Monsieur le Président, en tant que membre du Comité permanent du commerce international, j'ai le grand plaisir de prendre la parole au sujet du projet de loi C-24, Loi sur la croissance économique et la prospérité — Canada-Panama.
Le projet de loi C-24 fait suite à un accord commercial que nous avons signé avec le Panama le 11 août 2009. Cet accord de libre-échange pose des problèmes à plusieurs égards, notamment en ce qui concerne les droits des travailleurs et les normes de protection de l'environnement. Aujourd'hui, je vais cependant mettre l'accent sur la question de l'évasion fiscale et du blanchiment d'argent, ce qui est de loin fort préoccupant.
Voici ce que Todd Tucker, de l'organisation Public Citizen's Global Trade Watch, a dit lors de son témoignage au Comité permanent du commerce international, le 17 novembre 2010:
Le Panama est l'un des pires paradis fiscaux au monde. On estime que ce pays abrite 400 000 sociétés, dont des entreprises étrangères et des filiales de multinationales. C'est presque quatre fois plus que le nombre de sociétés enregistrées au Canada. Le Panama n'est donc pas n'importe quel pays en développement.
En effet, depuis des décennies, le gouvernement panaméen applique délibérément une stratégie de paradis fiscal. Il offre aux banques et aux sociétés étrangères une licence extraterritoriale spéciale leur permettant d'y faire des affaires. Non seulement ces entreprises ne sont-elles pas imposées, mais elles sont soumises à peu de réglementations. Selon l'OCDE, le gouvernement panaméen n'est pas équipé juridiquement pour vérifier les informations fiscales concernant ces sociétés. Les pratiques occultes du Panama en matière financière en font également un lieu de prédilection pour le blanchiment de l'argent provenant des quatre coins du monde.
L'accord commercial Canada-Panama pourrait même aggraver le problème que pose le statut du Panama comme paradis fiscal. Comme l'a noté l'OCDE, conclure un accord commercial sans d'abord s'attaquer aux pratiques occultes du Panama en matière financière risque d'accroître encore l'évasion fiscale. Les capitaux entrent au Panama et en sortent sans aucune restriction. Les transactions sont protégées par le secret bancaire, si bien qu'il n'existe aucun contrôle de l'activité financière.
En mars 2012, le Panama et le Canada ont entamé des négociations pour un accord d'échange de renseignements à des fins fiscales. Cependant, cet accord n'a pas encore été signé. C'est très troublant, compte tenu du fort volume des activités de blanchiment d'argent au Panama, notamment de l'argent provenant du trafic des stupéfiants.
De plus, les questions de divulgation de taxes n'ont pas encore été abordées de manière significative, même si le gouvernement panaméen et le gouvernement conservateur prétendent que oui. En outre, sans une véritable volonté politique, ces accords ne font généralement rien pour enrayer l'évitement fiscal légal et en font très peu pour dissuader les citoyens de faire de l'évitement fiscal illégal. À ce sujet, les accords d'échange de renseignements à des fins fiscales, en général, ne contiennent pas de dispositions sur l'échange automatique de l'information. Des demandes individuelles doivent être faites.
Qu'on écoute bien ce qui suit, parce que c'est vraiment le point tournant de mon discours. Le Congrès américain a refusé de ratifier un accord de libre-échange avec le Panama avant qu'il ne signe un accord d'échange de renseignements à des fins fiscales. Selon des experts en matière d'évasion fiscale, l'accord avec le Panama permet à ce dernier de contourner les dispositions concernant la transparence si elles sont contraires à une politique publique du Panama.
Nous, députés de l'opposition, avons fait des propositions dans le passé pour améliorer cet accord. Pendant l'étude article par article, nous avons proposé plusieurs amendements qui auraient apporté des améliorations notables au projet de loi. Citons notamment l'ajout des concepts essentiels de développement et d'investissements durables et, plus important encore, l'établissement d'une exigence en matière de transparence sur le plan fiscal.
En effet, avant l'examen article par article du projet de loi C-24, le NPD avait proposé devant le Comité permanent du commerce international une motion destinée à stopper la mise en oeuvre de l'accord commercial Canada-Panama jusqu'à ce que le Panama consente à signer un accord d'échange de renseignements en matière fiscale. Cette motion a été rejetée par les conservateurs et les libéraux. Telle est la position de ces deux partis rétrogrades sur une politique fiscale responsable et appropriée.
Compte tenu des antécédents et de la réputation du Panama en la matière, il est facile de voir pourquoi une telle condition est nécessaire avant qu'un accord commercial soit signé. Le Congrès américain, lui, ne voulait pas ratifier l'accord de libre-échange avec le Panama sans qu'un accord d'échange de renseignements en matière fiscale ait été signé. Il est important de le rappeler parce que c'est le clou de l'affaire. C'est justement pour cette raison que nous avons des préoccupations importantes au NPD, et je pense qu'elles sont partagées par tous les Canadiens et Canadiennes.
Contrairement à ce que les conservateurs veulent faire croire, le NPD appuie le commerce. Nous sommes pour le développement des exportations canadiennes en réduisant les obstacles aux échanges. Nous sommes pour le développement d'une industrie qui exporte des produits à valeur ajoutée. Nous sommes pour la création d'emplois canadiens en élargissant l'accès des produits canadiens au marché international. Nous sommes pour l'augmentation de la productivité en encourageant de nouveaux investissements. Et nous sommes pour la diversification de nos exportations.
Au NPD, nous avons une stratégie en matière de commerce. Nous désirons aider les entreprises canadiennes à être des chefs de file dans l'économie mondiale. Nous allons améliorer la protection des droits de la personne et de l'environnement, et nous défendrons les ressources publiques et les services essentiels aux Canadiens.
Finalement, nous allons contribuer à la diminution du déficit commercial du Canada, car sous le gouvernement conservateur, le Canada est passé d'un excédent commercial de 26 milliards de dollars à un déficit commercial de 50 milliards de dollars. J'ai bien dit « 50 milliards de dollars ». C'est honteux!
Depuis que les conservateurs sont au pouvoir, le déficit commercial de notre secteur manufacturier, lui, est six fois plus élevé, soit 90 milliards de dollars. Les exportations de matières premières sont en hausse de 30 milliards de dollars, mais les exportations à valeur ajoutée sont en baisse de 35 milliards de dollars.
Le bilan des conservateurs démontre que leur approche commerciale ne fonctionne pas. C'est normal, car ce sont de très mauvais gestionnaires. Ce n'est pas en répétant les mots « croissance » et « économie » que ça fait forcément d'eux de bons gestionnaires. Pas du tout. Nous l'avons compris, de même que les Canadiens et les Canadiennes.
Les conservateurs négocient des ententes commerciales en se fondant sur une stratégie extrême et idéologique, au lieu de faire des intérêts des Canadiens leur priorité. Le gouvernement conservateur est complètement dysfonctionnel et sa stratégie commerciale l'est tout autant.
Le NPD préfère une approche multilatérale fondée sur un modèle commercial durable. En fait, les accords commerciaux bilatéraux ne sont rien d'autre que des accords commerciaux protectionnistes puisqu'ils confèrent un traitement préférentiel à quelques partenaires à l'exclusion des autres. Les pays plus faibles se retrouvent donc dans une position d'infériorité par rapport aux partenaires plus importants. Un modèle commercial durable multilatéral esquive ces difficultés tout en protégeant les droits de la personne et de l'environnement.
Si les députés conservateurs ont bien entendu ce que j'ai tenté d'expliquer ici, ils auront compris que nous ne sommes pas défavorables à cet accord et que nous voulons lui donner une chance. Tout ce que nous demandons, c'est qu'il y ait plus de transparence. Nous ne voulons pas être associés à des problèmes d'évasion fiscale et nous ne voulons surtout pas que nos entreprises canadiennes le soient.
J'ai à coeur les entrepreneurs de ce pays et leur réputation. C'est la différence entre nous et le gouvernement conservateur, qui prétend être un bon gestionnaire, se préoccuper des intérêts des Canadiens et être compétent en économie. Le gouvernement s'apprête à signer un autre accord de libre-échange de plus — il est sur une vague d'accords de libre-échange —, mais il ne tient pas compte des partenaires avec qui il fait affaire.
Je veux bien faire des affaires, mais pas à n'importe quelle condition et au détriment de nos entreprises canadiennes.
De notre côté, on a des règles d'éthique, et il serait bien que le gouvernement s'en inspire.
Ce que je tentais de dire aujourd'hui, en parlant de l'accord de libre-échange entre le Canada et le Panama, c'est justement que nous sommes en faveur du commerce, mais que nous pensons qu'il devrait être fait de manière responsable et plus sérieuse à l'égard des Canadiens et des Canadiennes.