Madame la Présidente, les conservateurs veulent parler d'un rapport sur la sécurité alimentaire au sein de la fédération que le Comité permanent des comptes publics a étudié il y a près de deux ans. Bien que les conservateurs aient probablement des idées douteuses derrière leurs intentions, moi, au contraire des gens ici qui aiment faire une joute partisane et des partis canadiens qui s'obstinent depuis tout à l'heure, je suis contente de parler de sécurité alimentaire. En effet, même si ce un rapport a été fait il y a près de deux ans, c'est encore un sujet d'actualité.
Oui, dans un pays du G7 qui est censé se respecter, il y a encore des gros problèmes de sécurité alimentaire aujourd'hui même, au Québec et au Canada.
Sans surprise, ce rapport révélait des lacunes sur un aspect fondamental de la mission d'un État qui se respecte: éviter que ses habitants manquent de nourriture. Ce n'est pas un hasard si la base de la pyramide de Maslow repose justement sur une alimentation suffisante. Je sais que ma collègue de Beauport—Limoilou va être très contente que je parle de la pyramide de Maslow.
Ce n'est pas non plus un hasard si les émeutes de la faim ont renversé bien des monarchies dans un passé pas si lointain. Non pas que nous souhaitions préserver la monarchie du Canada, mais la sécurité alimentaire passe avant tout.
Étudions ensemble ce que nous dit ce rapport et, surtout, ce qu'il nous apprend sur la manière libérale de gouverner. Regardons les constats de la vérificatrice générale.
Premièrement, en 2009, le gouvernement avait désigné que l'alimentation était un secteur d'infrastructures essentielles. C'était écrit depuis 2009. Pourtant, la vérificatrice générale a constaté ceci:
[...] le gouvernement n'avait pas établi de plan national de préparation et d'intervention en cas d'urgence en prévision d'une crise qui toucherait l'ensemble du système alimentaire et la sécurité alimentaire de la population canadienne.
La pandémie a eu lieu en 2020. En 2009, la sécurité alimentaire était déterminée comme quelque chose de super important. Onze ans plus tard, il n'y a pas de plan, il n'y a rien pour préparer l'État en temps de crise.
Deuxièmement, la vérificatrice générale a constaté ceci:
[...] même si l'analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) et le développement durable ont été pris en considération pour concevoir chaque programme, les ministères et organismes responsables ne parvenaient pas toujours à évaluer les résultats liés au genre et à la diversité, et que la contribution des programmes au développement durable n'était pas toujours claire.
N'est-ce pas de nouveau une surprise? On voit en temps de crise ce qui est important pour le gouvernement. Ce qu'on comprend de cela, c'est que ce n'est ni le développement durable, ni les femmes, ni les minorités visibles, ni les minorités sexuelles. Je dis bravo.
Troisièmement, la vérificatrice générale a constaté ceci:
[...] les ministères et les organismes responsables avaient plusieurs contrôles de suivi pour la mise en œuvre des programmes alimentaires d'urgence et s'assuraient que les fonds étaient dépensés de la manière indiquée. Toutefois, [la vérificatrice générale] a relevé des incohérences dans la conception des programmes, ce qui a donné lieu à un traitement inéquitable des demandeurs et des bénéficiaires d'une région à une autre.
Cela, je vais y revenir.
Quand la pandémie a frappé, le gouvernement a décidé d'agir en ce qui a trait à la sécurité alimentaire. On était alors en crise. Pour ce faire, le gouvernement a créé un fonds d'urgence avec différents programmes pour pallier la sécurité alimentaire partout sur le territoire. Or, des critères avaient été établis pour dépenser cet argent, surtout pour les organismes receveurs de cet argent. Ce n'est pas une surprise, certains organismes ne correspondaient pas aux critères. Pourtant, ils ont quand même reçu de l'argent du gouvernement. Pourquoi? Parce qu'on était en crise et qu'il fallait rapidement donner de l'argent, disait-on. Cependant, ce n'est pas cela: on voit que le gouvernement fait la même chose avec Boeing.
Quatrièmement, la vérificatrice générale a aussi constaté ceci:
[...] chaque programme avait contribué à atténuer certains effets de la pandémie de COVID‑19 sur des éléments du système alimentaire canadien. Toutefois, en raison de lacunes dans leurs modalités de collecte d'informations, les ministères et les organismes responsables n'ont pas pu montrer qu'ils avaient réalisé leurs objectifs par rapport à tous les résultats qu'ils prévoyaient atteindre pour réduire l'insécurité alimentaire ou pour favoriser la résilience des entreprises de transformation du secteur agricole et agroalimentaire et du secteur du poisson et des fruits de mer.
Ce qu'on apprend, c'est que, de nouveau, il n'y avait absolument aucun mécanisme de suivi pour savoir si les organismes qui ont reçu parfois des centaines de millions de dollars avaient, oui ou non, réalisé leurs objectifs. C'est génial. C'est franchement fantastique.
Revenons à la question des organismes choisis pour ces fonds d'urgence et à la sécurité alimentaire. L'organisme qui devait couvrir la belle nation québécoise ne correspondait pas aux critères. C'était La tablée des chefs. Le ministère a invité les organisations à soumettre une demande pour le financement disponible plutôt que de fonctionner par appel d'offres ouvert à tous. Cela ne sonne-t-il pas une cloche par rapport à ce qui s'est passé cette semaine, le fait qu'il n'y ait pas d'appel d'offres à tous? Cela ne dit rien à personne? C'est drôle, moi, cela me dit quelque chose. Encore une fois, je pense à Boeing.
La raison invoquée par le ministère, que j’ai questionné à ce sujet, est qu'il s'agit d'organisations établies qui ont des réseaux importants couvrant l’ensemble du Canada et qui sont financièrement robustes. La première chose que nous voyons en ouvrant les états financiers de cet organisme, c’est qu'il a reçu de l’argent du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes. Peut-on parler de robustesse financière? Je ne crois pas. Quels étaient donc ces fameux critères pour octroyer des centaines de millions de dollars en fonds d’urgence? C’est difficile à concevoir. Comment est-ce possible de recevoir de l’aide d’urgence et de participer à un programme d’une telle envergure en même temps?
Encore une fois, manque de surprise: cela va exactement dans les habitudes du gouvernement libéral. Quand le gouvernement libéral octroie 9 milliards de dollars sans appel d’offres, il dit que la décision n’est pas prise, que ce n’est pas très clair. Pourtant, c’est ce qu’il fait. Il délaisse encore une fois, en temps de crise ou de nécessité, ce qu'il considère comme n’étant pas important. Cette fois-ci, c’est l’économie du Québec qui est visiblement laissée pour compte par rapport à un arrangement avec une compagnie américaine, sans appel d'offres, tout comme on le voit dans ce rapport.
Comme je l’ai dit tout à l’heure, l’insécurité alimentaire est toujours présente, crise après crise. Je ne sais pas combien de temps il va falloir au gouvernement pour réaliser que, la sécurité alimentaire, c’est effectivement un sujet important. En ce moment, on a dépassé la crise de la pandémie, soit, mais on est dans une crise inflationniste. En lisant ce que la vérificatrice générale du Canada avait écrit dans son rapport en 2021, on peut voir que cela n’a pas beaucoup changé, malheureusement.
Voici ce que nous dit la vérificatrice générale:
Selon une étude effectuée en mai 2020 par Statistique Canada [on ne peut pas contester les chiffres, n'est-ce pas?], le taux d’insécurité alimentaire au sein de la population canadienne a augmenté pendant la pandémie de COVID‑19: alors qu’il était de 10,5 % (près de 3,1 millions de personnes) selon une enquête de 2017‑2018, ce taux a atteint 14,6 % (près de 4,4 millions de personnes) en mai 2020. L’étude a aussi révélé que le taux d’insécurité alimentaire était encore plus élevé chez les ménages avec des enfants, s’élevant à 19,2 % [soit presque un ménage sur cinq], et qu’il atteignait 28,4 % chez les personnes absentes du travail en raison d’une fermeture d’entreprise, d’une mise à pied ou de circonstances personnelles attribuables à la pandémie.
Que constate-t-on? La situation est pratiquement la même actuellement. Cette année, qui est celle de la hausse fulgurante des prix des besoins de base, le gouvernement libéral a simplement laissé le cours économique normal prendre le dessus, sans intervenir de manière concrète. Pensons à l’augmentation des produits alimentaires, qui frôle les 10 %. Résultat: 1 Canadien sur 5 réduit la taille de ses repas et 1 Québécois sur 10 a recours aux services de banques alimentaires. Encore une fois, ce rapport date de 2021, avec des chiffres de 2020. En 2023, à l’aube de 2024 et avant les Fêtes, on parle encore d’insécurité alimentaire, on parle de banques alimentaires. C'est 1 Québécois sur 10 qui y a recours.
Quatre ans plus tard, sans investissement fait sur ce plan, le gouvernement devrait peut-être potentiellement penser à continuer de réfléchir et, je le cite, « à avancer et à agir ». En 2019, les libéraux s’engageaient à instaurer un programme national d’alimentation à l’école. C’étaient des promesses. Nous avons vu des crises, mais il n’y a toujours rien quatre ans plus tard. Il n’y a pas de programme alimentaire national pour que les enfants puissent aller à l’école avec le ventre plein afin de pouvoir apprendre. La seule chose qu’on leur demande, c’est d’aller à l’école. Ils y vont avec le ventre vide, et c’est inacceptable dans un pays qui se respecte.
Alors que des enfants vont à l’école le ventre vide, que leurs parents ne savent pas comment ils paieront la prochaine épicerie, et que la précarité alimentaire progresse au Canada, qu’apprenons-nous? Nous apprenons que ce gouvernement s’amuse encore à établir des normes fédérales qui ignorent toutes les particularités locales et que, après des années de délai, il n’est toujours pas capable d’assurer à ses citoyens un minimum de sécurité alimentaire en cas de catastrophe. Les libéraux n’ont même pas pensé à inclure les Premières Nations dans leurs démarches, alors qu’il est évident que les communautés isolées seront les premières victimes d’une perturbation majeure dans l’approvisionnement alimentaire.
Combien de crises faudra-t-il encore pour que ce gouvernement commence enfin à prévoir l’avenir?