Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion d'intervenir au sujet du projet de loi -206, Loi modifiant le Code criminel concernant le mauvais traitement de personnes vulnérables.
J'aimerais d'abord remercier mon collègue de Yellowhead de nous avoir donné l'occasion de discuter de cette importante question sociale ainsi que de l'excellent travail qu'il accomplit dans sa circonscription et ici, à la Chambre des communes, depuis plusieurs années.
D'après ce que je comprends de cette question sociale complexe, il faudra une approche multidimensionnelle pour lutter efficacement contre l'exploitation et les traitements abusifs des aînés.
Le projet de loi C-206 propose de modifier l'alinéa 718.2a) du Code criminel afin d'ajouter à la liste des circonstances aggravantes les mauvais traitements infligés aux personnes âgées et aux adultes vulnérables qui sont à la charge d'autrui en raison d'une déficience mentale ou physique. L'objectif du projet de loi est de mieux protéger les aînés et les autres personnes vulnérables en imposant des peines plus sévères aux délinquants qui font subir des mauvais traitements à ce genre de victimes.
À l'heure actuelle, le Code criminel comprend un certain nombre d'infractions d'application générale qui offrent une protection égale à tous les Canadiens contre les comportements criminels abusifs. De plus, le Code criminel oblige le tribunal qui détermine la peine à tenir compte de toutes les circonstances aggravantes ou atténuantes relatives à l'infraction ou au délinquant. Il énumère explicitement des facteurs aggravants pouvant s'appliquer aux cas impliquant le mauvais traitement d'un aîné ou d'une personne vulnérable. Ces facteurs aggravants comprennent des éléments de preuves établissant que l'infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur des facteurs tels que l'âge ou la déficience mentale ou physique.
Ce dernier facteur aggravant a été édicté par le projet de loi C-36, Loi sur la protection des personnes aînées qui, essentiellement, a inscrit dans la loi les pratiques de common law relatives à la détermination de la peine, car les tribunaux étaient déjà tenus, par la jurisprudence, de tenir compte de l'incidence précise d'une infraction sur une victime donnée, eu égard à toutes les circonstances.
Puisque la loi en vigueur oblige déjà le tribunal qui détermine la peine à tenir compte de toutes les circonstances aggravantes ou atténuantes relativement à la commission de l'infraction et au délinquant, y compris le fait que l'infraction a eu une incidence considérable sur la victime, l'âge de la victime ou d'autres circonstances personnelles, dont, bien entendu, l'état de santé et la situation financière de la victime, je suis curieux de savoir à quelles situations actuellement non prévues par le Code criminel le député de Yellowhead s'imagine que la modification qu'il propose s'appliquerait.
Il faut reconnaître que les enquêtes et les poursuites en matière de crimes liés au mauvais traitement des aînés ou des personnes handicapées au Canada sont surtout menées par les provinces. Par conséquent, il serait peut-être judicieux de réfléchir aux incidences qu'aurait le projet de loi C-206 sur les provinces et notamment au risque d'une augmentation des différends concernant l'interprétation de la portée des circonstances aggravantes face à ce qui se trouve déjà dans le Code criminel.
Bien qu'il soit important de corriger les lacunes de la loi concernant la protection des aînés et des autres personnes vulnérables victimes de mauvais traitement, des solutions non législatives, comme des campagnes de sensibilisation sur les protections existantes dans la loi et des investissements dans les programmes et les services, sont d'autres mesures que le Parlement peut envisager. Les mesures non législatives permettent de cibler les facteurs socioéconomiques qui rendent ces personnes vulnérables à l'exploitation et aux mauvais traitements.
Je me souviens du témoignage de Mme Susan Eng, une représentante de l'Association canadienne des individus retraités, qui a comparu devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne au sujet du projet de loi C-36, Loi sur la protection des personnes aînées au Canada. Elle avait affirmé que les facteurs aggravants proposés dans le projet de loi constituent « simplement un aspect de la stratégie globale visant à prévenir la maltraitance des aînés, à la déceler et à favoriser son signalement, les enquêtes et les poursuites ».
Je suis d'accord avec Mme Eng. Je sais que le gouvernement fédéral a lancé un certain nombre d'initiatives non législatives pour répondre aux besoins des victimes dont il est question dans le projet de loi C-206 et prévenir leur maltraitance.
La Stratégie fédérale d'aide aux victimes, qui est dirigée par Justice Canada, vise à donner aux victimes une voix plus efficace dans le système de justice pénale. Par exemple, le Fonds d'aide aux victimes, qui est offert dans le cadre de la Stratégie fédérale d'aide aux victimes, est accessible aux gouvernements provinciaux et territoriaux et aux organisations non gouvernementales pour appuyer des projets qui répondent aux besoins des victimes et des survivants d'actes criminels dans le système de justice pénale. Je crois comprendre que le Fonds d'aide aux victimes peut appuyer des projets qui répondent aux besoins des victimes visées par le projet de loi C-206.
En 2016, le ministère de la Justice a lancé un appel aux organisations non gouvernementales pour qu'elles présentent des projets qui pourraient être subventionnés par le Fonds d'aide aux victimes et devront viser trois objectifs: contribuer à combler les insuffisances dans l'aide et les services offerts; sensibiliser la population; promouvoir la recherche qui favorise les victimes et les survivants d'actes criminels handicapés, notamment les personnes âgées handicapées. À l'heure actuelle, sept projets sont financés.
Au cours d'un projet, des chercheurs de l'Université de Toronto ont collaboré avec trois de ces organisations, Womenatthecentre, le Réseau d'action des femmes handicapées du Canada et Lésion Cérébrale Canada, dans le but de remédier aux lacunes dans les services offerts aux femmes qui ont survécu à un crime et qui sont devenues handicapées. Ce projet de recherche s'intéresse aux femmes qui ont été victimes de violence infligée par un partenaire intime et qui ont subi des lésions cérébrales permanentes et invalidantes. Les travaux de ces chercheurs ont mené à l'élaboration d'une trousse d'outils contenant du matériel éducatif sur la violence contre un partenaire intime. Cette trousse est destinée au personnel de première ligne qui vient en aide aux femmes ayant été victimes de ce type de violence et ayant subi des traumatismes crâniens.
L'Université de Toronto a également collaboré avec des organismes autochtones partout au Canada pour sensibiliser la population au problème des femmes qui ont survécu à un crime et qui sont devenues handicapées ainsi que pour développer une trousse d'outils adaptés au contexte autochtone.
Je sais également que dans le cadre de la Stratégie fédérale d'aide aux victimes, le ministère de la Justice organise des activités de sensibilisation pour fournir de l'information sur la maltraitance des aînés et pour soutenir les aînés qui ont subi de la violence.
En plus de célébrer la Journée internationale des personnes handicapées, le 3 décembre 2018, Justice Canada a organisé une séance d'information pour explorer diverses approches destinées à soutenir et à outiller les femmes victimes et les survivants handicapés, y compris les femmes âgées handicapées victimes de violence conjugale. Ces séances d'information s'adressent aux victimes, aux survivants, aux défenseurs des victimes, aux fournisseurs de services, aux agents de police et aux professionnels du droit.
Je suis également conscient du volet justice de l'Initiative fédérale de lutte contre la violence familiale, un programme qui est mené par l'Agence de santé publique du Canada et qui permet de financer des projets pour appuyer le développement de modèles, de stratégies et d'outils pour améliorer la réponse du système de justice pénale à la violence familiale, dont celle qui est faite aux aînés.
L'Initiative de lutte contre la violence familiale permet de s'atteler aux mauvais traitements que subissent les aînés en offrant des ressources au public. L'une de ces ressources est la brochure publiée par le ministère de la Justice sur son site Web et intitulée « La maltraitance des aînés est inacceptable ». La publication est destinée aux aînés qui pourraient souffrir de mauvais traitements de la part de leur entourage, que ce soit un partenaire intime, un conjoint, un membre de la famille ou un aidant naturel.
La sensibilisation de ces personnes vulnérables aux ressources disponibles de même que les investissements effectués dans les services et programmes destinés à satisfaire leurs besoins peuvent être extrêmement utiles pour faire diminuer ces formes d'abus et d'exploitation.
L'objectif de protection des aînés et d'autres personnes vulnérables revêt une grande importance, et j'ai hâte de connaître le point de vue d'autres députés alors que nous poursuivons l'exploration de toute la série d'enjeux qui découlent de l'étude du projet de loi C-206.