Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat sur le projet de loi C-18 concernant les pensions des membres de la GRC.
Je souhaite complimenter de la part du caucus du NPD mon collègue de St. John's-Est pour le travail qu'il a fait sur la question. Je pense que le discours qu'il a fait récemment à la Chambre donne un bon aperçu de la position du NPD sur le projet de loi C-18.
Pour remettre mes remarques sur les pensions des membres de la GRC et les pensions des fonctionnaires en général dans le contexte, je voudrais rendre hommage à un ancien député du NPD de ma circonscription, Winnipeg-Centre. Le révérend Stanley Knowles a représenté la circonscription que je représente maintenant de 1942 à 1984 quand un AVC l'a terrassé. Pendant sa carrière politique, il a passé beaucoup de son temps à se battre pour les pensions et la Sécurité de la vieillesse. Nombre d'entre nous le considèrent comme le père du régime de Sécurité de la vieillesse dans ce pays à cause de la ténacité dont il a fait preuve à ce sujet au cours de ses 42 ans de carrière.
L'idée d'éradiquer la pauvreté chez les personnes âgées et de leur assurer la sécurité du revenu remonte, dans ce pays, à 1925-1926, au moment de l'élection à la Chambre des communes de mon prédécesseur dans la circonscription de Winnipeg-Centre, J. S. Woodsworth, membre du Parti travailliste indépendant.
En 1925-1926, William Lyon Mackenzie King se trouvait à la tête d'un gouvernement minoritaire. De nombreux étudiants en histoire parlementaire connaissent l'affaire King-Byng. M. King était en position minoritaire et il avait besoin de l'appui de J. S. Woodsworth et du petit parti qu'était le Parti travailliste indépendant. A. A. Heaps, un autre député originaire du Manitoba, était leader syndical, un des leaders de la grève générale à Winnipeg, comme J. S. Woodsworth.
Il est intéressant de remarquer que le gouvernement du Canada voulait envoyer J. S. Woodsworth en prison pour son rôle de leader dans la grève générale à Winnipeg, mais que les habitants de Winnipeg-Centre l'ont envoyé à Ottawa pour être leur député au Parlement. Il y est resté 22 ans.
Il est aussi intéressant de noter que J.S. Woodsworth avait été accusé de trahison parce qu'il avait cité un passage de la Bible, et plus précisément du livre d'Ésaïe. Il parlait à un grand groupe de grévistes durant la grève générale de Winnipeg, en 1919. Il a affirmé que nous étions les gardiens de notre frère sur cette Terre. Pour avoir dit ces mots, il a été accusé d'incitation à la révolte et jeté en prison.
Un grand nombre des leaders de cette grève générale, dont on souligne le 90e anniversaire cette année, ont été élus aux assemblées législatives provinciales, au conseil municipal de Winnipeg et à la Chambre des communes à partir de leurs cellules de prison.
C'est J. S. Woodsworth qui a conclu une entente avec Mackenzie King dans le cadre d'une lettre. Dans celle-ci, J. S. Woodsworth a affirmé qu'il appuierait le gouvernement de Mackenzie King si le Parlement instaurait un programme de la sécurité de la vieillesse ainsi qu'un régime de pensions de vieillesse.
Mackenzie King a accepté cette demande dans une lettre célèbre, qui se trouve dans les archives du Nouveau Parti démocratique. C'est le député de Winnipeg-Centre, J. S. Woodsworth, qui a utilisé son influence politique pour qu'on mette en place un régime de pensions de vieillesse au Canada.
Après avoir été député de Winnipeg-Centre pendant approximativement 20 ans, M. Woodsworth a été remplacé par Stanley Knowles, qui a poursuivi sa croisade. M. Knowles a dévoué sa longue et brillante carrière parlementaire à l'établissement du Programme de la sécurité de la vieillesse. Lorsqu'il est finalement parvenu à faire adopter sa mesure visant à fournir des prestations de la Sécurité de la vieillesse de 50 $ par mois, il n'a pas abandonné sa croisade. En effet, la journée même où sa mesure a été adoptée, il a commencé un autre combat, qui visait à indexer ces prestations en fonction de l'inflation, pour qu'elles soient vraiment utiles.
Certes, l'incidence de la pauvreté chez les aînés pose toujours problème, mais force est de reconnaître que la situation s'est améliorée grandement. Nos aînés bénéficient d'un solide régime de revenus de retraite.
Cela dit, le projet de loi C-18 concerne la pension de retraite de la GRC, la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada. Le projet de loi modifie légèrement l'administration de cette loi.
On ne saurait parler du régime de retraite de la GRC en particulier sans parler du régime de retraite du secteur public en général, car les deux régimes sont liés directement.
Le régime de retraite de la GRC a suscité une vive controverse au sein du Comité des comptes publics lors de la législature précédente. La commissaire de la GRC a été traînée devant ce comité, et elle a été bombardée de questions quant à sa participation dans l'administration de ce régime de retraite. Elle a fait l'objet d'un verdict d'outrage au Parlement, verdict rarissime. La Chambre des communes l'a reconnue coupable d'outrage au Parlement. L'administration du régime de retraite de la GRC a suscité de la controverse, et la situation ne devrait pas être traitée à la légère.
En tant qu'ancien chef syndical et administrateur d'un régime de prestations aux employés, je peux dire que tous les régimes de retraite publics et privés devraient être gérés en fiducie paritaire. Les bénéficiaires du régime, les retraités qui touchent des prestations de retraite du régime, et les cotisants au régime devraient être représentés au sein des conseils d'administration de ces régimes. Ces personnes devraient être représentées de façon adéquate. Selon moi, elles devraient être représentées aux conseils d'administration selon une formule 50-50, de manière à faire entendre leurs voix au chapitre de la gestion de ces régimes de retraite. Ces régimes sont énormes. En fait, la majorité des titres négociés à la bourse de New York et à celle de Toronto concernent des régimes de pension d'employés.
Voilà le nouveau visage du capitalisme. Les gestionnaires de régimes de pension syndicaux investissent sur les marchés du capital de risque en particulier et les marchés en général. La surveillance de ces investissements nécessite de très grandes compétences, car il y a lieu d'assurer que les investissements sont faits dans le meilleur intérêt des bénéficiaires. Nous avons assurément appris bien des leçons en raison des montages financiers complexes qu'on effectue sur les marchés financiers de nos jours. La gestion irréprochable de nos régimes de retraite exige de très grandes compétences, et le régime de pension de la GRC ne fait pas exception.
Je dirais que la criminalité des cols blancs est un problème qui concerne largement les cols bleus. Nous devons pouvoir nous fier aux états financiers des entreprises où est investi l'argent de nos caisses de retraite. Si nous ne pouvons pas nous fier à ces états financiers, notre sécurité financière est sérieusement en péril, quelles que soient les mesures que nous prendrons concernant la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada ou toute autre loi régissant les caisses de retraite.
La première tâche qui nous incombe est de faire le ménage dans la gestion des entreprises présentes sur les marchés financiers, où l'argent de nos caisses de retraite est investi. Je suppose qu'on s'en occupera une autre fois. Il y a une question qui m'a toujours dérangé, et je vais en parler maintenant pour que ce soit noté dans le hansard. Au Canada, les entreprises ont le droit de faire appel à la même personne à titre de conseiller fiscal et à titre de vérificateur.
J'ose croire que nous avons su tirer de l'affaire Enron la leçon qui en découle, c'est-à-dire que nous voulons des vérificateurs indépendants. Nous ne voulons pas qu'une personne morale, comme Arthur Andersen, nous conseille sur la structuration de nos livres, les stratagèmes fiscaux, les tours de passe-passe financiers et les fraudes déguisées, puis que cette même personne soit celle qui vérifie nos livres et en atteste la conformité.
Qu'est censé faire le représentant d'un syndicat de cols bleus au sein du conseil d'administration de la caisse de retraite des employés? Qui doit-il croire? Il ne peut faire autrement que consulter les états financiers qui lui sont soumis et essayer de déterminer s'ils sont exacts. Nous devons pouvoir nous fier aux états financiers des entreprises, sinon nos problèmes dépassent largement l'administration du régime de pension de la GRC.
Permettez-moi également de soulever la question des excédents des régimes de pension du secteur public. Ces excédents devraient être considérés comme des sommes appartenant aux bénéficiaires du régime, comme s'il s'agissait d'un salaire différé.
Marcel Massé a changé tout cela en 2000, lorsqu'il a adopté sa dernière mesure à titre de président du Conseil du Trésor. Il y avait un surplus actuariel de 30 milliards de dollars dans le Régime de pension de retraite de la fonction publique. M. Massé savait que cette mesure était un suicide politique, mais comme il quittait la scène, il a fait adopter un projet de loi en vertu duquel les employés n'avaient aucun droit de propriété sur les surplus accumulés dans les régimes de pension.
C'était quelque chose de nouveau pour nous. Nous avions toujours cru que nos régimes de pension étaient des gains qui nous appartenaient, qui étaient détenus en fiducie pour nous et qui étaient investis judicieusement, afin que nous puissions prendre notre retraite dans la dignité. En fait, nous avions négocié cet acquis à la table de négociation. Au lieu d'exiger une augmentation de 1 $, nous allions en accepter une de 50 ¢, tandis que l'autre montant de 50 ¢ serait versé dans le régime de pension, où il allait fructifier au fil des années, en attendant que nous y touchions lorsque nous en aurions besoin. Toutefois, Marcel Massé a changé tout cela.
Cette mesure a aussi eu un effet d'entraînement dans le secteur privé, où les employeurs prétendent maintenant que tout surplus accumulé dans un régime de retraite leur appartient à eux et non aux employés. Cette situation devrait être dénoncée. En fait, elle devrait être corrigée.
D'une façon générale, les pensions sont attaquées. Il est absolument renversant de constater que, après s'être penché sur la crise économique qui sévit — du moins en Amérique du Nord — les analystes ne trouvent rien à redire sur la mauvaise gestion des sociétés ou sur les avantages beaucoup trop généreux accordés à leurs PDG. Ils ne trouvent rien à redire non plus sur les constructeurs d'automobiles qui fabriquent des produits dont personne ne veut.
Ces analystes ont trouvé le problème qui est à la source de notre crise économique. Ce sont les régimes de retraite syndicaux trop gourmands qui nous entraînent tous sur le chemin de la perdition. Nous, syndicalistes, ne nous en sommes pas rendus compte lorsque nous négocions des avantages de retraite équitables pour nos membres. Nous ne nous sommes pas rendus compte que nous étions en train de nuire gravement au capitalisme, tel que nous le connaissions.
Il semble que ces sociétés, qui ont toujours eu les pensions dans leur mire, ces types, qui ont toujours voulu se soustraire à ces coûts, veulent maintenant tirer profit de la crise en blâmant — au lieu de reconnaître leur propre stupidité, leur propre incompétence — les régimes de prestations aux employés, les pensions des députés, ma pension et les pensions des travailleurs de l'automobile, des travailleurs forestiers et des métallurgistes. Ainsi, notre gourmandise nuit aux capitalistes.
Toutes les données empiriques et tous les chiffres indiquent que même si les travailleurs canadiens de l'automobile travaillaient pour rien, le coût des automobiles ne diminuerait que de 5 p. 100 à 7 p. 100. Qui plus est, ces tas de ferraille ne seraient toujours pas vendables, parce que les constructeurs d'automobiles fabriquent des véhicules dont personne ne veut. Ainsi, ils ont trouvé le moyen de blâmer les régimes de prestations aux employés.
Cela fait 20 ou 30 ans que les grandes sociétés canadiennes veulent se débarrasser de ces régimes. Étant donné qu'elles cherchent toujours à profiter de toute situation, elles ont trouvé une excuse pour cibler les régimes de pension des travailleurs.
Le secteur public est peut-être le dernier endroit où les régimes d'avantages sociaux des employés sont gouvernés par la raison et la logique. Nous ne nous laisserons pas arrêter par ce genre de campagne de relations publiques du secteur de l'entreprise, qui cherche à faire porter aux travailleurs la responsabilité de ses propres échecs.
À mon avis, nous serions beaucoup moins mal pris si nos universités formaient de vrais ingénieurs plutôt que des ingénieurs de la finance. On a rendu les marchés boursiers si complexes et incompréhensibles que même les investisseurs n'arrivent pas à comprendre les marchés des produits dérivés, les marchés des fonds de couverture, etc.
Tout administrateur de régime de retraite du secteur public, et cela vaut aussi pour ceux du secteur privé, doit actualiser constamment ses connaissances pour être à la hauteur de ces ingénieurs de la finance qui sortent de programmes de MBA. Ces administrateurs ont la responsabilité, comme fiduciaires, de toujours agir dans l'intérêt des bénéficiaires. Les administrateurs qui viennent de la base ont cela en tête. Je ne suis pas convaincu que ceux qui représentent la gestion ont le même objectif à l'esprit. Ils s'inquiètent davantage du coût des avantages sociaux des retraités, ce qui représente un fardeau pour l'exploitation, que du bien-être et de la sécurité de revenu des retraités.
Dans le contexte de la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, bon nombre de ces aspects pourront être résolus lorsque le régime de la négociation collective libre aura été instauré dans les rapports entre la GRC et le gouvernement du Canada.
J'aimerais savoir pourquoi le gouvernement interjette appel de la décision de la Cour suprême selon laquelle la GRC doit avoir accès à la négociation collective libre. Cela se prépare depuis longtemps. Ceux qui sont contre l'idée soutiendraient que la GRC ne peut faire la grève pour des raisons de sécurité nationale. C'est un faux débat. Dans bon nombre de services essentiels, les employés n'ont pas le droit de grève, mais ils ont le droit à la négociation collective libre. C'est la seule façon d'aboutir à un régime de rémunération sans ingérence qui soit fondé sur la force des arguments, et non pas sur le déséquilibre de pouvoir structurel entre l'employeur et l'employé. En échappant à ce déséquilibre, on arrive à un régime de rémunération équitable.
Dans l'optique d'un tel régime, je puis garantir à la Chambre que les représentants des employés voudront être représentés de façon adéquate, sinon égale, en matière de gestion de leur régime de pensions de retraite, surtout compte tenu des entourloupettes qu'on a pu voir ces dernières années. Les employés envisagent leur régime avec un certain cynisme et un certain manque de confiance.
Comme je le disais, deux représentants de Winnipeg-Centre ont préparé la voie pour la sécurité du revenu des retraités. Chaque jour, lorsque je m'installe à mon fauteuil, je suis très conscient de suivre les traces de deux grands hommes, soit J. S. Woodsworth et Stanley Knowles, deux ministres du culte. Les deux étaient déterminés à utiliser leur poste au Parlement pour le plus grand bien de tous les Canadiens et pas uniquement des gens qu'ils représentaient. Je les félicite d'avoir fait de la sécurité du revenu des personnes âgées leur première priorité.
Le combat n'est pas terminé, il se poursuit. Nous reconnaissons que les éléments très modestes du projet de loi C-18 ajoutent un minimum d'équité dans la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada. L'idée que quelqu'un puisse acheter une période de service antérieure aux fins de son droit à pension est juste. C'est pourquoi nous appuyons cette idée.
Cependant, le Comité permanent des opérations gouvernementales, dont je fais partie et qui a étudié le projet de loi, a entendu des représentants de la GRC. Je ne parle pas ici des RRF, qui sont les représentants officiels de la GRC dans les négociations, mais de l'Association professionnelle de la police montée du Canada qui est un groupe informel qui pourrait bien devenir le défenseur de la GRC. Cette association voudrait certainement être légalement reconnue comme agent négociateur pour la GRC.
Les tribunaux ont donné 18 mois au gouvernement du Canada pour remédier à la situation et permettre des négociations collectives libres. Le gouvernement devra reconnaître un agent de négociation. Je l'exhorte à renoncer à son appel et à commencer dès maintenant le décompte des 18 mois afin que les agents de la GRC puissent avoir le droit de choisir les représentants de leur choix.
Il n'y a aucune raison sérieuse de priver les agents de la GRC du droit d'avoir des négociations collectives libres comme le reste de la fonction publique. Si leurs services sont jugés essentiels, alors, leur droit de grève peut très bien être limité, mais il n'y a aucune raison de les empêcher d'avoir des négociations collectives.
J'espère que les questions dont nous avons discuté aujourd'hui seront abordées comme il se doit à la table des négociations.