Monsieur le Président, je suis très heureuse de prendre la parole à la Chambre au sujet de cette motion qui porte sur une question qui aurait dû faire l'objet d'un débat depuis longtemps déjà, une motion certainement rendue nécessaire en raison de l'inaction du gouvernement.
Pour commencer, je confirmerai d'emblée que le Parti libéral appuiera cette motion. Elle porte sur un dossier bien trop important pour qu'on tergiverse et qu'on tente de faire de la politicaillerie alors qu'il y va de l'existence même d'une industrie nationale.
Il faut agir immédiatement et offrir les ressources nécessaires à la sauvegarde des milliers d'emplois et de l'expertise que l'industrie forestière procure à notre pays. Le gouvernement doit comprendre que blâmer les marchés mondiaux pour la crise dans l'industrie forestière puis rester les bras croisés n'est pas une façon de diriger notre pays pour un parti au pouvoir.
Cessons de blâmer les autres. Cessons de faire de la politicaillerie. Il est temps d'agir. Cette motion fournit une directive claire.
Après avoir reçu une copie de la motion et avoir eu l'occasion de me pencher sur celle-ci, deux choses m'ont sauté aux yeux. La première est que cette motion est bonne pour le Québec. Ceci n'est certainement pas surprenant, la motion émane du Bloc québécois.
En tant que députée du Québec, je suis toujours à l'affût des meilleurs intérêts de ma province et cette motion et ses directives viendraient définitivement aider notre industrie forestière. Mais la deuxième chose qui m'a frappée par son évidence est que cette motion est bonne pour le Canada.
Ce n'était probablement pas l'intention des députés du Bloc lorsqu'ils ont élaboré cette motion, mais celle-ci est vraiment utile à l'ensemble du Canada.
Comme l'industrie forestière est incrustée profondément partout au pays, elle a un impact sur toutes les régions du Canada. C'est l'une de nos quatre industries fondatrices. Il serait en fait difficile d'imaginer un Canada sans industrie forestière.
Notre pays est fier de ses ressources naturelles, ce qui est facile à comprendre, compte tenu du fait que le Canada vient au deuxième rang au monde sur le plan de la superficie. Il va donc de soi que notre industrie forestière est l'un des piliers de notre dynamisme économique passé, présent et, il faut l'espérer, futur.
Le Parti libéral le comprend. Le Parti libéral a essayé de prendre les moyens nécessaires pour assurer la prospérité à long terme de cette industrie, mais le parti d'en face lui a systématiquement mis des bâtons dans les roues.
Le 24 novembre 2005, le gouvernement libéral a annoncé, en partenariat avec des intervenants de l'industrie forestière, un véritable plan pour le secteur forestier, soit la Stratégie sur la compétitivité de l'industrie forestière, à laquelle furent affectés 1,5 milliard de dollars sur cinq ans. Cette stratégie comprenait 215 millions de dollars pour la mise au point de nouvelles technologies pour améliorer la compétitivité, 50 millions de dollars pour la mise au point de technologies de bioénergie et de cogénération d'énergie, 90 millions de dollars pour appuyer l'innovation dans les produits forestiers à valeur ajoutée, 66 millions de dollars pour le développement du marché des produits forestiers, 10 millions de dollars pour améliorer les compétences professionnelles dans le secteur forestier, 150 millions de dollars pour aider les collectivités qui dépendent de l'industrie forestière à se diversifier sur le plan économique, 800 millions de dollars en prêts pour aider les entreprises forestières à améliorer leur compétitivité, et finalement 100 millions de dollars en prêts pour aider les petites entreprises du secteur forestier.
Dès qu'ils ont formé le gouvernement en 2006, les conservateurs ont rejeté ce plan. Aujourd'hui, les travailleurs forestiers canadiens paient le prix de cette décision. Au lieu d'investir dans l'amélioration de la technologie, des compétences et de la compétitivité pour renforcer l'industrie et sauver des emplois, le Canada perd maintenant des dizaines de milliers d'emplois. Depuis que les conservateurs sont au pouvoir, le Canada a perdu 20 000 emplois dans le secteur forestier.
Les pertes d'emplois et le manque de vision du gouvernement conservateur ont des conséquences qui débordent de l'industrie forestière. En effet, ces facteurs ont un impact négatif sur la population des collectivités qui comptent sur le secteur forestier pour leur survie. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Nous voulons aider la population, les familles et les collectivités, partout au Canada, qui comptent sur cette industrie pour assurer leur survie et leur croissance future.
Pendant les jours critiques qui ont suivi l'effondrement de l'industrie automobile, les caméras de la télévision ont souvent saisi de gros plans d'hommes et de femmes laborieux qui sortaient de l'usine avec une tête d'enterrement, avec une expression de désespoir et d'inquiétude. Ces images étaient parfaites pour un segment vidéo de 30 secondes à passer aux nouvelles de 18 heures. Qu'on ne se méprenne pas. Je ne veux pas dire que l'industrie automobile n'était pas en crise et qu'une intervention de l'État était superflue. Je veux simplement dire que la même chose est en train de se passer dans le secteur forestier. Cependant, personne ne dirige les projecteurs sur les mines soucieuses et troublées des milliers d'hommes et de femmes terrifiés à l'idée de perdre inutilement leur mode de vie.
Ces petites communautés rurales n'attirent pas l'attention des grands réseaux de télévision et on n'entend parler que des grandes entreprises qui tentent de remanier leurs finances pour rester à flot. Ce sont les petites entreprises familiales et l'exploitation forestière à caractère communautaire qui ont besoin de notre aide, et elles en ont besoin maintenant.
Plusieurs personnes vivant à l'extérieur de ces collectivités ne se rendent même pas compte que si l'industrie forestière cesse d'exister, ce sont des communautés ancestrales toutes entières qui périront à leur tour. L'une nourrit l'autre. Ces communautés comptent sur l'industrie forestière et si la source principale de revenus tarit, ce sera aussi le petit restaurant du coin qui fermera ses portes. Ce dernier sera suivi de près par le dépanneur qui, après avoir mis à pied le seul employé, sera probablement forcé de fermer à son tour. L'épicerie locale, le garage et la station d'essence, tous ces petits commerçants voient aussi leurs clients partir à la recherche d'une autre vocation. Ce sont des familles qui luttent pour boucler leurs fins de mois, des communautés qui luttent pour y garder leurs citoyens, des jeunes qui perdent espoir et qui quittent pour les grands centres urbains pour trouver du travail. Ce qui était autrefois une communauté prospère et autonome se transforme en une ville fantôme, désertée par ses forces vivantes, où seuls quelques irréductibles maintiennent l'espoir d'un renouveau.
Il est évident que c'est là le scénario du pire. Je sais bien que c'est une façon très pessimiste de voir les choses. Toutefois, cela pourrait arriver et c'est d'ailleurs déjà arrivé par le passé à cause du manque d'initiative et de volonté d'agir du gouvernement. Ces histoires doivent être entendues. De telles situations s'expliquent par le fait que le gouvernement ne fait rien pour venir en aide aux gens qu'ils représentent lorsqu'ils en ont besoin. Les conservateurs ne veulent pas croire que c'est leur refus démagogique et étroit d'esprit d'intervenir qui explique cette situation. Ils préfèrent jeter le blâme sur toutes sortes de facteurs externes qui, bien que réels, sont loin de tout expliquer.
Les conservateurs ont tort parce qu'ils auraient pu prévenir cette situation. Ils auraient pu intervenir de façon efficace. S'ils acceptaient le bien-fondé de la présente motion, ils pourraient encore aider ces gens et ces communautés à sortir de cette difficile période de récession plus forts et mieux en mesure de faire face aux prochains défis.
Il y a des choses à faire pour aider ces gens et pour intervenir de façon efficace. Je sais que nous pouvons faire une différence pour aider les Québécois et tous les Canadiens.
Comment pouvons-nous faire cette différence? Pour commencer, nous devons les écouter. Je suis heureuse de dire que mon parti a su le faire. Personnellement, j'ai voyagé au Québec et en Colombie-Britannique à l'écoute des besoins identifiés par le secteur forestier. J'ai parlé avec des propriétaires d'entreprise, des superviseurs d'usine, des groupes d'employés et de nombreuses associations. J'ai été saisie par les combats auxquels ils doivent se livrer en ces temps économiques difficiles.
J'ai écouté les pistes de solution qu'ils avaient pour le présent et leurs rêves pour l'avenir. Mes collègues ont aussi voyagé, et écouté des histoires et des préoccupations similaires dans les provinces de l'Atlantique et dans le nord de l'Ontario.
Ce qui est étonnant dans toutes ces réunions, visites et consultations, c'est que personne dans le secteur forestier ne s'attend à ce que le gouvernement leur émette un chèque en blanc. L'industrie n'a jamais demandé de cadeaux ni de charité. Ce dont l'industrie a besoin, ce sont des outils. Elle a demandé ces outils pour pouvoir se battre, pour survivre, pour moderniser ses opérations, et pour garder ses entreprises ouvertes et efficaces. C'est ainsi qu'elle va réussir à conserver ses travailleurs qualifiés et à garder la raison d'être de ses collectivités.
Les dirigeants de cette industrie ont demandé au gouvernement fédéral de leur donner des outils, de leur consentir des crédits d'impôt, des prêts et des garanties de prêts pour que leurs membres aient accès aux capitaux dont ils ont urgemment besoin pour payer leurs factures d'électricité, faire fonctionner leurs usines et payer leurs employés. Ils n'ont pas demandé la charité. Ils ont demandé qu'on leur donne les moyens de se battre et c'est là l'objet de la présente motion. Ce qui est plus important encore, c'est que c'est exactement ce que mon parti a offert à cette industrie depuis 2005.
Je reviendrai maintenant un peu en arrière pour parler de l'entente sur le bois d'oeuvre. Nous savons tous que le gouvernement aime bien réécrire l'histoire. Ces jours-ci, dès que l'on prend un peu de retard, l'histoire semble disparaître complètement des sites web gouvernementaux.
Le Parti Libéral a toujours soutenu et encouragé une démarche à double volet dans la résolution du conflit concernant le bois d'oeuvre résineux: l'arbitrage des tribunaux d'un côté, et la table des négociations de l'autre.
Le 19 septembre 2006, le Parti libéral a voté contre l'entente sur le bois d'oeuvre résineux et, le 6 décembre 2006, contre le projet de loi C-24 sur les droits d'exportation de produits de bois d'oeuvre.
Le Parti libéral voulait s'assurer que le gouvernement conservateur se conformerait à l'Accord de libre-échange nord-américain et tiendrait sa promesse électorale de récupérer la totalité des droits de douane illégalement perçus par les États-Unis.
Les libéraux pensent que l'entente sur le bois d'oeuvre est profondément déficiente pour les raisons suivantes.
Elle représente un revirement de la position adoptée par les gouvernements fédéraux successifs et appuyée par les conseils commerciaux de l'ALENA et de l'Organisation mondiale du commerce, à savoir que notre secteur du bois d'oeuvre n'est pas subventionné.
Elle compromet les possibilités pour le Canada de venir en aide aux secteurs déjà en difficulté en concédant une partie de notre souveraineté sur la gestion de nos ressources naturelles à nos concurrents américains. Les conséquences de cette capitulation se feront sentir dans les futurs conflits qui ne manqueront pas de survenir, non seulement dans le domaine du bois d'oeuvre résineux, mais également dans d'autres secteurs qui font face aux mêmes accusations de la part de leurs concurrents américains.
Elle crée une taxe à l'exportation qui, au taux actuel, est en fait plus élevée que les droits de douanes illégaux américains du passé.
Elle réduit à néant la crédibilité de l'ALENA comme arbitre de conflits commerciaux et les principes qui régissent ces échanges.
Elle abandonne 500 millions de dollars aux mains du secteur forestier américain, qui s'en sert pour financer des attaques judiciaires et politiques contre l'industrie canadienne, et 500 autres millions de dollars aux mains du gouvernement américain.
Elle contient des dispositions anti-fluctuation qui priveront l'industrie canadienne de la souplesse dont elle a besoin pour faire face à des situations imprévues, telle l'infestation de dendroctones du pin.
Malgré la force de notre position juridique étayée par de nombreuses décisions rendues par les tribunaux du commerce internationaux et nationaux, au Canada comme aux États-Unis, le gouvernement conservateur a précipité les négociations en établissant des dates butoirs arbitraires afin de maximiser la valeur politique de l'entente pour le Parti conservateur du Canada.
Le programme électoral conservateur a primé sur les intérêts d'une industrie qui pèse, et ce, dans toutes les régions du Canada. Le gouvernement conservateur a usé d'un ultimatum pour forcer la main des producteurs canadiens: acceptez cet accord, sinon, le gouvernement vous abandonnera. Les garanties de prêts mises en place avant les élections de 2006 ont été annulées et les conservateurs ont fait clairement savoir à l'industrie qu'elle n'aurait pas d'aide fédérale si elle choisissait de faire valoir ses droits devant les tribunaux au lieu d'accepter l'entente.
Ce qu'il convenait de faire — et c'est ce que le gouvernement libéral avait proposé — était d'accepter une entente négociée ou de poursuivre des actions en justice, qui étaient tout à fait justifiées et que nous aurions appuyées par des garanties de prêts, un soutien au réinvestissement, de l'aide en faveur de l'adaptation des collectivités et des travailleurs et un soutien financier pour couvrir les frais juridiques.
Les conservateurs prétendent que leur entente sur le bois d'oeuvre a mis fin au conflit, mais les États-Unis ont entamé des consultations qui ont remis en question les politiques forestières de l'Ontario et du Québec, moins de sept mois après avoir signé cette entente.
Parmi les provinces qui font face aux mêmes accusations, on compte la Nouvelle-Écosse, la Colombie-Britannique et l'Alberta. Ce sont les 500 millions de dollars que les conservateurs ont laissé aux mains des Américains en concluant l'entente sur le bois d'oeuvre qui servent à financer ces attaques.
Le 4 mars 2008, la Cour d'arbitrage international de Londres a rendu sa décision dans les premières poursuites engagées par les États-Unis à l'encontre du Canada au regard à l'Entente sur le bois d'oeuvre résineux signée en 2006. Elle a conclu que le Canada avait enfreint les termes de l'entente en ne calculant pas les quotas correctement pendant les six premiers mois de 2007. La décision de la Cour exigeait que le Canada remédie à ses manquements dans les trente jours et qu'il impose une taxe à l'exportation de 10 p. 100 aux provinces concernées, jusqu'à ce qu'il ait recueilli 68 millions de dollars.
Cette décision est le résultat direct de l'accord donné en 2006 par le gouvernement conservateur à l'imposition de quotas et de taxes sur le volume exporté vers les États-Unis, quand le prix du bois d'oeuvre était en général inférieur à 355 dollars américains par mille pieds-planche.
Nous avons perdu toute crédibilité sur la scène internationale. Le gouvernement a abandonné notre industrie forestière à des fins politiques et il prétend maintenant que les marchés mondiaux sont à la fois la cause et l'effet du problème. Ce qui est ironique, dans tout cela, c'est que les conservateurs avancent maintenant que le gouvernement ne peut offrir aux entreprises forestières les garanties de prêts nécessaires parce que cela est contraire à l'accord sur le bois d'oeuvre.
Je suis désolée de les désillusionner, mais les conservateurs font preuve de malhonnêteté. Les avocats du gouvernement se démènent en ce moment devant la Cour d'arbitrage international de Londres pour faire valoir que les garanties de prêt ne contreviennent pas à l'accord sur le bois d'oeuvre. La position juridique que défendent les avocats à cet égard est publiée sur le site web du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
On pourrait croire à tort que l'histoire se termine ici. Or, au printemps, un rapport du Sous-comité sur les secteurs industriels concernant les difficultés avec lesquelles sont aux prises de nombreux secteurs industriels comprenait à la fin une opinion dissidente du sous-comité en ce qui concerne l'industrie forestière. La voici:
En ce qui concerne une recommandation sur l’industrie forestière, le Parti libéral souscrit à la recommandation, avec le libellé suivant: « Que le gouvernement du Canada mette en place une facilité de crédit destinée expressément à l’industrie forestière. »
Le Parti libéral continue de travailler activement avec le secteur forestier afin de le soutenir. Nous, nous sommes conscients que le problème n'est pas nouveau, contrairement au gouvernement, qui, lui, fait l'autruche dans l'espoir que la situation se règle d'elle-même.
Nous devons prendre position en faveur de cette industrie pour les milliers d'hommes et de femmes touchés par cette crise. Nous devons agir maintenant, et nous avons besoin de solutions maintenant.
Nous devons aider une industrie qui est en crise, et nous devons le faire sans plus de délai et sans plus d'excuse. Il est temps de se mettre au travail, et il est grand temps de faire fonctionner le Parlement pour le bien de nos industries en difficulté.