions pas que les libéraux avaient annoncé l’autre jour des dépenses de 41 milliards de dollars dans le budget. Les libéraux aimeraient que nous parlions aussi de cet énorme déficit, mais qu’ils ne craignent rien, nous y arriverons en temps et lieu. Ils devront rendre compte de tout l’argent qu’ils ont gaspillé, de la dette qu’ils ont accumulée et de la hausse des impôts de la classe ouvrière qui sert à financer tout cela.
Les libéraux auront amplement le temps de rendre des comptes, je l’assure, et nous accueillerons ce débat avec plaisir. Ils peuvent saupoudrer tout l’argent qu’ils veulent, mais nous ne nous laisserons pas distraire dans notre rôle d’opposition officielle. Nous nous présenterons ici tous les jours pour faire notre travail de protection de la primauté du droit, du système de justice et de l’égalité des gens. C’est ce que nous ferons ici aujourd’hui et tous les jours. Nous ne nous en excuserons jamais.
Ils peuvent se plaindre, ils peuvent hurler et ils peuvent crier de l’autre côté, comme ils le font maintenant, suppliant et implorant le silence, mais nous ne resterons pas silencieux. Nous allons continuer de nous faire entendre. Nous défendrons les principes qui ont fait de notre pays un grand pays. Lorsque nous regarderons le tapis vert de l'enceinte dans laquelle nous nous trouvons, nous nous souviendrons que sa couleur est celle des terres où les gens du peuple se sont mis à se réunir pour défendre leurs droits. Nous nous souviendrons que nous sommes ici à la Chambre des gens du peuple…