Monsieur le Président, j'ai le plaisir de me lever pour parler du projet de loi C-56, qui est important, même s'il présente des problèmes et qu'il devrait être amélioré. Nous devons en discuter aujourd'hui.
Les députés du gouvernement devraient reconnaître certains enjeux. J'espère qu'ils le feront en comité et qu'ils accepteront d'adopter des amendements importants.
Par exemple, comme je l'ai mentionné dans ma question à l'intention de mon collègue de Scarborough-Sud-Ouest, le projet de loi ne vise pas les marchandises en transit. Je suis sûr que nos voisins américains ne seraient pas très impressionnés si, par exemple, une cargaison de produits contrefaits expédiée de l'Asie à Vancouver, puis poursuivant sa route jusqu'à Los Angeles, n'était pas saisie au Canada. Nous leur enverrions alors le message suivant: c'est votre problème, et nous nous en lavons les mains. Si les rôles étaient inversés, ce n'est pas le genre de réaction auquel nous nous attendrions de leur part. Il faut donc régler ce problème.
En outre, en tant que législateurs, nous ne devrions pas nous contenter d'adopter à toute vitesse un projet de loi imparfait tout simplement parce que le gouvernement est majoritaire. Le projet de loi à l'étude aujourd'hui est resté au Feuilleton pendant trois mois, soit depuis qu'il a été présenté. Le gouvernement ne l'a pas fait progresser d'un centimètre depuis. Ce n'est qu'aujourd'hui qu'il a décidé d'en saisir la Chambre, alors que la session tire à sa fin et qu'une motion d'attribution de temps nous a été imposée pour la 45e ou 46e fois.
Le gouvernement essaie de faire adopter à toute vapeur toute une série de mesures législatives. Il force la Chambre à siéger jusqu'à minuit pendant les quatre dernières semaines de la session, mais il ne permet pas aux députés d'étudier comme il se doit tous ces projets de loi. Le gouvernement ne donne pas aux comités la possibilité d'améliorer véritablement ces mesures législatives. Comme mon collègue l'a dit, quand avons-nous vu pour la dernière fois le gouvernement accepter un amendement proposé par l'opposition? C'est inquiétant.
On se demande également qui assumera les coûts liés à la saisie, à l'entreposage et à la destruction, en particulier dans le cas des petites entreprises. Celles-ci sont préoccupées au sujet des produits qui entrent au pays et qui imitent ceux qu'elles produisent ou qui violent leur droit d'auteur. J'espère que nous pourrons obtenir des éclaircissements sur ces questions et sur le projet de loi que nous étudierons pendant la brève période qui nous est allouée.
J'ai aussi entendu certaines personnes exprimer des craintes en raison des pouvoirs accrus qui seraient donnés aux agents des services frontaliers, sans droit de regard des tribunaux. Nous devons nous rappeler, comme le disait mon collègue, que, l'année dernière, le gouvernement a réduit de 143 millions de dollars le budget de l'Agence des services frontaliers du Canada. L'agence dispose donc de moyens réduits pour faire ce genre de travail; or, le gouvernement lui en demande encore plus. Elle s'efforce de faire le travail qu'on lui confie et voilà que le gouvernement ajoute à ses responsabilités une responsabilité très complexe, qui consiste à évaluer quels produits entrant au pays pourraient être contrefaits ou violer des droits d'auteur.
Nous devons nous assurer que cette mesure législative ne donne pas lieu à des saisies illégales ou injustifiées et à des violations de la Charte des droits et libertés. Nous devons aussi veiller à ce que les agents des services frontaliers reçoivent la formation nécessaire pour savoir comment traiter ces affaires très complexes. La difficulté consiste parfois à déterminer ce qui est protégé par des droits d'auteur et ce qui ne l'est pas. Nous savons, à la lumière des discussions que nous avons eues, l'année dernière, sur le projet de loi sur les droits d'auteur que l'exercice est parfois complexe, même pour les tribunaux. Il est déraisonnable de demander aux agents des services frontaliers de le faire sans avoir reçu la formation voulue et sans un minimum de ressources pour fournir cette formation. Comment le système va-t-il fonctionner efficacement si, d'une part, nous alourdissons leur charge de travail et que, d'autre part, nous réduisons leurs ressources? Ces agents font un travail extrêmement important et nous devons leur donner les outils dont ils ont besoin.
Des gens comme le professeur Michael Geist, un spécialiste de ces questions et le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique de l'Université d'Ottawa, soulèvent des questions portant sur le droit d'auteur relativement au projet de loi. Certaines personnes — bien peu, je l'admets, mais il y en a — vont jusqu'à dire que cette mesure législative est un moyen détourné de ramener l'Accord commercial anti-contrefaçon. Je ne crois pas que ce soit le cas. Le projet de loi a bien peu en commun avec cet accord, mais je comprends ces préoccupations et je les respecte. Nous devrions nous pencher sur celles-ci, et entendre des témoins sur des sujets comme celui-là dans le cadre d'une étude approfondie du projet de loi à l'étape du comité.
Il y a clairement de nombreuses questions relativement au projet de loi. En tant que députés, nous avons le devoir de les étudier soigneusement. Voilà pourquoi il faudra procéder à l'examen approfondi dont je viens de parler à l'étape de l'étude en comité.
J'espère que le gouvernement n'aura pas recours à ses habituelles tactiques d'intimidation pour forcer l'adoption d'un autre projet de loi simplement parce qu'il en a le pouvoir. C'est inacceptable, et le gouvernement le sait fort bien.
J'espère aussi que nous prendrons le temps d'écouter de nombreux tenants du projet de loi visant à combattre la contrefaçon de produits. À l'évidence, il faudra attendre pour voir. On juge l'arbre à ses fruits. Lorsque la mesure législative entrera en vigueur, nous verrons dans quelle mesure elle atteindra son objectif. Je crois qu'elle aura un effet positif, mais elle donnera de meilleurs résultats si nous pouvons l'améliorer à l'étape du comité.
Récemment, j'ai rencontré des membres de l'Association des entrepreneurs en mécanique du Canada et de l'Institut canadien de plomberie et de chauffage qui souhaitent discuter du projet de loi C-56 dans le cadre de leur journée d'information sur la Colline du Parlement. Ils ont fait valoir des arguments fort cohérents en faveur du projet de loi. Je crois que la plupart des députés, sinon tous, seraient d'accord avec eux.
Le projet de loi C-56 modifie la Loi sur le droit d’auteur et la Loi sur les marques de commerce afin d’instaurer des recours civils et criminels supplémentaires, ainsi que de nouvelles mesures frontalières afin de renforcer la mise en oeuvre des droits d’auteur et des droits relatifs aux marques de commerce et de contrer le commerce d’exemplaires produits en violation du droit d’auteur et de produits de marque contrefaits.
Qu'il s'agisse de chandails de hockey, de pièces pour les postes radio ou encore de manteaux, comme mon collègue l'a mentionné plus tôt, beaucoup d'articles qui font leur entrée au pays semblent authentiques, mais ne le sont pas. C'est pour cette raison qu'il est important d'être conscients de cette réalité et de prendre les mesures qui s'imposent. Cette situation a des répercussions sur notre économie et nos emplois au Canada. Nous devons garder cela à l'esprit.
Cette mesure législative modifie en outre la Loi sur les marques de commerce pour, notamment, élargir ce qui constitue une marque de commerce enregistrable et conférer au registraire des marques de commerce le pouvoir de corriger les erreurs figurant au registre. Finalement, elle rationalise et modernise le processus de demande d’enregistrement de marques de commerce et d’opposition à celles-ci. Tout ceci est positif.
Soit dit en passant, j'espère que des mesures similaires seront présentées pour examiner la question des marques officielles, qui sont très problématiques. En effet, il peut y avoir un groupe dans une province, une association regroupant des professionnels d'un même domaine, par exemple des massothérapeutes, qui ont obtenu une marque officielle pour le Canada. Le concept sous-tendant ces marques est qu'elles peuvent être appliquées partout au pays. Il pourrait y avoir deux groupes de massothérapeutes en Nouvelle-Écosse. Si l'un d'eux obtient l'approbation des gens de l'Ontario, mais que l'autre ne l'obtient pas, un seul peut utiliser certaines expressions associées à la marque officielle. Cela n'a aucun sens lorsque le premier groupe est limité à une seule province. Il faut aussi examiner et modifier la loi relative aux marques officielles.
Notre caucus reconnaît que les produits contrefaits qui entrent au Canada posent un risque pour la santé et la sécurité des Canadiens et ont des répercussions négatives sur l'économie. Nous croyons que ce projet de loi doit être amendé et que si le gouvernement collabore un tant soit peu, nous pourrons l'amender au comité. Le Parti libéral reconnaît qu'il est nécessaire de mettre en place de nouveaux mécanismes afin de renforcer le régime d'application de la loi qui existe au Canada en ce qui concerne les produits contrefaits.
Mes collègues du Comité de l'industrie se souviendront d'avoir vu les manteaux Canada Goose contrefaits dont nous avons entendu parler un peu plus tôt et d'avoir entendu parler de toutes les choses dégoûtantes qu'on peut trouver dans ces manteaux contrefaits. Ce n'est certainement pas le genre de choses qui gardera les Canadiens au chaud pendant nos rigoureux hivers. Nous avons tous entendu parler des disjoncteurs contrefaits qui ont été installés dans les édifices gouvernementaux ou des lumières de Noël défectueuses qui ont causé des incendies dans les maisons. Ce sont là des exemples de produits contrefaits qui représentent un danger pour les Canadiens.
Pour vous donner une idée de l'ampleur du problème, sachez que dans des avions cargos, des hélicoptères et autres avions militaires américains, on a trouvé 1 800 cas de pièces électroniques contrefaites, apparemment fabriquées en Chine. Oui, j'ai bien parlé d'avions militaires. Imaginez ce que cela signifie, et à quel point il pourrait être effrayant, en cas de conflit ou de danger, d'utiliser ces avions.
C'est un énorme problème pour le gouvernement, pour les entreprises et pour les consommateurs. En ce qui concerne les consommateurs, les médicaments contrefaits peuvent poser un problème. Ils ne sont pas aux normes, ils peuvent comporter des doses trop faibles de principe actif, ou leur composition peut être entièrement différente. Tout cela est assez effrayant également.
En avril, un marché aux puces d'Hamilton a reçu la visite de la GRC, de la police provinciale et de la police locale; on y a saisi pour environ 100 000 $ de biens contrefaits. Il s'agissait notamment de sacs à main, de jeans, de lunettes de soleil et de DVD. On peut penser que ces articles ne constituent pas un danger pour la sécurité publique ou la santé, mais ils ne sont pas sans conséquence pour l'emploi au Canada.
La valeur au détail des produits contrefaits saisis par la GRC s'est multipliée par cinq entre 2005 et 2012, passant de 7,6 millions de dollars à 38 millions de dollars. Et naturellement, il ne s'agit que d'une estimation.
Le Parti libéral considère qu'il faut protéger les entreprises canadiennes pour assurer leur prospérité, ainsi que la santé et la sécurité des Canadiens. Il importe également, naturellement, de protéger l'emploi des Canadiens et l'intégrité globale de l'économie canadienne.
Nous souhaitons qu'on entreprenne un vaste programme de sensibilisation concernant la possession, la production et la distribution de biens contrefaits. Il faudrait faire des recherches et des études sur les défis posés par Internet et par le commerce électronique en tant qu'échappatoires aux saisies et à la réduction de la disponibilité des produits contrefaits, puisque nous parlons ici de saisies de cargaisons aux frontières. Lorsque les produits sont envoyés un par un par la poste, par UPS ou par quelque autre moyen, il est beaucoup plus difficile, pour les services frontaliers, de les intercepter.
Évidemment, compte tenu des déficits chroniques du gouvernement actuel, nous nous demandons comment les conservateurs pourraient financer un nouveau système de prévention et d'enquête, étant donné les compressions budgétaires de 142 millions de dollars subies par l'Agence des services frontaliers l'année dernière. Les agents frontaliers ne sont pas des experts en matière de droit d'auteur. On leur conférerait des pouvoirs nouveaux et étendus, qui ne seraient pas assujettis au contrôle des tribunaux, ce qui risque de provoquer des saisies illégitimes et des atteintes à la Charte des droits; c'est certainement un problème à envisager. Nous sommes également d'avis qu'il faudrait exempter les petites entreprises des coûts imposés par la mesure législative.
Plusieurs autres préoccupations ont été soulevées. Vu le nombre accru de saisies qui seraient effectuées grâce aux nouveaux pouvoirs dont seraient investis les agents frontaliers et la GRC, comment le gouvernement entend-il financer des activités d'enquête légales aussi étendues, particulièrement compte tenu des compressions que j'ai mentionnées? Advenant que des produits authentiques ou non contrefaits soient saisis et détruits, comment le gouvernement entend-il indemniser les entreprises et les particuliers? Comment le gouvernement entend-il déterminer si les importateurs de produits de contrefaçon sont au courant que les produits qu'ils ont importés sont de contrefaçon? Pourquoi n'y a t-il aucune disposition sur le transbordement de marchandises par l'entremise du Canada?
Le projet de loi C-56 tente effectivement de réduire la présence de produits de marque contrefaits vendus et distribués au Canada en offrant de nouveaux outils d'application de la loi. Il renforcerait le régime d'exécution de la loi du Canada aux frontières et à l'intérieur du pays et réduirait l'incidence néfaste des produits de contrefaçon en habilitant les agents frontaliers à détenir les cargaisons commerciales suspectes et à communiquer avec les détenteurs de droits. En outre, le projet de loi permettrait aux entreprises canadiennes de présenter une demande d'aide à l'Agence des services frontaliers du Canada et autoriserait les agents frontaliers à communiquer des renseignements aux détenteurs de droits concernant des cargaisons suspectes. Ce sont là des mesures utiles qui valent la peine d'être adoptées, surtout si les ressources voulues sont disponibles.
Le projet de loi prévoit de nouvelles infractions criminelles interdisant la contrefaçon de produits de marque, la possession de produits contrefaits en vue d'en faire le commerce de même que le trafic de produits de marque contrefaits. Il offrirait aux propriétaires légitimes de nouveaux outils pour protéger leurs droits et intenter des poursuites civiles contre les contrefacteurs. Il créerait de nouvelles infractions pour les contrefacteurs de marques de commerce. Il fournirait de meilleurs outils pour enquêter sur la contrefaçon à des fins commerciales.
Nous appuyons le principe du projet de loi, et nous appuierons le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture pour qu'il puisse être étudié par le comité. Nous approuvons l'objectif recherché. Toutefois, nous estimons que des améliorations s'imposent, et j'espère que mes collègues seront ouverts à amender et à améliorer le projet de loi au comité.