Monsieur le Président, c'est un honneur de prendre la parole aujourd'hui pour faire un discours sur le projet de loi C-63, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en oeuvre d'autres mesures. Il s'agit d'un projet de loi budgétaire omnibus.
Dans le cadre de mon intervention sur ce projet de loi, je vais tout d'abord dresser un tableau d'ensemble. Depuis que nous avons entamé le débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-63, la plupart des députés ne se sont pas beaucoup attardés sur les détails de cette mesure législative. Or, c'est ce que j'ai l'intention de faire. Pour l'instant, la majorité de mes collègues se sont contentés d'exprimer leurs opinions au sujet du budget, qui varient selon le côté de la Chambre où ils siègent. Cependant, je veux aussi examiner la situation dans son ensemble.
Lors des débats dans cette enceinte, l'opposition officielle conservatrice reproche au gouvernement de dépenser trop et d'alourdir la dette. Il semble que nous avons oublié la différence entre le déficit, qui est à la hausse, et la dette. La dette est un problème plus chronique. Il est malheureusement fort difficile de l'éliminer lorsqu'elle s'alourdit. D'ailleurs, nous ne sommes pas du tout parvenus à réduire les 150 milliards de dollars qui se sont ajoutés à la dette nationale sous l'ancien premier ministre Stephen Harper. La dette a considérablement augmenté au cours de cette période même si, lors du dernier mandat de M. Harper, l'équilibre budgétaire a été rétabli. Les déficits sont un sujet de préoccupation, mais pas autant que la dette.
En ce qui concerne le déficit et les dépenses conduisant à des déficits, je rappellerai que le gouvernement libéral actuel a été élu en promettant qu'il accuserait un déficit, un déficit bien moindre que celui que nous avons aujourd'hui cependant.
Je vais vous dire ce qui m'inquiète en matière de dépenses gouvernementales et d'accroissement des déficits. Aujourd'hui, ce pays a en fait besoin de plus de dépenses publiques, pas moins. Le fait que le gouvernement actuel semble limiter ses dépenses aux dossiers nécessitant une action immédiate trouve son origine dans son refus de dépenser plus que les importants montants déjà annoncés, qui concernaient des dépenses nécessaires.
Nous devons investir dans l'infrastructure au Canada. Dans un sens, nous sommes un peu comme un propriétaire qui a reporté à plus tard les travaux d'entretien de sa maison afin de pouvoir se procurer les autres choses indispensables prévues dans le budget de son ménage. Reporter à plus tard de tels travaux, cependant, a un prix. Quand les travaux reportés concernent les réseaux d'adduction d'eau et d'égout, les ponts et les routes et l'infrastructure sociale, comme le logement abordable, et que tout cela se retourne contre nous, nous nous retrouvons contraints à dépenser plus.
Par ailleurs, on répugne profondément à augmenter les impôts. Bon nombre d'intervenants soutiennent que le parti d'en face a énormément alourdi le fardeau fiscal. En réalité, le gouvernement entend réduire le taux d'imposition des petites entreprises à 9 %, mesure bien reçue que j'appuie et qui figurait dans le programme du Parti vert. Cependant, le Parti vert exhorte le gouvernement à reconnaître la nécessité d'augmenter les impôts des grandes multinationales qui engrangent des profits.
En 2000, les grandes entreprises étaient assujetties à un taux d'imposition de 28 %; aujourd'hui, ce taux est de 14 %. Il va sans dire qu'il devrait être augmenté parce que si on compare le pourcentage des recettes gouvernementales totales provenant des entreprises avec celui provenant des particuliers, on constate que la contribution de ces derniers a augmenté alors que celle des grandes entreprises a nettement diminué.
Alors que l'économie reprend de la vigueur, ce qui est positif, il n'y a certainement aucune raison ou excuse pour ne pas chercher à attraper les gros poissons, comme l'a indiqué mon estimé collègue d'Okanagan-Sud—Kootenay-Ouest. Les gros poissons profitent des paradis fiscaux à l'étranger et ils évoluent dans les grandes multinationales rentables. Le gouvernement devrait se donner comme grande priorité de cibler les contribuables qui font de l'évitement fiscal ou, pire encore, qui font de l'évasion fiscale, ce qui constitue une infraction criminelle.
Voici une anecdote personnelle que je trouve renversante. Ma fille, qui est étudiante à l'université, m'a signalé que l'Agence du revenu du Canada gaspille de l'argent des contribuables pour lui demander des preuves à l'égard de divers éléments qui figurent dans sa déclaration de revenu. Comme elle est étudiante, elle ne gagne pas assez pour payer beaucoup d'impôt, si tant est qu'elle doive en payer. Pourtant, l'Agence du revenu lui demande entre autres de fournir des preuves du coût de ses manuels scolaires. Comme je l'ai dit, cette histoire est renversante puisque ma fille n'est pas la seule; une amie à elle se trouve dans la même situation.
Je suggère à l'Agence du revenu du Canada de rajuster le tir et de cibler les millionnaires et les milliardaires plutôt que les étudiants. Je crois que la plupart des Canadiens appuieraient une telle mesure.
Pour ce qui est du projet de loi C-63, je dois avouer que je l'ai lu avec une joie de plus en plus vive. Cela surprendra sans doute les gens qu'une députée de l'opposition ressente une telle chose. Cependant, chaque fois que j'étudie un projet de loi omnibus, j'ai l'impression de revivre les mêmes sentiments aigus d'anxiété que lorsque je lisais les projets de loi omnibus de la 41e législature, notamment le projet de loi C-38, qui a complètement détruit le régime d'évaluation environnementale canadien et a torpillé la Loi sur les pêches, et le projet de loi C-45, qui a anéanti la Loi sur la protection des eaux navigables et aboli le poste d'inspecteur général du SCRS et qui prévoyait une panoplie d'autres mesures qui n'avaient aucun rapport entre elles.
La lecture du projet de loi C-63 me confirme la nécessité de simplifier notre code fiscal. Les comptables fiscalistes à qui nous parlons s'entendent généralement pour dire qu'il serait formidable que le ministre des Finances procède à une réforme complète pour simplifier le code fiscal et ainsi supprimer de nombreuses exemptions ultraciblées. Je félicite le ministre des Finances d'avoir supprimé bon nombre de ces exemptions, mais le code fiscal et, par conséquent, le projet de loi omnibus dont nous sommes saisis comportent des aspects très complexes et très précis. Par exemple, on se penche sur le chevauchement des exercices et l'utilisation de différents mécanismes fiscaux et produits dérivés, notamment les fiducies ou différentes entreprises, pour trouver une méthode d'imposition.
Dans l'ensemble, je me retrouve en fait à me demander si je vais appuyer ce projet de loi d'exécution du budget si nous y apportons des amendements. Je voudrais maintenant indiquer les éléments qui me conviennent dans le projet de loi et ceux qui devraient être amendés.
Comme il s'agit d'un projet de loi omnibus, je suis heureuse de constater qu'il y a enfin des mesures timides pour éliminer une partie des subventions aux énergies fossiles, mais nous devrions aller beaucoup plus loin. C'était l'un des principaux engagements de la plateforme libérale. Malgré la promesse des libéraux d'éliminer les subventions aux énergies fossiles, la plupart des subventions les plus généreuses demeurent en place.
Éliminer les subventions est une mesure requise qui s'inscrit dans les efforts pour éliminer les distorsions du marché créées par ces subventions et par l'absence d'un prix pour la pollution atmosphérique. C'est comme si la décharge municipale ne demandait aucune redevance de déversement. Pourquoi les gens éviteraient-ils de polluer, puisque c'est gratuit? C'est ce qui justifie l'instauration d'une tarification du carbone, mais il faut aussi éliminer les subventions aux énergies fossiles.
Là où le gouvernement intervient, c'est relativement aux frais d'exploration au Canada. Ce changement se trouve dans la partie 1 du projet de loi C-63. Le projet de loi modifierait le traitement fiscal des frais d'exploration au Canada afin de faire passer de 100 % à environ 30 % les déductions fiscales actuellement offertes. Soit dit en passant, la façon dont cette mesure est structurée crée un incitatif pour accélérer le forage avant qu'elle n'entre en vigueur en 2019. Cela pourrait donner lieu à une période imprévue de dommages à l'environnement. J'ai en main un avis juridique de Bennett Jones à l'intention de ce secteur privé selon lequel toute entreprise pétrolière ou gazière qui s'empresse de démarrer ses activités d'exploration et d'obtenir des engagements par écrit avant 2019 pourra continuer de profiter de la déduction de 100 % de ses dépenses en immobilisations.
J'accueille également d'un oeil favorable les modifications relatives au don de terres écosensibles. J'ai travaillé, il y a longtemps, à la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, qui n'existe plus maintenant,puisqu'elle a été abrogée dans le projet de loi omnibus d'exécution du budget C-38. Nous avions tenté de persuader le ministre des Finances de l'époque, le très honorable Paul Martin, de créer un traitement fiscal spécial pour le don de terres écosensibles. Les modifications prévues dans le projet de loi C-63 poursuivent sur cette lancée, clarifiant et améliorant le système.
Je ne suis pas mécontente du tout de voir que le gouvernement donne suite à son annonce concernant la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures. Les actions souscrites dans cette banque font partie de l'argent consacré au développement par le Canada. Nous sommes encore loin de respecter les engagements pris par tous les gouvernements depuis celui de Lester B. Pearson, y compris ceux de Jean Chrétien et de Brian Mulroney, qui ont affirmé que le Canada devait consacrer 0,7 % de son PIB à l'aide au développement. Nous en sommes encore loin, mais les dispositions du projet de loi concernant la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures sont les bienvenues.
Je vois également d'autres dispositions d'un bon oeil, en particulier celles qui doivent être intégrées au Code canadien du travail afin que les modalités de travail soient plus souples et qu'il soit obligatoire, selon la loi, d'accorder un congé aux Canadiens devant se remettre après avoir subi de la violence familiale. Je voudrais que ces articles soient amendés pour que le congé accordé soit nécessairement un congé payé. Je voudrais que la femme seule qui n'a pas d'enfants reçoive de l'aide si elle est victime de violence. Quelques ajustements pourraient être apportés dans le cas de ces dispositions.
Je suis très heureuse de voir le nouveau traitement fiscal de l'énergie géothermique et les modifications de la Loi sur l'efficacité énergétique.
Le projet de loi comporte 275 pages, alors on y trouve de nombreuses dispositions, mais je vais m'arrêter ici et conclure en disant que je suis généralement heureuse du contenu du projet de loi.