Madame la présidente, il ne fait aucun doute que cette industrie est en crise dans l'Est du Canada. L'historique ou plutôt l'évolution de cette crise remonte au déclin des ressources et aux coupes effectuées dans les quotas de pêche au poisson de fond dans les années 1990.
Les pêcheurs de poisson de fond se sont déjà retrouvés en danger, mais il y avait tout de même une lueur d'espoir pour ceux qui participaient à l'exploitation des mollusques et crustacés. La valeur des débarquements et des exportations provenant de la pêche au homard, au crabe et à la crevette a vite compensé certaines des pertes survenues dans l'industrie du poisson de fond.
Aujourd'hui toutefois, la situation est très sombre. La pêche au poisson de fond n'a jamais repris de vigueur et la lueur d'espoir offerte par le secteur des mollusques et crustacés est devenue bien faible. Il y a des réductions visant les ressources et des pressions économiques importantes qui s'exercent sur les prix. Tout cela fait partie des facteurs qui créent une pauvreté sans précédent dans bon nombre de régions et de collectivités du Canada atlantique et du Québec.
La ministre a parlé de façon plutôt éloquente de certains aspects de ses tâches. Ce qu'elle n'a pas dit toutefois, c'est qu'elle avait échoué en ce qui a trait à ses responsabilités, non seulement à l'égard de la protection du poisson, mais aussi à l'égard de la protection des pêcheurs. Elle dit qu'il y a toujours des préoccupations en ce qui a trait à la fluctuation des stocks de poissons et souligne qu'on ne peut expliquer ou prévoir ce qui se passe. Selon elle, ce sont tout simplement des choses qui arrivent.
Malheureusement, les pêcheurs savent faire la différence. Ils ont besoin de leadership. Ils ont besoin d'un ministre capable de fournir ce leadership pour prendre non seulement des décisions positives et faciles portant sur l'augmentation des quotas, mais aussi d'autres plus difficiles, lorsqu'il faut les réduire.
On souligne tout particulièrement un cas étonnant où, dans le partie sud du golfe Saint-Laurent, un quota a été réduit de 63 p. 100 en une seule saison. Les pêcheurs n'y comprennent rien. Les travailleurs des usines n'en reviennent pas. Les gouvernements provinciaux sont atterrés de voir qu'il a fallu réduire le quota de 63 p. 100 en une seule saison.
Ils ne sont pas contre la réduction des quotas. Ils n'ont pas peur des décisions difficiles. Ce qu'ils savent toutefois, parce qu'ils font preuve de ce qu'on appelle un certain bon sens, c'est que la situation qui a mené à une telle réduction ne peut s'être développée en une seule année. Elle a évolué sur plusieurs années au cours desquelles les responsables auraient dû réagir. Cela a été clairement établi.
La ministre peut bien se dire et dire à tous ceux qui veulent bien l'écouter que tout cela n'est dû qu'à des circonstances qui échappent à son contrôle, mais le spécialiste des mollusques et crustacés du ministère des Pêches et des Océans, Marc Lanteigne, qui travaille à Moncton, a donné l'heure juste sur les ondes de la SRC du Nouveau-Brunswick. Il a dit:
La diminution a été assez spectaculaire ces dernières années, et c'est pour cette raison que les gestionnaires responsables de ce secteur ont dû prendre des décisions difficiles.
Les scientifiques du ministère des Pêches et des Océans affirment avoir signalé à la ministre que les populations connaissent un déclin depuis quelques années et que c'est pour cela que les responsables de la gestion des pêches ont dû prendre des décisions difficiles cette année. C'est ce que nous disent les fonctionnaires de la ministre.
Ce que chacun d'entre nous doit retenir, c'est que les stocks de crabe des neiges du sud du golfe diminuent, que cela fait des années que les scientifiques signalent le phénomène à la ministre et que celle-ci ne s'est pas acquittée de sa responsabilité d'agir, à titre de fiduciaire.
C'est bien beau d'augmenter les quotas quand il est facile de le faire. Cependant, la ministre avait la responsabilité de venir en aide à l'industrie en prenant les mesures indiquées au moment opportun.
Si les quotas avaient été réduits progressivement, comme l'avaient recommandé les scientifiques, il n'y aurait pas eu lieu de les réduire de 63 p. 100 en un an. L'industrie n'aurait pas été aussi bouleversée qu'elle l'est aujourd'hui. Elle aurait été en mesure de s'adapter, avec le temps, à de nouvelles réalités. Ce n'est pas ce que nous constatons aujourd'hui.
La ministre a également causé tout un chambardement dans les zones 23 et 24, sur la côte Est de la Nouvelle-Écosse et du Cap-Breton. En 2005, on a mis en oeuvre un plan de gestion faisant l'objet d'un consensus au sein de l'industrie et dressé en collaboration avec l'ensemble de l'industrie—ce qui ne veut pas dire qu'il jouissait de l'appui de l'ensemble de l'industrie; en vertu de ce plan, les quotas devaient être répartis également entre la flottille de pêcheurs traditionnels et la flottille de pêcheurs du noyau. Qu'a fait la ministre en 2009? Elle l'a balayé du revers de la main.
Aux termes du plan de gestion, dès que les ressources dépassaient 9 700 tonnes, les quotas devaient être répartis également entre la flottille de pêcheurs traditionnels et la flottille de pêcheurs du noyau. Le quota a dépassé 9 700 tonnes. Le seuil a été atteint.
Que disait le ministère des Pêches et des Océans le 18 février 2009, un mois avant que la ministre annonce son plan? Voici:
On s'attend à ce que, en raison de l'importance du recrutement, un TAC excédant 9 700 tonnes puisse être approuvé en 2009, ce qui déclencherait l'entente permanente de partage 50-50 qui avait été recommandé en 2005 par le comité consultatif sur l'accès et l'allocation [...]
Cette lettre a été envoyée à chaque pêcheur de crabe des zones 23 et 24. Elle venait de nulle autre que la directrice par intérim de Pêches et Océans pour l'Est de la Nouvelle-Écosse, Mme Joan Reid. Tous les intéressés de l'industrie du crabe se sont fait dire par les fonctionnaires sur place que le plan de gestion et de partage 50-50 serait respecté. Un mois plus tard, la ministre déchirait le plan. C'est absolument dégoûtant. Ce n'est pas ce qui assurera la stabilité de l'industrie.
Il y a aussi le très grave problème de Terre-Neuve-et-Labrador, attribuable aux prix et au fait que l'industrie est en voie de restructuration et tente de rationaliser ses opérations. La ministre n'a rien à proposer. Elle a pourtant la responsabilité fiduciaire de veiller à la durabilité de cette industrie. Dans le domaine des pêches, elle est la ministre de l'industrie et de la conservation, mais nous n'avons rien de concret venant d'elle.
Cela me semble très étrange que, face à une crise dans l'industrie du homard, on claironne qu'un programme de 15 millions de dollars viendra en aide à une industrie qui représente normalement 1 milliard de dollars par année. Ces 15 millions seront distribués à 10 000 détenteurs de permis de pêche au homard répartis dans cinq provinces de l'Est du Canada, soit le Québec, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador. Certains auront peut-être l'impression que 15 millions de dollars c'est une somme importante, mais mettons les choses en perspective: cette somme doit aider 10 000 pêcheurs.
Les députés d'en face disent que c'est 15 millions de plus que ce que nous avons offert. Dois-je en déduire que, quand le prix du homard était de 6,50 $ la livre, en 2005, nous aurions dû subventionner l'industrie? L'industrie était en crise en 2009, quand la livre de homard valait environ 3 $, mais en 2005, elle valait 6,50 $. Quand le prix a chuté à 3 $, en 2009, un programme d'aide de 15 millions de dollars a été créé. L'industrie a réagi en disant que ce ne serait pas suffisant.
Lorsque les critères d'admission au programme ont été dévoilés, la réaction dans l'industrie a été de penser que l'argent ne serait jamais versé. Ces critères étaient tellement discriminatoires, déconnectés des réels besoins de l'industrie, que, dans l'industrie, on savait que l'argent ne serait jamais versé parce que personne ne serait admissible. Vous savez quoi? Seulement la moitié des 15 millions de dollars prévus ont été versés: 8,5 millions de dollars ont été versés aux pêcheurs et le gouvernement leur a repris 1 million de dollars parce que les sommes versées étaient entièrement imposables. Par conséquent, sur les 15 millions de dollars du programme qui étaient censés les aider, seulement la moitié a été versée.
J'aimerais savoir si la ministre jugerait indiqué de prendre les 7,5 millions de dollars récupérés par le Trésor public pour lancer un programme, au moins cette année, et ainsi en faire plus pour les gens du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve-et-Labrador et du Québec. Je doute que nous voyions jamais cela arriver.
Puis, nous avons la pêche à la crevette. Dans la zone 6 de pêche de la crevette, au large de la côte Nord-Est de Terre-Neuve et au sud du Labrador, nous observons une situation assez semblable à celle observée dans la partie sud du golfe Saint-Laurent. On recommande maintenant une réduction de 30 p. 100 durant une saison. De deux choses l'une: soit les scientifiques n'ont pas fait leur travail pendant plusieurs années consécutives, soit ils ont conseillé la ministre et elle ne les a pas écoutés et n'a pas suivi leurs conseils. Une réduction de 30 p. 100 une année signifie que le stock n'a pas été surveillé suffisamment d'une année à l'autre au cours des dernières années, ce qui explique la nécessité soudaine de réduire les prises de 30 p. 100.
L'industrie est en crise parce que celle qui est responsable de cette crise est également responsable des pêches.