Monsieur le Président, je vous remercie de m'accorder la parole pour débattre de l'accord de libre-échange entre le Canada et la République de la Colombie.
Mes collègues l'ont assez dit: le Bloc québécois est tout à fait contre ce projet de loi. Comme on le sait, il favorise quelques grandes entreprises minières canadiennes au détriment de la population locale, des Colombiens et des Colombiennes ainsi que de leur environnement. En outre, il n'exige jamais que la Colombie respecte les droits de la personne. Pourtant, la Colombie a besoin de se faire dire de respecter les droits de la personne.
C'est absolument incompréhensible qu'un pays comme le Canada veuille absolument conclure un accord de libre-échange avec un pays comme la Colombie.
On a dit que nos économies n'étaient pas comparables. Or, l'un des principes de base à la conclusion d'un accord de libre-échange est que l'économie des pays signataires soit comparable.
Les accords de libre-échange ne doivent pas avoir pour seul but de favoriser les échanges commerciaux. Il faut pouvoir aller dans le pays, prendre l'avion, aller sur les routes, visiter et rencontrer des gens. Il faut pouvoir aller dans les édifices gouvernementaux. On va peut-être signer un traité, mais on ne pourra pas y aller. C'est dommage que le gouvernement ne comprenne pas ce qu'il dit lui-même.
Sur le site Internet d'Affaires étrangères et Commerce international Canada, une section consacrée à la Colombie donne des conseils aux voyageurs et des avertissements. Il y a une rubrique intitulée: « Faire preuve d'une grande prudence ». Je cite les conseils aux voyageurs et les avertissements du gouvernement du Canada en ce qui concerne la Colombie.
Il n’y a aucun renseignement précis concernant de futures activités terroristes ou des menaces contre les citoyens canadiens en Colombie. Toutefois, la situation demeure imprévisible. Il est possible que des attentats terroristes prennent pour cible des véhicules et installations de l’armée et de la police, des restaurants, des garages souterrains, des boîtes de nuit, des hôtels, des banques, des centres commerciaux, des véhicules du transport en commun, des édifices gouvernementaux et les aéroports situés dans les grandes villes.
Comment peut-on conclure un accord de libre-échange avec un pays où il est dangereux de se rendre dans les aéroports des grandes villes? Comment fait-on pour conclure un traité de libre-échange économique avec un pays où il peut se produire des attentats dans des édifices gouvernementaux? Comment peut-on placer de l'argent dans les banques d'un pays où on ne peut pas aller parce que c'est dangereux? On parle d'attentats terroristes.
Toujours dans la même rubrique, on dit ceci:
Les Canadiens devraient se montrer vigilants et se tenir à l’écart de tout colis ou item laissé à l’abandon et en informer le personnel de sécurité.
Cela n'a aucun sens. Peut-on recommander au gouvernement conservateur de se tenir à l'écart d'un accord de libre-échange avec la Colombie?
Au paragraphe « Avertissement régional », on dit: « Éviter tout voyage non essentiel ».
Sous « Avertissement officiel », on peut lire que:
Affaires étrangères et Commerce international Canada [ce sont les conservateurs] recommande d'éviter tout voyage non essentiel dans la ville de Cali et dans la plupart des régions rurales de la Colombie, en raison des changements constants dans les conditions de sécurité, et de la difficulté qu’éprouvent les autorités colombiennes à assurer la sécurité sur tout leur territoire.
Qui va aller signer un accord de libre-échange? Quel ministre voudra se rendre dans ce pays après avoir lu cela?
Le paragraphe se poursuit ainsi:
Certaines parties de la zone productrice de café située au sud-ouest de Bogotá (Risaralda, Quindio et Caldas) font exception, ainsi que les centres de villégiature où l’industrie du tourisme est développée, comme les îles Rosario au large de la côte Atlantique et les centres situés sur l’Amazone, près de Leticia. Dans tous les cas, les déplacements vers des zones rurales ne devraient être effectués qu’en suivant les recommandations indiquées dans la section Sécurité de ces Conseils aux voyageurs.
Ce n'est pas fini. Le troisième avertissement, « Éviter tout voyage », commence ainsi:
Affaires étrangères et Commerce international Canada recommande d'éviter tout voyage dans les départements de Putumayo et Nariño (sauf Pasto), situés près de la frontière de l'Équateur, et dans les départements d’Arauca, Choco, Santander (sauf Bucaramanga) et Norte de Santander (sauf Cucuta), situés près de la frontière du Venezuela.
La suite vaut la peine d'être entendue:
La présence de trafiquants de stupéfiants armés, de guérillas et d’organisations paramilitaires, y compris les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) et le ELN (l’Armée de libération nationale), représente des risques élevés pour la sécurité des voyageurs. Ces groupes continuent de perpétrer des attaques, des extorsions, des enlèvements, des attentats à la bombe dans des voitures et des dommages à l’infrastructure dans ces régions. On a signalé l’usage de mines antipersonnel par des guérillas, surtout dans les milieux ruraux.
Et on nous demande de conclure un traité de libre-échange avec un pays qui a affaire aux guérillas, aux trafiquants armés de stupéfiants et aux organisations paramilitaires? On dit qu'il y a des risques élevés d'attaques, d'extorsion et d'enlèvements. Qui veut signer un accord de libre-échange avec un pays qui a de tels problèmes?
Il est également conseillé d'éviter tout voyage dans les départements de Cauca, Caqueta, Guaviare, Valle de Cauca (sauf Cali) [plus haut, on disait pourtant d'éviter Cali] et Antioquia (sauf Medellin), dans les régions au sud du département de Meta et dans la ville de Buenaventura, en raison de la présence de groupes armés similaires.
Signer un accord de libre-échange avec un pays où l'on ne peut même pas aller est insensé. Ce même gouvernement dit de ne pas y aller, que c'est dangereux. Il demande d'éviter tout voyage dans certaines régions, d'éviter tout voyage essentiel dans d'autres régions et de faire preuve d'une grande prudence, parce qu'il pourrait y avoir des attentats terroristes. Je vais nommer les attentats auxquels on peut s'attendre. C'est épeurant.
Il est possible que des attentats terroristes prennent pour cible des véhicules et installations de l’armée et de la police, des restaurants [Dans les restaurants! Où irons-nous manger? Doit-on apporter son lunch?], des garages souterrains, des boîtes de nuit, des hôtels, des banques, des centres commerciaux, des véhicules du transport en commun, des édifices gouvernementaux et les aéroports situés dans les grandes villes.
On ne doit pas aller dans ces endroits. Ce gouvernement dit des choses qu'il ne respecte pas lui-même, puisque j'imagine qu'il compte aller dans ces endroits.
Selon un bulletin de Vivre ensemble du Centre justice et foi, qui travaille à la construction d'une société accueillante pour les nouveaux arrivants:
[...] le Canada agit actuellement comme chef de file dans le parrainage de réfugiés colombiens pour une réinstallation permanente au pays. Cependant, il convient d'abord de s'attarder sur l'implication troublante de compagnies canadiennes, avec l'assentiment du gouvernement fédéral, dans l'alimentation du conflit. Signalons dans un premier temps qu'en 1995 la compagnie canadienne Goldfields signait, avec une riche famille locale, un contrat d'exploitation d'une mine d'or jusque-là exploitée artisanalement par les habitants de la région de Río Viejo et que, simultanément, les paramilitaires massacraient 400 personnes et faisaient fuir plus de 30 000 personnes de cette région. Les militaires qui ont aussi participé à cet abominable carnage sont connus pour avoir été formés à ladite École des Amériques.
C'est ce que l'on peut lire dans le bulletin Vivre ensemble. Ce n'est pas joli. Je poursuis cette citation:
Second fait troublant à relever, le Ottawa Citizen rapportait récemment la collaboration d'une compagnie canadienne d'aérospatiale avec l'armée colombienne pour l'entretien de ses hélicoptères militaires. Vector Aerospace, une compagnie terre-neuvienne, affirme avoir reçu la bénédiction du gouvernement fédéral [celui du Canada] pour la signature de ce contrat de 6,5 millions de dollars, ce dernier jugeant qu'il n'y avait pas de motifs valables de penser que cet armement serait utilisé contre la population civile. [Allons donc, contre qui d'autre peuvent-ils l'utiliser?] L'armée colombienne et les organisations paramilitaires qui y sont rattachées ont pourtant été pointées du doigt par nombre d'observateurs internationaux, dont Human Rights Watch et Amnistie internationale, et trouvées responsables de milliers de morts violentes.
C'était tiré du bulletin Vivre ensemble du printemps dernier.
Ce gouvernement conservateur ne désire pas le bien-être de la population colombienne. Plusieurs éléments démontrent de façon on ne peut plus claire qu'il n'y a rien dans cet accord pour la population colombienne.
Cet accord en est un de protection des investissements. C'est un accord d'exploitation de la population locale, d'exploitation de l'environnement colombien, mais ce n'est pas un accord qui peut aider d'aucune façon la population de Colombie.