Monsieur le Président, je suis heureux de parler du projet de loi C-42 à l'étape de la troisième lecture. La Chambre doit se pencher sur ce genre de politique publique importante. Malheureusement, nous sommes d'avis que la Chambre ne s'est pas acquittée correctement de cette tâche, puisque le projet de loi n'atteindra pas son objectif.
Comme l'ont dit les intervenants précédents, la GRC est une institution canadienne historique. Comme le député de Kootenay—Columbia l'a indiqué, elle remonte à 1873. Nous savons tous qu'elle n'a pas toujours été parfaite. Au cours de son histoire, elle a parfois essuyé des critiques pour la façon dont elle a été mise à contribution par les divers gouvernements.
Lorsque j'ai commencé à pratiquer le droit, la GRC était considérée comme la plus grande force policière au pays. Partout au pays, les autres forces de police prenaient la GRC en exemple en raison des principes disciplinaires et des normes qu'elle appliquait, de la formation qu'elle offrait et des procédures adéquates qu'elle avait mises en place.
Malheureusement, depuis peu, les gens commencent à s'inquiéter de la manière dont la GRC gère les dossiers, en particulier les dossiers internes. Depuis quelques années, on voit surgir des plaintes pour des cas de harcèlement, dont les victimes sont surtout des femmes. Il y a actuellement 200 femmes qui ont engagé des poursuites en raison du harcèlement qu'elles ont subi au sein de la GRC et de l'incapacité dont semble faire preuve ce service de police lorsqu'il s'agit de gérer de tels dossiers. Grâce aux charges répétées du NPD à la Chambre, des démarches législatives ont été jugées nécessaires et ont été prises. Malheureusement, le projet de loi ne s'attaque pas aux problèmes qui ont mené à son élaboration.
Nous avons dit qu'il faut mettre en place une méthode appropriée et plus respectueuse pour gérer les cas de harcèlement sexuel, qu'il faut prendre des mesures adéquates à l'égard du problème de harcèlement, qu'il faut adopter une approche plus large et plus équilibrée en matière de ressources humaines, et qu'il faut éliminer certains pouvoirs excessifs qu'on propose d'accorder au commissaire de la GRC. Aucune de ces recommandations n'a été adoptée au comité.
La réaction du gouvernement à ces problèmes consiste à créer une hiérarchie encore plus puissante au sein de la GRC et à donner au commissaire des pouvoirs plus draconiens que jamais. Comme le député de Kootenay—Columbia l'a dit, le commissaire va déléguer tous ces pouvoirs, notamment à divers commissaires adjoints. Au lieu d'adopter une approche plus équilibrée, qui permettrait de régler les griefs et les problèmes des gens, nous allons avoir une hiérarchie autoritaire, qui n'inspirera pas la confiance, mais créera une organisation quasi paramilitaire. Quel anachronisme que de gérer des forces de l'ordre de cette manière, de nos jours.
De toute évidence, un corps policier doit prévoir et exercer des mesures disciplinaires, mais quand il est question de choses comme des plaintes de harcèlement sexuel, il faut prévoir un endroit où les gens savent qu'on les écoutera et qu'on réglera le problème. Les gens doivent être en mesure de s'attendre à ce que tous les agents de police, de haut en bas, comprennent bien en quoi consiste le harcèlement sexuel et soient conscients des répercussions que cela peut avoir. Certains intervenants qui m'ont précédé ont donné des exemples de façons dont il faudrait procéder.
À l'étape de l'étude en comité, 18 amendements ont été proposés pour répondre à certains de ces besoins, mais ils ont tous été rejetés par le gouvernement. Nous avions notamment proposé d'obliger les membres de la GRC à suivre une formation sur le harcèlement et d'inscrire une disposition à cet effet dans la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, pour montrer clairement que nous nous attaquons au problème. Nous voulions veiller à la création d'un organe civil totalement indépendant qui serait chargé d'examiner les plaintes formulées contre la GRC.
C'est important. Le modèle proposé était similaire à celui du CSARS, qui supervise le SCRS. Il prévoyait la création d'un organe indépendant investi d'un pouvoir de décision, et pas seulement d'un pouvoir de recommandation comme il est prévu dans le projet de loi. Cette proposition a été rejetée par le gouvernement.
Nous voulions également ajouter une disposition visant à créer un organisme civil national. Le projet de loi permet encore à la GRC d'enquêter sur elle-même quand il y a des plaintes sur le comportement inapproprié de policiers. Ce n'est pas correct. Une procédure complexe est envisagée, selon laquelle les provinces seraient les premières à intervenir ou, sinon, la GRC s'en occuperait et un organe civil quelconque aurait alors un rôle à jouer. Ce n'est pas suffisant. Certaines des provinces n'ont pas les capacités nécessaires pour mener un examen indépendant. De plus, les trois territoires n'ont pas de corps policier indépendant, et leurs services de police sont assurés par la GRC, ce qui signifie que les agents de la GRC enquêteront encore sur leurs propres activités.
Finalement, et je viens juste d'en parler, nous voulions élaborer une politique de ressources humaines plus équilibrée en éliminant certains des pouvoirs prévus pour le commissaire de la GRC et en renforçant le Comité externe d'examen afin que les cas où le renvoi de la GRC est envisagé puissent être examinés à l'externe. Maintenant, c'est le commissaire de la GRC qui détient le pouvoir final, et il n'y a aucune possibilité d'appel ou d'examen par un organisme indépendant. Ce n'est pas correct.
Le président de l'Association canadienne des policiers, M. Tom Stamatakis, s'est plaint de cette situation. Voici ce qu'il a dit: « Je dirais que, sans possibilité additionnelle d'interjeter appel ou — chose encore plus importante — de le faire à un organisme indépendant, il est possible que les membres de la GRC perdent confiance dans l'impartialité du processus auquel ils sont soumis, surtout dans les situations où le commissaire a délégué son pouvoir disciplinaire. » M. Stamatakis compare cette situation à celle de l'Ontario, où un policier qui fait l'objet d'un processus disciplinaire conserve le droit d'interjeter appel de la décision à la Commission civile des services policiers de l'Ontario.
L'un ne va pas sans l'autre. Il faut une politique et un processus disciplinaire adéquats, mais si les agents de police savaient que le processus est juste et impartial, cela favoriserait le changement de culture requis. Le commissaire l'a dit, un changement de culture est nécessaire, mais ce n'est pas une mesure législative qui fera tout le travail. En fait, il a dit que la culture de l'organisation n'avait pas évolué au même rythme que la société. Je cite le commissaire Paulson:
[...] le problème dépasse largement le harcèlement sexuel. Il s'agit de l'idée qu'on se fait du harcèlement. L'idée que nous avons d'une organisation hiérarchique qui surveille des hommes et des femmes qui ont des pouvoirs extraordinaires sur leurs concitoyens et l'exercice de tels pouvoirs demande énormément de discipline.
Selon le commissaire, c'est le système hiérarchique qui a contribué au problème. Au lieu de faire de la formation obligatoire sur le harcèlement sexuel un élément de la solution, au lieu de favoriser une approche plus équilibrée au sein de la direction, et peut-être de créer un conseil de gestionnaires pour surveiller la direction, nous avons renforcé le système hiérarchique. Nous n'avons pas trouvé de solution au problème qui a entraîné la nécessité de légiférer. Au lieu de régler le problème, cette mesure a aggravé la situation.
Le député de Kootenay—Columbia a demandé pourquoi des députés s'opposeraient au projet de loi puisque qu'il va dans la bonne direction, du moins en partie. En fait, nous pensons que le fait de voter en faveur de cette mesure législative n'apporterait aucune solution au problème.