Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole au sujet de la motion présentée par ma collègue, la députée de St. Paul's, qui est également la porte-parole du caucus libéral en matière d'affaires autochtones. La motion a été appuyée par ma collègue, la députée d'Etobicoke-Nord, qui se trouve à être la porte-parole du caucus libéral en matière de condition féminine.
Mes collègues ont demandé à la Chambre aujourd'hui que soit instituée une enquête sur les femmes et les jeunes filles autochtones disparues et assassinées, simplement parce que c'est ce que veulent les Canadiens. Au fil des années, depuis que nous siégeons ici et que le rapport de Soeurs par l'esprit a été publié, en 2009, des gens de tous les coins du pays réclament une telle enquête.
Aujourd'hui, alors qu'il y a encore de nombreuses victimes et bien des familles éprouvées, alors que des gens pleurent encore leurs chères disparues, alors que les dirigeants autochtones, les défenseurs de la cause, la communauté internationale et tous les gouvernements provinciaux et territoriaux de même que les membres de notre caucus à la Chambre réclament cette enquête, le gouvernement s'entête à refuser de donner suite à ces demandes et à ces recommandations.
C’est un grave problème, qui concerne un grand nombre de femmes et de jeunes filles autochtones de notre pays. En fait, si ça se passait dans un autre pays, les Canadiens n’hésiteraient pas à dire que c’est absolument incroyable et qu’il faut faire quelque chose.
La même chose vaut pour le Canada. C’est difficile d’imaginer que tant de femmes et de filles autochtones ont été maltraitées, assassinées ou violentées sans qu’une enquête ait été lancée pour examiner les causes profondes de ce problème.
Il y a à peine quelques jours, la Commission de vérité et réconciliation a publié 94 recommandations sur le processus inachevé de guérison et de réconciliation pour les peuples autochtones. Le rapport invitait également le gouvernement à réagir en créant, en consultation avec les organisations autochtones, une commission d’enquête sur les causes et les remèdes de la victimisation des femmes et des filles autochtones.
C’est ce que la recommandation 41 du rapport de la Commission de vérité et réconciliation demande précisément au gouvernement du Canada de faire, en l’occurrence une enquête sur les femmes et les filles autochtones assassinées ou disparues, et sur les liens avec les effets intergénérationnels des pensionnats autochtones.
La Commission de vérité et réconciliation n’a pas rédigé ses recommandations à la légère. Elle l’a fait après mûre réflexion et après de nombreuses consultations. Ce sont là les mesures qui, à son avis, devraient être prises pour les peuples autochtones du Canada.
Un nombre incroyable de gens ont participé aux consultations. Des victimes aussi bien que des familles. Dans ma circonscription, c’est une jeune femme du nom de Loretta Saunders qui a disparu, et sa sœur, Delilah Saunders, une vaillante jeune femme, a réclamé au nom de sa sœur une enquête sur les femmes autochtones disparues ou assassinées. Elle était aux côtés de sa mère pour réclamer une enquête sur les femmes autochtones disparues ou assassinées. Elle était aux côtés de bien d’autres au Canada qui réclamaient la même chose. Malheureusement, leurs voix n’ont toujours pas été entendues par le gouvernement conservateur.
Et que dire de la famille de Bernice Rich, une jeune femme inuite de Natuashish qui a été assassinée dans la communauté voisine de Sheshatshiu? Elle a apparemment été tuée sans motif. Pourquoi? Parce que c’était une femme autochtone? Sa vie n’est-elle pas aussi précieuse que les autres?
Quelle tristesse de voir un meurtrier incapable de donner une raison à son acte! Il n’y avait absolument aucune raison pour que cette jeune femme soit victimisée, terrorisée et assassinée.
Je mets au défi le gouvernement de regarder le documentaire sur la route des pleurs, que ma collègue de St-Paul’s a invité tous les députés à regarder. J'ai assisté à la projection, et j’ai vu combien de femmes étaient portées disparues et combien de femmes avaient été assassinées sur cette route des pleurs. J’étais assise ce soir-là dans la salle, avec des familles qui pleuraient les disparues. Ce qu’elles attendaient du gouvernement du Canada, ce sont des mesures qui leur permettraient de faire leur deuil, d’entreprendre leur propre guérison. C’est déchirant de les regarder en face. C’est déchirant d’écouter l’histoire de toutes ces femmes qui ont été assassinées alors que rien n’a été fait pour en déterminer les causes profondes.
Nous savons qu’il est possible de changer tout ça. Nous vivons dans une société que l’espoir fait vivre et où le changement est possible, à condition que nous nous donnions tous la main pour y parvenir. Le gouvernement, lui, n’est pas prêt à tendre la main, même si en mai 2014, la GRC a publié un rapport indiquant que près de 1 200 femmes et filles autochtones avaient disparu ou avaient été assassinées depuis 1980 au Canada. Le rapport signalait également que, même si les femmes autochtones ne représentent que 4 % des femmes au Canada, elles représentaient 8 % des femmes assassinées en 1984, et pas moins de 23 % en 2012.
Depuis 2012, le quart des femmes assassinées au Canada sont autochtones. L’été dernier, peu après l’assassinat de Tina Fontaine à Winnipeg, dont nous avons tous entendu beaucoup parler et à propos duquel mon collègue, le député de Winnipeg-Nord, a posé des questions depuis quelques jours, le premier ministre a fait preuve d’une grande indifférence lorsqu’il a dit « qu’il ne fallait pas considérer [ces meurtres] comme un phénomène sociologique », avant d’écarter du revers de la main les causes profondes de ce problème. Comment peut-il afficher une telle attitude alors qu’il dirige un pays où 1 200 femmes et filles autochtones sont portées disparues? Comment peut-il affirmer ce genre de choses lorsque le pourcentage des femmes autochtones victimes d’homicides passe de 8 % à 23 % en l’espace de quelques années? Comment peut-il oser dire cela aux familles de Tina Fontaine, de Loretta Saunders, de Bernice Rich et de bien d’autres?
Mais ce n’est pas tout. Une fois que les familles des femmes et des filles disparues ou assassinées se sont finalement rendu compte que le gouvernement ne les écoutait pas et n’était pas prêt à les aider, le premier ministre a fait une révélation importante dans son entrevue de fin d’année avec Peter Mansbridge lorsqu’il a dit que cette question ne comptait pas parmi ses priorités. Il a choqué non seulement les familles qui essayaient de faire leur deuil, mais la nation tout entière qui voudrait qu’on lance une commission d'enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées, une nation qui estime qu’il faudrait examiner les causes profondes de ce phénomène pour y mettre un terme, une nation dans l’attente d’un plan d’action concret.
Nous invitons vivement tous les députés à appuyer la motion présentée par la députée de St. Paul's et par le caucus libéral. Nous les invitons à appuyer la mise sur pied d’une commission enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées. À l’instar des provinces, des territoires, des organismes de la société civile, de la Commission de vérité et réconciliation et de nombreuses familles, nous soumettons encore une fois cette requête à la Chambre des communes.