Monsieur le Président, je suis heureux de prendre part à ce débat dans le cadre de la journée de l'opposition, que je qualifierais d'importante. Il est important de se prononcer sur cette question parce qu'il s'agit d'une terrible catastrophe écologique. La motion est à tout à fait à propos et nécessite des parlementaires un engagement futur par rapport à des projets pouvant se réaliser ici, autant dans la mer de Beaufort qu'ailleurs, dans des eaux près du Groenland.
Je lis la motion qui a été présentée aujourd'hui:
Que la Chambre prenne acte de l'horreur que la catastrophe écologique actuellement en cours dans le golfe du Mexique inspire aux Canadiens et du fait qu’ils réclament la prise de mesures de prévention pour empêcher que pareille chose ne se produise au Canada, et par conséquent qu’elle exhorte le gouvernement à entreprendre immédiatement une révision exhaustive, au niveau fédéral, des lois, règlements et politiques qui régissent la mise en valeur des sources non conventionnelles de pétrole et de gaz, dont les sables bitumineux, les gisements pétroliers et gaziers en eau profonde et le gaz de schiste, au moyen d’un processus transparent comportant la consultation la plus vaste possible de tous les intervenants concernés en vue de doter le Canada des règles de sécurité et de protection de l’environnement les plus rigoureuses du monde, et à faire rapport à la Chambre afin d’en assurer le suivi.
Cette longue motion est importante parce qu'elle est un peu la conséquence des événements survenus le 20 avril dernier dans le golfe du Mexique. La plate-forme pétrolière Deepwater Horizon a fait l'objet d'une explosion, ce qui a entraîné des conséquences désastreuses sur le plan environnemental. Selon l'entreprise, on parle d'un déversement de 800 000 litres de pétrole par jour dans le golfe. C'est assez important. C'est l'évaluation de l'entreprise, mais selon certaines équipes fédérales américaines qui ont évalué la situation, ce chiffre pourrait être près du double. Cette catastrophe écologique serait encore plus grave que celle bien connue de l'Exxon Valdez, au nord.
Cette catastrophe, qui affecte déjà de nombreux écosystèmes aux États-Unis, aura des répercussions environnementales très graves sur les marais. C'est l'aspect déplorable de cet événement, qui a également des conséquences économiques.C'est ce qu'on constate dans les dernières heures. Malgré tout, cette catastrophe écologique permet une forme de prise de conscience.
Il y a des moratoires importants sur la pêche, des pertes de marché et de revenus considérables pour les pêcheurs et tous les drames humains qui s'ensuivent. On se rend compte qu'une catastrophe écologique n'entraîne pas seulement une perte d'écosystème, la pollution de certains marais, la perte ou la fragilisation de certaines espèces animales, mais également une détérioration économique. Nous devons démontrer aujourd'hui qu'une catastrophe écologique peut également entraîner un revers économique considérable. Les pêcheurs de la Louisiane se rendent compte aujourd'hui de l'ampleur de cette catastrophe.
De ce côté-ci de la frontière, on n'a pas vu venir cette catastrophe. On affaiblissait les normes environnementales depuis plus de cinq ans. C'est facile, pour l'opposition officielle, d'accuser le gouvernement conservateur d'avoir fait preuve de laxisme en donnant certaines autorisations à des forages exploratoires.
La réalité est que le gouvernement précédent, le gouvernement libéral, a été le premier à affaiblir les normes environnementales. Sans débat public, le ministre de l'Environnement de l'époque, le député de Saint-Laurent—Cartierville, avait déposé le 26 mars 2005, dans la Gazette du Canada, une modification réglementaire que certains trouvaient cosmétique et sans importance. Elle visait à faire en sorte de modifier la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale afin que les forages exploratoires extra-côtiers ne soient plus soumis à une étude approfondie, mais simplement à un examen préalable. Par conséquent, la modification visait à faire en sorte que ces projets de forage exploratoire ne soient pas soumis à la consultation et que les intervenants ainsi que toutes les parties concernées ne soient pas amenés à se prononcer sur cette question.
Le Bloc québécois avait réagi parce qu'on est près des gens. On a fait une tournée dès 2005 dans toutes les régions du Québec, mais particulièrement le long du Saint-Laurent. Cela nous avait amenés aux Îles-de-la-Madeleine où des groupes nous avaient sensibilisés au fait qu'il existait cette modification réglementaire présentée par le gouvernement fédéral qui visait à affaiblir et à assouplir les règles d'évaluation environnementale.
Les citoyens des Îles-de-la-Madeleine nous avait dit d'examiner cette modification réglementaire, car elle risquait de créer des dangers pour eux. Ils voulaient qu'on intervienne. On avait rencontré des groupes comme Attention Fragiles et la Société de conservation des Îles-de-la-Madeleine. Ils nous avaient demandé d'intervenir.
Nous avions alors écrit au ministre de l'Environnement, le 25 avril 2005, en lui indiquant que « la modification proposée au règlement vise à changer le type d'évaluation environnementale qui doit s'appliquer à un projet de forage exploratoire situé dans la zone extra-côtière. »
On indiquait au ministre de l'époque qu'il n'était pas « sans savoir que des projets de forage exploratoire étaient à prévoir au coeur du golfe. Si la modification réglementaire est adoptée, des sites comme Old Harry, Cape Ray et d'autres au large des côtes de la Nouvelle-Écosse où seront réalisés des forages exploratoires seraient donc soumis à un examen préalable plutôt qu'à une étude approfondie. »
Nous lui rappelions que « les ressources renouvelables qui s'y trouvent sont essentielles pour l'économie du tourisme et de la pêche de la région de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine ». On était donc intervenus.
Que nous indiquait le ministère lorsqu'on lit la note attachée à ce projet réglementaire? Voici ce que le ministère de l'Environnement nous disait, et je cite: « [...] les effets environnementaux des activités de forage exploratoire au large des côtes sont, de façon générale, mineurs, localisés, de courte de durée et réversibles. »
C'est ce que nous répondait le ministère pour motiver sa modification réglementaire. Il disait que les effets environnementaux des activités de forage exploratoire sont « mineurs, localisés, de courte durée et réversibles. »
Ce n'est pas ce qu'on connaît dans les dernières heures. Ce n'est pas ce que l'on sait de la catastrophe du 20 avril dans le golfe du Mexique.
Cette première vague de modifications et d'affaiblissement du régime réglementaire en matière d'évaluation environnementale a d'abord été engagée par le Parti libéral. Dans la même veine, le gouvernement conservateur a modifié aussi, dans un projet de loi plus large, les règles d'évaluation environnementales, ce qui fait en sorte que les projets pétroliers au cours des prochaines années ne seraient plus sous l'égide de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, mais soit plutôt sous celle de l'Office national de l'énergie. Voilà encore une fois une autre erreur majeure de la part du gouvernement fédéral, soit de faire en sorte que ceux et celles dans nos institutions, dans nos organisations gouvernementales, qui sont là pour protéger l'environnement, ne soient plus ceux et celles qui soient responsables de l'évaluation, mais que ce soit plutôt des organisations qui ont une vocation clairement économique, clairement pétrolière, qui soient responsables de l'évaluation environnementale.
On avait critiqué cette décision du gouvernement bien avant la catastrophe du 20 avril dans le golfe du Mexique. On continue de croire que ceux et celles qui devraient évaluer les répercussions environnementales des projets de forage sont justement ceux et celles qui sont là pour protéger l'environnement, et non pas ceux et celles qui sont responsables de la propension à l'augmentation de la production pétrolière. Voilà donc l'attitude du gouvernement fédéral.
Trois menaces sont à venir. Je les identifie dans trois genres de cas, trois genres de projets. D'abord, un projet de forage à Terre-Neuve a débuté il y a quelques semaines, à 430 km de Saint-Jean, et vise à forer à 2 600 km sous le niveau de l'eau. C'est un kilomètre de plus que le projet qui a eu cours dans le golfe du Mexique et qui a connu la catastrophe du 20 avril dernier.
Cela veut dire que ce projet exploratoire à Terre-Neuve, à cause des modifications du gouvernement libéral, n'a pas été soumis à une étude approfondie, mais a simplement été soumis à un examen préalable. Si on n'avait pas fait la modification réglementaire en 2005, ce projet à Terre-Neuve aurait donc dû être soumis à une étude approfondie et à des consultations publiques où des intervenants, des scientifiques et des gens concernés par le milieu auraient pu soumettre un certain nombre de risques probables à l'égard des forages exploratoires. Ce projet à Terre-Neuve, en vertu des modifications libérales, n'a pas été soumis à une étude approfondie. Voilà le premier risque.
La semaine dernière, lorsque des responsables ont comparu en comité parlementaire, on a posé un certain nombre de questions. Il existe des forages pétroliers au Canada dont celui dans le bassin Orphan. On a posé la question à l'Office Canada-Terre-Neuve et Labrador en lui demandant, s'il y avait un accident comparable à celui qui est survenu dans le golfe du Mexique le 20 avril, quel serait le délai. Quel serait le plan de surveillance? Que ferait-on? À quoi pourrait-on s'attendre? Le responsable et porte-parole de l'office, Sean Kelly, nous a indiqué qu'il faudrait faire venir une foreuse du golfe du Mexique pour pouvoir creuser un puits de secours à une telle profondeur, et qu'il faudrait au moins 11 jours pour faire venir une telle foreuse. Selon un autre analyste, il faudrait de quatre à cinq mois pour forer un puits de secours. On comprend ce que cela veut dire. On décide de forer à 2 600 km sous le niveau de l'eau, ce qui est plus profond que le projet connu dans le golfe du Mexique, et s'il y avait un accident comparable, il faudrait faire venir une foreuse du golfe du Mexique. Cela prendrait 11 jours avant que la foreuse arrive et cinq mois avant d'avoir fini de forer.
Après cela, le gouvernement nous dit qu'on n'a pas à s'inquiéter, que tout va bien, que le problème est dans nos têtes, qu'il n'y a pas de risque, et que les gens des îles de la Madeleine et les Canadiens n'ont pas à s'inquiéter. Et le gouvernement appelle ça un plan d'urgence! C'est totalement inacceptable. Depuis 2005, des décisions se sont prises les yeux fermés. Je peux dire que les premiers responsables de cela, c'est le Parti libéral du Canada et ceux et celles qui s'y sont associés sans modifier les règlements, mais aussi le Parti conservateur de par les modifications inscrites dans le projet de loi C-9.
S'il devait y avoir un accident, des gens devraient porter des responsabilités ministérielles. Des ministres à la Chambre devraient assumer leurs responsabilités s'il devait survenir un accident à Terre-Neuve ou ailleurs sur les côtes extracôtières.
Nous demandons au gouvernement de revenir à la raison et de modifier la réglementation pour s'assurer que ce type de forage est soumis à des études approfondies et fait l'objet de consultations. Le public et les experts ont le droit de s'exprimer. De ce côté-ci de la Chambre, nous croyons qu'on doit tirer des leçons de la catastrophe environnementale du 20 avril, ce que ne semble pas avoir compris le gouvernement.
Le gouvernement a toujours dit qu'il était important de s'harmoniser avec les États-Unis. Pourtant, le président Obama a décrété un moratoire et veut mettre sur pied une commission indépendante pour évaluer la situation. Il ne veut pas aller plus loin tant qu'on n'aura pas fait la lumière sur la question. Ici, on a un gouvernement qui accepte la poursuite de forages pétroliers à Terre-Neuve. En plus, il continue à être en faveur d'appels d'offres dans la mer de Beaufort pour des entreprises pétrolières. Dans trois parcelles de la mer de Beaufort, en 2007, le gouvernement a octroyé des droits d'exploitation de l'ordre de 50 millions de dollars à des entreprises, notamment à Exxon. Et en 2008, il a octroyé des droits à BP pour forer des puits de pétrole à 700 mètres sous le niveau de la mer.
Le gouvernement nous dit qu'il n'y aura pas de forage avant 2014, et c'est vrai. Cependant, il faut comprendre les signaux qu'on nous a envoyés récemment en comité parlementaire. Des responsables de BP sont venus voir les parlementaires et ont été incapables de dire s'il serait possible de nettoyer les dégâts engendrés par un éventuel accident dans le Nord canadien. Ils ne savent pas si, en cas de catastrophe, ils seraient capables de procéder au nettoyage. La responsable de BP n'avait pas les informations à sa disposition pour répondre aux questions.
Qui plus est, prétextant le coût élevé de l'opération la saison non propice, c'est-à-dire au début décembre jusqu'au printemps, les pétrolières ont demandé que les puits de secours dans le Nord canadien soient creusés plus tard, après le début des activités de forage. Ils sont venus demander à un organisme à vocation économique et non environnementale qu'on leur donne un sursis dans l'établissement des puits de secours parce que cela coûte trop cher. Qu'est-ce qui leur coûte trop cher? Cela va-t-il coûter cher à BP de nettoyer le gâchis du 20 avril?
Des pressions sont exercées par l'industrie pétrolière pour affaiblir, encore une fois — certains parleront d'assouplissement —, les normes environnementales, donner des avantages et créer des échappatoires pour une industrie, ce qui est totalement inacceptable.
Je profite de la présence du ministre des Affaires étrangères pour lui rappeler que la semaine prochaine, du 9 au 11 juin, aura lieu une importante conférence du Conseil de l'Arctique. On s'attend du Canada qu'il fasse preuve de leadership à cette occasion. Dès cet été, il y aura des projets de forage dans le Groenland, qui est tout près du Canada. On espère forer dans la baie de Baffin, à proximité de l'embouchure du détroit de Lancaster, près de l'endroit où le gouvernement souhaite établir une aire marine de conservation, à la limite canadienne.
Il y aura des risques pour le Canada et le Québec. Le Groenland, c'est loin, mais ce n'est pas si loin, quand on voit les ravages dans le golfe du Mexique.
On s'attend à voir du leadership canadien afin de s'assurer d'avoir les moyens nécessaires pour éviter qu'une catastrophe comme celle du 20 avril ne se produise au Canada.