Monsieur le Président, je suis heureux de participer de nouveau au débat sur le projet de loi C-46, Loi sur la sûreté des pipelines, cette fois dans une version légèrement modifiée. Je le rappelle, il s'agit d'une loi modifiant la Loi sur l'Office national de l'énergie et la Loi sur les opérations pétrolières au Canada, dans le but de renforcer la sûreté des pipelines sous réglementation fédérale au Canada.
Cette mesure législative se fait attendre depuis longtemps et elle représente une amélioration. Le Parti libéral admet que les pipelines sont une composante importante de l'infrastructure énergétique du pays. Nous comprenons que le Canada doit tout faire pour que ses pipelines soient parmi les plus sûrs au monde. Le réseau de pipelines canadiens compte plusieurs milliers de kilomètres et sert surtout au transport du pétrole et du gaz. Il joue un rôle de premier plan dans l'économie canadienne. Tous les jours, les gens consomment du pétrole et du gaz à toutes sortes de fins — c'est dire que les pipelines sont importants et leur sûreté, primordiale.
Toutefois, il n'est pas nécessaire, selon nous, de faire un choix entre la protection de l'environnement et la croissance de l'économie. Nous devons faire les deux. C'est là une responsabilité majeure. Partout au pays, les libéraux appuient des projets offrant des moyens responsables et viables de faire parvenir les ressources sur les marchés et qui, du même coup, respectent les droits des Autochtones, protègent l'environnement naturel et reçoivent l'aval des collectivités locales.
En fait, quelque 1,4 milliard de barils de pétrole traversent chaque année les frontières interprovinciales et internationales. Il est important qu'un projet de loi comme le projet de loi C-46 définisse les pouvoirs d'inspection et de vérification de l'Office national de l'énergie, qui réglemente les pipelines fédéraux.
Je me dois de signaler que de nombreux pipelines au Canada ne sont pas réglementés par le fédéral, car ils sont situés à l'intérieur d'une même province sans traverser aucune frontière internationale ou interprovinciale.
Comme l'a récemment entendu le Comité permanent des ressources naturelles, le projet de loi C-46 met en oeuvre un certain nombre de mesures sous les rubriques de la prévention, de l'état de préparation et de l'intervention, et aussi de la responsabilité et de l'indemnisation.
Bien évidemment, la prévention est essentielle, car nous devons déployer tous les efforts possibles pour éviter qu'un déversement n'ait lieu; cela va sans dire. Le projet de loi contient certaines dispositions sur les peines assorties aux dommages environnementaux et prévoit confier à l'Office national de l'énergie de nouveaux pouvoirs de vérification et d'inspection. Voilà qui soulève la question de savoir si l'Office national de l'énergie fera le travail qu'il est censé faire. Les députés devraient surveiller la situation de près afin de déterminer si les pouvoirs accordés sont utilisés à bon escient.
J'espère que le gouvernement allouera suffisamment de ressources à l'ONE pour lui permettre de faire ces vérifications et ces inspections, car nombre d'intervenants ont fait part de leurs préoccupations à ce sujet. Après avoir vu le budget présenté récemment, je suis inquiet. Je me demande si le financement de l'ONE est suffisant.
En fait, l'ONE a signalé que le financement de plusieurs programmes en matière de sûreté des pipelines prendra fin au cours des prochaines années. Il incombe au gouvernement d'allouer suffisamment de fonds à l'ONE pour lui permettre de protéger les Canadiens et de s'assurer que ces pipelines sont exploités de manière sécuritaire. À mon avis, il faut que cela change.
En cas de déversement, les Canadiens doivent avoir la certitude que les compagnies exploitant des pipelines et l'Office national de l'énergie réagissent de façon appropriée. Le projet de loi C-46 exigerait que les compagnies exploitant des pipelines disposent des ressources financières nécessaires pour couvrir les éventuels coûts associés à un déversement. Elles seraient également tenues d'avoir un minimum de ressources financières pour garantir une intervention immédiate en cas de déversement et garantir leur capacité financière. C'est une mesure importante et je l'appuie.
De plus, dans des circonstances exceptionnelles, si une compagnie ne peut ou ne veut pas agir, l'ONE aurait l'autorisation de prendre le contrôle d'une intervention en cas de déversement et aurait le pouvoir d'obliger la compagnie à rembourser les coûts associés à un déversement. Si l'ONE assume les coûts aux dépens des contribuables, il devrait être remboursé par le responsable du pipeline.
C'est la compagnie qui exploite le pipeline qui sera responsable, voilà la raison d'être de la disposition de la responsabilité absolue. Autrement dit, qu'il y ait ou non négligence, le propriétaire-exploitant du pipeline assumera la responsabilité. C'est très important.
Enfin, pour ce qui est de la responsabilité et de l'indemnisation, le projet de loi se fonde sur le principe du pollueur-payeur. Ce sont donc les grandes sociétés de pipelines qui seront responsables des frais, des pertes réelles et des dommages environnementaux liés aux déversements. Le projet de loi comporte aussi une série de nouvelles mesures qui mettraient en place une limite de responsabilité absolue d'un minimum de 1 milliard de dollars visant toutes les grandes pétrolières. J'aimerais aussi mentionner que le projet de loi comporte un certain nombre de dispositions relatives aux pipelines abandonnés.
Le projet de loi C-46 prévoit aussi la consultation de l'Office national de l'énergie sur l'application des meilleures technologies connues pour la construction et l'exploitation des pipelines. Il définit en outre l'obligation qu'aura le gouvernement de collaborer avec les communautés autochtones et l'industrie afin d'élaborer une stratégie pour mieux intégrer la participation des peuples autochtones à la sécurité des pipelines, y compris la planification, la surveillance, l'intervention en cas d'incident ainsi que les possibilités d'emploi et d'affaires connexes.
Bien que j'aie indiqué plus tôt que le projet de loi C-46 constitue un pas dans la bonne direction, cela ne signifie pas qu'aucune inquiétude n'a été soulevée à l'égard du projet de loi. La possibilité que de nombreux changements annoncés dans le projet de loi C-46 soient laissés à la discrétion du Cabinet et de l'Office national de l'énergie a suscité certaines inquiétudes. L'Union des producteurs agricoles a soulevé plusieurs questions dans un mémoire, y compris au sujet de la définition de l'expression « perturbation du sol » dans le projet de loi. Elle s'inquiétait notamment des effets sur les cultures telles que la luzerne et se demandait si le délai des demandes d'indemnisation devait être lié au moment où une fuite est découverte ou au moment où elle se produit. Évidemment, à mon avis ce devrait être à partir du moment où elle est découverte.
Ian Miron, avocat pour Ecojustice, a parlé des lacunes du projet de loi lorsqu'il a comparu devant le comité. Il a affirmé qu'on devait apporter des précisions sur l'évaluation et le calcul des dommages au titre de la valeur de non-usage de ressources publiques. M. Miron a aussi déclaré que le projet de loi dans sa version actuelle, contrairement à ce que soutient le gouvernement, traduit le principe selon lequel le pollueur pourrait payer au lieu du principe du pollueur payeur.
M. Martin Olszynski, de la faculté de droit de l'Université de Calgary, a proposé des façons de renforcer le libellé du projet de loi en ce qui concerne les dommages à l'environnement. M. Olszynski a aussi dit que le cabinet fédéral devrait être tenu, dans un certain délai, de prendre un règlement énonçant la procédure d'évaluation des dommages environnementaux.
Malheureusement, les conservateurs n'ont pas présenté d'amendement pendant l'étude article par article du projet de loi C-46. Ils n'ont conservé que deux des amendements présentés par des députés de l'opposition.
L'un de ces amendements, qui a été adopté, prévoit que les gouvernements autochtones pourront demander le remboursement des dépenses encourues en cas de déversement, et je pense que c'est un bon amendement.
Sans cet amendement, la catégorie des entités qui pourraient se faire rembourser des frais raisonnablement engagés à la suite d'un déversement — en d'autres mots, les frais liés au nettoyage — ne contenait que « Sa Majesté du chef du Canada ou une province ou toute autre personne ».
Cette catégorie ne comprenait pas les Premières Nations et, selon moi, elle n'incluait pas non plus les municipalités. C'est pourquoi un autre amendement a été proposé en vue d'ajouter le mot « municipalité » à cette liste, mais je présume que les députés ministériels n'étaient pas autorisés à l'approuver. On pourrait dire qu'ils n'avaient pas le feu vert pour accepter ce changement anodin, qui aurait pourtant été utile.
On ne sait pas du tout si les provinces ou les municipalités — puisque les municipalités sont créées par les provinces — seraient autorisées à se faire rembourser des frais. Il aurait été très utile de le préciser dans le projet de loi. Malheureusement, je crains que les conservateurs n'étaient pas d'accord avec cela.
Le deuxième amendement porte sur une disposition du projet de loi qui prévoit que l'Office national de l'énergie puisse recouvrer des sommes afin d'indemniser les personnes touchées par un déversement. En occurrence, le mot « peut » a été remplacé par le mot « doit », ce qui constitue une autre bonne modification. À tout le moins, il y a eu une certaine ouverture, et je soupçonne que les députés d'en face prétendent à tort qu'ils ont fait preuve d'une souplesse totale à l'égard des amendements que nous avons proposés.
Je sais que le ministre des Ressources naturelles se plaît à rappeler que, entre 2008 et 2013, plus de 99,9999 % du pétrole transporté dans des pipelines sous réglementation fédérale est parvenu à destination sans anicroche. C'est un excellent bilan. Applaudissons les sociétés pipelinières canadiennes pour cette réalisation. Cependant, il faut aussi penser à l'avenir. Il faut faire absolument tout le nécessaire pour continuer à prévenir les déversements, instaurer des mesures appropriées pour nettoyer rapidement et efficacement les déversements et identifier à qui doit incomber la responsabilité lorsqu'un déversement survient.
Le Canada doit avoir le réseau de pipelines le plus sûr du monde. Il nous revient de voir à ce que le projet de loi sur la sûreté des pipelines soit conçu dans cette optique.
Le pouvoir de réglementation qu'exerce de l'Office national de l'énergie a été élargi par rapport aux 73 000 kilomètres de pipelines qui transportent pour plus de 100 milliards de dollars par année d'hydrocarbures d'un bout à l'autre du Canada. Cela représente beaucoup de pipelines qui ajoutent beaucoup de valeur à l'économie canadienne, mais qui suscitent aussi beaucoup de réserves, notamment en ce qui concerne les répercussions environnementales d'une éventuelle négligence.
Le projet de loi C-46 ferait fond sur les mesures déjà prises et conférerait à l'Office national de l'énergie le pouvoir d'accroître le nombre d'inspections de pipelines et de doubler le nombre de vérifications annuelles de la sécurité.
On a également demandé à l'ONE de donner des recommandations concernant les meilleures technologies disponibles pour la construction et l'exploitation des pipelines. Par conséquent, nous espérons évidemment que l'on fournira à l'ONE les ressources dont il a besoin pour faire ce travail, et qu'il s'acquittera correctement de cette tâche. Nous devrons continuer de surveiller cela. Je crois que c'est l'une des plus importantes responsabilités de la Chambre. Elle doit continuer d'exercer une surveillance et d'examiner les chiffres au fil du temps.
Nous avons vu des mesures qui déterminent comment le gouvernement est censé collaborer avec les communautés autochtones et les particuliers pour élaborer une stratégie visant à mieux tenir compte des peuples autochtones pour ce qui est des activités de sûreté des pipelines, notamment en ce qui concerne la planification, la surveillance, l'intervention à la suite d'un accident et les perspectives d'emploi et d'affaires connexes.
Il est évident que ces mesures et d'autres mesures contenues dans le projet de loi C-46 représentent une amélioration plus que nécessaire du régime de responsabilité pour les pipelines sous réglementation fédérale. Les dispositions sur la responsabilité absolue, les pouvoirs supplémentaires accordés à l'ONE et les mesures visant les pipelines abandonnés sont les bienvenus, et c'est pourquoi le Parti libéral appuiera le projet de loi.