Monsieur le Président, j'interviens au sujet du projet de loi C-46, qui en est à l'étape du rapport.
Mon opinion au sujet du projet de loi n'a pas changé pendant l'étude en comité. En fait, nombre des présentations qui y ont été faites étaient fortement défavorables à la nature du projet de loi et à un accord de libre-échange bilatéral avec un pays tel que le Panama.
Le Panama et la Colombie sont deux pays avec lesquels le gouvernement conservateur a décidé, dans sa grande sagesse, de conclure des accords de libre-échange, qu'il a soumis à l'étude du Parlement. Or, il est inacceptable que le Canada signe un accord de libre-échange avec l'un ou l'autre de ces pays.
Dans le cas de la Colombie, il était évident que les droits de la personne, qui nous sont très chers au Canada, sont tellement bafoués que nous n'avions aucune protection à cet égard.
Dans le cas du Panama, par contre, les droits de la personne suscitent de toute évidence des préoccupations, mais c'est surtout la nature du milieu des affaires panaméen qui nous inquiète. Cela a été porté à l'attention du Parlement de façon très détaillée dans le cadre de nos travaux, des travaux d'autres partis et des témoignages au comité et, de toute évidence, le Panama n'est pas un pays qui exige le même niveau d'intégrité et d'honnêteté de la part de ses entreprises que le Canada.
Conclure cet accord de libre-échange, encourager les investissements au Panama, c’est comme injecter plus de poison dans notre système. Notre système pourrait faiblir en raison de tout ce que cela pourrait engendrer.
Les accords de libre-échange doivent être scrutés à la loupe, et c’est ce que nous réclamons depuis un moment. Un examen minutieux des avantages, une analyse des avantages nets, s’impose pour tout accord de libre-échange avec n’importe quel pays. Je sais que nous sommes en train d’en négocier plusieurs. Il faudrait donc faire ce travail d’analyse.
Prenez, par exemple, l’accord de libre-échange avec l’Europe qui est très convoité. Un grand nombre de lacunes apparaissent déjà dans cet accord. Par exemple, aujourd’hui, on a entendu que le coût des médicaments au Canada, qui touchent directement les dépenses de l’État, augmenteront considérablement si nous allons de l’avant avec l’accord de libre-échange européen en l’état, avec les dispositions qui intéressent le plus les Européens.
Il sera plus difficile d’utiliser des médicaments génériques, et cela nous coûtera, selon les estimations, aux alentours de 1,5 à 2 milliards de dollars par année. D’où viendra cet argent? Des poches des contribuables canadiens. Quels avantages en tirerons-nous? En acceptant la proposition des Européens à cet égard, la somme totale investie dans les activités de recherche et développement pour de nouveaux produits serait de l’ordre de 400 millions de dollars.
Compte tenu du taux marginal d’imposition de 18 p. 100 des grandes entreprises au Canada, jusqu'où l'économie devra-t-elle s'améliorer pour combler l’écart de 2 milliards de dollars pour les contribuables? Il n’y a pas de réponse à cette question. Aucune analyse n’a été faite. Cela a des répercussions directes sur le gouvernement fédéral et sur toutes les provinces.
L’autre jour, je suis allé à une curieuse réception de l’association automobile japonaise. Il y avait des conférenciers. Le ministre du Commerce international a livré une excellente allocution dans laquelle il a dit croire fermement au libre-échange, à la nécessité de signer des accords et de faire des efforts en ce sens. Fort bien. C’est son opinion.
Cependant, le président de l’association automobile japonaise a déclaré que l’association ne considérait pas un accord de libre-échange avec l’Europe comme une panacée et que nous serions perdants si nous concluions un accord avec l’Europe.
Examinons le secteur de l'automobile japonais. Au cours de la dernière décennie, le Canada a tiré des avantages clairs de ce secteur, compte tenu de l'implantation de nouvelles usines au pays. La plupart des véhicules produits sont exportés vers les États-Unis. Les Japonais se trouvent au Canada probablement en raison des bonnes conditions qui leur sont offertes et de notre système de santé public, et leur produit s'inscrit dans notre politique d'expansion des exportations au titre de la fabrication, laquelle — et cela, tous les députés doivent en être conscients — est très faible sur presque tous les autres fronts.
Les gens qui font du bon travail pour nous en fabriquant des voitures et en les exportant vers les États-Unis disent que nous devrions examiner les dispositions de l'accord de libre-échange avec l'Union européenne. Nous devons bien franchement nous pencher très attentivement sur les accords commerciaux dans le monde dans lequel nous visons aujourd'hui. Les années 1980 et 1990 sont révolues. À cette époque, nul ne pouvait résister aux attraits du libre-échange, et aucun parti politique ne pouvait en faire totalement abstraction. Qui plus est, aucun parti politique de droite ne pouvait faire autrement que d'appuyer le libre-échange.
Permettez-moi maintenant de revenir à l'accord de libre-échange avec le Panama. Il ne s'agit pas vraiment d'un accord de libre-échange. Cet accord porte plutôt sur les investissements. Il vise à aider les sociétés canadiennes à investir au Panama, peut-être en tirant profit de l'élargissement du canal de Panama ou d'autres avantages. C'est ce qui va arriver. Des entrepreneurs vont investir dans un autre pays les profits qu'ils font au Canada.
Qu'en est-il de l'agriculture? Le prix des produits agricoles cause actuellement des émeutes un peu partout dans le monde. Le Canada pourrait faire beaucoup mieux. Une intervenante précédente a parlé des légumineuses et du consortium de producteurs de lentilles, de pois et de haricots. J'ai eu l'occasion de parler avec ces gens. Ce qui les préoccupe, ce n'est pas le libre-échange. Non, c'est plutôt le fait que nos sociétés ferroviaires ne leur offrent pas un bon service. Ces gens ont beaucoup de mal à envoyer leurs produits aux ports canadiens, d'où ils seront exportés dans le monde entier. On parle de produits de plus en plus demandés et dont le prix ne cesse de grimper.
La demande est de plus en plus forte pour les produits agricoles. Quand on pense à l'agriculture dans le contexte du libre-échange, on devrait réfléchir aux façons de protéger et d'accroître notre capacité de production agricole au pays. Nous devrions prendre des mesures en ce sens.
En quoi consistent les échanges commerciaux du Canada? Il s'agit pour une bonne part d'énergie et de ressources brutes qui répondent aux besoins essentiels des pays. Les pays du monde entier recherchent des produits transformés, mais ils ont besoin d'abord et avant tout de matières premières, ce que le Canada est en mesure de leur offrir. Nous ne voulons pas vendre à prix trop bas ni faire la charité. En ce qui concerne les ressources exportées, nous voulons que nos enfants et nos petits-enfants soient protégés. Lorsque dans le cadre d'accords de libre-échange nous convenons d'exporter nos ressources sans en conserver la maîtrise, nous renonçons à quelque chose, mais qu'obtenons-nous en échange?
Abordons maintenant la question de la sécurité à la frontière. Un grand problème actuellement, c'est que le libre-échange en direction des États-Unis a diminué depuis qu'il est plus difficile de traverser la frontière. C'est absurde. Depuis les événements du 11 septembre, le commerce vers les États-Unis a augmenté constamment jusqu'à ce que survienne la récession, en 2008, et que la valeur du dollar canadien augmente grandement. Ces deux facteurs ont fait beaucoup de tort à nos échanges commerciaux avec les États-Unis, qui sont passés d'environ 350 milliards de dollars à environ 100 milliards. Toutefois, cette diminution n'avait rien à voir avec le libre-échange. Elle était plutôt liée à la valeur du dollar canadien et à notre capacité de faire face à nos problèmes.
Pour ce qui est la valeur du dollar, nous ne pouvons pas diminuer le taux d'intérêt comme l'ont fait les libéraux en 1993, car il est déjà à son plus bas. Nous sommes dans une situation délicate. Que pouvons-nous faire? Des allègements quantitatifs? Que faisons-nous pour améliorer notre position par rapport aux États-Unis? C'est le problème que nous avons dans nos échanges commerciaux avec les États-Unis.