Madame la Présidente, je partagerai mon temps de parole avec la députée de Pickering—Uxbridge.
Je suis heureux de contribuer au débat d'aujourd'hui à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel, qui vise à garantir que tout juge de cour supérieure provinciale nouvellement nommé suive une formation continue sur le droit relatif aux agressions sexuelles et le contexte social.
De plus, il exigera du Conseil canadien de la magistrature qu'il fasse rapport de la participation des juges de cour supérieure à la formation sur le droit relatif aux agressions sexuelles. Enfin, le projet de loi obligera aussi les juges à motiver leurs décisions, par écrit ou en portant les motifs dans le procès-verbal des débats, lors des procès pour agression sexuelle.
Aujourd'hui, je tiens à axer mes observations sur les difficultés qu'éprouve le système de justice pénale pour répondre aux agressions sexuelles au Canada. Qui plus est, je tiens à expliquer comment le projet de loi C-3 vise à régler ces problèmes en s'appuyant sur les récentes mesures prises par le gouvernement.
Les agressions sexuelles sont un crime sexospécifique. Les femmes sont presque quatre fois plus susceptibles d'être agressées sexuellement que les hommes. Selon Statistique Canada, 30 % des femmes au Canada ont été agressées sexuellement au moins une fois depuis l'âge de 15 ans, contre 8 % des hommes. Par conséquent, 4,7 millions de femmes et 1,2 million d'hommes ont été victimes d'une agression sexuelle.
On estime que seulement 5 % des agressions sexuelles sont signalées à la police. En 2017, seulement 32 % des accusations d'agression sexuelle ont donné lieu à un procès, et seulement 41 % d'entre elles ont mené à une condamnation. Autrement dit, moins de 2 % des agressions sexuelles perpétrées au Canada en 2017 ont abouti à une condamnation. J'aimerais souligner que ce chiffre est probablement beaucoup plus bas.
Il a été estimé qu'en 2018, seulement 35 % des cas d'agression sexuelle signalés ont donné lieu à des accusations. Si on applique ce chiffre aux données de 2017, cela signifie que seulement 0,23 % des agressions sexuelles au Canada aboutissent à une condamnation. Ces données brossent un portrait sombre de la situation et illustrent bien les obstacles que rencontre le système de justice pénale en ce qui concerne les cas d'agression sexuelle.
Au cours des dernières années, le gouvernement a apporté des changements importants aux dispositions relatives aux agressions sexuelles. Ces réformes visaient à renforcer les droits des plaignants en matière d'égalité, de vie privée et de sécurité en contrant les mythes et les stéréotypes qui persistent dans le système de justice pénale, tout en tenant compte des droits des accusés, conformément à la jurisprudence pertinente de la Cour suprême du Canada. Ces mythes comprennent d'intimes convictions concernant la réaction des « vraies victimes » aux agressions sexuelles et des mythes sur la fiabilité du témoignage des femmes lorsqu'elles portent plainte pour agression sexuelle.
En juin 2017, le gouvernement a lancé son plan d'action pour lutter contre la violence fondée sur le sexe, intitulé « Il est temps: la stratégie du Canada pour prévenir et contrer la violence fondée sur le sexe ». Il s'agit d'une stratégie multisectorielle coordonnée qui repose sur trois piliers, soit la prévention, le soutien aux personnes survivantes et à leur famille et la promotion d'un système juridique et judiciaire adapté. Le gouvernement a investi des sommes substantielles pour appuyer la mise en œuvre de cette initiative pangouvernementale qui a pour objectif de lutter contre la violence fondée sur le sexe, de coordonner des programmes existants et de jeter les bases d'une série de mesures de plus grande envergure.
De plus, avec le projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi, qui a reçu la sanction royale en 2018, nous avons modifié le Code criminel afin de clarifier et de renforcer les dispositions législatives canadiennes sur les agressions sexuelles.
Ainsi, ces modifications précisent qu'une personne inconsciente est incapable de consentir à une activité sexuelle; qu'un accusé ne peut compter sur la défense de croyance erronée au consentement lorsqu'il n'y a aucune preuve que l'accord volontaire du plaignant a été manifesté de façon explicite; que les antécédents sexuels d'une personne ne doivent jamais être invoqués pour appuyer l'un ou l'autre de deux mythes, à savoir que, d'après la nature sexuelle de la preuve, le plaignant est plus susceptible d'avoir consenti ou moins digne de foi; et que l'admissibilité aux dossiers privés du plaignant que l'accusé a en sa possession, comme des dossiers de consultation ou des journaux intimes, est déterminée selon un régime semblable à celui qui est employé pour déterminer l'admissibilité de la preuve sur les antécédents sexuels et la communication de dossiers de tiers.
Qui plus est, le gouvernement a financé la création de programmes pilotes dans différentes provinces permettant aux survivants d'une agression sexuelle d'obtenir des avis juridiques indépendants et, dans certains cas, les services d'un avocat. Terre-Neuve-et-Labrador, la Saskatchewan, la Nouvelle-Écosse, l'Ontario et le Yukon indiquent que ces programmes ont été utiles aux survivants. Le gouvernement a en outre accordé du financement à l'Institut national de la magistrature pour l'élaboration de matériel de formation des juges sur la violence fondée sur le sexe, y compris les agressions sexuelles.
Enfin, grâce à l'ancien projet de loi C-75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d'autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, qui a reçu la sanction royale en juin 2019, nous avons limité la possibilité de tenir une enquête préliminaire seulement dans le cas des infractions passibles d’un emprisonnement de 14 ans ou plus. Cela signifie que de nombreux plaignants n'auront plus à présenter deux témoignages, un durant l'enquête préliminaire, et un autre lors du procès. Nous sommes conscients que le fait d'être appelés à témoigner en cour constitue souvent une expérience pénible, car les victimes sont forcées de revivre le traumatisme qu'elles ont subi.
Ainsi, le système de justice pénale a évolué et il est devenu plus humain envers les victimes d'agression sexuelle. Bien que nous ayons accompli d'importants progrès ces dernières années, nous devons poursuivre nos efforts pour veiller à ce que les victimes d'agression sexuelle soient traitées avec respect et dignité lors de leurs interactions avec des intervenants du système de justice pénale. Il est impératif que les juges reçoivent une formation adéquate sur le droit relatif aux agressions sexuelles, ainsi que sur les mythes et les stéréotypes trop souvent associés aux agressions sexuelles. Le projet de loi C-3 vise à faire en sorte que les décisions prises en matière d'agressions sexuelles ne soient pas influencées par des mythes ou des stéréotypes au sujet des victimes d'agression sexuelle et de leurs comportements allégués. En effet, la Cour suprême du Canada a statué que ces mythes et ces stéréotypes déforment le rôle de recherche de la vérité qui lui est confié.
Grâce à ce projet de loi, nous espérons que le public et les survivants fassent davantage confiance au système de justice pénale dans le traitement des affaires d'agression sexuelle. Voilà pourquoi le projet de loi exige que les personnes souhaitant être nommées juges d’une juridiction supérieure d’une province s’engagent à suivre une formation continue portant sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et au contexte social, et que les motifs des décisions soient portés dans les procès-verbaux des débats ou donnés par écrit.
En exigeant que les candidats à la magistrature s'engagent à suivre une formation continue, on s'assurerait que les juges des cours supérieures provinciales nouvellement nommés saisissent pleinement la complexité du droit relatif aux agressions sexuelles. Le projet de loi C-3 exige également du Conseil canadien de la magistrature qu'il élabore la formation en consultation avec des personnes ayant survécu à une agression sexuelle, des groupes qui les appuient, et d'autres personnes ou groupes que le Conseil estime indiqués.
Le Conseil canadien de la magistrature doit aussi faire rapport de la participation de tous les juges des cours supérieures à la formation sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles. La magistrature gagnera ainsi en responsabilité et cela encouragera les juges des cours supérieures à y participer.
La disposition du projet de loi C-3 qui exigerait des juges qu'ils expliquent leurs motifs dans les affaires d'agression sexuelle serait ajoutée à la partie VIII du Code criminel avec les autres dispositions sur les agressions sexuelles afin que toutes les dispositions relatives aux agressions sexuelles soient regroupées ensemble et puissent être consultées aisément par les personnes chargées de les faire appliquer. Essentiellement, cette disposition créerait un mini code criminel sur les agressions sexuelles au sein du Code criminel de façon à empêcher une mauvaise application des dispositions législatives liées aux agressions sexuelles. Elle rendra en outre plus transparentes les décisions dans les affaires d'agression sexuelle, car il est toujours plus facile de se reporter à une chose quand elle a été écrite et consignée.
L'amélioration du traitement réservé aux affaires d'agression sexuelle dans l'appareil de justice transcende les questions de politique partisane, puisque la première fois que la Chambre a été saisie de cette mesure législative, il s'agissait du projet de loi d'initiative parlementaire de l'ex-chef par intérim du Parti conservateur, Rona Ambrose. Ce projet de loi renforcera la confiance des personnes qui ont survécu à une agression sexuelle et du public dans l'appareil de justice pénale. Nous devons tous faire notre part si nous voulons que ce dernier soit plus juste, plus efficace et plus accessible et qu'il serve les intérêts de l'ensemble des Canadiens. J'invite les députés à l'appuyer.