Monsieur le Président, je me réjouis de parler de ce projet de loi.
Mon collègue d’en face préside très efficacement le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord, mais ses propos m’ont beaucoup étonnée. Je sais qu’il comprend les questions touchant les Premières nations. Je sais qu’il comprend l’importance de les consulter. Je sais qu’il comprend l’importance de la collaboration et de la consultation. Je sais qu’il comprend le vrai sens de la transparence. Il a employé des expressions comme « obliger tous les gouvernements des Premières nations ». Quand je l’ai entendu tenir ces propos, je me suis dit que nous ne pouvons pas, au nom des Canadiens, pour des raisons de transparence, et des parlementaires, pour qu’ils puissent faire leur travail, obliger le gouvernement conservateur à fournir des documents, alors pourquoi obliger un groupe particulier à le faire? Je trouve cela plutôt paradoxal.
Je tiens à bien préciser, dès le départ, que les libéraux sont pour la transparence. Nous sommes certainement pour la responsabilisation de tous les gouvernements, y compris les gouvernements des Premières nations. Nous nous battrons pour la responsabilisation et la transparence en respectant les personnes touchées, en collaborant avec elles et en les consultant. Nous le ferons en faisant preuve d’esprit critique à l’égard de ce projet de loi et en posant les questions difficiles qui doivent être posées. Il n’y rien de mal à affirmer et à défendre les principes de la responsabilisation et de la transparence.
Je voudrais comparer ce projet de loi avec l’accord de Kelowna qui, comme le savent les députés, n’a pas été honoré par le gouvernement conservateur.
L’accord de Kelowna représentait l’aboutissement de 18 mois de négociation, de collaboration et de consultation. C’était une grande réussite pour le gouvernement du Canada et les peuples autochtones, pas seulement les Premières nations, mais aussi les Métis, les femmes autochtones et les Inuits.
Le processus était aussi important que le résultat. L’accord de Kelowna prévoyait un cadre de responsabilisation élaboré et complet, axé sur les résultats. Il était vaste et détaillé. Il ne s’agissait pas de faire rapport de simples chiffres, mais de la façon d’obtenir des résultats pour une communauté et pour les personnes vivant dans cette communauté. L’aspect le plus important de l’accord de Kelowna est qu’il s’agissait d’un accord mutuel. Il n’engageait pas seulement le gouvernement fédéral et il n’était pas imposé de force. Il prévoyait une véritable collaboration entre Autochtones et non-Autochtones.
Les recommandations émanant de l’accord de Kelowna prévoyaient l’établissement d’un vérificateur général des Premières nations et d’un organisme indépendant financé pour superviser le cadre de responsabilisation. Il y avait bien un cadre de responsabilisation. Il avait été établi par les peuples autochtones, de concert avec le gouvernement, suivant un processus qui permettait d’établir comment ce serait fait.
Ce que je trouve extraordinaire à propos de ce projet de loi, c’est l’attitude paternaliste et maternaliste que les députés d’en face manifestent une fois de plus. Ils ne semblent avoir aucun respect pour la Déclaration sur les droits des peuples autochtones que le gouvernement a adoptée tardivement. Le projet de loi défie les principes de réconciliation dont le gouvernement a parlé à la Chambre, il y a de nombreux mois.
Comme l'a indiqué le parrain du projet de loi, la plupart des mesures qui y figurent sont déjà en place. Lorsqu'une contribution est versée par AINC, un état financier est produit et approuvé par un comptable agréé. Les principes comptables généralement reconnus sont appliqués et il y a un vérificateur.
En ce qui concerne la transparence, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a le pouvoir de rendre les renseignements publics, autant pour les Premières nations que pour les autres Canadiens, et il s'est prévalu de ce pouvoir en 2005.
Il n'est pas juste de laisser entendre que rien de tout cela n'est fait à l'heure actuelle ou ne peut être fait, même dans le cadre du programme en vigueur.
La question est donc la suivante: pourquoi le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien n'a-t-il pas été obligé de procéder de cette façon, étant donné qu'il dispose de ce pouvoir en vertu de la loi? Pourquoi s'agit-il d'un projet de loi d'initiative parlementaire, et non d'un projet de loi émanant du gouvernement? Pourquoi cela est-il fait de façon détournée plutôt qu'ouvertement?
Le gouvernement et les députés d'en face savent très bien que le gouvernement a l'obligation juridique de consulter les Autochtones sur les questions qui sont liées à leurs droits et aux traités. Il est évident qu'ils n'ont pas été consultés. Encore une fois, nous avons entendu le mot « obliger ». Il a été dit qu'il s'agit d'une obligation pour assurer la transparence.
J'aimerais rappeler qu'une telle obligation s'applique aussi à la Chambre. Encore une fois, est-ce que ce projet de loi respecte la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones? Je ne crois pas. Est-ce que le gouvernement croit réellement au droit à l'autonomie gouvernementale? Je ne crois pas.
J'ai l'impression qu'on veut nous faire croire que tous les chefs et les conseillers des Premières nations sont plutôt corrompus. D'une certaine manière, on veut laisser planer le doute sur la nature du leadership et de la gouvernance des Premières nations. On perpétue des mythes et des stéréotypes que des collectivités partout au pays se sont efforcées de contrer.
Nous devons adopter une approche différente, fondée sur la collaboration et la consultation. Nous devrions nous occuper des questions fondamentales concernant la transparence, des questions relatives au logement, à l'eau, à l'éducation et à la santé dans les collectivités des Premières nations.
Beaucoup de groupes ont formulé des commentaires sur ce projet de loi. Dans un communiqué de presse, l'Association des femmes autochtones du Québec a affirmé que le projet de loi C-575 semblait véhiculer une opinion préconçue et raciste selon laquelle les Autochtones vivent aux crochets de la société. Il laisserait en effet entendre que les fonds fédéraux provenant de l'argent des contribuables et accordés aux conseillers et aux chefs autochtones seraient utilisés à mauvais escient.
L'association a également affirmé que l'appui du ministre au projet de loi constituait une violation de son obligation de consulter et de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones de l'ONU.
La vérificatrice générale a parlé des organisations et des collectivités autochtones qui agissent de manière financièrement responsable. Elle a parlé des exigences coûteuses en matière de déclaration des collectivités des Premières nations, et affirmé que le taux de conformité à ces exigences était de 98 p. 100 chez les Premières nations.
Les relations financières entre les gouvernements des Premières nations et le gouvernement fédéral devraient s'apparenter à des transferts intergouvernementaux plutôt qu'aux subventions et contributions typiques décrites dans le projet de loi C-575.
La transparence et l'obligation de rendre des comptes sont nécessaires. Cela ne fait aucun doute. Elles sont nécessaires à l'intérieur et à l'extérieur de la Chambre. Elles sont nécessaires à tous les ordres de gouvernement. Toutefois, rendre obligatoire la reddition de comptes et la communication de ces renseignements n'est pas la façon de traiter avec les Premières nations du Canada.
Les libéraux sont en faveur de la transparence et de la reddition de comptes, mais je répète que cela doit être fait en adoptant une approche fondée sur la collaboration et la consultation. Les députés d'en face le savent.