Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-12, Loi concernant la transparence et la responsabilité du Canada dans le cadre de ses efforts pour atteindre la carboneutralité en 2050, selon son titre officiel. Je préfère l’appeler la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de changement climatique.
Je suis vraiment très heureux, parce que c’est le projet de loi que j’attends depuis que j’ai été élu, il y a un peu plus de cinq ans. En matière de responsabilité, je trouve que le projet de loi ne va pas assez loin, et je reviendrai là-dessus, mais c’est en tout cas un bon point de départ. Nous aurons l’occasion de présenter des amendements en comité pour le renforcer.
Le projet de loi exige que le ministre de l’Environnement et du Changement climatique fixe des cibles pour les émissions de gaz à effet de serre à partir de 2030 jusqu’à 2050, date à laquelle nous sommes censés être carboneutres. Je dirai d’emblée que c’est à mon avis le plus gros défaut du projet de loi. Les scientifiques nous disent que la prochaine décennie, c’est-à-dire jusqu’à 2030, va être déterminante en matière de lutte contre le changement climatique. Il faut donc dès maintenant se montrer audacieux et cesser de tergiverser.
Pourquoi n’y a-t-il pas de cible pour 2025? Les libéraux, qui sont au pouvoir depuis cinq ans, ne cessent de nous parler de lutte contre le changement climatique, mais nous n’avons toujours pas réduit nos émissions de gaz à effet de serre. En cinq ans, ils auraient pu au moins fixer une cible pour 2025. C’est ma critique numéro un à l’égard du projet de loi. Nous avons besoin d’une cible pour 2025.
Nous avons aussi besoin d’un commissaire indépendant dont la seule tâche sera de mesurer l’action du gouvernement et ses résultats. Le commissaire à l’environnement a d’autres dossiers à régler et il n’a déjà pas assez d’argent pour le faire.
L’organisme consultatif qui est prévu dans ce projet de loi devrait avoir pour rôle de définir des cibles, et ces cibles ne devraient pas être fixées en fonction de ce que le gouvernement juge faisable sans trop remuer les choses. Ce devrait être des cibles fondées sur des données scientifiques et sur ce que nous devons faire.
L’autre raison pour laquelle je me réjouis que ce projet de loi ait finalement été déposé, c’est que Jack Layton en avait proposé un semblable en 2006. Eh oui, il y a 14 ans. Ce projet de loi avait été adopté à la Chambre des communes, parce que nous avions à l’époque un gouvernement minoritaire. Les gens s’imaginent souvent que les gouvernements minoritaires ne font rien, mais le fait est que la plupart des mesures positives et durables qui aient été prises par un gouvernement canadien l’ont été par un gouvernement minoritaire. C’est une raison de plus pour inclure la représentation proportionnelle dans notre système électoral, comme ils le font en Nouvelle-Zélande et dans bien d’autres pays, mais je m’éloigne du sujet.
Malheureusement, le projet de loi de Jack a été rejeté par les conservateurs au Sénat, ce qui illustre encore une fois l’action antidémocratique de cette institution non élue. J’ai subi le même sort lorsque mon projet de loi d’initiative parlementaire a été rejeté au Sénat l’an dernier, comme beaucoup d’autres, parce qu’une poignée de sénateurs conservateurs avaient décidé de bloquer le projet de loi de Romeo Saganash sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Heureusement, j’entends dire qu’il est question de modifier les règles du Sénat pour empêcher que des projets de loi d’initiative parlementaire soient arbitrairement bloqués par quelques sénateurs non élus, mais encore une fois, je m’éloigne du sujet.
Je me suis présenté aux élections il y a cinq ans parce que des amis et des collègues m’ont dit que, selon eux, il fallait plus de scientifiques à la Chambre des communes. C’est véritablement un honneur et un privilège d’être ici. Quand le Canada a participé aux pourparlers de Paris en 2015, peu après les élections, j’étais fier des engagements que nous avons pris. Cependant, j’ai été très déçu le printemps suivant quand les députés ont littéralement reçu pour instruction du gouvernement libéral de retourner dans leurs circonscriptions afin de déterminer ce que nous devions faire pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.
Nous savions ce que nous devions faire. Nous avions une longue liste de mesures nécessaires pour décarboniser nos réseaux énergétiques, électrifier nos transports, rénover nos bâtiments pour les rendre éconergétiques, et ainsi de suite. Nous savions que nous avions très peu de temps pour le faire. Mais on nous a dit de passer six mois ou plus à parler avec nos concitoyens. C’est ce que j’ai fait. J’ai organisé des assemblées publiques sur les changements climatiques. Il en est généralement ressorti que nous devions nous mettre au travail. Les Canadiens voulaient savoir pourquoi nous leur posions la question, puisque nous savions ce que nous avions à faire, et ils nous disaient de faire notre travail.
Je ne passerai pas en revue la liste des engagements passés et des promesses non tenues des gouvernements libéraux et conservateurs en matière de lutte contre les changements climatiques. Il est évident que même les meilleures intentions ne suffisent pas quand les choses se corsent. Ce à quoi le gouvernement libéral s’est engagé à Paris, c’est à utiliser la cible en matière de climat de Stephen Harper, qui était de ramener les émissions à 511 mégatonnes d’ici 2030. Quand il a pris cet engagement, nos émissions étaient de 720 mégatonnes. En 2018, trois ans plus tard, elles étaient passées à 729 mégatonnes. Nous allons dans la mauvaise direction.
Les conservateurs donnent souvent l’excuse que le Canada ne devrait pas prendre de mesures pour lutter contre les changements climatiques parce que c’est un petit pays par sa population et que d’autres pays polluent beaucoup plus.
Or, nous sommes le pire producteur d’émissions de gaz à effet de serre par habitant, et le reste du monde prend note de ce que le Canada fait ou ne fait pas.
Il y a deux ans environ, je suis allé en Argentine avec le ministre des Ressources naturelles de l’époque pour une réunion du G20 sur l’énergie. La réunion avait pour thème les transitions énergétiques vers un système plus propre, plus souple et plus transparent. J’ai été impressionné par les exposés de pays comme l’Allemagne, le Japon, le Royaume-Uni et la Chine. Ils parlaient de mesures ambitieuses sur les dix prochaines années.
Le ministre britannique, en particulier, avait une façon mémorable de résumer les mesures de son pays. Premièrement, il fallait passer à l’action, autrement dit, inscrire les objectifs dans la loi et prévoir des mesures de responsabilisation. Nous avons enfin ce genre de mesures ici. Deuxièmement, il fallait prêcher par l’exemple et investir beaucoup, maintenant, dans la transition écologique. Enfin, il fallait s'organiser pour avoir le beurre et l’argent du beurre, autrement dit, profiter des bons emplois créés par ces investissements.
Qu’a dit le Canada à cette réunion? Notre ministre des Ressources naturelles a pris la parole pour dire à ses homologues qu’ils savaient probablement que nous venions d’acheter un pipeline, et il a passé le reste de son temps de parole à expliquer pourquoi c’était nécessaire, ce qui avait quelque chose d’orwellien. On pouvait presque entendre les gens dans la salle se couvrir le visage avec les mains. Si nous n’avons pas été les plus médiocres à cette réunion du G20, c’est parce que les Américains, également présents, y ont parlé de charbon propre.
Nous avons appris cette semaine par la Régie de l’énergie du Canada que ces pipelines, le projet d'expansion du pipeline Trans Mountain, ne seront pas nécessaires, pas plus que le pipeline Keystone XL. Il se trouve que si nous voulons vraiment atteindre nos objectifs en matière de climat, ce que le projet de loi tend à montrer, nous n’aurons besoin d’aucun de ces projets pour exporter notre pétrole.
Beaucoup d’aspects du projet de loi me plaisent, en plus du fait que le gouvernement admet que les politiciens ont du mal à tenir des promesses sans la surveillance d’un organisme extérieur capable de les sanctionner. Les libéraux reconnaissent noir sur blanc que nous devons limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 degré Celsius. Or, nous y sommes presque, ce qui veut dire que nous devons agir vite. Le projet de loi mentionne la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, première étape incontournable de toute transition vers un avenir axé sur l'énergie propre.
Le premier ministre a déclaré récemment, à propos de l’absence de cible pour 2025, qu’en fin de compte, ce sont les Canadiens qui demanderont des comptes au gouvernement pour ses mesures ou pour son inaction. Ce ne sont pas là les paroles d’un chef de file en matière de climat, mais celles d’un suiveur.
Nous appuierons le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, mais les libéraux doivent travailler avec nous pour renforcer les dispositions relatives à la responsabilité en établissant une cible pour 2025 et en nommant un commissaire plus indépendant dédié à cette tâche. Les Canadiens n’attendent rien de moins, et pas seulement les Canadiens. Rappelons-nous que le monde regarde et s’attend à ce que le Canada fasse ce qui s’impose. Ma petite-fille en Nouvelle-Zélande nous remerciera.