Madame la Présidente, le Parlement examine actuellement le contenu du projet de loi C-47, la loi d'exécution du budget du gouvernement conservateur. Cette mesure législative a été déposée le 4 mars, mais n'a été lue pour la première fois que le 30 septembre.
Ce budget axé sur les dépenses entraîne le plus important déficit de l'histoire canadienne. Comme les dépenses qui y sont prévues seront effectuées à l'aide de capitaux d'emprunt, de nombreuses générations de Canadiens devront les rembourser. La dette augmentera.
Toutefois, ce document budgétaire omet de faire état d'une autre source de recettes pour payer les dépenses prévues.
Pas plus tard que la semaine dernière, la Chambre et les Canadiens ont appris qu'une source substantielle de fonds pour absorber une partie des dépenses du plus grand budget déficitaire de l'histoire du Canada viendrait de modifications apportées aux pensions, au détriment de nos concitoyens du troisième âge.
Nous avons appris la semaine dernière que les conservateurs avaient secrètement adopté une politique pour priver les aînés de certains revenus de pension, notamment en supprimant l'admissibilité au SRG, le supplément de revenu garanti. Voilà qui est absolument insensé.
Cette politique remonte au 17 mai et elle n'a fait l'objet d'aucun avis. Les Canadiens, notamment ceux du troisième âge, n'en ont absolument pas été informés. Qui plus est, cette mesure ne nuit pas seulement aux aînés, mais également aux Canadiens désireux de cotiser à un REER.
Il est bien connu que notre système de pension repose sur plusieurs programmes ou éléments clés. Parmi ceux-ci, mentionnons le Régime de pensions du Canada; la SV, c'est-à-dire le Programme de la sécurité de la vieillesse; et les prestations subséquentes au titre du SRG, qui découlent de la SV. Les investissements privés des Canadiens dans un REER, à l'abri de l'impôt, pendant leur vie professionnelle constituent un autre élément du système de pension. En temps opportun, ces REER seront convertis en fonds enregistré de revenu de retraite, conformément à la loi.
Cette mesure absurde a vraiment irrité les Canadiens du troisième âge lorsqu'ils en ont été informés, entre autres par les déclarations que j'ai faites à la Chambre et par les conclusions du travail dévoué d'un ancien employé de Service Canada aujourd'hui retraité. Pendant toute sa carrière, cet ancien fonctionnaire a soutenu les aînés, notamment en les aidant à comprendre les règles des systèmes de pensions publics et privés du Canada, notamment leur fonctionnement et leur complémentarité.
Les travaux et enquêtes de M. Gerard Lee lui ont permis de conclure que, le 17 mai, le gouvernement a secrètement mis en place des règles concernant l'admissibilité des aînés au SRG, le Supplément de revenu garanti.
Pour le bénéfice des députés d'en face qui n'en connaissent peut-être pas le fonctionnement, le SRG est un élément clé du régime public de pensions du Canada; il est déterminé en fonction du revenu. Il permet de bonifier le programme de la sécurité de la vieillesse, qui est un régime de pension quasi universel pour les aînés. Le SRG, qui en découle, est un régime de pension ciblé. Il est surtout destiné aux aînés canadiens à faible revenu.
Il est très important de comprendre l'incidence des autres formes de revenus sur le SRG. Ce sont les revenus de l'année précédente qui permettent d'établir l'admissibilité au SRG, et non de ceux de l'année en cours. En d'autres mots, pour savoir si un aîné aura droit au SRG en 2010, on se fonde sur son revenu de 2009. Le montant total du revenu d'un aîné en 2009 déterminera son admissibilité aux prestations en 2010.
Mais comme le revenu de l'année précédente ne permet pas toujours d'établir de manière adéquate les ressources financières dont disposera une personne âgée pendant l'année en cours, le gouvernement, lors de la mise en oeuvre du programme, a permis d'exclure de l'évaluation aux fins d'admissibilité au SRG les revenus découlant d'un paiement forfaitaire ou unique.
Plus précisément, au moment de déterminer les revenus de l'année, on peut exclure des critères d'admissibilité les revenus provenant des prestations d'assurance-emploi, entre autres, qui n'étaient disponibles que pour l'année précédente et dont la durée est limitée. Les règles actuelles, tout comme les anciennes, permettent de faire de même avec les indemnités d'accident du travail, qui ont aussi une durée limitée, ainsi qu'avec certaines rentes et prestations de retraite.
Le Régime enregistré d'épargne retraite existe au Canada depuis 1957, et nous en faisons la promotion comme source d'investissement pour la retraite. Nous encourageons les Canadiens à investir dans des REER. La loi stipule que quand un aîné atteint 71 ans, son REER doit obligatoirement se transformer en FERR. Nous avons donc encouragé les gens à investir dans des REER en leur donnant un abri fiscal, un sursis fiscal au moment de leur investissement, et nous leur avons garanti qu'il n'y aurait pas de manigances; ce serait un investissement stable et solide à perpétuité. Nous voulons encourager les travailleurs à investir dans des REER de façon à ce que, en plus du régime de pension publique ou du régime de pension de leur employeur, ils aient une source supplémentaire de revenu pour pouvoir répondre à leurs besoins et à ceux de leurs familles. Je pensais que c'était une promesse solennelle.
Le 17 mai, le gouvernement a changé tout cela dans le plus grand secret, de façon très malhonnête. Les conservateurs ont mis en place un nouvel ensemble de règles pour le calcul du Supplément de revenu garanti. Ils n'en ont pas pipé mot à nos concitoyens. Ils n'y a pas eu de communiqué de presse. Ils n'en ont pas informé une seule organisation d'aînés. Les conservateurs ont simplement dit qu'à partir de cette date, aux fins du calcul du Supplément de revenu garanti, quand les aînés retireraient de l'argent d'un FERR ou videraient un FERR, le montant du retrait serait considéré comme un revenu aux fins du calcul de leur SRG.
Prenons le cas d'un aîné qui met de côté un peu d'argent dans un REER, qui est obligé par la loi de le transformer en FERR, et qui pense qu'il s'est constitué ainsi une petite cagnotte, un filet de sécurité, une source de fonds où puiser en cas d'urgence. Cet aîné, âgé de plus de 71 ans, a le malheur de devoir enterrer une personne aimée, ou faire des réparations d'urgence sur sa maison, ou encore payer des frais imprévus à cause d'une maladie, d'un cancer, d'une crise cardiaque ou autre. Avant le 17 mai, cette personne pouvait puiser dans son FERR, s'organiser pour utiliser une partie de cet argent, elle pouvait vider ce FERR sans être pénalisée, sans que ce montant soit considéré comme revenu aux fins du calcul du SRG. Mais c'est chose du passé.
Depuis le 17 mai, le gouvernement a décidé sans en parler à personne que les aînés qui faisaient un retrait de leur FERR allaient désormais perdre leur SRG. En substance, ce que le gouvernement a fait, c'est qu'il a pris la valeur de leur REER, la valeur de leur FERR et l'a diminuée de moitié, et l'argent est en outre imposable dès qu'on le retire du fonds. C'est une incroyable atteinte au bien-être et à la sécurité de nos aînés, mais les conservateurs n'ont même pas pris la peine d'en parler à qui que ce soit.
Il a déjà été dit à la Chambre que, premièrement, la ministre n’en savait rien, mais, deuxièmement, maintenant qu’elle est au courant, que cette mesure ne toucherait qu’un petit nombre de gens.
Premièrement, demandons-nous si la ministre était au courant ou non de cette mesure.
Au cours des dernières semaines, lorsque des conseillers en placement lui ont demandé si oui ou non la pratique avait changé, la ministre du Développement des ressources humaines du Canada leur a envoyé des lettres dans lesquelles elle reconnaissait le changement fait le 17 mai et défendait la politique.
Deuxièmement, la ministre dit maintenant que cette politique ne touche pas beaucoup d’aînés.
Je tiens à préciser qu’il y a aujourd’hui 1,5 million de prestataires admissibles au Supplément de revenu garanti. Il s’agit bel et bien de 1,5 million d’aînés canadiens à faible revenu. Comme je l’ai dit, le Supplément de revenu garanti est fondé sur l’évaluation du revenu. Seuls les aînés à faible revenu sont admissibles au Supplément de revenu garanti. Il y a donc 1,5 million d’aînés canadiens à faible revenu qui sont directement touchés par cette politique.
Il ne faut pas oublier que 3 500 $ par année ne représente pas une fortune lorsqu’il s’agit de préserver et de stabiliser le niveau de vie d’un aîné. Cependant, tout aîné qui retirera plus de 3 500 $ dollars par année d’un FERR perdra en tout ou en partie ses prestations au titre du Supplément de revenu garanti. Voilà les faits.
Tous les aînés qui ont cotisé un minimum à un REER, pendant leur vie active de 20, 30 ou 40 ans, seront directement touchés par cette décision. En effet, nul n’ignore qu’en vertu de la loi, un REER doit être converti en FERR lorsque le cotisant atteint l’âge de 71 ans.
La ministre soutient qu’il n’y a qu’un petit nombre d’aînés à faible revenu. J’aimerais bien savoir exactement ce que la ministre entend par un petit nombre. Les aînés à faible revenu sont directement touchés par ce cambriolage dont le but est de financer le projet de loi C-47. De combien d’aînés canadiens à faible revenu s’agit-il: 200 000, 300 000 ou 400 000? Je suppose que c’est ce qu’on appelle un petit nombre.
C’est scandaleux. Il n’y a pas que les 1,5 million d’aînés canadiens qui comptent sur le Supplément de revenu garanti pour leur assurer un revenu qui sont touchés. Les personnes qui cotisent actuellement à un REER en pensant qu’ils sont en train de se préparer un modeste bas de laine pour la sécurité de leur retraite doivent savoir dès maintenant s’ils doivent ou non cesser de cotiser et commencer à cacher leur argent sous leur matelas.
Voilà les conséquences de ces nouvelles règles. Lorsque des fonds sont retirés d’un compte d’épargne, par opposition à un compte d’épargne enregistré, pour payer pour un traitement contre le cancer, pour des réparations urgentes à la maison, ou encore pour aider à payer pour l’enterrement d’un être cher, il n’en est pas tenu compte dans le calcul des prestations du Supplément de revenu garanti. C’est de l’argent qui appartient en propre à l’épargnant. Cependant, lorsqu’on retire de l’argent d’un fonds enregistré de revenu de retraite accumulé tout au long de sa vie active, il en est tenu compte dans le calcul des prestations du Supplément de revenu garanti.
Autrement dit, tant le système des REER que celui des FERR est maintenant menacé. On perdrait non seulement 50 p. 100 du montant cotisé, mais également d'autres prestations.
La province de Terre-Neuve-et-Labrador, par exemple, comme bon nombre d'autres provinces, fonde les programmes sociaux qu'elle offre aux aînés sur un programme de prestations fondée sur un examen du revenu. Au lieu de créer d'autres règles — puisque le Supplément de revenu garanti, le SRG, du gouvernement fédéral est fondé sur l'examen du revenu et destiné tout spécialement aux aînés à faible revenu — bon nombre de provinces suivent tout simplement ce modèle, et les prestataires du SRG touchent des prestations additionnelles, comme une carte de médicaments provinciale pour les aînés.
Pour une personne en très bonne santé, la carte de médicaments ne présente aucun avantage. Par contre, la carte pourrait faire économiser jusqu'à 50 000 $ dollars par année à une personne qui a urgemment besoin de médicaments coûteux et d'autres services. Voilà que cette décision de financer, secrètement et clandestinement, le budget fédéral aux dépens des aînés coûte non seulement une partie des prestations du SRG à ces derniers — lesquels ont travaillé et bataillé fort pour ces prestations, et ont bâti ce pays —, mais entraînera, à leur insu, la perte de la carte de médicaments provinciale pour bon nombre d'entre eux.
Le gouvernement n'a même pas eu le courage de les informer des conséquences d'une telle décision. Les aînés, qui comprenaient bien la procédure et la réglementation en place depuis des années, ont agi d'une manière qu'ils croyaient conforme. Or, il est difficile de respecter la réglementation quand on ne nous dit même pas en quoi celle-ci consiste. Autrement dit, si, le 30 novembre 2010, les aînés retirent des fonds d'un FERR en pensant que certaines règles s'appliquent, ils ne sauront pas avant l'an prochain qu'ils viennent de porter un très dur coup à leurs finances personnelles, parce que le Supplément de revenu garanti ne se fonde pas sur le revenu de l'année courante. Si nous retirons une partie ou la majorité des fonds d'un FERR en 2010, nous ne serons même pas conscients des conséquences de cette décision avant la fête du Canada, soit le 1er juillet 2011. Belle fête du Canada en perspective.
C'est ainsi qu'agit un gouvernement porté sur le secret. Il nous empêche de connaître les conséquences de ses actes, et il nous empêche d'agir dans notre intérêt personnel. C'est de cette façon que le gouvernement d'en face a agi face aux aînés du Canada.
Quiconque retire une partie ou la majorité des fonds d'un FERR ne serait conscient des conséquences de cette décision qu'en 2011, parce qu'on ne lui aura pas expliqué l'incidence du retrait optionnel de ces fonds qui ne sont pas traités de la même façon que les prestations d'assurance-emploi, les indemnités pour accident du travail et certaines pensions. Le gouvernement s'est bien gardé de dire aux personnes âgées, à moi, à nous et aux citoyens canadiens qu'il va faire payer les coûts du projet de loi C-47, qui est la Loi d'exécution du budget créant le plus grand déficit de notre histoire, aux aînés du Canada. Il s'agit d'une ponction tout à fait incroyable.
Le ministre a dit qu'il vient tout juste de se rendre compte de la situation et qu'il va interrompre immédiatement la mise en vigueur de cette politique. Il va l'étudier, mais il continue d'en envisager l'application à un moment donné et, s'il devait finalement décider d'aller de l'avant avec la décision qu'il a prise le 17 mai 2010, il récupérerait beaucoup d'argent. Il demandera aux tribunaux de rendre une décision et il se servira d'autres recours semblables. Il donnera des avis portant que l'argent auquel il renonce maintenant sera récupéré plus tard.
L'intégrité de notre système de régimes enregistrés d'épargne-retraite, de fonds de revenu de retraite enregistrés et de régime de retraite universel exige de la cohérence et une gestion solide et sûre. L'intégrité du système n'est pas renforcée par un ministre qui a pris une décision et qui vient de se faire prendre, de sorte qu'il doit renoncer temporairement à son projet afin de tenter de s'extirper de ce bourbier, mais qui va néanmoins nous tenir en haleine, tant qu'il n'aura pas pris une décision définitive.
Nos aînés méritent mieux que cela. Le gouvernement ne doit pas réévaluer cette politique: il doit y renoncer.