Monsieur le Président, c'est pour moi un privilège d'intervenir aujourd'hui à la Chambre pour exprimer mon appui à l'endroit du projet de loi S-15, qui vise notamment à créer la réserve à vocation de parc national de l'Île-de-Sable afin de la protéger en vertu de la Loi sur les parcs nationaux du Canada.
Tout au long de ce débat et de l'examen que fera du projet de loi S-15 un comité de la Chambre, on nous demande de présider un événement historique, à savoir la création d'un nouveau parc national.
Il s'agit d'une occasion unique pour tous les députés. En effet, on nous demande de prendre en toute connaissance de cause une décision claire en vue de protéger l'île de Sable à tout jamais. On nous donne l'occasion de transmettre aux générations futures cette île légendaire, qui abrite un troupeau célèbre de chevaux sauvages et un important habitat faunique. Nous allons léguer à nos enfants une aire naturelle et tous les récits qui y sont reliés. À leur tour, ils pourront transmettre ce trésor à la génération suivante.
À première vue, ce projet de loi semble plutôt court et anodin, mais, en réalité, il est essentiel pour que, comme le prévoit la disposition sur l'usage public des parcs inscrite dans la Loi sur les parcs nationaux du Canada, l'île de Sable soit dédiée au peuple canadien pour son agrément et l’enrichissement de ses connaissances et pour qu'elle soit entretenue et utilisée de façon à rester intacte pour les nombreuses générations futures.
J'interviens à la Chambre en faveur du projet de loi S-15 afin que nous puissions prendre cette décision.
Je m'imagine sur les plages de l'île de Sable, en train de me demander comment celle-ci a bien pu être créée, comment, au beau milieu de l'Atlantique, cette bande de sable, perchée sur une protubérance isolée du plateau continental, a bien pu survivre aux pires rigueurs de l'océan.
Comment se fait-il que des centaines de navires aient fait naufrage à l'île de Sable? Comment se fait-il que des chevaux et des espèces d'oiseaux en voie de disparition aient pu survivre sur cet avant-poste désolé, composé de dunes et d'une végétation clairsemée? Quel idéalisme absolu pousse des personnes à passer des mois à cet endroit, agissant ainsi à titre de gardiens de l'île au nom de tous les Canadiens?
J'ai bien hâte de constater les initiatives que Parcs Canada va mettre en oeuvre pour faire connaître la riche histoire de l'île de Sable et pour répondre à ces questions, ainsi qu'à bien d'autres.
Alors que nous débattons ce soir de la possibilité de protéger l'île de Sable sous les auspices de la Loi sur les parcs nationaux du Canada, peut-être conviendrait-il de carrément se demander comment nous en sommes venus à vouloir en faire pour toujours un parc national.
Les premières activités de conservation relatives à l'île de Sable étaient strictement ciblées et correctives. Comme d'autres députés l'ont signalé, le gouvernement a adopté un règlement en 1961 afin de protéger les chevaux de l'île et d'interdire qu'on la leur fasse quitter. C'est ce qu'on appelle le Règlement sur l'île de Sable, et il protégeait l'île expressément en imposant des restrictions afin d'en limiter l'accès et de contrôler les activités pouvant y être pratiquées.
À la fin des années 1960, le ministère des Transports a mis un holà aux plans visant à extraire de l'île son sable riche en minerai, même après que l'île eut été jalonnée.
Ce n'est pas tout. En 1977, on a adopté une approche de conservation plus progressiste en désignant l'île de Sable en tant que refuge d'oiseaux migrateurs au titre de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, de manière à protéger ces oiseaux, y compris leurs nids et leurs oeufs. C'est quelque chose de très important.
Cela dit, un refuge d'oiseaux migrateurs ne protège pas les autres espèces de l'île de Sable ni leur habitat. De plus, les règlements ne s'appliquent qu'en période de nidification, alors ils ne sont pas un outil de conservation efficace le reste du temps.
Les choses ont continué à évoluer jusqu'à ce que, récemment, des secteurs précis de l'île soient désignés « habitats essentiels » à la sterne de Dougall, une espèce réputée en voie de disparition au titre de la Loi sur les espèces en péril.
Puis, en 1998, en collaboration avec la Nouvelle-Écosse et le ministère des Pêches et des Océans, le Service canadien de la faune a rédigé un document clé intitulé Stratégie de conservation pour l'île de Sable, dont l'objectif était d'établir un cadre pour la préservation de l'intégrité physique et de la diversité biologique de l'île de Sable. Je fais remarquer que cela a été entrepris sous un autre gouvernement.
Le document signalait que l'île était utilisée par les humains depuis plus de 400 ans et que cette utilisation avait modifié l'île et en avait altéré à tout jamais l'écosystème d'origine, mais qu'il était temps de développer une stratégie de conservation afin de définir les limites environnementales devant encadrer les activités futures.
En résumé, la stratégie devait essentiellement protéger le terrain existant contre toute déstabilisation d'origine humaine, et conserver la faune et la flore de l'île. C'était en 1998.
Dans le cadre du débat de ce soir, il est particulièrement intéressant de noter qu'une partie de cette stratégie visait la désignation légale de l'île de Sable. Les auteurs du document avaient observé que, même si l'application du Règlement sur l'île de Sable et de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs
[...] s'est avérée relativement efficace pour protéger l'île de Sable, de nombreuses parties de l'environnement naturel de l'île ne bénéficient pas, pour l'instant, d'une protection juridique adéquate.
C'est pourquoi la stratégie recommandait avec sagesse d'améliorer la protection juridique de la valeur naturelle de l'île afin qu'elle soit plus englobante. C'est ce vers quoi nous avons tendu pendant toutes ces années.
Enfin, c'est en juin 2008, sous le gouvernement actuel, que le député d'Ottawa-Ouest—Nepean a annoncé une initiative visant à faire de l'île de Sable une aire protégée fédérale. À l'époque, il avait aussi annoncé du financement en vertu de l'initiative sur la santé des océans, en vue du maintien d'une station météorologique permanente sur l'île de Sable.
Je crois qu'il vaut la peine de répéter les paroles que le député avait prononcées ce jour-là. Voici ce qu'il avait dit:
Nous croyons qu’il est dans le meilleur intérêt des Canadiens et des Canadiennes de préserver l’île de Sable pour les générations à venir [...] L’annonce qui a été faite aujourd’hui est une autre preuve que le gouvernement s’engage à protéger et à préserver notre environnement dans les provinces de l’Atlantique.
Il s'agissait là de paroles prémonitoires, car cette annonce a marqué le début d'un cheminement qui nous a menés à ce soir et au projet de loi S-15.
C'est en 2009, alors que les gouvernements du Canada et de la Nouvelle-Écosse discutaient de la protection de l'île de Sable, qu'est née l'idée de protéger l'île en la transformant en parc national.
En janvier 2010, les deux gouvernements ont signé un protocole d'entente sur l’établissement d’une aire protégée fédérale sur l’île de Sable, dans la province de la Nouvelle-Écosse. Finalement, après toutes ces années, un gouvernement était prêt à agir.
En reconnaissance de l'importance nationale de l'île de Sable, les deux gouvernements ont accepté de collaborer afin de déterminer si l'île devait être protégée à titre de réserve nationale de faune en vertu de la Loi sur les espèces sauvages du Canada ou à titre de parc national en vertu de la Loi sur les parcs nationaux du Canada.
Aux termes de leur entente, les gouvernements ont nommé un groupe de travail chargé de formuler des recommandations concernant le type d'aires protégées fédérales à envisager. Le processus était censé être très réfléchi.
Il est important de signaler que le protocole d'entente entre les deux gouvernements était très clair dès le début:
Aucune recommandation quant à l'éventuelle désignation ou création d'une aire protégée fédérale visant l'île de Sable n'aura d'incidence négative sur les intérêts du Canada ou de la Nouvelle-Écosse dans les ressources pétrolières extracôtières, y compris celles qui se trouvent dans la zone de l'île de Sable.
D'entrée de jeu il était clair que, quel que soit le type d'aire recommandée, il fallait tenir compte des dispositions de la Loi de mise en oeuvre de l'Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers. C'est une mesure majeure qui l'emporte sur toutes les autres mesures fédérales visant la région ayant été négociées préalablement avec la province. Il fallait aussi, bien sûr, prendre en compte le rôle de l'Office des hydrocarbures extracôtiers.
Que s'est-il passé ensuite dans cette fascinante histoire de développement? C'est le Jour de la Terre, le 22 avril 2010, que le groupe de travail Canada-Nouvelle-Écosse sur l'île de Sable a recommandé aux gouvernements du Canada et de la Nouvelle-Écosse que l'île soit désignée en tant que parc national en vertu de la Loi sur les parcs nationaux du Canada. En comparant les deux types d'aires protégées fédérales, le groupe de travail en est venu à la conclusion que la désignation de parc national entraînerait un certain nombre d'avantages supplémentaires sur le plan de l'intérêt public.
Premièrement, en tant que parc national, l'île de Sable serait protégée et présentée dans le cadre d'un réseau national de parcs nationaux et reconnue comme l'un des principaux symboles culturels et naturels du Canada.
Deuxièmement, bien que les hydrocarbures extracôtiers demeureraient accessibles pour l'industrie, la désignation en tant que parc national entraîne une protection accrue contre l'exploitation et le développement de ressources non pétrolières se trouvant sous terre.
Ensuite, la désignation de parc national entend un effort de conservation et de préservation accru des ressources culturelles et archéologiques, autre facteur important.
Enfin, la diversité des objectifs de programme nécessaires dans un parc national, ce qui comprend la protection, l'expérience des visiteurs et la consultation des parties concernées, serait mieux servie si l'on maintenait une présence humaine constante dans l'île.
Dans sa conclusion, le groupe de travail a souligné que de nombreux secteurs associés à l'île de Sable ont découvert à quel point la population a à coeur l'avenir de l'île de Sable et s'y intéresse de près. Il est également ressorti de l'analyse réalisée par le groupe de travail que tous les secteurs veulent assurer un avenir renouvelé à l'île de Sable.
Cela correspond peut-être au but visé par le projet de loi S-15, un avenir renouvelé pour l'île de Sable.
En mai 2010, les deux gouvernements ont annoncé leur décision d'entreprendre des consultations et de négocier une entente pour la désignation et la protection de l'île de Sable en vertu de la Loi sur les parcs nationaux du Canada.
On pourrait se demander ce que le public a pensé de l'idée de faire de l'île de Sable un parc national. Il est important d'en tenir compte dans l'évaluation du bien-fondé du projet de loi S-15. Au cours de l'été 2010, Parc Canada a tenu à Halifax trois séances portes ouvertes auxquelles plus de 200 personnes ont assisté. Beaucoup ont pris le temps de discuter longuement avec le personnel de Parcs Canada et de présenter des mémoires, sur papier ou en ligne, et d'envoyer des courriels, des lettres et des messages téléphoniques pour répondre à la page Web, au bulletin de nouvelles et aux annonces de Parcs Canada.
Les députés seront étonnés d'apprendre que Parcs Canada a reçu plus de 2 800 réponses, y compris 235 mémoires détaillés. Comme Parcs Canada le fait remarquer dans son rapport sur ces consultations, le volume et la qualité des réponses obtenues témoigne du fort attachement que de nombreux Néo-Écossais et Canadiens de tous les coins du pays éprouvent pour cet endroit bien spécial. L'agence constate que « [l]’île de Sable et ses dunes de sable isolées occupent une place de choix dans le cœur et l’esprit des Canadiens ».
Les Néo-Écossais, chez qui j'ai mes racines, se sentent particulièrement proches de l’île de Sable, car elle a joué un rôle important dans leur histoire et dans leur imaginaire.
La passion et le grand intérêt que les Canadiens ont pour l'île de Sable étaient évidents dans les mémoires que Parcs Canada a reçus en provenance d'un peu partout au pays et même de l'étranger et dont les auteurs souscrivent à la création du parc national de l'île-de-Sable tout en exprimant leurs idées, leurs craintes et leur vision.
Quels sont les points de vue des Canadiens devant l'idée de faire de l'île de Sable un parc national? Qu'en pensent-ils?
Parcs Canada nous indique qu'en général, les Canadiens sont favorables à la proposition de faire de l'île un parc national. Ils pensent qu'il est important de maintenir l'intégrité écologique de l'île et de protéger ses ressources culturelles. Ils souhaitent qu'il soit possible de visiter l'île, mais en limitant les visites et en les gérant sagement. Ils veulent que soient offertes hors de l'île des activités d'interprétation pour les visiteurs. Les Canadiens souhaitent aussi que les ressources naturelles soient gérées prudemment, y compris le pétrole. Enfin, ils se soucient de la gestion des espèces sauvages, une question qui n'est certainement pas la moins importante.
Encouragés par l'appui reçu lors des consultations pour le projet visant à protéger l'île de Sable et à en faire un parc national, les fonctionnaires ont entrepris de négocier un protocole d'entente pour la création d'un parc national à l'île de Sable. La dernière étape de cette belle histoire a été la signature de l'accord établissant le parc national le 17 octobre 2011, par notre ministre de l'Environnement, responsable de Parcs Canada, et par M. Darrell Dexter, premier ministre de la Nouvelle-Écosse.
Le projet de loi S-15 vise à officialiser par une loi nombre d'éléments prévus dans l'accord de 2011 établissant le parc national, y compris des éléments très importants, que je vais rappeler.
Premièrement, tout forage serait interdit sur l'île de Sable elle-même et à l'intérieur de la zone située à moins d'un mille marin de l'île, en mer. Deuxièmement, les activités liées à l'exploitation pétrolière ne serait permise sur l'île que dans quatre cas très circonscrits et très précis. Enfin, l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers serait tenu de consulter Parcs Canada chaque fois qu'il envisagerait d'autoriser l'une des quatre activités très limitées en question.
Étant donné que la Nouvelle-Écosse continuera de s'intéresser à l'avenir de l'île, l'accord de création du parc prévoit également la formation d'un comité Canada-Nouvelle-Écosse pour permettre à la province de donner son avis concernant la gestion du parc national. De plus, Parcs Canada permettra à la Nouvelle-Écosse, dans des limites raisonnables, de continuer à mettre en oeuvre des programmes de surveillance de l'environnement, des changements climatiques, de la météo et des propriétés atmosphériques sur l'île de sable et d'y effectuer de la recherche scientifique.
Alors que nous terminons cette première étape de la démarche visant à assurer l'avenir de l'île de Sable, il est important de ne pas oublier les gens dont le dévouement à titre personnel et professionnel pour la cause de cette île nous permet de saisir cette merveilleuse occasion.
Je pense, par exemple, aux fonctionnaires de la Garde côtière canadienne, du Service météorologique du Canada et du Service canadien de la faune qui, pendant des années, ont veillé sur l'île de Sable pour nous.
Je songe également à certaines personnes et organisations, notamment à Zoe Lucas, qui est une résidente de longue date et la gardienne bénévole de l'île, de même qu'à la Green Horse Society et au Sable Island Preservation Trust.
Je pense en outre à la Nouvelle-Écosse et à des sociétés comme Exxon Mobil, qui ont agi dans l'intérêt public en accordant toujours la priorité à la conservation de l'île de Sable dans le cadre des activités qu'elles ont menées dans cette région.
J'invite la Chambre à remercier la Nouvelle-Écosse qui, le 10 mai dernier, a donné la sanction royale à son projet de loi visant à modifier les lois existantes afin d'interdire le forage. Il incombe maintenant à la Chambre des communes de terminer son travail afin que les deux gouvernements puissent voir à ce que leurs lois respectives entrent en vigueur et protéger enfin l'île de Sable par voie législative, conformément à la Loi sur les parcs nationaux.
Je voudrais aussi mentionner que Parcs Canada poursuivra sa collaboration avec les Mi'kmaq de la Nouvelle-Écosse.
En terminant, je tiens à dire que je suis très fier d'avoir pu prendre la parole pour appuyer le projet de loi S-15 et exprimer mon soutien à l'égard du nouvel élan que connaîtra l'île de Sable en tant que réserve de parc national, conformément à la Loi sur les parcs nationaux du Canada.