Monsieur le Président, je suis très heureux d'être ici aujourd'hui pour parler du message au Sénat au sujet du projet de loi C-55, qui vise à modifier la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocardures.
Tout d'abord, j'aimerais remercier le secrétaire parlementaire, le député de Charlottetown, d'avoir lancé le débat vendredi passé et d'avoir travaillé sur ce dossier. J'aimerais également remercier la députée de Saanich — Gulf Islands , qui a appuyé ce projet de loi et qui a insisté sur la nécessité de se doter d'une mesure législative de ce type pour que nous puissions faire progresser la protection de nos milieux marins.
J'aimerais commencer par un survol du projet de loi que nous examinons aujourd'hui, puis je donnerai un aperçu de la motion.
Le projet de loi C-55 vise la création d'un nouvel arrêté ministériel visant à établir des zones de protection marines provisoires afin de protéger les zones marines écologiquement sensibles et importantes dans les cas où la science et les consultations initiales nous indiquent que c'est urgent.
Le processus d'établissement d'une protection provisoire ne sera pas un raccourci aux processus scientifiques et de consultation, qui font partie intégrante de la façon dont nous établissons les aires marines protégées aujourd'hui.
Le principe fondamental qui sous-tend la protection provisoire est l'application du principe de précaution. Ce principe n'a pas été créé dans le projet de loi C-55. Il se trouve déjà dans de nombreuses mesures législatives modernes en matière d'environnement. Il est aussi conforme au cadre d'application de la précaution, qui a été élaboré par le Bureau du Conseil privé en 2013. Ce cadre énonce les principes directeurs pour l’application de la précaution à la prise de décisions scientifiques dans les secteurs d’activité réglementés par le gouvernement fédéral et qui visent la protection de la santé et de la sécurité, l’environnement et la conservation des ressources naturelles.
La Chambre est maintenant saisie du projet de loi assorti d'un amendement. Nous rejetons respectueusement l'amendement du Sénat, mais nous proposons un amendement qui, selon nous, est conforme à l'objet de l'amendement apporté par l'autre endroit. Comme l'ont mentionné des fonctionnaires lors de l'examen du projet de loi par un comité sénatorial, ainsi que des sénateurs à l'étape de la troisième lecture, l'amendement proposé est redondant et il rendrait le processus de protection provisoire d'une zone de protection marine plus complexe que la désignation permanente d'une telle zone. En conséquence, l'amendement irait à l'encontre de l'objet même du projet de loi, qui est d'assurer une protection plus rapide et de geler l'empreinte laissée par l'activité humaine dans les zones que l'on propose de désigner de façon permanente, tout en maintenant la tenue de consultations de haut niveau.
Je m'explique.
La première partie de l'amendement proposé par l'autre endroit exige que l'emplacement géographique approximatif et une évaluation préliminaire des habitats et des espèces dans cette zone soient publiés avant qu'un arrêté de protection provisoire puisse être pris. Cette étape est déjà exigée par la Directive du Cabinet sur la réglementation, selon laquelle le processus réglementaire doit être ouvert et transparent. C'est ainsi qu'aujourd'hui, on peut aller sur Internet et voir un site d'intérêt, qui constitue la première étape du processus actuel d'établissement d'une zone de protection marine permanente, y compris une description et une carte de ce site, ainsi que tous les renseignements pertinents, comme les principaux objectifs.
La deuxième partie de l'amendement, qui a été ajoutée par le sénateur Patterson, exigerait la tenue d'une période de consultation supplémentaire, en plus de ce qui est déjà prévu par la Loi sur les océans et le processus de publication dans la Gazette. Cet amendement ajouterait une autre période de consultation d'au moins 60 jours et exigerait du gouvernement qu'il réponde à toutes les observations dans les 30 jours. Ce serait donc peut-être 90 jours de plus avant qu'un arrêté puisse être pris. Cela ne s'applique en fait qu'au processus de protection provisoire et rendrait par conséquent le processus de désignation provisoire plus complexe que le processus de désignation permanente.
Comme je l'ai mentionné, ces amendements font également double emploi. La Loi sur les océans en vigueur prévoit déjà explicitement les exigences en matière de consultation aux articles 29 à 33. Comme l'a indiqué le secrétaire parlementaire vendredi, dans la partie de cette loi portant sur la stratégie de gestion des océans, on peut lire ceci, à l'article 33:
(1) Dans l'exercice des attributions qui lui sont conférées par la présente loi, le ministre:
a) coopère avec d'autres ministres et organismes fédéraux, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les organisations autochtones, les collectivités côtières et les autres personnes de droit public et de droit privé intéressées, y compris celles constituées dans le cadre d'accords sur des revendications territoriales;
b) peut conclure des accords avec d'autres ministres ou toute personne de droit public ou de droit privé;
c) recueille, dépouille, analyse, coordonne et diffuse de l'information; [...]
Pour ces raisons, le gouvernement rejette ces changements et propose un amendement qui, à son avis, reflète l'intention du message de l'autre endroit. Cet amendement exigera la publication de l'emplacement géographique et de tous les autres renseignements pertinents, ainsi qu'un résumé des consultations menées avant la prise de l'arrêté. De cette façon, les collectivités auront l'information dont elles ont besoin, et l'établissement d'une protection provisoire sera simplifié. Une telle protection doit être appliquée conformément à l'objectif du projet de loi. Il s'agit d'établir plus rapidement des zones de protection marine provisoires jusqu'à ce qu'une décision soit prise, à la suite de consultations exhaustives, sur la désignation permanente de ces zones.
Le projet de loi a été présenté à la Chambre des communes pour la première fois le 15 juin 2017. Depuis, il a fait l'objet de nombreuses heures de débat, de discussion et d'examen. Le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes a consacré beaucoup de temps à l'examen minutieux de ses propositions. D'octobre à décembre 2017, ce comité a entendu les points de vue sur le projet de loi de divers ordres de gouvernement, de partenaires, d'intervenants et d'experts. À la suite de cette analyse en profondeur, le comité a apporté cinq amendements au projet de loi, qui ont été proposés par des députés indépendants, du Parti conservateur et du Parti vert. La Chambre les a adoptés le 25 avril 2018.
Les amendements du comité de la Chambre ajoutent d'importants éléments au projet de loi sans aller à l'encontre de son esprit et de son objet. Le projet de loi fait partie de ces rares mesures législatives qui ont profité de la collaboration et de l'entente de tous les partis à l'étape de l'étude en comité. J'exhorte tous les députés à mettre de côté la partisanerie pour appuyer l'enjeu non partisan qu'est la protection des océans.
Depuis février 2019, le comité de l’autre Chambre a examiné de nouveau le projet de loi C-55 et a entendu d’autres témoins et d’autres experts. Je remercie l’autre Chambre des efforts et de l’attention qu’elle a consacrés à cette importante proposition législative. Toutefois, ses amendements supplémentaires ne sont pas conformes à l’esprit du projet de loi C-55, qui prévoit l’application d’une protection provisoire en temps opportun.
Les consultations sont essentielles pour protéger efficacement les océans au Canada. La transparence dont nous ferons preuve pour l'application d'une protection provisoire sera la même que pour la désignation d'une zone de protection marine permanente.
Quelle est la pratique actuelle? Nous consultons les provinces, les territoires et les groupes autochtones et nous collaborons avec eux. Nous incluons des utilisateurs de ressources marines, comme des groupes de pêcheurs, des groupes aquacoles, les secteurs du pétrole, du gaz, des mines, du transport maritime et du tourisme et d'autres intervenants. Nous communiquons avec d'autres experts, comme des groupes environnementaux, des chercheurs et divers membres de la collectivité. Enfin, nous consultons aussi, bien entendu, le public.
Il s'agit d'une vaste collaboration, qui est établie à différentes étapes du processus. Nous formons des comités consultatifs avec nos partenaires, des groupes autochtones et des parties intéressées et touchées par la mesure afin de formuler des recommandations sur les travaux.
Nous menons des consultations d'entrée de jeu pour cibler une zone qui doit être protégée; pour recueillir de l'information sur l'importance écologique d'une zone marine sensible, sur les considérations socioéconomiques liées à la zone et sur toute activité actuelle ou prévue qui pourrait être une source de préoccupations; pour déterminer les limites initiales et les objectifs de conservation d'une zone en nous fondant sur les meilleures données scientifiques disponibles, y compris les connaissances locales et autochtones et une analyse des risques; pour développer une approche réglementaire et en étudier les avantages et les coûts, notamment une période d'observation du public de 30 jours où les règlements sont publiés au préalable dans la Partie I de la Gazette du Canada; et pour formuler de façon continue des commentaires sur l'élaboration du plan de gestion pour la zone.
En plus de cette vaste consultation, les zones de protection marine sont gérées conjointement avec des partenaires locaux dans le cadre d'une approche de gestion adaptative qui tient compte des plus récentes données scientifiques, socioéconomiques et culturelles.
Notre gouvernement est déterminé à respecter à la fois le principe de précaution et la nécessité d’analyse et de consultation scientifique continue. Notre engagement à l’égard de la science et de la consultation ne prend pas fin une fois que la protection provisoire est en place. Ces activités se poursuivraient pendant une période pouvant aller jusqu’à cinq ans dans le but d’établir une aire marine protégée permanente. Nous continuerons de consulter et d’améliorer notre compréhension scientifique de la région après sa création, dans le cadre de nos efforts continus de gestion.
Le projet de loi C-55 reflète l'engagement du gouvernement envers les droits des Autochtones et le respect de l'obligation de consulter et d'accommoder. Cette obligation est déjà prévue en common law. En outre, la Loi sur les océans et la directive du Cabinet sur la réglementation reconnaissent qu'il est important de consulter les organismes autochtones et de collaborer avec eux.
De plus, le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes a ajouté un amendement au projet de loi C-55 visant à réaffirmer que la désignation des zones de protection marine doit se faire d'une manière qui n'est pas incompatible avec quelque accord sur des revendications territoriales.
Le projet de loi C-55 en fera beaucoup pour assurer que nous, en tant que Canadiens, protégions nos écosystèmes marins. Maintenir la santé des océans est essentiel si nous voulons jouir des ressources et des écosystèmes marins précieux et uniques pendant encore des générations. Les Canadiens comptent sur nous pour la protection des océans.
Les efforts de protection marine que nous déployons visent à préserver les écosystèmes et les espèces afin que les ressources marines du Canada puissent continuer à soutenir des industries durables, les économies locales et les collectivités côtières. Avec le temps, les zones de protection marine du Canada s'inscriront dans un réseau mondial contribuant à la santé et à la durabilité des océans pour les prochaines générations.
De nombreux sénateurs ont exprimé leur appui à l’adoption de ce projet de loi le plus tôt possible. Toutefois, ici, à la Chambre, deux ans après le dépôt de ce projet de loi, malgré les amendements acceptés par tous les partis en comité, les conservateurs s’opposent toujours à ce projet de loi. C’est décevant, mais ce n’est pas surprenant, parce que si notre gouvernement et notre premier ministre ont un plan pour l’environnement, les conservateurs n’en ont aucun pour l’environnement et les changements climatiques.
Je crois que le projet de loi C-55 représente un pas important dans la bonne direction et je suis certain que tous les députés en conviendront. Le projet de loi C-55 a fait l'objet d'un examen parlementaire exhaustif et il a été débattu dans la sphère publique pendant près de deux ans. Il est maintenant temps d'agir. Grâce à des mesures de protection intérimaires, nous serons en mesure d'agir immédiatement afin de protéger les océans qui entourent le pays.