Monsieur le Président, je parcourais le résumé législatif du projet de loi C-27, Loi visant à accroître l'obligation redditionnelle et la transparence des Premières Nations en matière financière. Je veux remercier Tonina Simeone et Shauna Troniak, de la Division des affaires politiques, pour la rédaction de cet excellent résumé législatif. Nous ne reconnaissons pas toujours assez le travail que fait le personnel de la Bibliothèque du Parlement et il le mérite.
Pour la petite histoire, jetons un coup d'oeil au résumé législatif et à l'analyse qu'on y fait de cette mesure législative. On peut notamment y lire ce qui suit:
Les bandes des Premières Nations sont assujetties à certaines exigences en matière de divulgation financière en vertu de la Loi sur les Indiens et de lois et de règlements connexes. Entre autres, l'article 69 de la Loi sur les Indiens dispose que le gouverneur en conseil peut, par décret, permettre à une bande d'une Première Nation de « contrôler, administrer et dépenser » ses revenus et peut prendre des règlements pour donner effet à cette permission. Par conséquent, le Règlement sur les revenus des bandes d'Indiens exige notamment la vérification annuelle des états financiers d'une bande et l'affichage du rapport du vérificateur dans « des endroits bien en vue de la réserve pour que les membres de la bande puissent l'examiner ».
Il semble que le point de départ du débat soit le manque de reddition de comptes, ou son absence quasi totale, mais comme le souligne le résumé législatif, nous devons reconnaître avant de poursuivre qu'il y a déjà un certain degré de transparence.
Il y est aussi question de la législation fédérale en matière d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels, qui fixe d'autres règles concernant la divulgation de l'information financière des bandes des Premières Nations. Je mentionne à ce sujet deux dispositions en particulier de la Loi sur l'accès à l'information, soit l'article 19 et l'alinéa 20(1)b).
En ce qui concerne les exigences actuelles qui découlent de politiques, voici ce qu'indique le résumé:
La majorité des accords de financement conclus entre le Canada et les Premières Nations sont des accords de contribution de durée déterminée en vertu desquels les Premières Nations doivent remplir certaines conditions pour que se poursuive le versement des fonds fédéraux. Les exigences en matière de présentation de rapports financiers figurent également dans le Manuel des rapports financiers de clôture d'exercice d'AADNC.
Une fois de plus, il y a un élément de transparence, et il faut le reconnaître avant de poursuivre le débat.
J'émettrai maintenant certaines critiques à l'égard du projet de loi et je parlerai de la manière dont on peut rectifier la situation.
En principe, tous les députés souhaitent qu'il y ait transparence à la Chambre. C'est un principe qui est parfois respecté et, comme l'a souligné mon collègue de Winnipeg-Nord, parfois non — ou, à tout le moins, on en parle sans s'y conformer à la lettre.
Le résumé législatif continue ainsi:
Conformément à ce manuel, les Premières Nations doivent présenter annuellement à AADNC des états financiers consolidés vérifiés à l’égard des fonds publics qu’elles reçoivent, y compris les salaires, les honoraires et les frais de déplacement de tous les représentants élus ou nommés et de tous les cadres supérieurs non élus de la bande. Les cadres non élus sont notamment les directeurs exécutifs, les administrateurs de bande, les directeurs principaux de programmes et les gestionnaires. Les Premières Nations doivent aussi diffuser ces états à leurs membres. En particulier:
selon la section 6.4.1, les Premières Nations doivent divulguer, tant à leurs membres qu’à AADNC, les rémunérations gagnées ou accumulées par les représentants élus ou nommés et les cadres supérieurs non élus;
selon la section 6.4.2, les montants des rémunérations reçues, gagnées ou accumulées par des représentants élus ou nommés qu’il faut divulguer « proviennent de toutes sources au sein de l’entité comptable du bénéficiaire, y compris les montants provenant, sans s’y limiter, du développement économique et d’autres types d’entreprises commerciales ».
Voici la suite du résumé:
Les exigences en matière de rapports et de divulgation figurent également dans diverses dispositions des accords de financement des Premières Nations, qui doivent être interprétées en parallèle avec les dispositions du Manuel des rapports financiers de clôture d’exercice.
Ce manuel prévoit ce qui suit:
Selon la section 2.4.3, le conseil doit préparer des états financiers consolidés qui doivent être vérifiés par un vérificateur indépendant et remis au ministre dans les 120 jours suivant la fin de l’exercice financier du conseil.
Selon la section 3.1, le conseil doit, s’ils le demandent, mettre à la disposition des membres des Premières Nations les états financiers consolidés vérifiés, y compris le rapport du vérificateur.
Selon la section 2.2.3, le ministre peut retenir des fonds qui seraient autrement versés en vertu de l’accord si le conseil refuse de fournir au ministre les états financiers vérifiés exigés.
On peut encore constater qu'il y a bel et bien un certain degré de transparence, peut-être dans de nombreux cas... Le gouvernement devrait peut-être s'en inspirer dans certains cas, comme le député de Winnipeg-Nord...
L'hon. John McKay: Vous pouvez toujours rêver.
M. Scott Simms: C'est ce que je ferai, comme tout le monde. Si nous étions incapables de rêver, nous ne serions pas ici.
Le résumé continue ainsi:
En 2008, AADNC a informé les bénéficiaires de son financement qu’à compter du 1er juillet 2008, les accords de financement seraient modifiés pour inclure des dispositions sur les vérifications.
Plus loin, il est dit ceci:
Lorsqu’une collectivité des Premières Nations n’est pas en mesure de respecter les conditions énoncées dans les accords de financement, AADNC peut intervenir pour corriger la situation.
Voilà certains des pouvoirs du ministère dans cette situation.
Je peux vous donner d'autres renseignements généraux sur le projet de loi C-27.
Si les Premières Nations reçoivent des fonds de plusieurs organismes fédéraux, la majorité du financement fédéral qui leur est accordé est administré par AADNC. En 2011-2012, le Parlement a approuvé l’octroi à AADNC de crédits de quelque 7,4 milliards de dollars pour la prestation aux Premières nations de services tels que l’éducation, le logement, le soutien social et l’infrastructure communautaire.
Cela a été sans contredit le point central du débat à la Chambre sur la situation à Attawapiskat qui s'est rapidement détériorée. Nous en sommes arrivés au point où nombreux ont été ceux qui, toutes formations confondues, se sont mis à lancer des critiques non fondées, utilisant la situation à des fins politiques, et certaines de ces critiques étaient carrément fausses. C'est ce qui est malheureux. Si nous en arrivons là à la Chambre, alors nous perdons de vue la solution qui pourrait s'imposer.
Les Premières nations et le gouvernement fédéral sont assujettis à diverses exigences qui leur sont faites par des politiques...
Par le truchement des décisions du conseil de bande, de la gestion des affaires du conseil, de la prestation des programmes et de services, et de la divulgation des états financiers annuels, les Premières nations rendent compte de façon générale à leurs membres de l’utilisation faite des ressources publiques.
Une fois de plus, ceci est tiré du résumé législatif préparé par la Bibliothèque du Parlement.
En répondant à diverses exigences fédérales en matière de présentation de rapports, les Premières Nations rendent également compte à AADNC des fonds publics qui leur sont accordés.
À son tour, dans le cadre du cycle de vérification annuel, AADNC doit rendre des comptes au Parlement et à la population canadienne.
Voici où nous en sommes. La dernière fois, quand nous avons été saisis d'un projet de loi d'initiative parlementaire, les principes du projet de loi étaient la reddition de comptes et la transparence. Nous sommes évidemment en faveur de ces principes.
Il reste à voir si le gouvernement pratique ce qu'il prêchait il y a de nombreuses années, à l'époque de l'adoption de la Loi fédérale sur la responsabilité. Nous laisserons l'électorat en décider.
Cependant, au cours du débat sur ce projet de loi d'initiative parlementaire, des contre-vérités ont été véhiculées pour nous faire croire qu'il n'y avait aucune reddition de comptes. Autrement dit, on nous a donné l'impression qu'il n'y avait aucune reddition de comptes. Ce n'est pas le cas.
Si nous adoptons le projet de loi C-27, il faut comprendre qu'il va plus loin que ce que proposait le projet de loi d'initiative parlementaire, à tel point que les activités de nombreuses bandes et la façon dont elles dépensent, en tant que personne morale, leur argent susciteraient bien des questionnements. Dans bien des cas, cela les défavoriserait.
Ce qui est divulgué au public pourrait être utilisé contre ces bandes, mais pas à des fins politiques en appelant une émission-débat ou dans le but de dégrader une collectivité donnée.
Disons cependant qu'une bande veuille investir. Elle se constitue en société et verse des salaires. Elle investit dans les membres de sa collectivité et dans des travaux d'infrastructure pour aider les jeunes à devenir entrepreneurs, avocats, médecins. L'idée est que la bande veut investir dans son avenir. Elle établit des plans d'entreprise et produit des rapports certifiés par des vérificateurs.
Mais si toute l'information est divulguée au public, même les députés ministériels reconnaîtront que cela pourrait placer les Premières Nations en position difficile. En effet, en l'absence d'amendements, le projet de loi deviendrait quelque chose qui pourrait nuire à leur capacité future d'améliorer leurs collectivités et leurs bandes, de faire progresser et d'éduquer leur jeunesse, de participer au commerce mondial et de se présenter comme des intervenants de classe mondiale sur la scène internationale comme ils le peuvent tout à fait.
Prenons les gens du Nord du Québec qui se sont opposés à de grands projets hydroélectriques. Ils ont descendu l'Hudson pour se faire entendre, et ils se sont très bien faits entendre. Ensuite, les manifestations ont été suivies d'action, l'action a été suivie d'investissements, et les investissements ont donné une jeunesse brillante et instruite dans les communautés autochtones. La moyenne d'âge dans ces collectivités autochtones est très peu élevée; donc, une foule de jeunes auraient beaucoup à gagner des investissements que feraient certaines de ces bandes.
L'objet du projet de loi, qui consiste à accroître la transparence et la reddition de comptes, est merveilleux. C'est à cela que doit aspirer toute organisation, que ce soit un gouvernement, une ONG ou une entreprise. C'est à ces grands idéaux de transparence ou ce que nous considérons comme tel qu'aspire toute entreprise afin que personne ne soit lésé. Par contre, analysons bien ce que propose de faire le projet de loi C-27.
En poursuivant l'idéal de la transparence, nous risquons d'aller trop loin jusqu'au moment où cela deviendrait néfaste et entraverait les plans d'avenir d'une bande ou d'une collectivité pour améliorer son sort et investir dans ses structures sociales, pas seulement dans les affaires, mais dans l'infrastructure communautaire.
Nous avons pour tâche de faire un examen et une analyse réfléchis et honnêtes des politiques à la Chambre. Après son passage à la Chambre, le projet de loi doit être renvoyé au comité où il fera l'objet d'un examen plus approfondi, et où les amendements interviendront. Nous espérons qu'à ce moment-là, bien qu'ils aient un gouvernement majoritaire, les conservateurs feront ce qu'ils prônaient auparavant, et le feront de manière raisonnable.
Le gouvernement conservateur estime qu'il ne faut pas être totalement transparent en ce qui concerne certains aspects de la gouvernance, que ce soit pour des raisons de sécurité nationale ou d'intérêt de la nation. Dans bien des cas, je suis d'accord, mais dans d'autres non. Certes, il y a des informations qui ne doivent pas être divulguées au public. Par conséquent, les conservateurs ne reconnaissent-ils pas qu'il faudrait envisager honnêtement et ouvertement certains amendements pour obtenir le meilleur projet de loi possible?
Cette mesure législative idéale ferait deux choses. D'abord et avant tout, elle assurerait la transparence, ce que j'appuie en principe. Ensuite, si les amendements sont retenus, elle permettrait aux collectivités d'investir dans leur avenir et leurs enfants.
Il y a plusieurs aspects du projet de loi que nous pourrions débattre et qui n'ont pas été traités lors du débat sur le projet de loi d'initiative parlementaire dont nous avons débattu durant la précédente législature. En règle générale, les projets de loi ministériels sont plus détaillés que les projets de loi d'initiative parlementaire. Lorsque toutes les ressources d'un ministère sont mises à contribution, on obtient un projet de loi encore plus volumineux. En l'occurrence, cependant, il arrive que le projet de loi C-27 aille trop loin.
Prenons par exemple le processus de consultation, dont il est également question en l'occurrence, et un autre problème cerné par le gouvernement. Le problème ne touche pas seulement les mesures législatives issues d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. Je citerai les initiatives provenant du ministère des Pêches et des Océans et le projet de loi sur le droit d'auteur pour illustrer mon point concernant la consultation.
Une consultation doit aller dans les deux sens. Il faut écouter en plus de s'exprimer. Lorsqu'on communique quelque chose, il faut s'attendre à une réponse. Souvent, cependant, les simples citoyens pour qui nous adoptons des lois n'ont pas eu l'occasion de nous répondre.
J'estime donc que le résultat du processus de consultation ne contribue en rien au débat que nous menons à la Chambre. Malgré la récente affirmation du premier ministre comme quoi la rencontre entre la Couronne et les Premières Nations aurait renouvelé les relations, le gouvernement conservateur a fait preuve d'un manque d'égards total envers les droits des peuples autochtones.
La Cour suprême du Canada a établi que les gouvernements fédéral et provinciaux ont le devoir de consulter les peuples autochtones avant de prendre des décisions qui pourraient avoir des répercussions négatives sur leurs droits et, dans certaines circonstances, de répondre aux préoccupations des peuples autochtones.
De surcroît, n'oublions pas qu'il est précisé, dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, dont le Canada est signataire, que les États parties doivent obtenir préalablement le consentement libre et éclairé des peuples autochtones avant d'autoriser un projet qui pourrait avoir une incidence sur leurs terres, leurs droits ou leurs ressources.
Revenons aux ressources. Venant de Terre-Neuve-et-Labrador, je peux affirmer bien franchement qu'un investissement dans les ressources stimule bel et bien l'emploi et renfloue les coffres des gouvernements provinciaux en augmentant leur capacité d'offrir des programmes d'aide sociale, au besoin, ainsi que leur capacité d'investir dans les soins de santé, l'éducation, les principaux domaines prioritaires.
On constate ainsi que le processus de consultation n'a pas porté ses fruits sur le plan des ressources, c'est-à-dire que si une bande ou une collectivité — ou dans d'autres cas, une province — investit dans ces ressources, elle doit pouvoir prendre part au commerce mondial. Comme on le sait, lorsqu'on investit dans des ressources plus importantes, notre marché, c'est le monde, rien de moins. Qu'il soit question d'investir au Canada dans les minerais ou dans le gaz et le pétrole, le monde est le terrain de jeu dans lequel on évolue.
Le projet de loi désavantagera certains de ces investissements parce qu'une partie de l'information doit être communiquée à la population.
Nous pouvons adhérer au principe des dépenses et des subventions directes versées à certaines collectivités, mais, dans la situation actuelle, le gouvernement doit réexaminer certaines modifications qu'il faut apporter au projet de loi.
Le gouvernement conservateur impose des changements considérables aux exigences relatives à la production des rapports financiers des Premières nations, mais il le fait sans consultations préalables auprès de ceux qui devront mettre en oeuvre ces changements. On en revient encore au processus de consultation. Nous ne respectons pas le principe selon lequel nous devons consulter les Premières Nations.
Permettez-moi de répéter ce que dit la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones: « leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause ». Cela ne signifie pas que le gouvernement doit diffuser un communiqué de presse pour annoncer ce qu'il compte faire. On parle ici de consentement, ce qui suppose une communication bilatérale et un échange d'information. Je crois qu'il y a eu une communication à sens unique, dont les résultats ne sont pas satisfaisants dans le cadre de ce débat. Ils ne sont certainement pas pertinents pour notre débat.
Nous avons vu le gouvernement adopter des stratégies tout aussi défaillantes à propos de l'eau potable et des biens immobiliers matrimoniaux. Il n'a pas non plus discuté des détails de ces projets de loi avec les intéressés avant de les présenter à la Chambre.
Quand le premier ministre a annoncé des changements importants à notre régime de pensions, il s'adressait à un auditoire étranger. Il n'en avait jamais été question pendant la campagne électorale. Il n'y a eu aucun processus de consultation.
Par ailleurs, le projet de loi C-27 ne propose aucune mesure qui permettrait d'alléger le lourd fardeau en matière de reddition de comptes, qui touche particulièrement les Premières nations de petite taille dont les ressources administratives sont limitées.
Je viens d'une circonscription qui regroupe plus de 200 petites collectivités, et je sais que le fardeau administratif est lourd. Pour les localités qui comptent à peine 20 ou 30 habitants et doivent produire un rapport après l'autre, cela devient vite épuisant. Je ne veux pas dire qu'elles ne devraient pas produire de rapports, mais le gouvernement pourrait au moins leur fournir du soutien pour qu'elles puissent préparer ces rapports au moment voulu, d'une manière qui favorise l'efficacité et l'exactitude.
Dans son rapport de 2002, la vérificatrice générale a fait la recommandation suivante: « [l]e gouvernement fédéral devrait consulter les Premières nations lorsqu'il effectue son examen régulier des exigences en matière de rapports ». Ce n'est malheureusement pas prévu dans ce projet de loi.