Monsieur le Président, je suis très heureuse de prendre la parole au sujet de ce projet de loi, qui porte sur la pornographie juvénile, et de faire part à la Chambre des préoccupations, des observations et du soutien exprimés par le caucus de mon parti.
Tous les partis appuient fortement ce projet de loi. Aujourd'hui, nous souhaitons souligner le travail réalisé depuis des dizaines d'années par des intervenants dans notre collectivité, qui s'emploient à éliminer le fléau de la pornographie juvénile et, tout récemment, à entraver la propagation de ce matériel ignoble sur Internet.
Je tiens à prendre quelques minutes pour rappeler aux Canadiens que nous devons tous travailler ensemble sur ce dossier. Je tiens à souligner la contribution d'une organisation de Winnipeg, au Manitoba, qui est dirigée par Roz Prober, qui, depuis de nombreuses années, examine les problèmes du commerce sexuel et de la pornographie juvénile. En fait, pas plus tard que la semaine dernière, à Winnipeg, on a organisé des séances et on a remis des prix des médias à des organisations et à des particuliers qui, au Canada, se font entendre et sont toujours présents pour lutter contre le problème de la pornographie juvénile.
Roz Prober et son organisation, Au-delà des frontières, ont lancé une campagne qui s'intitule « Homme à homme ». Cette campagne a été mise sur pied parce qu'on sait que, dans la plupart des cas touchant de la pornographie juvénile et l'utilisation d'Internet pour propager ce matériel, les principaux instigateurs sont des hommes.
La campagne vise à persuader d'autres hommes — qui sont conscients de l'importance d'empêcher la diffusion de la pornographie juvénile, qui savent où cela peut nous conduire et qui connaissent l'étendue des dommages qu'elle peut causer à toute la société — de parler à leurs confrères en ce qui concerne la façon dont ceux-ci traitent les femmes ou considèrent les femmes ou les enfants comme des objets sexuels.
Toutefois, il est important de commencer par le commencement. La campagne doit s'attaquer à l'idée que les femmes et les enfants seraient des objets sexuels que possèdent les hommes. Si nous réussissons à remonter à la source, si nous arrivons à comprendre ce qui pousse les gens à produire de la pornographie juvénile, à en faire la promotion et à la diffuser, nous aurons déjà fait la moitié du chemin.
Bon nombre de députés essaient depuis des années de convaincre l'actuelle législature et celles qui l'ont précédée de prendre fermement position et d'adopter de rigoureuses mesures législatives pour lutter contre tout ce qui fait la promotion de l'usage de la violence, notamment de la violence faite aux femmes, aux enfants et aux personnes les plus vulnérables de la société, de façon à exercer un pouvoir sur les autres.
Bon nombre de personnes à la Chambre s'y emploient depuis des années. Je pense à d'anciennes députées, à savoir Margaret Mitchell, Dawn Black, Audrey McLaughlin et Alexa McDonough. La liste est longue. Ces femmes ont pris la parole pour dire que les citoyens de ce pays, les membres de notre société et les membres de cette législature ont l'obligation de s'attaquer aux causes de la pornographie et de la violence faite aux femmes et aux enfants. La seule façon d'y arriver est de reconnaître la nature même de ces actes, c'est-à-dire le pouvoir exercé sur les autres.
La Chambre se rappellera certainement de Rosemary Brown qui a été une figure de premier plan sur la scène politique canadienne. Elle a été la première femme noire à se porter candidate à la direction d'un parti politique fédéral. Elle a été députée provinciale néo-démocrate pendant des années en Colombie-Britannique et elle s'est taillée une solide réputation à l'échelle du Canada à titre de féministe active. Je me souviens encore de ses paroles. À son décès, il y a quelques années, nous avons perdu une véritable héroïne et une grande combattante qui disait toujours: « Si on ne conteste pas l'idée que la loi du plus fort est toujours la meilleure, [que la survie repose sur la concurrence], alors il ne sert plus à rien de lutter. »
Dans le présent débat, nous parlons du pouvoir exercé sur les autres, comment il se manifeste, comment il dégrade les gens, comment il crée des citoyens de seconde catégorie et comment il engendre un cycle de dépendance et de désespoir parce que les victimes de pédopornographie sont confrontées à l'énorme défi de surmonter l'humiliation, le sentiment de ne pas avoir d'identité, d'être sale et d'appartenir à une seconde catégorie de citoyens.
Il faut de nombreuses années pour surmonter de tels sentiments. Certains n'y arrivent jamais et les victimes de violence, de pornographie juvénile, de dégradation sexuelle ou du commerce du sexe, lorsqu'elles réussissent à y échapper, luttent toute leur vie pour retrouver un sentiment de valeur personnelle et un but dans la vie.
Le présent débat est vraiment fondamental quant à la notion que nous avons de la société civile, cette idée que tous, sans égard à leur sexe, race ou capacités, peuvent faire un apport à la société. Il est absolument clair que, à titre de parlementaires, il nous incombe de veiller à ce que tous, peu importe leur sexe, leur race et leurs habiletés, puissent contribuer à notre société en fonction de leurs talents uniques et de leur potentiel personnel. Les gens deviennent des pions dans le commerce massif de la pédopornographie qui dégrade non seulement les victimes présentées dans ce genre de matériel mais également toute la société en la réduisant à son plus bas dénominateur commun.
Nous devons utiliser toutes les stratégies et tous les mécanismes auxquels nous avons accès pour nous attaquer à la pornographie juvénile. Ce n'est pas le moment de parler de liberté d'expression, car nous savons tous que ce droit n'existe pas lorsqu'il sert à priver quelqu'un d'autre de sa liberté. C'est ce que fait la pornographie juvénile, et la pornographie en général — priver un enfant ou une femme, ou toute autre victime d'actes sexuels pornographiques et dégradants, de son identité individuelle.
Monsieur le Président, je vous exhorte à tout faire pour que le projet de loi passe le plus rapidement possible à travers toutes les étapes du processus législatif de la Chambre pour rendre hommage aux travaux réalisés par ceux qui sont venus avant nous et par des membres de toutes les collectivités, qu'il s'agisse de l'organisme Au-delà des frontières à Winnipeg, des organisations nationales de protection des enfants ou du mouvement féministe, dont les membres réclament depuis des décennies la fin de la violence et de la dégradation sexuelle, peu importe qui en sont les victimes. Nous devons faire honneur à ces travaux en les concrétisant, en les enchâssant dans la loi et en nous attaquant à la production, à la diffusion et à la propagation de ce matériel odieux qui dégrade et humilie des êtres humains et qui abaisse le niveau de civilisation de notre pays.
Je crois que permettre la pornographie juvénile de quelque façon que ce soit est un affront à l'idée même d'une société civilisée dont tous les membres sont traités avec décence, équité, dignité et respect.
Il incombe à chacun d'entre nous de faire ce que nous pouvons dans nos circonscriptions et nos collectivités. Nous ne devons pas nous contenter de prendre des mesures législatives qui peuvent changer les choses; nous devons aussi être actifs dans nos quartiers et nos collectivités pour dénoncer chaque image, chaque geste et chaque activité qui pose des enfants en tant qu'objets sexuels et des femmes en tant que citoyennes de seconde catégorie.
Ce que je dis dans ce débat ne concerne pas que la loi. Cela concerne les politiques du gouvernement, en général, et notre volonté de soutenir ou non ces organismes, les organismes communautaires non gouvernementaux, les associations de femmes, nos organisations transfrontalières, de même que et notre volonté de les aider en leur fournissant des ressources et en reconnaissant la valeur de leur travail.
Je sais que le gouvernement est tout à fait d'accord pour que nous mettions un frein à la pornographie juvénile, comme en témoigne cette mesure législative, mais force est de se demander parfois si le gouvernement est vraiment présent, prêt à s'attaquer aux racines du problème et à aider les organismes qui ont besoin qu'il leur fournisse des ressources pour lutter, pour parler et pour agir. Nous avons eu d'immenses débats ici pour déterminer s'il convenait de consacrer des deniers publics à des choses comme la défense des autres. Bien des organismes ont perdu leurs subventions parce qu'ils sont perçus comme défendant une cause, s'exprimant publiquement dans un but précis et luttant contre quelque chose.
Je sais qu'il nous arrive d'être en désaccord sur l'objectif ultime et sur ce qui constitue à nos yeux une société civile. Toutefois, j'implore les députés ministériels aujourd'hui de penser à la sagesse de ce type d'approche et de décision et, en fait, de reconsidérer la possibilité de soutenir les organismes de femmes, qui ont toujours été à l'avant-garde sur cette question, en leur octroyant un financement de base.
La plupart des organismes que je connais et qui mènent ce genre de lutte passent la moitié de leur temps à se demander comment survivre. Ils passent la moitié de leur temps à remplir des demandes et à essayer de faire correspondre leur programme à une initiative subventionnée par le gouvernement, tentant de faire entrer des chevilles rondes dans des trous carrés, utilisant au maximum leur créativité et leur imagination pour obtenir quelques ressources, juste pour continuer d'exister.
Parce qu'ils passent la plupart de leur temps à tenter de trouver des moyens de survie, s'ils ont réussi à survivre, les groupes de femmes ont énormément de difficulté à continuer de militer contre la pornographie juvénile et la violence au sein de nos collectivités. Bon nombre d'organismes importants ont dû se taire et fermer leurs portes parce que le gouvernement ne les aide pas financièrement, alors qu'il a le devoir d'appuyer les organismes qui s'attaquent à la source du problème dont nous discutons aujourd'hui. Ce n'est pas en misant uniquement sur la main de fer de la loi que nous réglerons le problème.
Nous appuyons le projet de loi en raison de son approche multidisciplinaire et pluridimensionnelle. Toutefois, il est essentiel aussi de livrer bataille à l'échelle communautaire. Nous devons nous attaquer à une attitude bien ancrée, une idée selon laquelle on peut dominer d'autres personnes de façon ignoble en les humiliant, comme nous l'avons vu dans des affaires horribles de pornographie juvénile. Récemment, par exemple, on a démonté des réseaux de pornographie et inculpé des pornographes.
Ce n'est là que la pointe de l'iceberg. La pornographie est omniprésente. La façon dont les femmes et les enfants sont traités est le reflet d'une société qui laisse les puissants dominer les plus vulnérables. Le droit de dominer leur est acquis parce qu'on ne les empêche pas de réprimer les femmes et les enfants et d'en faire des victimes.
J'espère que cette mesure nous permettra de sévir contre la pornographie juvénile diffusée électroniquement à la vitesse de la lumière et accessible à tous aux quatre coins de la planète, sur Internet. J'espère aussi que nous reconnaîtrons, au cours du processus, que des changements d'attitudes s'imposent.
Chaque fois qu'un acte de violence est commis contre une personne, chaque fois qu'une femme est traitée comme un objet sexuel ou un enfant comme un pion dans le jeu du commerce du matériel pornographique, chaque fois qu'on empêche une personne de vivre sa vie comme elle l'entend, nous avons le devoir d'intervenir. Nous avons aussi le devoir d'appuyer les groupes communautaires qui interviennent.
Nous ne pouvons pas rester à ne rien faire, à laisser le conditionnement culturel prévaloir et les stéréotypes sexuels se répandre et nous ne pouvons pas accepter que les enfants soient relégués au second rang. Il importe de reconnaître que tous les être humains devraient être libres de poursuivre leurs rêves sans se voir accoler une étiquette ou un stéréotype et sans se faire piéger dans des situations dangereuses parce qu'il y a des gens qui se font de l'argent sur le dos de ceux et celles qui sont relégués au second rang au sein de la société.
Je suis heureuse d'avoir eu la possibilité de prendre la parole aujourd'hui et de saluer les groupes communautaires qui sont là pour nous. J'invite le Parlement à être là pour eux.