Madame la Présidente, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-23, et mes collègues néo-démocrates et moi-même sommes fiers de nous y opposer.
Le projet de loi vise le libre-échange avec un gouvernement qui refuse de reconnaître les droits de la personne, qui se fait complice des violations des droits de la personne, qui refuse de reconnaître la nécessité de protéger notre planète et notre environnement et qui se fait complice de ceux qui tiennent nos ressources naturelles pour acquises.
Le 21 novembre 2008, le Canada a signé un accord de libre-échange et le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui mettrait en oeuvre ce dernier, qui a été signé par les deux pays.
Même si l'accord a été signé, il n'est pas trop tard, raison pour laquelle nous prenons la parole à tour de rôle à la Chambre pour parler de ses lacunes. Nous essayons de sensibiliser le gouvernement au fait qu'il s'agit d'une très mauvaise entente. Elle est mauvaise tant pour le Canada que pour la Colombie.
Le 25 mai, le Bloc québécois a présenté un amendement important au projet de loi C-23. Aujourd'hui, j'estime pertinent d'en faire lecture à la Chambre. En voici donc le libellé:
Que la motion soit modifiée par substitution, aux mots suivant le mot « Que », de ce qui suit:
« la Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-23, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie, de l'Accord sur l'environnement entre le Canada et la République de Colombie et de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la République de Colombie, parce que le gouvernement a conclu cet accord alors même que le Comité permanent du commerce international était en train d’étudier la question, démontrant ainsi son mépris des institutions démocratiques. »
Cet amendement est fort important et son libellé très précis. Il est important parce qu'il réitère l'objectif du projet de loi et indique que les députés refusent de faire la deuxième lecture de cette mesure législative. Nous refusons en effet de passer à l'étape de la deuxième lecture parce que ce projet de loi ne sert ni les intérêts du Canada, ni ceux de la Colombie.
J'ai précédemment souligné à la Chambre certains des aspects les plus inacceptables de cet accord de libre-échange. Comme on le sait déjà, l'accord de libre-échange Canada-Colombie comprend trois parties, soit l'accord proprement dit ainsi que les ententes parallèles sur le travail et l'environnement.
Voici les éléments préoccupants de cet accord. Premièrement, il n'assure pas la protection des droits des travailleurs. La Colombie est l'un des pays les plus dangereux du monde pour les syndicalistes qui sont régulièrement victimes de violence, d'intimidation, voire d'assassinat par des groupes paramilitaires liés au gouvernement colombien.
L'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie ne comporte pas de normes du travail rigoureuses. Comme je l'ai déjà dit, le fait d'inscrire ces dispositions sur la main-d'oeuvre dans un accord parallèle sans prévoir de mécanisme d'exécution rigoureux n'encouragera pas la Colombie à améliorer l'épouvantable situation des droits des travailleurs sur son territoire et justifiera même le recours à la violence.
Le projet d'accord est également inacceptable en ce qui a trait à la protection environnementale. La question de l'environnement fait elle aussi l'objet d'un accord parallèle dépourvu de mécanisme d'application. Quiconque a examiné le droit, la loi ou les politiques sait fort bien que, à défaut de mécanisme d'application, toute mesure législative est futile. Or, le projet de loi ne prévoit aucun mécanisme d'application pour forcer le Canada ou la Colombie à respecter les droits environnementaux.
Nous avons pu constater par le passé que ce genre d'accord est pratiquement inapplicable. J'attire notamment l'attention sur un accord que nous connaissons tous, en l'occurrence l'ALENA. Pas une seule poursuite intentée en vertu de l'accord sur la main-d'oeuvre parallèle à l'ALENA n'a été fructueuse.
Le chapitre sur les investisseurs, qui est une reprise du chapitre 11 de l'ALENA sur les droits des investisseurs, est un autre aspect de l'accord qui laisse à désirer. L'Accord de libre-échange Canada-Colombie accorde aux entreprises privées un pouvoir considérable pour intenter des poursuites contre les gouvernements, et ce droit est exécutoire par l'entremise de groupes spéciaux d'arbitrage. Ces dispositions sont particulièrement inquiétantes parce que de nombreuses multinationales canadiennes du secteur pétrolier et minier sont présentes en Colombie.
Le mécanisme d'arbitrage prévu dans le chapitre 11 donne aux entreprises étrangères le droit de contester les mesures de protection légitimes que le Canada a prises à l'égard de l'environnement, des travailleurs et de la société. Le fait de donner une telle possibilité à des entreprises privées de la Colombie ou d'autres pays ne ferait qu'éroder davantage la capacité du Canada et de la Colombie à adopter des lois et des règlements visant l'intérêt public.
Les droits de douane sur les produits agricoles sont un autre aspect problématique. En Colombie, la pauvreté a un rapport direct avec l'exploitation agricole, car 22 p. 100 des emplois sont en agriculture. La suppression des droits de douane sur les céréales, le porc et le boeuf du Canada entraînera un arrivage massif de produits bon marché, ce qui signifiera pour les Canadiens des milliers d'emplois perdus.
Le projet de loi C-23 déstabiliserait également le secteur canadien du sucre. Importer du sucre de Colombie pourrait entraîner la fermeture d'au moins une des usines de sucres de l'Ouest canadien et des pertes d'emplois pour quelque 500 employés et 250 producteurs de betterave à sucre. Et n'oublions pas que la Colombie n'est pas un de nos principaux partenaires commerciaux; elle arrive au cinquième rang des pays latino-américains. N'oublions pas non plus que 2 690 syndicalistes ont été assassinés en Colombie depuis 1986, dont 31 cette année seulement. Et n'oublions pas que près de 200 000 hectares de forêt naturelle disparaissent chaque année en Colombie, cédant la place à l'exploitation agricole, forestière ou minière ou encore à des constructions ou à des installations de production d'énergie. Et nous sommes complices de tout cela.
Le libre-échange ne fonctionne pas dans ce contexte. Quelle est la solution?
J'aimerais faire part à la Chambre d'un concept que bien des Néo-Écossais connaissent bien: le commerce équitable. La coopérative de torréfaction de café Just Us! a vraiment lancé le concept de commerce équitable en Nouvelle-Écosse. Le commerce équitable est un partenariat commercial qui repose sur le dialogue, la transparence et le respect et qui vise un meilleur équilibre dans le commerce international. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions aux producteurs et aux travailleurs et en protégeant leurs droits, surtout dans les pays du Sud.
Les organisations de commerce équitable qui sont appuyées par les consommateurs soutiennent activement les producteurs, et elles s'emploient activement à faire de la sensibilisation et à faire changer les règles et les pratiques du commerce international conventionnel. C'est ce que nous voyons avec cet accord.
Le commerce équitable vise un objectif stratégique triple: premièrement, collaborer délibérément avec les producteurs et les travailleurs marginalisés pour les aider à passer d'une position de vulnérabilité à une position de sécurité et d'autonomie financière; deuxièmement, habiliter les producteurs et les travailleurs en faisant d'eux des parties prenantes de leur entreprise; troisièmement, jouer un rôle actif plus large sur la scène mondiale pour assurer plus d'équité dans le commerce international.
Pour dire les choses plus simplement, le commerce équitable est une alliance entre producteurs et consommateurs, sans intermédiaire. Il permet ainsi de renforcer la position du producteur et lui donne plus de dignité et un meilleur prix pour ses produits. Les consommateurs achètent des produits d'une qualité élevée qu'ils savent être durables d'un point de vue social et écologique.
Just Us! Coffee Roasters est la première entreprise de torréfaction équitable au Canada. Elle est située à Wolfville, en Nouvelle-Écosse. Il y a deux magasins Just Us! Coffee Roasters à Halifax, ma circonscription: un sur la rue Barrington, qui se trouve au coeur du quartier d'affaires, et l'autre sur la rue Spring Garden, qui est très proche du campus de l'Université Dalhousie.
Ces deux cafés sont d'une importance vitale pour notre collectivité. Ce sont des endroits où l'on peut rencontrer des amis et acheter des produits éthiques. Ils font partie de notre économie locale, et ils appuient également cette dernière. En effet, ils offrent des aliments préparés par des fournisseurs locaux, tels que Terroir Local Source Catering et Unique Asian Catering, qui sont de petites entreprises situées à Halifax.
Je félicite Just Us! Coffee Roasters d'avoir donné l'exemple et d'avoir montré au Canada que le commerce équitable était possible. J'espère que le projet de loi sera rejeté et que, au lieu de récompenser les pays qui ne reconnaissent pas les droits de la personne, nous travaillerons avec eux pour assurer un commerce juste et équitable.
Ce sont là les raisons pour lesquelles je m'oppose au projet de loi C-23.