Monsieur le Président, je prends la parole aujourd’hui pour répondre à la motion du gouvernement concernant les amendements du Sénat au projet de loi C-48. Je suis heureuse d’avoir l’occasion de prendre la parole au sujet de la motion, mais ce que je n’apprécie pas, et ce que des millions de Canadiens n’apprécient pas, c’est d’être mise en face du projet de loi.
Je veux récapituler ce que signifie ce projet de loi.
D’abord, ce projet de loi a été créé par suite d’une directive figurant dans la lettre de mandat que le premier ministre a adressée au ministre des Transports en novembre 2015.
S’il est adopté, ce projet de loi imposera un moratoire sur les pétroliers le long de la côte nord-ouest de la Colombie-Britannique. La zone visée par le moratoire proposé s'étend de la frontière canado-américaine de l’Alaska jusqu’à la pointe nord de l’île de Vancouver.
Le projet de loi interdira aux pétroliers transportant du pétrole brut et des hydrocarbures persistants de s’arrêter, de charger et de décharger leur cargaison dans les ports ou les installations maritimes de la zone visée par le moratoire. Les navires transportant moins de 12 500 tonnes métriques de pétrole brut seront exemptés du moratoire.
À mon avis, ce projet de loi est une attaque ouverte et sournoise contre notre secteur pétrolier et gazier, un projet de loi anti-pipeline déguisé en projet de loi environnemental.
Les lois environnementales sont censées être fondées sur des données scientifiques. Le projet de loi C-48 ne l’est pas. Ce n’est pas la science, mais plutôt la politique et l’idéologie qui orientent ce projet de loi; l’idéologie libérale est aussi néfaste pour l’unité nationale que cynique.
Après avoir examiné le projet de loi, notamment en parcourant le pays pour entendre des témoins d’un océan à l’autre, le comité sénatorial des transports a recommandé qu’il ne soit pas adopté. Même si le Sénat dans son ensemble a sauvé le projet de loi C-48, le premier ministre aurait dû prendre bonne note de ces récriminations et retirer cette mesure législative anti-énergie.
Six premiers ministres provinciaux, dont le premier ministre Scott Moe, de ma province, la Saskatchewan, ont écrit une lettre ouverte au premier ministre pour lui faire part de leurs préoccupations légitimes au sujet des mesures législatives anti-pétrole et anti-énergie que le gouvernement libéral a fait adopter à Ottawa, en particulier les projets de loi C-69 et C-48.
Les premiers ministres ont expliqué les dommages que ces deux mesures législatives causeront à l’économie, mais surtout les dommages qu’elles ont causés et qu’elles continueront de causer à l’unité nationale.
Ces six premiers ministres n’ont pas voulu faire de menaces ou être malveillants, mais ils ont plutôt voulu dénoncer un sentiment réel et croissant d’aliénation, d’une ampleur jamais vue depuis que le père du premier ministre actuel était au pouvoir.
Au lieu d’écouter leurs préoccupations, le premier ministre s’en est pris aux premiers ministres provinciaux, les qualifiant d’irresponsables et les accusant de menacer l’unité nationale s’ils n’obtenaient pas ce qu’ils voulaient.
Les premiers ministres provinciaux ne menacent pas l’unité nationale. Cette accusation s’applique plutôt au programme radical, anti-scientifique et anti-énergie du premier ministre, mais il refuse d’écouter.
Puisque le premier ministre refuse de tenir compte des avertissements qui ont été formulés au sujet du projet de loi C-48 et du projet de loi C-69, je profite de l'occasion pour les lire à la Chambre:
Monsieur le Premier Ministre,
Nous vous écrivons au nom des gouvernements de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick, du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta et des Territoires du Nord-Ouest. Ensemble, ce territoire et ces cinq provinces représentent 59 % de la population canadienne et 63 % du PIB national. Nous sommes essentiels à l'économie et à la prospérité du Canada, alors nous estimons de la plus haute importance que vous teniez compte des réserves que nous avons au sujet des projets de loi C-69 et C-48.
Où qu'ils habitent, les Canadiens craignent les répercussions économiques qu'auraient ces mesures législatives si elles étaient adoptées dans la forme proposée par la Chambre des communes. Emploi, économie, investissements: les conséquences se feraient sentir d'un océan à l'autre. La compétence des provinces et des territoires doit être respectée. Or, ils sont les seuls à avoir compétence sur l'exploitation de leurs ressources non renouvelables et forestières et sur la production d'électricité. En faisant fi du pouvoir exclusif des provinces sur les projets d'exploitation de leurs ressources, le projet de loi C-69 rompt l'équilibre de la répartition constitutionnelle des pouvoirs. Le gouvernement fédéral doit reconnaître le rôle exclusif des provinces et des territoires dans la gestion et l'exploitation des ressources non renouvelables, faute de quoi il pourrait se retrouver avec une crise constitutionnelle sur les mains.
Dans sa forme d'origine, le projet de loi C-69 rendrait pour ainsi dire impossible le développement d'infrastructures essentielles au pays, privant du coup le Canada d'investissements dont il a pourtant bien besoin. Selon l'Institut C.D. Howe, en 2017 et 2018, la valeur prévue des investissements dans les grands projets canadiens du secteur des ressources naturelles a fondu de 100 millions de dollars, un montant équivalant à 4,5 % du produit intérieur brut du Canada. Pour protéger l'avenir économique du Canada, nous ne pouvons pas nous permettre, collectivement, d'ignorer l'incertitude et le risque qu'entraîne le projet de loi C-69 en ce qui concerne les investissements futurs.
Les cinq provinces et le territoire que nous représentons présentent un front uni pour exhorter fortement le gouvernement à accepter le projet de loi C-69 tel qu'amendé par le Sénat, afin de réduire au minimum les répercussions sur l'économie canadienne. Nous encourageons le gouvernement du Canada et tous les députés à accepter l'ensemble des amendements proposés au projet de loi. Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a tenu 38 jours d'audiences et entendu 277 témoins représentant les collectivités autochtones, l'industrie, les premiers ministres et des experts indépendants. À partir de ces témoignages complets, le Comité a recommandé d'importants amendements au projet de loi, amendements que le Sénat a globalement acceptés. Nous vous pressons de respecter ce processus, la compétence du Comité et le vote du Sénat.
Si les amendements du Sénat ne sont pas retenus, le projet de loi devrait être rejeté, car, dans sa forme actuelle, il présenterait des obstacles insurmontables à la construction de grands projets d'infrastructures dans tout le pays et mettrait en péril les emplois, la croissance et la confiance des investisseurs.
De la même façon, le projet de loi C-48 menace la confiance des investisseurs, et le moratoire relatif aux pétroliers est une forme de discrimination contre les produits dérivés du pétrole brut de l'Ouest. Nous avons été très déçus que le Sénat n'ait pas accepté la recommandation faite au Comité sénatorial des transports et des communications de ne pas faire de rapport sur le projet de loi. Nous exhortons le gouvernement à cesser de faire des pressions pour faire adopter ce projet de loi qui aura des effets délétères sur l'unité nationale et l'économie canadienne dans son ensemble.
Les gouvernements sont très inquiets du mépris dont fait preuve jusqu'à maintenant le gouvernement fédéral à l'égard des préoccupations que ces projets de loi suscitent dans les provinces et les territoires. Pour l'instant, le gouvernement fédéral semble indifférent aux difficultés économiques auxquelles sont confrontés les provinces et les territoires. Des mesures immédiates s'imposent pour peaufiner ou éliminer ces projets de loi afin de ne pas aliéner davantage les provinces, les territoires et leurs populations, et de s'employer à unir le pays pour appuyer sa prospérité économique.
Après avoir entendu la lettre lue de vive voix, le premier ministre reconnaîtra peut-être qu'elle ne contient aucune menace et qu'il s'agit plutôt d'un appel lancé par des dirigeants qui ont écouté leurs concitoyens. Le premier ministre doit comprendre que le simple fait de dire les choses plus fort ne va pas les faire disparaître. Les cris ne permettront pas de nourrir les enfants des travailleurs de la construction qui ont été mis à pied. Le fait de répéter constamment les mêmes rengaines ne paiera pas la facture de gaz au milieu de l'hiver.
Si c'était la seule mesure législative présentée par le gouvernement, on pourrait soutenir qu'il s'agit d'une réaction excessive. Toutefois, il s'agit non seulement d'un projet de loi, mais aussi d'une attaque politique ciblée, cynique et continue contre le secteur canadien des ressources. Le premier ministre a nommé au Cabinet de farouches opposants aux projets d'exploitation des sables bitumineux. En 2012, la députée qui occupe maintenant les fonctions de ministre des Institutions démocratiques a publié le gazouillis suivant: « Il est temps d'enclaver les sables bitumineux de l'Alberta. Demandons à la première ministre de la Colombie-Britannique @christyclarkbc de rejeter maintenant le pipeline d'#Enbridge! »
Par ailleurs, la présidente du Conseil du Trésor a déclaré publiquement que l'approbation du projet d'expansion du réseau Trans Mountain était profondément décevante et elle s'est réjouie lorsque le premier ministre a mis fin au projet de pipeline Northern Gateway. Je devrais faire une pause ici et souligner le burlesque qui entoure le projet Trans Mountain.
En 2016, le gouvernement a approuvé le projet TMX. Pourtant, on nous dit que le gouvernement décidera demain s'il doit l'approuver de nouveau. C'est comme si nous étions dans une nouvelle version épouvantable du Jour de la marmotte. Entretemps, le projet n'a pas avancé d'un pouce depuis que le gouvernement l'a nationalisé.
Cependant, le premier ministre n'a pas nommé des militants anti-pétrole seulement à son Cabinet, mais aussi à des postes de proches collaborateurs. Je cite ici un article qui a été publié le 14 mars dans le Financial Post:
Avant d'accéder au poste le plus important du Cabinet du premier ministre, Gerald Butts a été président et chef de la direction du Fonds mondial pour la nature Canada de 2008 à 2012 [...] un partenaire important de la campagne Tides. M. Butts allait se servir de sa nouvelle position de force pour amener d'anciens compagnons d'armes avec lui: Marlo Reynolds, le chef de cabinet de la ministre de l'Environnement [...] a déjà été directeur général de l'Institut Pembina, qui a des liens avec Tides; Zoë Caron, la chef de cabinet du ministre des Ressources naturelles [...] a déjà été représentante de la section canadienne du Fonds mondial pour la nature; et Sarah Goodman, la directrice des politiques du Cabinet du premier ministre, a déjà été vice-présidente de Tides Canada. Avec ces militants anti-pétrole à l'épicentre du pouvoir fédéral, il n'est pas étonnant que l'industrie pétrolière et des centaines de milliers de travailleurs aient sombré dans le purgatoire politique et stratégique.
Pourquoi s'en étonner? Le premier ministre n'est pas un allié de l'industrie des sables bitumineux. Il a déclaré qu'il veut en éliminer progressivement l'exploitation. Pendant la campagne électorale, il a clamé haut et fort: « Si je suis élu premier ministre, l'oléoduc Northern Gateway ne verra pas le jour. »
Le premier ministre a passé son temps au pouvoir à tenter de faire exactement cela. Il a été prêt à empiéter non seulement sur les droits des provinces, mais aussi sur ceux des peuples autochtones pour obtenir ce qu'il voulait. Quand il a eu recours à un décret pour annuler la construction de l'oléoduc Northern Gateway, il a dépouillé 30 Premières Nations de leur avenir en leur enlevant la possibilité de tirer grand profit du projet. La bande autochtone des Laxkw'alaams a intenté une action en justice contre ce projet de loi, car celui-ci empiète injustement sur leurs droits et leurs titres.
Le projet de loi C-48 empêchera la construction de l'oléoduc Eagle Spirit, qui appartiendrait aux Premières Nations et qui serait exploité par elles, car la voie à suivre pour se rendre jusqu'à la côte aboutit dans une zone où il interdit la circulation des pétroliers. Il a été élaboré sans n’avoir aucunement consulté les collectivités autochtones. Encore une fois, cela ne devrait surprendre personne.
Pas plus tard que la semaine dernière, j'ai pris la parole contre un autre projet de loi anti-énergie, le projet de loi C-88. Comme je l'ai dit alors, le projet de loi C-88 tourne en dérision la prétention du gouvernement de vouloir consulter sérieusement les peuples inuits et autochtones. Sans avoir consulté les peuples inuits ou les gouvernements territoriaux, le premier ministre a annoncé unilatéralement une interdiction d'une durée de cinq ans visant l'exploitation pétrolière et gazière extracôtière. Non seulement le premier ministre a-t-il refusé de consulter les premiers ministres territoriaux, mais il leur a donné moins d'une heure de préavis avant de faire cette annonce.
Cela ressemble-t-il à un premier ministre qui veut consulter et écouter les Canadiens autochtones et collaborer avec eux? Cela reflète-t-il la déclaration du premier ministre selon laquelle la relation entre le gouvernement et les peuples autochtones est la plus importante pour lui, ou bien cela ressemble-t-il plutôt à un premier ministre qui dit ce qu'il croit que les gens veulent entendre, mais qui fait exactement l'inverse, en leur imposant sa propre volonté? S'il avait mené des consultations, voici ce qu'il aurait entendu:
Le ministre Wally Schumann, des Territoires-du-Nord-Ouest, a dit ceci sur la façon dont son gouvernement avait pris connaissance de l'interdiction et sur les répercussions qu'elle aura sur le Nord:
Initialement, lorsqu'il a été mis en place, nous n'avons pas vraiment reçu un préavis concernant toute la question du moratoire et du potentiel dans la mer de Beaufort. Il y avait des millions et des millions — peut-être des milliards — de dollars de dépôts de soumission et de baux fonciers là-haut. Le moratoire a éliminé tout espoir que nous avions de mettre en valeur la mer de Beaufort.
Quant au conseiller Jackie Jacobson, de Tuktoyaktuk, voici ce qu'il a déclaré:
Il est si facile, assis ici, de juger les gens qui vivent à 3 500 kilomètres et de prendre des décisions en leur nom, particulièrement en ce qui concerne le moratoire imposé dans la mer de Beaufort. Ce moratoire devrait être levé, merci beaucoup. Cela permettrait de reprendre les activités et de donner des emplois, de la formation et tout ce que nous voulons à notre population.
Pour terminer, voici ce qu'a affirmé le premier ministre du Nunavut, Peter Taptuna: « Nous voulons en arriver à prendre nos propres décisions et à définir nos propres priorités. Pour ce faire, il faut tirer des recettes substantielles de l'exploitation des ressources naturelles. »
La présidence me fait signe que mon temps de parole est écoulé. Je suppose que je pourrai poursuivre plus tard.