Monsieur le Président, j'aimerais tout d'abord souligner, comme je le fais d'habitude quand je me lève à la Chambre, que nous sommes sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin. Je remercie donc mes frères et soeurs algonquins de cette occasion de me lever sur leur territoire.
J'aimerais aussi mentionner que je partagerai mon temps de parole avec le député de Timmins—Baie James, qui est, à mes yeux, la quintessence du parlementarisme canadien.
Je remarque que le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires autochtones est tout à fait d'accord avec moi sur cette question.
Cette semaine, nous avons entendu parler de l'importance, pour le Canada, d'entamer un processus de réconciliation. La semaine a été intense pour un grand nombre de Canadiens, moi y compris. Il a été question de l'importance de prendre des mesures constructives pour remédier aux conséquences du colonialisme dans les communautés autochtones de l'ensemble du pays, puisque celui-ci a une incidence sur l'éducation, la santé, la protection de l'enfance, les débouchés économiques, la justice et j'en passe.
On a recommandé au gouvernement de rendre la société plus équitable et plus inclusive en améliorant les conditions sociales, sanitaires et économiques des peuples autochtones du pays. La première étape logique, à mon avis, consiste à corriger les lacunes du programme Nutrition Nord et à mettre en oeuvre une stratégie durable pour le Nord fondée sur les recommandations et les connaissances des gens qui y vivent.
L'utilisation des terres dans les collectivités du Nord a beaucoup changé au cours des 50 dernières années, et la plupart de ces changements ont été apportés par des habitants du Sud qui ont imposé leurs idées, leurs lois et leurs règlements. Or, la réalité des collectivités et des territoires du Nord est bien différente de celle des habitants du Sud. Les déplacements, la colonisation et la création d'une économie basée sur les salaires ont modifié de façon permanente l'utilisation des terres autochtones ainsi que les pratiques culturelles.
Les collectivités du Nord habitent des déserts alimentaires, c'est-à-dire des régions géographiques où l'accès à des aliments variés et nutritifs est limité. On y trouve plus d'aliments importés et préemballés que d'aliments traditionnels et sains, ce qui favorise le développement de maladies comme le diabète de type II.
La transition vers une économie basée sur les salaires fait en sorte qu'un grand nombre de personnes n'ont plus le temps de chasser, de pêcher ou de cueillir des baies et des herbes médicinales.
Pour trouver des solutions durables, souples et respectueuses aux problèmes auxquels se heurtent les localités nordiques, le gouvernement doit prêter l'oreille au savoir ancestral qui se transmet au moyen d'échanges avec les anciens, de récits locaux, de modèles culturels et de travaux de recherche menés par les communautés elles-mêmes.
Lorsque le ministère des Pêches et des Océans, par exemple, envoie une équipe dénombrer la population d'une espèce donnée, cette équipe doit écouter les habitants et mettre à profit le savoir des anciens pour bien s'acquitter de son travail. Le dernier dénombrement de bélugas à Quaqtaq, où je me trouvais il y a quelques semaines, remonte à 1985. En plus, il a été effectué à la mauvaise période de l'année: les bélugas avaient déjà migré.
Actuellement, les quotas de chasse reposent sur des études douteuses qui datent d'il y a 30 ans. La communauté veut que ses membres puissent s'alimenter par la chasse, mais elle n'a pas les coudées franches. Quaqtaq est une communauté très innovante qui effectue des travaux de recherche sur la culture hydroponique dans l'espoir de cultiver des légumes à l'intérieur, au 61e parallèle.
Quaqtaq sait ce qui s'impose pour assurer sa durabilité et répondre aux besoins de tous ses membres. J'invite le gouvernement à écouter cette communauté.
La semaine dernière, le ministre responsable du programme Nutrition Nord a fait preuve d'une méconnaissance flagrante du phénomène des changements climatiques lorsqu'il a dit, à la blague, qu'un climat plus chaud réduirait le coût des aliments dans le Nord. Il a également montré à quel point il comprend mal les problèmes qui sont au coeur de la crise alimentaire dans le Nord. La déstabilisation du climat à l'échelle mondiale a déjà changé la façon dont nous cultivons, récoltons et distribuons nos produits alimentaires. Il suffit d'un tout petit changement climatique imprévisible et inhabituel pour mettre en évidence l'extrême fragilité de nos systèmes alimentaires.
Pour l'instant, le modèle en vigueur n'est pas adapté aux changements climatiques catastrophiques qui compromettent les chaînes alimentaires, les régimes migratoires, les conditions de croissance et de récolte, et le transport sur les routes d'hiver. Les gens du Nord mettent à profit des connaissances qui datent de plusieurs milliers d'années pour savoir comment bien vivre avec le froid. Le gouvernement doit les écouter lorsqu'il disent que les changements climatiques influent sur la façon dont les gens vivent et nourrissent leur famille.
Lorsque la survie d'une communauté dépend du maintien des interactions subtiles entre les différents éléments de l'environnement, on ne peut se permettre, en aucun cas, de négliger le moindre détail, qu'il s'agisse du nombre de bélugas dans la baie d'Ungava, de la taille des hardes de caribous de la rivière aux Feuilles ou encore, de la contamination des eaux du Nord.
Malheureusement, les cultures traditionnelles du Nord sont en péril. La détérioration de l'environnement met en danger la flore, la faune et les eaux des territoires du Nord. La réduction de la biodiversité et des cours d'eau, attribuable en grande partie aux projets de développement, entraîne le déclin graduel de l'éthique traditionnelle qui harmonise la manière dont les Autochtones utilisent les terres avec la conservation de la nature. Quand les pratiques traditionnelles de gestion des terres sont abandonnées, les cérémonies cessent, la langue disparaît et, du même coup, le savoir écologique intrinsèque qui en découle. C'est pour cette raison que les Cris ont négocié la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Paix des Braves: pour que la connaissance de la terre et les droits autochtones inhérents soient reconnus et respectés.
Chaque année, les communautés cries profitent du congé de la chasse à l'oie, qui dure deux semaines au printemps. Pendant cette période, les écoles ferment et les conventions collectives protègent le droit des travailleurs de prendre congé. Tous les membres de la communauté vont dans les fourrés chasser l'oie sauvage. Ils dorment dans des camps, se racontent des histoires et enseignent aux enfants le savoir-faire traditionnel. Voilà un exemple de système alimentaire traditionnel adapté aux particularités culturelles. Le gouvernement devrait laisser les communautés lui indiquer la meilleure façon de soutenir ces activités.
Le congé de la chasse à l'oie est tellement connu que, lorsque j'étais au Nunavik, les Inuits m'ont demandé ce qu'il fallait faire pour instaurer un congé de la chasse au béluga. Je préconise l'élaboration d'un plan de développement durable du Nord qui se fonde sur le savoir des communautés nordiques et les solutions qu'elles proposent.
Les conservateurs ont aboli le programme Aliments-poste sans consultation avec les principaux gens concernés. Ils ont éliminé la subvention qui s'appliquait sur les produits non alimentaires, tels que les couches et les produits ménagers. Leur décision a eu un impact économique majeur sur les communautés. L'automne dernier, la ville de Val-d'Or a rappelé le rôle essentiel que Postes Canada joue dans sa communauté. Toute modification au programme doit inclure un retour à Val-d'Or à titre de plaque tournante pour le Nord.
Les gens ont faim dans le Nord. Nous devons répondre à cet appel des gens du Nord.