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Lib. (BC)
La séance est ouverte.
Bienvenue à la 67e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
Conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 22 mars 2023, le Comité se réunit en public pour commencer son étude du projet de loi S‑224, Loi modifiant le Code criminel (traite de personnes).
La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 juin 2022. Les députés assistent à la réunion en personne dans la salle, ou à distance à l'aide de l'application Zoom.
Étant donné que notre témoin est un député et qu'il sait déjà comment utiliser les fonctions de Zoom et d'interprétation à la Chambre — je pense qu'il n'y a personne à l'extérieur qui ne le sait pas —, je n'entrerai pas dans les détails.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Colin Carrie, député d'Oshawa, parrain du projet de loi S‑224, qui sera avec nous pendant la première heure de notre réunion.
Bienvenue au Comité, monsieur Carrie. Vous avez cinq minutes pour prononcer votre déclaration liminaire, et nous passerons ensuite aux questions des membres.
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PCC (ON)
Voir le profil de Colin Carrie
2023-05-29 16:05
Merci beaucoup, monsieur le président.
Aujourd'hui, je parlerai du projet de loi S‑224, un projet de loi non partisan qui a été adopté à l'unanimité au Sénat le 6 octobre 2022.
Ce projet de loi a vu le jour sous la forme du projet de loi C‑461, que j'ai eu l'honneur de déposer à la Chambre le 17 juin 2019. Malheureusement, il est mort au Feuilleton.
Je tiens à remercier la sénatrice Ataullahjan d'avoir embrassé cette cause et d'avoir réussi à faire adopter ce texte de loi au Sénat. Je tiens à remercier Arnold Viersen pour son engagement sans faille à mettre fin à la traite de personnes. Je tiens également à remercier une formidable communauté constituée de sympathisants, de victimes, de mères et de pères, de survivants et de nombreuses autres parties prenantes.
Je veux vous raconter l'expérience d'une survivante que j'ai entendue récemment lors d'un forum organisé par le Groupe parlementaire multipartite de lutte contre l'esclavage moderne et la traite des personnes. Alexandra nous a raconté ce qu'elle a vécu:
C'est à l'âge de 20 ans que je suis entrée dans l'industrie du sexe. J'étais adulte, j'avais dépassé l'âge du consentement et j'étais capable de prendre des décisions éclairées pour mon propre corps. Je pensais que je prenais le contrôle de ma sexualité en l'utilisant à des fins personnelles. Je n'ai jamais considéré mon petit ami comme un proxénète. Et je n'ai certainement jamais pensé que j'étais victime de traite de personnes. Ce n'est que 10 ans après avoir vécu cela que j'ai appris que j'avais été une victime de la traite de personnes.
Elle a poursuivi en disant:
Voilà la réalité que vous devez comprendre: j'ai fait des choix et j'ai été manipulée. Je croyais être une adulte consentante et autonome et j'ai été exploitée par mon petit ami.
La police aurait très probablement conclu que la situation d'Alexandra ne correspondait pas aux critères qu'elle applique et qui sont plutôt axés sur l'état d'esprit de la victime. Or, Alexandra n'avait pas peur.
L'objectif du projet de loi est d'harmoniser les lois canadiennes avec le droit international, conformément au Protocole de Palerme, que notre pays a ratifié en 2002, et de mettre l'accent sur les actes du trafiquant. Il facilitera les condamnations de ceux qui participent à la traite de personnes au Canada en modifiant la définition des infractions d'exploitation et de traite de personnes dans le Code criminel, de sorte que la Couronne ne soit plus tenue de prouver qu'une personne raisonnable dans la situation de la victime craignait pour sa sécurité ou celle d'une personne qu'elle connaît. Ainsi, le fardeau de la preuve incombera à l'auteur de l'infraction plutôt qu'aux personnes survivantes.
La disposition actuelle du Code criminel se lit comme suit:
279.04(1) Pour l'application des articles 279.01 à 279.03, une personne en exploite une autre si elle l'amène à fournir ― ou à offrir de fournir ― son travail ou ses services, par des agissements dont il est raisonnable de s'attendre, compte tenu du contexte, à ce qu'ils lui fassent croire qu'un refus de sa part mettrait en danger sa sécurité ou celle d'une personne qu'elle connaît.
La définition du Protocole de Palerme diffère de la nôtre en ce qu'elle considère que la traite de personnes comporte trois éléments distincts: l'acte, les moyens et la finalité. L'expression « traite des personnes » désigne le recrutement, le transport, l'hébergement ou l'accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force, l'abus d'autorité ou la tromperie aux fins d'exploitation. Cela ne figure pas dans le Code criminel du Canada.
Chers collègues, les condamnations font cruellement défaut au Canada. Les dernières données de Statistique Canada sont vraiment éloquentes. Elles ont été publiées en mai 2021 et montrent les graves difficultés auxquelles la police est confrontée lorsqu'elle tente d'obtenir une condamnation, et la situation ne fait qu'empirer. L'examen des décisions judiciaires de 2018‑2019 en fonction des chefs d'accusation montre que, dans l'ensemble, la grande majorité des accusations de traite de personnes — 89 % — ont donné lieu à une suspension, à un retrait ou à un rejet de l'accusation, ou à un acquittement. Moins d'une accusation sur 10 — 7 % — a mené à un verdict de culpabilité.
J'aimerais que les membres du Comité s'arrêtent un instant et réfléchissent à la situation des victimes de la traite de personnes au Canada. Un crime est commis. Il ne fait aucun doute que les actes ont été commis, mais en vertu de la loi canadienne, la victime doit prouver sa peur pour qu'il y ait condamnation.
Pour souligner l'absurdité de la situation, appliquons cette exigence à un autre crime. Imaginons qu'une personne que je connais vienne me poignarder. Comment pourrais‑je prouver que j'ai eu peur dans cette situation? L'auteur du crime serait‑il condamné s'il existait des preuves de son crime, mais que la peur ne pouvait être prouvée? Je vous pose la question: pourquoi traitons-nous si différemment le crime que constitue la traite de personnes? Ce phénomène est un fléau qui touche principalement les jeunes vulnérables et leurs familles partout au Canada.
Ce changement qui aurait dû être apporté il y a longtemps est régulièrement évoqué par les parties prenantes dans l'ensemble du pays et à l'échelle internationale. Les jeunes vulnérables considèrent souvent leur agresseur comme leur ami et pensent qu'il s'occupe d'eux et les aime. Souvent, la Couronne s'appuie sur le témoignage de la victime, qui est la seule preuve contre le trafiquant. Sans le témoignage de la victime, il n'y a pas de cause. Au Canada, il faut parfois des années avant de pouvoir saisir la justice. Les victimes peuvent alors être victimisées encore et encore. En général, il n'y a pas de condamnation.
Le Protocole de Palerme a été adopté en novembre 2000. Il a été signé par 117 pays, dont le Canada. Bien que 22 années se soient écoulées, ce changement minime, mais important n'a toujours pas été apporté au Code criminel.
La traite de personnes ne cesse d'augmenter. Les trafiquants recherchent des jeunes qui ont des problèmes de toxicomanie, de traumatisme, de dépendance, de maltraitance et d'itinérance. Les femmes et les filles, les enfants autochtones, les nouveaux immigrants, les personnes handicapées, les personnes LGBTQ2+ et les travailleurs migrants font partie des groupes les plus à risque.
Nous devons donner aux victimes tous les outils possibles pour leur permettre de retrouver leur dignité, leur humanité. Le projet de loi S‑224 est un outil supplémentaire, et ce changement était attendu depuis longtemps.
Je vous remercie, chers collègues. Je serai ravi de répondre à vos questions.
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Lib. (BC)
Merci, monsieur Carrie.
Nous allons maintenant passer à notre premier tour de six minutes, et c'est M. Brock qui commence.
Voir le profil de Larry Brock
PCC (ON)
Merci, monsieur le président.
Bienvenue au comité de la justice, monsieur Carrie. Je vous remercie de la passion avec laquelle vous défendez cet important projet de loi.
Je vous ai écouté très attentivement. Tout ce que vous avez dit était très instructif. J'ai surtout retenu les données, et je crois que c'est ce que vous avez dit de plus surprenant. Malgré la prévalence de ce fléau social que vous avez bien cerné — c'est un phénomène mondial, et le Canada a tendance à être un foyer d'activité criminelle, en particulier dans ce domaine — et la popularité de ce crime particulier, le système de justice pénale laisse malheureusement tomber trop de victimes, en particulier des victimes vulnérables issues de communautés marginalisées, comme les femmes et les filles autochtones et les membres de la communauté LGBTQ.
Je pense que c'est une étape importante des efforts déployés pour remédier à ces méfaits. Je peux dire qu'en tant que procureur, je n'ai jamais vraiment eu la possibilité de poursuivre une personne accusée de traite de personnes. Inévitablement, la police reconnaît la difficulté pour les procureurs de prouver ces infractions et opte pour d'autres infractions du Code criminel afin de faciliter la tâche des procureurs.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de cet aspect, de cette question en particulier. J'ai pris le temps de revoir les interventions de la sénatrice Ataullahjan au Sénat lors de l'une des études en comité, et ce qui m'est revenu à l'esprit, c'est ce qu'elle a dit, à savoir qu'à son avis, les procureurs seraient davantage en mesure de prouver les faits, ce qui permettrait à un plus grand nombre de victimes de se manifester sans qu'il soit nécessaire de prouver l'élément de peur au tribunal. Elle a également mentionné que le fardeau de la preuve ne pèserait plus sur le procureur et qu'il serait relayé ou transféré à l'accusé.
Ce dernier aspect me préoccupe, mais j'aimerais vous entendre sur les deux premiers aspects.
Voir le profil de Colin Carrie
PCC (ON)
Voir le profil de Colin Carrie
2023-05-29 16:13
Merci beaucoup, monsieur Brock. Votre expérience m'inspire beaucoup de respect.
J'aimerais tout d'abord parler des données. Elles sont extrêmement troublantes. En 2015, selon le dernier rapport de Statistique Canada... Il y a eu environ 300 cas signalés par tranche de 100 000 habitants. En 2019, le nombre de cas signalés est passé à 500, ce qui représente une augmentation de 40 % en quatre ans seulement.
Nous savons que la COVID et toutes les choses qui se passent actuellement dans notre pays contribuent à faire grimper les chiffres, ce qui est incroyablement inquiétant.
Vous avez mentionné les observations de la sénatrice Ataullahjan au Sénat. Je pense qu'elle a fait de l'excellent travail.
En réalité... Dans quel genre d'univers exige‑t‑on d'une victime qu'elle fasse la preuve au tribunal de la peur que lui inspirait son trafiquant? Ces victimes sont parfois des enfants — je pense que 25 % des victimes de la traite ont moins de 18 ans — qui dépendent parfois, très souvent, de leur trafiquant pour les besoins essentiels de la vie, tels que la nourriture et le logement.
Grâce à ce changement tant attendu à la définition — nous avions d'ailleurs décidé il y a 23 ans de procéder à ce changement —, nous ajoutons un outil supplémentaire à la boîte à outils. C'est assurément une question très complexe. Ce n'est pas la panacée, mais les procureurs disposeront d'un outil supplémentaire pour permettre à un plus grand nombre de victimes de recourir à la justice. Désormais, les victimes n'auront plus à prouver qu'elles craignaient leurs agresseurs, ce qui, dans de nombreux cas, même dans l'exemple que j'ai cité, n'est tout simplement pas le cas.
Voir le profil de Larry Brock
PCC (ON)
Que diriez-vous de la possibilité de permettre ainsi à un plus grand nombre de victimes de se manifester? Qu'en pensez-vous?
Voir le profil de Colin Carrie
PCC (ON)
Voir le profil de Colin Carrie
2023-05-29 16:15
Je pense que c'est vrai. Quand on regarde la réalité au Canada, il y a tellement de raisons pour lesquelles les victimes ne veulent pas se manifester. Dans d'autres pays, par exemple, les peines sont plus sévères et plus claires.
Si un jeune, en particulier, est victime de la traite, imaginez la peur qu'il éprouve devant le tribunal, la stigmatisation. La définition actuelle, par exemple, contient le terme « raisonnable ». Vous êtes avocat. Les avocats sont très intelligents; ils connaissent le système. Le terme « raisonnable » donne lieu à l'introduction d'éléments tels que les stigmates qui entourent la traite de personnes et d'autres facteurs qui peuvent être invoqués pour semer le doute.
Très souvent, les victimes se rétractent; elles vivent dans la crainte de ces trafiquants. Elles connaissent également les peines encourues et savent que le trafiquant sera libéré plus tôt. Il ne s'agit pas d'une solution miracle, mais d'un outil supplémentaire qui permettra aux procureurs de la Couronne de traduire en justice un plus grand nombre de personnes et, nous l'espérons, d'obtenir davantage de condamnations.
Voir le profil de Larry Brock
PCC (ON)
C'est tout à fait bienvenu, et je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous poser des questions, monsieur Carrie.
Voir le profil de Randeep Sarai
Lib. (BC)
Merci, monsieur Brock.
Nous passons maintenant à M. Naqvi, qui dispose de six minutes.
Voir le profil de Yasir Naqvi
Lib. (ON)
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Carrie, je vous remercie d'être venu aujourd'hui pour nous parler de votre projet de loi.
J'aimerais d'abord connaître vos impressions sur tout le travail que vous avez fait pour mettre au point ce projet de loi. La question dont nous avons souvent parlé au sein de ce comité... Nous avons également réalisé une étude sur les travailleuses du sexe. Comment distinguer une personne activement impliquée dans le commerce du sexe d'une personne qui est utilisée pour effectuer un travail sexuel et qui peut naïvement croire que son trafiquant a son intérêt supérieur à l'esprit?
Quelles conclusions avez-vous tirées de votre travail sur ce projet de loi en ce qui concerne cette distinction, et quels conseils donneriez-vous au Comité sur la manière d'établir cette distinction?
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PCC (ON)
Voir le profil de Colin Carrie
2023-05-29 16:18
Il est extrêmement important de faire cette distinction.
Lorsqu'on examine la prostitution et la traite de personnes, il est important de comprendre que la traite de personnes ne se limite pas à la prostitution. L'un des cas les plus graves que nous ayons connus au Canada concernait des travailleurs qui avaient été amenés dans ce pays et dont les trafiquants menaçaient la famille restée au pays. Cette situation est assez fréquente.
La différence entre la traite de personnes et la prostitution tient au fait qu'il faut une tierce partie dans la traite de personnes. Autrement dit, les gens ne se trafiquent pas eux-mêmes.
Par exemple, je serais le trafiquant si je vous livrais à quelqu'un d'autre et si j'étais en mesure de contrôler la situation. La prostitution en elle-même n'est pas nécessairement un trafic de personnes. Je pense qu'il est important de faire cette distinction.
Voir le profil de Yasir Naqvi
Lib. (ON)
Est‑ce que vous auriez une analyse juridique ou un test juridique à proposer pour créer cette distinction?
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PCC (ON)
Voir le profil de Colin Carrie
2023-05-29 16:19
Je pense que, d'un point de vue juridique, la différence est déjà très claire. Comme je l'ai dit, pour la traite et l'exploitation de personnes, il faut qu'une tierce personne soit impliquée. En ce qui concerne le travail du sexe, si vous voulez définir le travail du sexe et que vous parlez aux travailleuses du sexe, c'est un choix qu'elles font.
Mon premier exemple est celui d'une jeune femme qui a commencé à travailler dans l'industrie du sexe de son plein gré, mais lorsqu'une tierce personne entre en jeu, ce n'est pas nécessairement ce genre de choix.
Voir le profil de Yasir Naqvi
Lib. (ON)
Votre projet de loi concerne une définition de l'exploitation. Je pense qu'il s'agit plutôt d'une clarification de la définition. La définition actuelle de l'exploitation dans le Code criminel se concentre sur les répercussions du comportement du trafiquant sur une personne raisonnable qui se trouverait dans la situation de la victime. La jurisprudence associée à la définition actuelle s'étend sur environ 17 ans.
Pouvez-vous dire au Comité ce que vous pensez qu'il adviendra de la jurisprudence actuelle en ce qui concerne la définition de l'exploitation à la suite de l'adoption du projet de loi S‑224, le cas échéant?
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PCC (ON)
Voir le profil de Colin Carrie
2023-05-29 16:20
En effet, il y a 17 ans de jurisprudence, mais je dirais qu'avec la définition actuelle, cela n'a pas vraiment fonctionné. Si nous avons un taux de condamnation de 7 % ou 8 %, il faut changer quelque chose.
Je suis sûr que vous allez recevoir des avocats du ministère de la Justice. Je pense qu'ils discuteront de la jurisprudence. Ils parleront peut-être de la jurisprudence récente en Ontario. Je crois que l'affaire Sinclair date de 2020. Au Québec, il y a de la jurisprudence. Ils ont mentionné qu'en raison de la jurisprudence, il n'est peut-être plus nécessaire de prouver la peur. Cependant, je dirais au Comité et aux Canadiens que cela dépend en grande partie du juge que vous aurez. Nous sommes tous au courant de cette affaire en Alberta, dans laquelle un juge fédéral a demandé à une victime: « Pourquoi n’avez-vous juste pas gardé les genoux serrés? » Je pense que nous trouvons tous qu'un tel commentaire est offensant. Cependant, si nous remplaçons la définition par quelque chose qui est reconnu à l'échelle internationale, il y aura de la clarté à cet égard et nous pourrons augmenter le taux de condamnation qui est actuellement de l'ordre de 8 %.
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