propose:
Que la Chambre: a) constate que les aînés ont été les plus directement affectés par la pandémie de COVID-19; b) rappelle que trop d’aînés vivent dans la précarité financière; c) souligne la dette collective que nous avons à l’égard de celles et ceux qui ont bâti tant le Québec que le Canada; d) demande au gouvernement d’augmenter dès le prochain budget la pension de la Sécurité de vieillesse de 110 $ par mois pour les 65 ans et plus.
— Monsieur le Président, je partagerai mon temps avec l'honorable députée de Thérèse-De Blainville.
C'est avec beaucoup d'émotion que je prends la parole aujourd'hui sur la motion du Bloc québécois en cette journée de l'opposition. Nous souhaitons que la Chambre: « a) constate que les aînés ont été les plus directement affectés par la pandémie de COVID-19; b) rappelle que trop d’aînés vivent dans la précarité financière; c) souligne la dette collective que nous avons à l’égard de celles et ceux qui ont bâti tant le Québec que le Canada; d) demande au gouvernement d’augmenter dès le prochain budget la pension de la Sécurité de vieillesse de 110 $ par mois pour les 65 ans et plus. »
Je vous rappelle que si j'aborde le sujet avec tant de conviction ce matin, c'est qu'avant d'être élue, j'ai travaillé pendant plus de deux ans comme chargée de projets sur la sensibilisation à la maltraitance et à l'intimidation envers les aînés. Dans ma région, je cherchais donc au quotidien à tenter d'améliorer les conditions de vie des aînés et même à aller plus loin, c'est-à-dire à viser la bientraitance. J'ai donc compris rapidement qu'il y avait un lien direct entre une situation financière précaire et la vulnérabilité qui en découle malheureusement trop souvent.
En tant que première intervenante sur cette importante motion, je l'aborderai sous trois aspects. Je commencerai par cette situation financière précaire qui était présente bien avant la pandémie. Ensuite, j'expliquerai comment la crise a exacerbé ce problème des aînés. Enfin, je terminerai en rappelant le travail de longue haleine du Bloc québécois visant à améliorer le pouvoir d'achat de ces derniers.
Tout d'abord, je tiens à rappeler que le Bloc québécois n'est pas le seul parti à avoir reconnu qu'il fallait corriger ces importantes disparités économiques. En 2019, pendant la campagne électorale, les libéraux eux-mêmes avaient promis, en regardant les aînés dans les yeux, d'augmenter de 10 % le montant des prestations de la Sécurité de vieillesse pour les aînés dès l'âge de 75 ans. Ils ont réitéré leur volonté de bonifier ces prestations dans leur discours du Trône en septembre 2020, mais, depuis, c'est le silence radio et rien n'a encore été fait. De toute façon, nous considérons que cette proposition est insuffisante et qu'elle crée injustement deux classes d'aînés, parce que la pauvreté n'attend pas 75 ans.
Prenons maintenant le temps de démystifier certaines notions. Le programme de la Sécurité de vieillesse est le principal véhicule du gouvernement fédéral destiné à soutenir les personnes âgées. Les deux composantes majeures en sont la pension de Sécurité de vieillesse, ou SV, et le Supplément de revenu garanti, ou SRG. La SV prend la forme d'une prestation mensuelle imposable offerte aux personnes âgées de 65 ans et plus. Le SRG, quant à lui, est une prestation mensuelle non imposable offerte aux bénéficiaires de la SV qui ont, malgré cette dernière, un revenu annuel de moins de 18 648 dollars.
La SV découle de la Loi sur la sécurité de la vieillesse et son but est d'offrir un revenu minimum aux personnes de 65 ans et plus. Ce programme ne fonctionne pas par voie de capitalisation, ce qui veut dire que les aînés n'ont pas besoin d'avoir cotisé dans le passé pour avoir droit à cette prestation. La SV verse aux citoyens un revenu de base auquel ils peuvent ajouter des revenus provenant d'autres sources, comme le Régime de rentes du Québec ou le régime de pension d'un employeur, pour venir à bout d'une situation financière particulière.
Prenons quelques chiffres pour illustrer. Lorsque, malgré les prestations de Sécurité de vieillesse, le revenu n'atteint pas 18 648 dollars pour une personne célibataire, veuve ou divorcée, 24 624 dollars lorsque le conjoint de cette personne reçoit la pension complète de SV, ou encore 44 688 dollars lorsque le conjoint ne reçoit pas de pension de SV, la personne a accès à une prestation supplémentaire du programme de Sécurité de vieillesse que l'on appelle le Supplément de revenu garanti, le SRG.
Cela fait beaucoup de chiffres, mais ce que je veux que l'on retienne, c'est que le problème est double. Puisque les montants de pension pour aînés sont si bas, ils condamnent tous ceux qui n'ont que ce type de revenu à vivre sous le seuil de la pauvreté.
En date d'octobre 2020, un individu recevant strictement sa pension de SV et le montant maximal du SRG aura un revenu annuel de 18 358,92 dollars, lequel atteint à peine le seuil de subsistance fixé par la Mesure du panier de consommation, qui se situe entre 17 370 et 18 821 dollars. Au dernier trimestre de 2020, le gouvernement fédéral a augmenté les mensualités de 1,52 dollar, pour un total de 18 dollars par année. Voilà l'augmentation anémique à laquelle ont eu droit les plus démunis, qui reçoivent le maximum des deux prestations.
C'est aberrant. Cela a fait bondir beaucoup d'aînés qui nous ont contactés parce qu'ils avaient l'impression que les libéraux riaient carrément d'eux.
L'indexation des montants de prestations ne permet pas aux aînés de combler adéquatement la hausse du coût de la vie, car leurs dépenses sont différentes des produits courants dont on tient compte pour calculer l'inflation.
Récemment, on parlait aussi de la connexion Internet, qui devrait également être considérée comme essentielle, puisqu'elle leur permet de rester en contact avec leurs proches pendant la pandémie.
Bien que la crise actuelle soit une source importante de difficultés économiques pour beaucoup de gens, elle l'est aussi pour de nombreux aînés. Certains semblent penser que l'arrêt de l'économie ne les affecte pas, puisqu'ils ne sont plus des travailleurs, mais c'est faux. D'abord, un bon pourcentage d'entre eux travaillent, surtout les femmes âgées. Cela illustre, à mon avis, l'urgence des mesures demandées. En effet, s'ils reçoivent un revenu de pension et qu'ils sentent l'obligation de travailler, leur revenu de soutien ne doit certainement pas être suffisant.
En tant que vice-présidente du Comité permanent de la condition féminine, j'ai eu l'occasion, depuis cet été, d'étudier les répercussions disproportionnées de la pandémie sur les femmes, particulièrement sur les femmes plus âgées. Plusieurs aînés souhaitent également continuer à travailler même s'ils ont atteint l'âge de la retraite.
De plus, certains aînés ont été affectés par les fluctuations de leurs investissements ou de leur épargne-retraite. Ils ont un revenu fixe et, pour la plupart, une pension. Cependant, le coût de la vie augmente pour eux, comme pour tout le monde, qu'il s'agisse du coût du loyer, de l'épicerie, des médicaments ou des services. En effet, le loyer et les aliments subissent une hausse de prix en raison de la pandémie.
Pour le Québec, en 2021, on estime que la hausse des prix devrait être aux alentours de 4 %, ce qui devrait dépasser l'inflation générale. Les coûts ont également augmenté à cause des nouveaux frais de livraison engendrés par la pandémie, mais aussi à cause de la rareté de certains produits et des fameux « frais COVID » imposés par certaines chaînes.
L'indexation des rentes pour le dernier trimestre de 2020 parle d'elle-même. Suivant l'Indice des prix à la consommation, les rentes ont augmenté de 0,1 % pour le trimestre d'octobre à décembre 2020. Comme je viens de l'énoncer, pour les plus démunis qui reçoivent le montant maximal des deux prestations, cela donne un total de 1,52 $. Ce n'est même pas assez pour acheter un café au Tim Hortons. Les gens de la FADOQ, avec qui j'ai l'occasion d'échanger régulièrement, ont qualifié cette indexation d'insultante, et avec raison.
Alors, résumons les mesures d'aide proposées par le gouvernement. Oui, nous sommes conscients que la Prestation canadienne d'urgence, la PCU, a été mise en place pour aider les gens durant la pandémie, et cela a été utile. Ce montant de 2 000 $ par mois a été jugé suffisant pour vivre décemment durant la pandémie. Pourtant, les prestations de la Sécurité de la vieillesse n'offrent même pas ce montant.
En 1975, la pension de vieillesse couvrait 20 % du salaire industriel moyen. Aujourd'hui, c'est autour de 13 %. Avec notre proposition, nous souhaitons rehausser cela au moins à 15 %. Le résultat est que les pensions de vieillesse ne permettent souvent même pas de sortir les aînés de la pauvreté.
Augmenter le revenu des aînés va non seulement leur permettre d'avoir un niveau de vie plus décent, ce qu'ils méritent depuis longtemps, mais cela va aussi les aider à faire face à la crise actuelle et à prendre part à la relance de l'économie. C'était une priorité du Bloc québécois bien avant la crise, alors que nous demandions déjà une augmentation du Supplément de revenu garanti de 50 $ par mois pour les personnes seules et de 70 $ par mois pour les couples.
Oui, il y a eu un paiement unique de 300 $ pour ceux qui recevaient la Sécurité de la vieillesse et de 200 $ pour ceux qui recevaient le Supplément de revenu garanti, et oui, il y a eu un crédit pour la TPS et la TVH. Ces mesures d'appoint sont les bienvenues dans le contexte très particulier de la pandémie, mais c'est arrivé d'une façon seulement ponctuelle, et là est le problème. Le problème de l'indexation insuffisante des prestations pour aînés existait déjà avant la pandémie, il existe durant la pandémie et il continuera d'exister après celle-ci.
D'ailleurs, pour faire une petite comparaison qui frappe l'imaginaire, l'ancienne gouverneure générale Julie Payette reçoit une pension à vie de près de 150 000 $, en plus d'une allocation de dépenses. Les aînés n'en demandent pas tant. Une augmentation de 110 $ par mois, cela ne changera peut-être pas leur monde, sauf que cela pourrait les aider. Les aînés subissent vraiment les contrecoups de la pandémie et nous devons nous préoccuper d'eux, parce qu'ils sont aussi sévèrement isolés et plus à risque.
J'aimerais terminer en parlant de l'importance de hausser les transferts en santé. C'est également une demande des aînés. Ils n'en veulent pas, des normes nationales. Pour eux, ce n'est pas cela qui leur donnera un vaccin. En effet, il y a aussi une inquiétude concernant l'approvisionnement en vaccins. On a appris que les aînés de 85 ans et plus allaient commencer à se faire vacciner, mais à quand des vaccins pour tous les aînés qui sont isolés depuis beaucoup trop longtemps?
En conclusion, je vais dire tout simplement que nous devons agir pour nos aînés. Ils doivent avoir un revenu décent. Ils doivent pouvoir vivre beaucoup plus dignement. Ils ont bâti le Québec et nous leur devons de nous préoccuper d'eux. Il faut augmenter leur pouvoir d'achat. C'est assez de laisser nos aînés dans la pauvreté.