Monsieur le Président, je pense que c'est le bon moment pour prononcer mon discours sur ce projet de loi. Je m'apprêtais en effet à poser une question complémentaire au député de Winnipeg-Nord.
Il a dit que nous n'abrogeons pas nos accords commerciaux avec les États-Unis ou d'autres pays si nous pensons que ceux-ci pourraient avoir des pratiques douteuses que nous n'approuvons pas. Je lui rétorquerai que les États-Unis ne prétendent pas non plus signer cet accord. De fait, pas moins de 54 membres du Congrès des États-Unis ont demandé au président Obama de renoncer à l'accord avec le Panama tant que le Panama n'aura pas signé les accords sur les échanges de renseignements fiscaux. C'est comme cela qu'on fait bouger les choses. On se montre inflexible vis-à-vis de ces pays. Tant qu'ils n'ont pas signé ces traités sur les échanges de renseignements fiscaux, on refuse de signer des accords de libre-échange avec eux. Voilà ou je voulais en venir.
La France s'est montrée inflexible vis-à-vis du Panama il y a 12 mois. La France a refusé le statu quo. La France n'a pas plié vis-à-vis du Panama et le Panama, rempli d'humilité, s'est empressé de signer séance tenante un accord avec elle. Juste pour que le député comprenne bien, la France a assujetti à un impôt automatique de 50 p. 100 les dividendes, frais de service, redevances et intérêts payés par des entités françaises à tout bénéficiaire situé dans un des pays de la liste noire, dont le Panama. Les gains tirés des transactions immobilières et des opérations sur titres sont aussi assujettis à cet impôt. De plus, l'exemption d'impôt de 95 p. 100 sur les dividendes versés par une filiale à sa société mère installée en France sera éliminée si la filiale se trouve dans un pays de la liste noire. Et vous savez quoi? La réaction a été immédiate. Les sociétés elles-mêmes ont commencé à exercer des pressions sur le gouvernement français et il a réagi.
J'ajouterai, juste pour que le député soit au courant, que la liste noire des pays avec lesquels nous faisons des affaires aujourd'hui, qui était auparavant bien plus longue, raccourcit de plus en plus. Depuis que l'OCDE a établi cette liste il y a une dizaine d'années et que la France en a dressé une de son côté, le nombre de pays impliqués diminue de plus en plus. Nous voyons bien que cette manière de faire peut être efficace et s'avère efficace si nous voulons exercer une pression sur ces pays.
Je vais donner un autre exemple au député. La Suisse est un paradis fiscal bien connu depuis des années. Un grand nombre de Canadiens ont des comptes en Suisse. Ce n'est qu'il y a deux ans, lorsque l'administration Obama a commencé à faire pression sur la Suisse, en invoquant l'argument du terrorisme, que la Suisse a commencé à collaborer et à fournir des renseignements. N'eut été du fait que c'est l'argument du terrorisme qui a été invoqué et du fait que c'est une puissance comme les États-Unis qui a exercé des pressions sur la Suisse, ce pays refuserait encore de fournir des renseignements.
En outre, deux employés, dont l'un à l'emploi d'une banque suisse, ont vendu leurs dossiers informatiques au gouvernement allemand. Le Canada a bénéficié d'une partie de ces renseignements, puisque les autorités allemandes nous ont remis la liste d'une centaine de Canadiens qui, depuis, ont reconnu avoir investi de l'argent dans cet abri fiscal. Sauf erreur, c'est de cette façon que l'information est sortie au sujet du cas Mulroney, sur lequel la Chambre s'est penchée il n'y a pas si longtemps.
Le même phénomène s'est produit dans le cas d'une banque au Liechtenstein, dans les deux dernières années. Un employé de la banque s'est enfui en France avec des documents fiscaux. Les autorités l'ont poursuivi et ont tenté de récupérer les disques. La personne a remis les disques aux autorités, qui ont ensuite tourné leur attention vers la banque.
Un autre groupe important, qui compte plusieurs centaines de personnes, a aussi été signalé il y a quelques mois. En fait, ce second groupe compte plus de personnes du Canada que des États-Unis. Des progrès sont accomplis, et ces dossiers peuvent être réglés.
Le Canada a mis en place un programme d'amnistie, au lieu de faire payer des impôts rétroactifs. C'est ridicule. Si le député ou n'importe qui d'autre ici était poursuivi pour n'avoir pas payé ses impôts, il se verrait infliger une peine. Une personne qui élude le fisc est même passible d'une peine d'emprisonnement. Toutefois, tous ceux qui ont caché leur argent dans ces abris fiscaux bénéficient d'un programme d'amnistie mis en place par le ministère du Revenu. Ces gens n'ont qu'à se tenir tranquilles et à attendre de se faire attraper. Le ministère leur accordera une période de temps, peut-être un mois ou deux, pour faire une déclaration volontaire des fonds cachés.
C'est ce qui s'est produit en Colombie-Britannique. Une centaine de personnes se sont présentées chez Revenu Canada et ont fait des aveux. Leurs noms avaient déjà été communiqués à Revenu Canada, de sorte que les enquêtes ont été une simple formalité. Ces gens ont payé l'impôt dû et c'est tout. J'imagine qu'on leur a demandé de cesser de frauder le fisc. L'approche est la même dans le cas du plus récent groupe.
Où est le gros bâton? Où est l'initiative du gouvernement? Il a beau parler de sévir contre la criminalité, il ne joint pas le geste à la parole, surtout dans des situations comme celle-ci.
Je crois que le député comprend très bien ce point et qu'il serait disposé à l'appuyer. Voilà pourquoi 54 membres du Congrès américain ont refusé de donner suite à l'accord, qui avait été signé par George Bush avant la fin de son mandat. Bref, cela ne va nulle part.
Les libéraux voudraient peut-être s'informer auprès de leur porte-parole en matière de commerce, le député de Kings—Hants, qui joue un rôle très actif dans ces régions. Il voyage partout dans le monde pour rencontrer des politiciens, par exemple, en Colombie ou ailleurs, chaque fois que le Canada négocie un accord commercial. Nous sommes d'ailleurs allés ensemble aux États-Unis pour rencontrer les sénateurs là-bas. On n'aboutira à rien aux États-Unis. L'affaire est close dans les États à cause de la réputation du Panama à titre de paradis pour le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale.
Par ailleurs, je suis sûr que le député a entendu parler d'AIG, une grande compagnie d'assurances. C'est l'une des compagnies que le gouvernement américain a renflouées lorsque l'économie s'est effondrée en 2008. Cette compagnie avait beaucoup de culot. Les contribuables américains ont versé des milliards de dollars pour la sauver car, avait-on soutenu, elle était trop grande pour faire faillite. Or, AIG figurait parmi les 350 000 entreprises étrangères inscrites au Panama. Six mois après avoir pris tout cet argent des contribuables américains, elle s'est récompensée en accordant d'énormes primes à ses cadres. À peu près au même moment, elle a intenté une poursuite contre le gouvernement américain pour récupérer des impôts qui, selon elle, devraient lui revenir sur ses investissements au Panama. Quel culot!
Cette histoire a enragé les membres du Congrès. J'ai d'ailleurs une lettre signée par Michael Michaud et Walter B. Jones, deux membres du Congrès. Cela a vraiment mis les Américains en furie, et ils ne permettront pas que cet accord soit adopté. Pourquoi le Canada accorde-t-il la plus haute priorité à ce projet de loi, et pourquoi les libéraux l'appuient-ils?