Merci beaucoup.
Monsieur le président et honorables membres du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international et du Sous-comité des droits internationaux de la personne, en tant qu'Irano-Canadien, j'ai l'honneur et le privilège de prendre la parole devant vous sur la question de la responsabilité environnementale en Iran, en m'intéressant à l'eau ou, plus exactement, à sa pénurie.
En vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le droit humain à l'eau consiste en un approvisionnement suffisant, physiquement accessible et à un coût abordable, d'une eau salubre et de qualité acceptable pour les usages personnels et domestiques de chacun.
On pourrait dresser une longue liste des activités destructrices de la République islamique d'Iran qui ont conduit à la destruction des ressources hydriques nationales, entraînant ainsi la misère, la régression et le recul du pays sur le plan environnemental. Des ouvrages non viables, comme la construction de plus de 650 barrages sans études environnementales sérieuses et l'octroi de permis pour creuser 400 000 puits, en plus de la fermeture de 430 000 autres puits illégaux, ont eu des retombées négatives majeures sur les ressources en eaux de surface et souterraines sur tout le territoire. En conséquence, des millions d'agriculteurs en difficulté ont abandonné leurs terres agricoles et quitté leurs villages. C'est une situation semblable à celle de la Syrie avant la guerre civile.
Plus de 33 000 villages ont été partiellement ou totalement abandonnés, principalement en raison de la destruction des ressources hydriques nécessaires à l'agriculture. En 2013, les responsables gouvernementaux ont confirmé la disparition de 85 % des ressources en eaux souterraines de l'Iran. Cette même année, 12 millions d'Iraniens vivaient en périphérie des villes, dans des bidonvilles et, à la fin de 2018, on a annoncé que ce nombre atteignait 19 millions.
Par ailleurs, l'absence de plans et de projets de gestion des bassins hydrographiques a provoqué des effets catastrophiques, en particulier lors des récentes inondations dévastatrices. L'Iran est en train de perdre plus de 2 milliards de tonnes de terres arables, d'une valeur supérieure à 70 milliards de dollars canadiens. L'érosion des sols découle directement de la dégradation des prairies et des forêts, en particulier pendant la saison des inondations.
Il convient également d'ajouter les conséquences de la désertification et de l'abandon des terres agricoles. Tout au long de récentes inondations dans les provinces occidentales et méridionales du Lorestan, de l'Ilam, du Khuzestan et du Fars, ainsi que du Golestan dans le Nord, des dizaines d'innocents ont trouvé la mort dans ces crues boueuses, surtout en raison d'une mauvaise gestion. Une catastrophe qui aurait pu être gérée et en grande partie évitée a touché plus de 10 millions d'Iraniens.
En tant que spécialiste de la conservation de l'eau et journaliste, j'ai averti en personne l'ancien président Mohammad Khatami, en 2001, des conséquences que les politiques de son gouvernement visant à construire un aussi grand nombre de barrages et à transférer de l'eau d'un bassin à un autre pourraient avoir sur ces projets. Force m'est de reconnaître, avec tristesse, que, après 18 ans, ce que j'avais prédit se produit maintenant. L'Iran est un pays en faillite d'eau. En faisant fi de l'importance de la gestion des bassins versants et du maintien des aquifères, il a tout détruit.
Le maintien de ces politiques, dirigées par un certain nombre d'anciens dirigeants étudiants qui ont occupé l'ambassade des États-Unis en 1979 avec l'aide des Gardiens de la révolution, est en train de détruire le pays. Ces dirigeants étudiants et les Gardiens de la révolution sont responsables du blocage de fleuves et rivières et de la destruction des aquifères par un très grand nombre de barrages.
Différentes administrations ont collaboré avec le corps des Gardiens de la révolution islamique, les GRI, pour construire de grands barrages et des projets de transfert d'eau entre bassins hydrographiques sans tenir compte des conséquences environnementales et sociales de la réalisation de ces mégastructures. La construction irresponsable de barrages tels que le barrage Karun-3 sur le fleuve Karun a entraîné l'inondation et l'évacuation de dizaines de villages, la destruction de milliers d'hectares de terres agricoles, la disparition de milliers d'années d'histoire et de patrimoine culturel et la migration de dizaines de milliers d'habitants vers les bidonvilles et la périphérie de villes comme Izeh.
Avant les pluies torrentielles récentes, le lac d'Urmia avait perdu 90 % de son volume en raison de la construction de plus de 70 barrages, de l'épuisement des eaux souterraines du bassin et du développement d'une agriculture non durable dans la région. Les habitants de la province d'Ispahan ont été consternés par le transfert des droits à l'eau des marais et des terres agricoles vers d'autres régions, et les manifestations des agriculteurs se sont poursuivies pendant plus d'un an. L'épuisement des ressources en eaux souterraines a entraîné l'affaissement du sol et la désertification.
À la fin 2017 et au début 2018, les victimes des stratégies du régime, y compris de ses politiques relatives à l'eau, dont beaucoup ont perdu leur emploi et leur ferme, se sont jointes aux protestations à l'échelle nationale. Depuis décembre 2017, les manifestants qui ont perdu la vie venaient de villes comme Dorud, Tuyserkan, Ghahdrijan, Kazerun et Izeh, des régions qui ont été touchées par la pénurie d'eau. Un approvisionnement annuel en eau par personne à moins de 1 000 mètres cubes pourrait se traduire par une crise d'eau. De nombreux Iraniens sont confrontés à cette pénurie.
D'après l'analyse réalisée par le Center for Naval Analyses, avec l'accroissement du stress hydrique, les risques de troubles civils, d'instabilité et de violence augmenteront considérablement. Les promoteurs des droits de l'homme et des valeurs démocratiques ne considèrent pas la pénurie d'eau et l'escalade de la violence comme un signe positif. Ça ne peut pas être perçu ainsi. La survie deviendra la priorité absolue dans de nombreuses régions d'Iran, et des millions de personnes n'auront d'autre choix que de fuir le pays.
Le monde est-il prêt pour un autre exode? Au cours des dernières années, certains ont dû payer le prix fort pour sensibiliser la population et essayer de sauver l'environnement. Arrêté par les forces de sécurité des Gardiens de la révolution, Kavous Seyed-Emami, écologiste et sociologue irano-canadien, a payé de sa vie, car il est décédé dans des conditions suspectes en isolement cellulaire. À l'heure actuelle, un certain nombre de ses collègues, dont Niloufar Bayani, diplômé de l'Université McGill, risquent une condamnation à mort pour des crimes qu'ils n'ont jamais commis.
L'absence de responsabilisation, principal résultat d'un système non démocratique, accorde une marge de manœuvre et l'impunité aux membres du gouvernement de différentes tendances politiques, ainsi qu'aux Gardiens de la révolution. Le copinage et la corruption vont de pair, surtout en l'absence de médias libres et indépendants. Il me faut souligner le fait, porté à mon attention, qu'un certain nombre de membres d'entreprises et d'organisations associées aux Gardiens de la révolution et au régime islamique dans la destruction des ressources en eau de l'Iran, résident confortablement au Canada, dans un pays riche en eau, alors que des millions d'Iraniens souffrent des conséquences de leurs actes.
J'espère que le Comité cherchera activement à obtenir des renseignements concernant les anciens partenaires de la République islamique qui ont émigré au pays. Bon nombre de ces personnes fortunées ont allègrement transféré des millions de dollars au Canada, tout en fermant les yeux sur les crimes contre l'humanité et l'environnement. J'espère qu'ils reviendront à la raison.
Merci beaucoup.